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l’État : « La solution libérale ne tient pas la

route, bien que cette position soit très populaire.

Elle réussit à faire croire qu’elle

est la plus raisonnable et que l’État est

inefficace par définition. Or c’est faux,

car le marché n’a jamais su se mettre des

limites », affirme François Gauthier. Il explique

que le principal objectif des entreprises

étant de faire du profit, elles ne feront

pas d’elles-mêmes des choix qui leur

enlèveraient ces gains et qui nuiraient à

leurs actionnaires. C’est pourquoi les

entreprises auraient besoin de normes

strictes de l’État pour amorcer un changement

: « Il n’y a jamais eu de gain social

ou écologique qui n’ait été le produit

de mobilisations sociales entérinées par

l’État », avance le professeur Gauthier.

Laura Illia, professeure à la faculté des

Sciences économiques et sociales et du

Management, avance quant à elle : « Il est

vrai que ces dernières années il y a eu un

pushing des individus, mais cela ne signifie

par pour autant que les entreprises ont

moins de responsabilité d’un point de vue

environnemental. Aussi, la responsabilité

des entreprises est destinée non seulement

aux actionnaires, mais à toutes les autres

parties prenantes également. »

Les entreprises ont-elles un devoir de

transparence ?

De nos jours, on ne va pas sans savoir

que de nombreuses entreprises usent et

abusent du greenwashing, voire de l’autocréation

de normes environnementales.

Là où le greenwashing est un procédé

marketing utilisé par une entreprise

dans le but de se donner une image de

responsabilité écologique trompeuse,

les normes environnementales quant à

elles visent à assurer le respect de l’environnement.

Malheureusement, ces dernières

sont souvent créées par les entreprises

elles-mêmes qui adaptent lesdites

normes de manière à s’autoattribuer

leurs propres labels pour se donner une

meilleure image.

Face à ce constat, on est alors en droit de

se poser la question suivante : quelle est

la responsabilité de transparence et d’authenticité

des entreprises en matière environnementale

? « Aujourd’hui, il y a de

nombreuses réglementations internationales

auxquelles les entreprises doivent

se plier. L’idée est de donner un standard

à suivre qui soit comparable pour les entreprises

et qui assure la transparence »,

explique la professeure Laura Illia.

François Gauthier, professeur en Lettres

et Sciences humaines

Néanmoins, François Gauthier fait remarquer

que dans l’absolu il n’y a pas de vérification

du respect de ces normes : « C’est de

l’angélisme que de prétendre qu’il faut que

les entreprises soient responsables… c’est

comme de dire qu’il faut que les humains

soient bons ! Nous savons que tous les êtres

humains ne sont pas bons et il en va de

même pour les entreprises », souligne-t-il.

D’où la nécessité, selon lui, de mesures coercitives

de l’État. « Il faut prendre conscience

que les libéraux·ales ne sont pas réalistes,

ils·elles sont au contraire utopistes de penser

que le marché peut se réguler tout seul»,

soutient l’enseignant.

Quelles solutions seraient-elles envisageables

?

Quels seraient les moyens pour obliger

les entreprises et les États à être plus responsables,

voire à devenir des leaders dans

l’action en faveur du climat ? Selon Laura

Illia, les gouvernements ont la responsabilité

de faire pression sur tous les types

d’acteur·rice·s concerné·e·s par le développement

durable et l’environnement : « La

responsabilité ne revient pas qu’aux entreprises.

Les moyens d’y parvenir peuvent

être multiples, à commencer par l’établissement

d’un programme sur la durabilité

Laura Illia, professeure en Sciences économiques

et sociales et du Management

et l’investissement dans la recherche dans

le domaine environnemental. » Selon l’enseignante,

les obligations et les sanctions ne

sont pas les seuls moyens pour encourager

une entreprise à se responsabiliser : « Soit

on oblige et on sanctionne, soit on crée une

culture ! », s’exclame-t-elle avant d’ajouter :

« On ne devrait pas seulement travailler

avec des sanctions, mais avec l’instauration

de politiques compensatoires internes à

l’entreprise et l’éducation des manageur·e·s.

C’est ainsi qu’on assure la responsabilité sociale

et la durabilité. »

François Gauthier approuve la nécessité

d’un changement de culture et la

place importante que doit occuper le·la

citoyen·ne : « Il ne faut pas oublier que

l’État existe précisément pour exprimer la

volonté des citoyen·ne·s, et encore plus en

démocratie directe », rappelle-t-il. « Il ne

s’agit pas seulement de sanctionner, mais

de provoquer et de diriger un changement

profond qui ne se fera pas sans lui, et certainement

pas en se fiant aux compagnies privées

et aux seules volontés individuelles. Il

faut établir des mesures inspirées par les citoyen·ne·s

et appliquées par l’État au travers

de moyens d’impositions et de régulations

environnementales », conclut-il. P

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