Spectrum_3_2020
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l’État : « La solution libérale ne tient pas la
route, bien que cette position soit très populaire.
Elle réussit à faire croire qu’elle
est la plus raisonnable et que l’État est
inefficace par définition. Or c’est faux,
car le marché n’a jamais su se mettre des
limites », affirme François Gauthier. Il explique
que le principal objectif des entreprises
étant de faire du profit, elles ne feront
pas d’elles-mêmes des choix qui leur
enlèveraient ces gains et qui nuiraient à
leurs actionnaires. C’est pourquoi les
entreprises auraient besoin de normes
strictes de l’État pour amorcer un changement
: « Il n’y a jamais eu de gain social
ou écologique qui n’ait été le produit
de mobilisations sociales entérinées par
l’État », avance le professeur Gauthier.
Laura Illia, professeure à la faculté des
Sciences économiques et sociales et du
Management, avance quant à elle : « Il est
vrai que ces dernières années il y a eu un
pushing des individus, mais cela ne signifie
par pour autant que les entreprises ont
moins de responsabilité d’un point de vue
environnemental. Aussi, la responsabilité
des entreprises est destinée non seulement
aux actionnaires, mais à toutes les autres
parties prenantes également. »
Les entreprises ont-elles un devoir de
transparence ?
De nos jours, on ne va pas sans savoir
que de nombreuses entreprises usent et
abusent du greenwashing, voire de l’autocréation
de normes environnementales.
Là où le greenwashing est un procédé
marketing utilisé par une entreprise
dans le but de se donner une image de
responsabilité écologique trompeuse,
les normes environnementales quant à
elles visent à assurer le respect de l’environnement.
Malheureusement, ces dernières
sont souvent créées par les entreprises
elles-mêmes qui adaptent lesdites
normes de manière à s’autoattribuer
leurs propres labels pour se donner une
meilleure image.
Face à ce constat, on est alors en droit de
se poser la question suivante : quelle est
la responsabilité de transparence et d’authenticité
des entreprises en matière environnementale
? « Aujourd’hui, il y a de
nombreuses réglementations internationales
auxquelles les entreprises doivent
se plier. L’idée est de donner un standard
à suivre qui soit comparable pour les entreprises
et qui assure la transparence »,
explique la professeure Laura Illia.
François Gauthier, professeur en Lettres
et Sciences humaines
Néanmoins, François Gauthier fait remarquer
que dans l’absolu il n’y a pas de vérification
du respect de ces normes : « C’est de
l’angélisme que de prétendre qu’il faut que
les entreprises soient responsables… c’est
comme de dire qu’il faut que les humains
soient bons ! Nous savons que tous les êtres
humains ne sont pas bons et il en va de
même pour les entreprises », souligne-t-il.
D’où la nécessité, selon lui, de mesures coercitives
de l’État. « Il faut prendre conscience
que les libéraux·ales ne sont pas réalistes,
ils·elles sont au contraire utopistes de penser
que le marché peut se réguler tout seul»,
soutient l’enseignant.
Quelles solutions seraient-elles envisageables
?
Quels seraient les moyens pour obliger
les entreprises et les États à être plus responsables,
voire à devenir des leaders dans
l’action en faveur du climat ? Selon Laura
Illia, les gouvernements ont la responsabilité
de faire pression sur tous les types
d’acteur·rice·s concerné·e·s par le développement
durable et l’environnement : « La
responsabilité ne revient pas qu’aux entreprises.
Les moyens d’y parvenir peuvent
être multiples, à commencer par l’établissement
d’un programme sur la durabilité
Laura Illia, professeure en Sciences économiques
et sociales et du Management
et l’investissement dans la recherche dans
le domaine environnemental. » Selon l’enseignante,
les obligations et les sanctions ne
sont pas les seuls moyens pour encourager
une entreprise à se responsabiliser : « Soit
on oblige et on sanctionne, soit on crée une
culture ! », s’exclame-t-elle avant d’ajouter :
« On ne devrait pas seulement travailler
avec des sanctions, mais avec l’instauration
de politiques compensatoires internes à
l’entreprise et l’éducation des manageur·e·s.
C’est ainsi qu’on assure la responsabilité sociale
et la durabilité. »
François Gauthier approuve la nécessité
d’un changement de culture et la
place importante que doit occuper le·la
citoyen·ne : « Il ne faut pas oublier que
l’État existe précisément pour exprimer la
volonté des citoyen·ne·s, et encore plus en
démocratie directe », rappelle-t-il. « Il ne
s’agit pas seulement de sanctionner, mais
de provoquer et de diriger un changement
profond qui ne se fera pas sans lui, et certainement
pas en se fiant aux compagnies privées
et aux seules volontés individuelles. Il
faut établir des mesures inspirées par les citoyen·ne·s
et appliquées par l’État au travers
de moyens d’impositions et de régulations
environnementales », conclut-il. P
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