Le Collectionneur de timbres-poste - 15 septembre 1864 - Arthur Maury
Le Collectionneur de timbres-poste - 15 septembre 1864 - Arthur Maury L'édition du collectionneur de Timbres-Poste aura lieu de 1864 à 1968, plus de cent ans d'existence... Les articles d'Arthur Maury sont intéressants à lire, ses états d'ame, ses réglements de compte... Interruption d'octobre 1874 à janvier 1885
Le Collectionneur de timbres-poste - 15 septembre 1864 - Arthur Maury
L'édition du collectionneur de Timbres-Poste aura lieu de 1864 à 1968, plus de cent ans d'existence...
Les articles d'Arthur Maury sont intéressants à lire, ses états d'ame, ses réglements de compte...
Interruption d'octobre 1874 à janvier 1885
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Quant à ce paquet, il me vient d'un <strong>de</strong> ces IJéros<br />
ignorés, comme il y en a tant dans la phalange<br />
sacrée <strong>de</strong> l'Eglise militante :<br />
c'est la correspondance<br />
d'un missionnaire que son zèle apostolique<br />
poussa à aller catéchiserles peupla<strong>de</strong>s sauvagesqui<br />
entourent l'établissementanglaisdu Cap <strong>de</strong> Bonne-<br />
Espérance. Il n'est rien <strong>de</strong> meilleur, <strong>de</strong> plus indulgent<br />
que la morale <strong>de</strong> ce digne prêtre, et aussi<br />
rien <strong>de</strong> plus intéressant que ses relations <strong>de</strong><br />
voyage.<br />
, -<br />
A peine remis <strong>de</strong>s fatigues <strong>de</strong> cette pénible<br />
mission, il entreprit <strong>de</strong> civiliser, l'Evangile à la<br />
main, les habitants <strong>de</strong> la Nouvelle-Zélan<strong>de</strong>, ces<br />
terribles maories dont les Anglais s'efforcent en ce<br />
moment d'apaiser les révoltes sans cesse renaissantes.<br />
Mais ses forces ne furent pas à la hauteur<br />
<strong>de</strong> son courage, et il périt à la peine. Pauvre ami,<br />
quel cœur dévoué!<br />
En te parlant du contenu <strong>de</strong> ces pages, dont<br />
l'encre est à peine séchée, je rouyre une blessure<br />
encore saignante. Tu sais que mon oncle, le frère<br />
<strong>de</strong> ma mère, dont le cœur généreux était uni à<br />
une imagination ar<strong>de</strong>nte, avait pris du service<br />
dans l'armée du Sud-\mérique dès le commencement.<br />
<strong>de</strong> cette lutte héroïque. Il s'était dit que les<br />
hommes étant frères, il fallait soutenir le bon<br />
droit, nonpas seulement alorsqu'on y était personnellement<br />
intéressé, mais partout où il était audacieusement<br />
attaqué; et, animé <strong>de</strong> cette noble<br />
ar<strong>de</strong>ur pour le juste et le vrai, il était allé soutenir<br />
<strong>de</strong> ses connaissances militaires la cause <strong>de</strong>s<br />
confédérés. Pendant les <strong>de</strong>ux premières campagnes,<br />
nous eûmes assez régulièrement <strong>de</strong> ses nouvelles;<br />
mais sa correspondancecessa tout à coup,<br />
et nous apprîmes qu'il avait péri dans un combat<br />
où son régiment tout entier avait été anéanti. Il<br />
aimait ce pays pour l'avoir longtemps habité, car<br />
il était à peine revenu près <strong>de</strong> nous <strong>de</strong>puis quelques<br />
mois lorsqu'il repartit pour cette horrible<br />
guerre. Nous trouvâmes dans ses papiers <strong>de</strong>s lettres<br />
<strong>de</strong> notre bon missionnaire, pour lequel il avait<br />
la plus vive affection; elles sont datées <strong>de</strong> l'archipel<br />
harvaïen, une <strong>de</strong> ses nombreuses étapes évangéliques.<br />
Chaque fois que je touche cette enveloppe, j'éprouve<br />
une impression qui ressemble à un remords,<br />
car elle me rappelle un ami dont j'ai longtemps<br />
méconnu le noble cœur. Je l'accusais d'un acte<br />
indigne d'un homme d'honneur, et petit à petitje<br />
m'étais éloigné <strong>de</strong> lui après avoir vécu dans la<br />
plus affectueuse et cordiale intimité. Ces lettres<br />
qu'il me légua, car il avait <strong>de</strong>viné mes soupçons,<br />
contiennent la plus éclatante <strong>de</strong>s justifications;<br />
bien plus, elles me donnèrent la preuve qu'il avait<br />
eu le courage <strong>de</strong> laisser planer <strong>de</strong>s doutes sur son<br />
honorabilité plutôt que <strong>de</strong> trahir un secret d'où<br />
pouvait dépendre le bonheur et peut-être la vie<br />
d'un <strong>de</strong> ses parents qui, d'ailleurs,ignora toujours<br />
ce dévouement. Mais voulant échapper à une situation<br />
que lui seul pouvait juger sainement, il<br />
mit le comble à son abnégation en s'expatriant;<br />
et quoique aimant son pays avec passion, il le<br />
quitta pour aller habiter le Pérou, où il mourut<br />
quelques années après. Il va sans dire que ses confi<strong>de</strong>nces<br />
à l'époque <strong>de</strong> sa moit, et même quelque<br />
temps auparavant, ne pouvaient plus compromettre<br />
personne,sans cela je ne doute pas qu'il n'eût<br />
emporté son secret avec lui.<br />
Grâce au ciel, ce volumineux paquet <strong>de</strong> lettres<br />
n'évoque en moi que <strong>de</strong>s souvenirs joyeux et agréables;<br />
c'est la correspondance, en cours d'exécution,<br />
du frère <strong>de</strong> ma femme, le meilleur garçon et<br />
le plus gai compagnon qui se puisse rencontrer. Il<br />
a déjà quinze ans <strong>de</strong> service, et c'est <strong>de</strong> tous les<br />
lieutenants <strong>de</strong> vaisseau celui qui certainement a<br />
le plus d'envie <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir capitaine <strong>de</strong> frégate. Il<br />
y parviendra bientôt,je l'espère,car il est toujours<br />
en mer; et ne crois pas que ses voyages soient <strong>de</strong><br />
simples promena<strong>de</strong>s : il a passé <strong>de</strong>ux ans à Buenos-Ayres,<br />
puis, doublant le cap Horn, son navire<br />
est allé faire escale à Manille; c'est <strong>de</strong> là qu'avec<br />
<strong>de</strong>s lettres intéressantes et pleines d'entrain, il<br />
m a envoyé les excellents cigares dont tu as entre<br />
leslèvres un échantillon, enfin l'état du Turenne,<br />
qu'il montait, ayant nécessité quelques réparations,<br />
on dut, en revenant en France, s'arrêter à<br />
l'île <strong>de</strong> la Réunion. Il utilisa son séjour à Saint-<br />
Denys et nous rapporta certains papiers très-importants<br />
pour nous, provenant <strong>de</strong> la succession<br />
d'une tante qui habitait ce pays, et dont le testament,<br />
très-ambigu, avait donné lieu à une correspondance<br />
acerbe entre <strong>de</strong>ux notaires <strong>de</strong> la colonie.<br />
Il est vraiment fort heureux qu'il ait eu la pensée<br />
<strong>de</strong> joindre ces lettres au dossier, car elles font<br />
voir cette affaire sous un jour nouveau et tout à<br />
fait à notre avantage.<br />
Mais je ne veux pas plus longtemps abuser <strong>de</strong><br />
ta patience, je finirai ma trop longue énumération<br />
en te parlant <strong>de</strong> ces petits chiffons <strong>de</strong> papier qui<br />
contiennent la correspondance enfantine <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />
<strong>de</strong> mes neveux, qui sont <strong>de</strong>s hommes aujourd'hui,<br />
et dont l'un habitait Genève avec sa mère et l'autre<br />
un établissement d'éducation d'une ville voisine.<br />
<strong>Le</strong>s épanchements <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux bons petits<br />
cœurs, encouragés par les parents à cet échange<br />
<strong>de</strong> témoignages d'allection, sont <strong>de</strong> mignons chefsd'œuvre<br />
<strong>de</strong> style épistolaire dans le genre naïf,<br />
aussi me proposé-je <strong>de</strong> les donner comme modèles<br />
à mes enfants, quand ilsseronten âge <strong>de</strong> les comprendre.<br />
Voilà, mon cher George, le résumé d'une<br />
partie <strong>de</strong> mes reliques qui, tout résumé qu'il est,<br />
a dû te sembler bien long.<br />
— Non, ma foi, je te jure. Tu as une manière<br />
<strong>de</strong> présenter les choses qui fait que plus on t'entend<br />
plus on t'apprécie. C'est du moins l'impression<br />
que j'ai ressentie en t'écoutant.<br />
— Ce bon George!<br />
— Mais dis-moi, sais-tu ce qui m'occupe dans