Le Collectionneur de timbres-poste - 15 septembre 1864 - Arthur Maury
Le Collectionneur de timbres-poste - 15 septembre 1864 - Arthur Maury L'édition du collectionneur de Timbres-Poste aura lieu de 1864 à 1968, plus de cent ans d'existence... Les articles d'Arthur Maury sont intéressants à lire, ses états d'ame, ses réglements de compte... Interruption d'octobre 1874 à janvier 1885
Le Collectionneur de timbres-poste - 15 septembre 1864 - Arthur Maury
L'édition du collectionneur de Timbres-Poste aura lieu de 1864 à 1968, plus de cent ans d'existence...
Les articles d'Arthur Maury sont intéressants à lire, ses états d'ame, ses réglements de compte...
Interruption d'octobre 1874 à janvier 1885
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— Déjà huit heures et <strong>de</strong>mie... Il n'arrive<br />
pas!...<br />
Et il recommençait à fourbir et à ranger ses armes.<br />
Enfin, après quelques instants d'une attente<br />
qu'il trompait <strong>de</strong> son mieux en s'occupant <strong>de</strong> détails<br />
d'une nécessité douteuse, il entendit dans<br />
l'antichambre un bruit <strong>de</strong> bottes dont la semelle<br />
les talons <strong>de</strong>vaient être d'une respectableépaisseur.<br />
La porte <strong>de</strong> sa chambre, s'ouvrant vivement,<br />
donna passage à un grand et beau garçon d'une<br />
trentaine d'années, à la figure intelligente et<br />
bonne, et portant un costume <strong>de</strong> chasseur, qui se<br />
Précipita, Ah1 en entrant.suruncanapé et s'écria :<br />
— mon ami, quelles voitures! Sans nul<br />
doute leurs coussins et leurs ressorts ont été assidûment<br />
fréquentés par dix générations <strong>de</strong> gens<br />
très-lourds, pour en être arrivés à cet incomparable<br />
<strong>de</strong>gré <strong>de</strong> dureté. Je suis littéralement moula.<br />
Ouf! je mérite bien le paradis qui m'attendait<br />
ICI,<br />
car les épreuves n'ont pas manqué pendant<br />
la route. Mais je fais trêve à mes doléances<br />
pour te dire combien je suis heureux <strong>de</strong> te<br />
voir et <strong>de</strong> te serrer la main.<br />
— Enfin te -,<br />
oità! Tu tardais tant que j'ai craint<br />
un moment que tu ne vinsses pas.<br />
— Moi, George d'Astley, ne pas venir ouvrir<br />
la chasse avec toi. Allons donc! Tu sais bien<br />
que cela ne m'est jamais arrivé. Mais assiedstoi<br />
donc là et causons. As-tu toujours cette<br />
ar<strong>de</strong>ur que je t'ai connue, et saint Hubert te<br />
compte-t-il encore au nombre <strong>de</strong> ses fervents<br />
a<strong>de</strong>ptes?<br />
— Toujours, mon ami, toujours. Seulement, tu<br />
te rappelles cette disposition a la rêverie, à la solitu<strong>de</strong>,<br />
dont vous vous moquiez, vous autres bons<br />
vivants; eh bien, mon cher, je m'aperçois, en<br />
avançant dans la vie, que bien décidément elle<br />
augmenteet forme le fond <strong>de</strong> mon caractère. Sous<br />
l'empire <strong>de</strong> certains sentiments, <strong>de</strong> souvenirs,<br />
d'affections dont les objets ont disparu, je me sens<br />
envahi par une espèce <strong>de</strong> tristesse douce qui, sans<br />
m'affecter péniblement, ne laisse pas cependant<br />
que <strong>de</strong> donner à mon humeur un rellet un peu<br />
trop mélancoliquepour ceux qui m'entourent, car<br />
ils s'en inquiètent,bien que je m'efforce<strong>de</strong> le leur<br />
dissimuler<br />
-<br />
du mieux que je peux.<br />
Ce cher Henri, il a toujours vécu par le<br />
coeur. Je te comprends, mais je ne t'imite pas. Et<br />
Pour dissiper cette fâcheuse disposition, secon<strong>de</strong>moi<br />
dans les préparatifs que nécessite la journée<br />
<strong>de</strong> <strong>de</strong>main. Mais d'abord laisse-moi fouiller un<br />
Çeu, sous ta direction, dans ton armoire <strong>de</strong> chasse.<br />
J'ai besoin <strong>de</strong> te questionner sur l'usage <strong>de</strong> certains<br />
outils employés à la confection <strong>de</strong>s cartouches;<br />
car tu as sacrifié au goût du siècle, toi : tu<br />
te sers <strong>de</strong> fusils à système... Mais qu'est-ce que<br />
Ç est que tous ces petits paquets <strong>de</strong> papiers symétriquement<br />
disposés et classés avec tant <strong>de</strong> soin ?<br />
— Ça, mon ami, ce sont mes reliques.<br />
— Explique-toi.<br />
— Si je parlais, peut-être serais-je repris <strong>de</strong> cette<br />
mélancolie dont tout à l'heure je te faisais l'aveu.<br />
— Tu piques ma curiosité. Bah! encore un accès,<br />
et <strong>de</strong>main les folies <strong>de</strong> l'ouverture dissiperont<br />
les nuages que ces confi<strong>de</strong>nces pourraient avoir<br />
fait nai're. Mon pauvre Henry, tu es trop impressionnable;<br />
mais je t'aime comme tu es, car jamais<br />
personne n'a souffert <strong>de</strong> ta sensibilité que loimême,<br />
et tu l'as fait avec une rare résignation.<br />
— Eli bien, puisque tu le veux, dit Henri presque<br />
avec joie, mets-toi là, près <strong>de</strong> moi, et procédons<br />
par ordre.<br />
Cette liasse me vient <strong>de</strong> mon père, qui, comme<br />
tu le sais, est mort contre-amiral. Au nombre<strong>de</strong>s<br />
lettres qu'elle renferme, il s'en trouve une écrite<br />
en 1840, et à lui adressée par le secrétaire du conseil<br />
<strong>de</strong> l'Amirauté qui lui annonce que la reine<br />
d'Angleterre lui accor<strong>de</strong> l'ordre du Bain en récompense<br />
<strong>de</strong> sa belle conduite à l'occasion du sauvetage<br />
d'unnavire anglaiset <strong>de</strong> tout son équipage,<br />
qu'ilparvint à arracher à une mort certaine en<br />
s'exposant lui-même, et à plusieurs reprises, aux<br />
plus grands dangers. <strong>Le</strong>s autres lettres proviennent<br />
<strong>de</strong> même source et m'ont été adressées par<br />
mon père durant les différentes stations qu'il fit<br />
dans les ports <strong>de</strong> l'Europe. Il était en Espagne <strong>de</strong><br />
1851 à 1854, en Prusse quelque temps après, puis<br />
à Livourne, enfin à Naples en 1860.<br />
Cette autre enveloppe renferme la correspondance<br />
<strong>de</strong> celui qui <strong>de</strong>vint plus tard mon beaupère.<br />
Tu sais que la presque totalité <strong>de</strong> sa fortune<br />
se trouvant engagée en Australie, il dut, au moment<br />
011 j'allais épouser sa fille, aller s'y établir<br />
pendant un an, sous peine <strong>de</strong> se voir ruiné complètement.<br />
Tu comprendras avec quelle anxiété<br />
j'attendais chacune <strong>de</strong> ces lettres lorsque tu sauras<br />
que M. Binghajn, dont tu connais le caractère<br />
inflexible, était résolu, ainsi qu'il me l'avait déclaré<br />
avant son départ, <strong>de</strong> ne donner suite à notre<br />
projet d'union que s'il conservait la situation qui<br />
nous avait permis <strong>de</strong> le former. Heureusement le<br />
voyage eut un résultatqui dépassa ses espérances,<br />
car il se trouva plus riche et voulut bien dès lors<br />
m'accor<strong>de</strong>r la main <strong>de</strong> celle qui fait le bonheur<br />
<strong>de</strong> ma vie.<br />
Je conserve ici les lettres que mon frère m'adressa<br />
durant son séjour à la Guyane anglaise, où<br />
l'avait al tiré son amour passionné pour la botanique.<br />
La flore <strong>de</strong> ce pays étant une <strong>de</strong>s plus riches<br />
du mon<strong>de</strong>, il avait absolument voulu le visiter.<br />
Nos efforts furent impuissantsà le détourner <strong>de</strong> ce<br />
projet, et il paya <strong>de</strong> sa vie ce besoin <strong>de</strong> science et<br />
<strong>de</strong> recherches qui avait été toujours sa passion<br />
dominante. Il fut enlevé par une <strong>de</strong> ces lièvres<br />
pernicieuses si communes dans ce pays, surtout<br />
dans les parties où l'humidité produit cette végétation<br />
luxuriante dont il voulait surprendre les secrets.