Le Collectionneur de timbres-poste - 15 septembre 1864 - Arthur Maury

serait facile d'intercaler des feuilles qui, couvertes
de ces charmants spécimens, devraient satisfaire
les plus difficiles, loin de leur faire l'effet d'une
tête de Méduse; car on pourrait dire,avec une
forte variante qui détruit l'antithèse :
qu'ils n'avaient mérité
Ni cet excès d'horreur ni cette indignité.
Pourquoi proscrire, en effet, ces œuvres
d'artistes de talent dont les compositions, si
elles ne sont pas entièrement satisfaisantes, contiennent
presque toujours des parties réussies
lui, utilisées plus tard, peuvent alors produire
des types complets? Rien ne serait plus injuste
que cette exclusion; car l'essai est au timbre ce
que l'ébauche est au tableau ; c'est la pensée
première du graveur à laquelle il fait quelquefois
subir des modifications, mais qui reste,
sous sa forme originale, un monument extrêmement.
intéressant pour tous ceux" qui s'occupent
de ce genre de collection. Et si, par bonheur,
l'exécution d'un timbre est mise au concours,
n'est-il pas d'une importance capi:ale, pour un
amateur épris de son album, de s'efforcer de l'enrichir
de quelques-uns de ces types arrachés souvent
avec des peines infinies à leurs auteurs, qui
craignent toujours la publicité, dans le cas où le
timbre proposé par eux ne serait pas admis. En
somme, oir peut dire que l'essai et le timbre
sont indissolublementliés l'un à l'autre; ce deux sont
anneaux d'une même chaîne que rien ne
doit pouvoir séparer.
Tel amateur de gravures fait souvent des folies
pour se procurer une épreuve à moitié terminée,
où tel accessoire manque, où tel personnage est
représenté dans une autre attitude que dans les
épreuves ordinaires. De pareilles aubaines sont
considérées comme des trouvailles inespérées et
font la joie des amateurs passionnés. Pourquoi
n'en serait-il pas de même pour les essais? Ils
méritent certes bien une recherche particulière ;
la meilleure preuve, d'ailleurs, de l'importance
qu'on leur reconnaît malgré leurs détracteurs,
c'est le haut prix auquel ils se maintiennent.
On peut diviser les essais en deux catégories.
L'une comprend lesessaisde types ou timbres proposés,
provenantou non d'un concours.
L'autre se compose des essais de couleur pour
les timbres officiellement adoptés.
Chacune de ces catégories a un genre d'intérêt
qui lui est propre. La diversité que l'on rencontre
dans les types de la première est particulièrement
séduisante ; la rareté des exemplaires ajoute
encore à leur valeur, les graveurs n'en faisant
tirer d'ordinaire qu'un très-petit nombre. Indépendamment
des spécimens dont il vient d'être
question, il existe encore, dans quelques albums
privilégiés, des essais obtenus à l'aide du frottement
de l'ongle sur le papier, alors que la planche
n'est pas encore terminée. C'est à l'artiste luimême
que l'on doit ces curieuses épreuves qu'il
ne tire que pour juger du degréd'avancement et
du mérite de son œuvre. Nous n'avons pas besoin
d'insister sur la rareté de pareils exemplaires.
C'est donc en résumé dans cette catégorie que se
trouvent les essais les plus précieux et les plus
recherchés. Ils sont d'ordinaire tirés en noir.
Ceux que nous mettons en seconde ligne ont
bien aussi leur mérite. Ils sont destinés fi passer
sous les yeux d'un comité 011
d'un fonctionnaire
chargé d'assigner tl chaque valeur sa couleur particulière.
Ces essais, nous arrivant avec la sanction
officielle, tirent de cette circonstance une
nouvelle valeur à laquelle vient se joindre la variété
des nuances sur des exemplaires généralement
d'un prix unique. Ces diverses considérations
donnent à ces épreuves un certain cachet
d'étrangeté, que les palais blasés des riches amateurs
recherchent comme un mets de haut goût et
dont ils se montrent très-friands.
Enfin, mentionnons aussi les feuilles tirées par
les imprimeurs pour essayer leurs couleurset dans
lesquelles se rencontrent aussi quelquefois de
très-belles épreuves.
Nous devons ajouter que nous n'avons voulu
dans ce qui précède qu'énoncer des faits généraux;
rien d'absolu en cette matière, où les règles
ne marchent qu'avec un nombreux cortége d'exceptions.
Maintenant, nous recommandons tout particulièrement
aux amateurs la plus grande circonspection
dans le choix des essais. Ils devront se
garder d'admettre dans leur album des énormités
telles que les fcic-simile coupés dans les
journaux et les revues (bien que certains collègues.
qui pourtant ont bonne opinion de leur jugement,
en fassent figurer quelques exemplaires
dans leurs collections); s'abstenir aussi, s'ils rencontrent
des lithographies sans importance où
souvent même la légende n'est pas écrite dans la
langue du pays auquel ils sont destines. Nous
conseillons, bien entendu, l'exclusion absolue des
photographies dont nous avons vu un échantillon
dans un illustre album anglais à la page d'Honolulu.
On ne nous fera pas l'injure de croire que
nous accordons la moindre confiance aux produits
que la chimie nous livre chaque jour et qui
ont pour résultat le changement plus ou moins
complet de la couleur des timbres:il est à propos
de n'accueillir qu'après mûr examen ces essais de
couleurs.On s'est encore efforcé de faire admettre,
au nombre des essais, de petites images tirées sur
papier coloré et préparé de telle sorte qu'un pinceau
enduit d'une substance chimique devait, en
changeant la couleur, remplacer l'oblitération.
Essai de papier, soit ; mais essai de timbre, non.
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