Spectrum #1 2018
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DOSSIER<br />
L'économie dans la politique, un jeu ?<br />
Les lobbys sont des syndicats, des fondations, des associations ou encore des entreprises.<br />
Bien qu’intrinsèquement liés à l’histoire politique, leur pouvoir au Parlement est régulièrement<br />
critiqué. Interview d’Oskar Freysinger.<br />
CERISE DROMPT<br />
Une initiative parlementaire, lancée<br />
le 25 janvier, projette de restreindre<br />
l’accès au Palais fédéral des représentants<br />
d’intérêts au nombre d’un par parlementaire.<br />
Ces représentants seront, de plus,<br />
soumis à la politique de transparence :<br />
leur mandat et employeur s’inscriraient<br />
désormais dans un registre consultable<br />
par tous. Objectif ? Offrir plus de transparence<br />
en matière de Lobbyisme à l’Assemblée<br />
Fédérale. En tant qu’ex-parlementaire<br />
ayant siéger 12 ans au Conseil<br />
National, Mr. Oskar Freysinger revient<br />
sur son expérience pour nous dévoiler<br />
les rouages d’une machine politique usée<br />
par l’activisme des lobbys. Interview.<br />
C’est le manque de transparence,<br />
plus que les pratiques, qui doit être<br />
contesté<br />
– Les lobbys et les liens d’intérêt des parlementaires<br />
ne sont pas problématiques<br />
tant que la transparence est garantie. Selon<br />
l’adage « celui qui paie commande »,<br />
la réelle faiblesse du système se résume<br />
au montant perçu par chaque parlementaire<br />
qui accède à l’un de ces conseils.<br />
Bien que les liens d’intérêt officiels soient<br />
inscrits dans un registre rendu public<br />
(ndlr. Ils sont aussi consultables sur Lobbywatch.ch),<br />
la rémunération, véritable<br />
nœud du problème, reste cachée.<br />
La Suisse, modèle de démocratie, figure<br />
parmi les pays où l’influence des<br />
lobbys est la moins réglementée<br />
– La fondation Genie Suisse parle de ce<br />
système comme d’une légalisation de la<br />
corruption. Car, d’un point de vue légal,<br />
il n’y aucun souci dans le fait de cumuler<br />
les conseils d’administration. Certains<br />
parlementaires en cumulent jusqu’à 50 !<br />
Mais, en sachant qu’accéder à un conseil<br />
d’administration dans un grand lobby,<br />
type pharma, signifie pour le parlementaire<br />
quelques 150'000 à 300'000 francs<br />
de revenu annuel, comment ne pas<br />
douter de sa ferveur à défendre l’intérêt<br />
commun avant ceux du lobby qui le rémunère<br />
?<br />
Accéder au Conseil d’Administration.<br />
Est-ce consentir aux menottes ?<br />
– Siéger dans des conseils d’administration<br />
peut être une activité bénévole, qui<br />
dans ce cas ne me semble pas dangereuse.<br />
Ce qui m’inquiète, c’est que l’on<br />
puisse consentir à des rémunérations<br />
de l’ordre de centaines de milliers de<br />
francs, sans contrôle ni transparence.<br />
Pour vous donner un exemple concret,<br />
il m’est arrivé de discuter avec un parlementaire<br />
à propos d’une mention que<br />
je déposais à ce moment-là. Celui-ci a<br />
fini par admettre qu’il adhérait idéologiquement<br />
à ma mention, mais qu’il ne<br />
pouvait la signer en me pointant, sur<br />
une liste papier, ses différents liens d’intérêts<br />
qui l’en « empêchaient ». Autre<br />
anecdote, le membre d’un groupe parlementaire<br />
s’est déjà fait exclure par les<br />
membres de son propre parti pour avoir<br />
systématiquement voté contre le lobby<br />
représenté. Et je ne doute pas d’une récurrence<br />
de la logique.<br />
L’effet verrou ou l’atout du Conseil<br />
des États<br />
– Il suffit aux lobbys d’avoir suffisamment<br />
de conseillers aux Etat (ndlr. Ils<br />
sont à peu près deux fois moins par<br />
commission que les conseillers nationaux)<br />
sur leur paylist pour obtenir une<br />
minorité de blocage et ainsi scier les<br />
projets litigieux à leurs yeux. Je peux<br />
donner l’exemple de la Commission<br />
de la sécurité sociale et de la santé publique<br />
qui équivalait, en réalité, à une<br />
réunion du conseil d’administration<br />
de Santé Suisse (ndlr. Lobby des assurances).<br />
En effet, la majorité des conseillers<br />
aux Etats de la Commission siégeant<br />
aux conseils d’administration de Santé<br />
Suisse barraient systématiquement<br />
toute politique en matière de santé qui<br />
allait à l’encontre des intérêts du lobby.<br />
Une motion que j’ai proposée souhaitait<br />
limiter le nombre de représentants d’un<br />
même lobby au sein de chacune des<br />
commissions, afin d’éviter tout effet de<br />
blocage. Evidemment, elle a été rejetée.<br />
Cette initiative, qu’en penser ?<br />
– Une des premières motions que j’ai<br />
déposée au Parlement se voulait instaurer<br />
une politique de transparence au<br />
sujet des rémunérations totales perçues<br />
par les parlementaires. Le Conseil National,<br />
qui plus est la gauche et à mon<br />
étonnement l’UDC, l’avait acceptée. Elle<br />
n’est évidemment pas passé auprès du<br />
Conseil des Etats pour les raisons que<br />
l’on imagine. L’initiative lancée par Didier<br />
Berberat est louable mais je ne parierais<br />
par sur sa réussite. Je pense que le<br />
blocus des lobbys imposera à nouveau<br />
son autorité.<br />
Attention, l’interview n’est pas terminé ! Pour continuer ta lecture,<br />
nous t’invitons à consulter notre page web : student.unifr.ch/spectrum/<br />
© Photo : Parlementaire.ch<br />
10 02-03.<strong>2018</strong>