Texte Manon Savary et Lara DiserensIllustration Anaïs BalmonPhoto Sofian YounesCe que nous laisserons ànos enfantsAu-delà des mœurs sociales changeantes, la question dela procréation résonne aujourd’hui d’un point de vue écologique.Est-il sage de faire des enfants en pleine crise climatique? Réponses mitigées.6 spectrum 09.20
« Est-ce que tu veux des enfants ? » Laréponse est souvent tellement personnellequ’il est difficile d’en faire unegénéralité. Pourtant, les enfants ontlongtemps été considéré·e·s commeune suite logique de la vie de couple.Or dans le contexte de la crise climatique,la question natale donne lieu àde vifs débats. Sachant que l’ONU estimeà 9,8 milliards le nombre d’êtreshumains présents sur Terre en 2050,certain·e·s estiment que renoncer àla procréation relève du militantismeécologique. En effet, selon le Grouped’experts intergouvernemental surl’évolution du climat (GIEC), le meilleurmoyen de réduire son empreintecarbone est d’avoir un enfant en moins.La question est donc la suivante : estilsouhaitable de faire des enfants enpleine crise climatique ? Réponses desix jeunes Suisses.Un avenir incertainSi tou·te·s les jeunes interviewé·e·s sedisent concerné·e·s par la question écologique,d’autres facteurs rentrent enjeu dans leur décision de vouloir ou nonprocréer. Rébecca, 19 ans, étudiante enLettres à l’Université de Genève, confieque la responsabilité d’un enfant et lefait d’avoir moins de temps pour ellesont des éléments qui ne la tentent pas.On note ainsi que la question écologiquen’est pas forcément l’élément leplus déterminant dans la décision defaire ou ne pas faire d’enfant.Ceci dit, la crise climatique ne les laissepas pour autant indifférent·e·s. Henri,apprenti dessinateur en génie civil,âgé de 20 ans, prédit un avenir incertainpour l’humanité : « En observantl’évolution de l’environnement et ensachant que ça empire, je n’imaginepas comment cela sera plus tard. Je nevivrai sûrement pas ma vieillesse dansun milieu stable, alors je ne veux pasinfliger ça à la jeunesse », déclare-t-il.Charlotte, 21 ans, étudiante en Lettresà l’Université de Lausanne, partage lesmêmes craintes pour la qualité de viedes générations futures : « J’ai peur quesi j’ai des enfants, ils ou elles ne connaîtrontpas les choses simples que j’ai aimées.Il ne sera peut-être plus possiblede voyager, d’aller skier ou simplementde se baigner dans un lac. Je n’ai pasenvie que mes enfants aient une vieoù ils ou elles doivent se restreindre »,affirme-t-elle.Pour Audrey Suter, la perspective d’une générationfuture est un argument fort en faveur del’écologie.La relève du futur ?Audrey Suter, étudiante en médecine, âgée de21 ans, considère que la procréation est constitutivede la nature humaine. Selon elle, la relèvegénérationnelle contribuera à trouver dessolutions pour l’avenir : « Je trouve plus égoïstede ne pas faire d’enfant pour profiter à fondtout·e seul·e en polluant un max que de fairedes enfants. Quitter l’aventure maintenant seraitlâche, c’est à nous de sauver la planète »juge-t-elle avant de poursuivre « Moi, je suis ducôté des humains. Renoncer à eux au nom de laplanète, c’est renoncer à la vie. » Pour Audrey,la perspective d’une génération future est unargument fort en faveur de l’écologie. Un autrejeune partage son point de vue : « La scienceessaie de se développer d’un point de vue plusécologique et je pense qu’il est possible d’espérerque des solutions à la surpopulation ouà l’écologie soient trouvées prochainement »,estime David, 21 ans et suivant une formationd’informaticien au CPNV.Transmettre, mais autrementLa transmission des valeurs est-elle forcémentsynonyme de procréation ? « On est trop ! »s’exclame Marie Oesch, étudiante en Master dedurabilité à l’Université de Lausanne : « Celane sert à rien de faire des enfants dans l’espoirde sauver le monde. Plus on sera, plus lesressources seront limitées, et pire sera la criseécologique. » Aussi la jeune femme préfère-tellerenoncer à la procréation pour préserverla planète : « Mon mode de vie et ma classesociale me permettent d’avoir le choix. Entant que femme blanche privilégiée issue de labourgeoisie de la Côte, je préfère renoncer àdonner la vie pour laisser la place aux gens quin’ont pas le choix d’y renoncer, ou qui en ontvraiment envie », confie-t-elle.Ainsi, Marie considère que la résolution de lacrise climatique tient davantage à l’éducationécologique des futures générations qu’à la procréationen elle-même. L’étudiante estime quele système éducatif doit prendre un nouveautournant pour évoluer de manière favorable auclimat et casser la transmission des vieux schémas.« Arrêtons d’infantiliser les enfants. Laissonsplace à leur intuition, intégrons-les au dialogue,donnons-leur la parole. C’est en agissantqu’ils et elles apprendront. Le rôle des adultesest de montrer l’exemple pour par la suite leurlaisser la main », affirme-t-elle. L’étudiantedonne pour exemples les écoles Montessori etLa Bicyclette, des méthodes pédagogiques alternativesqui prônent une éducation plus libreet proche de la nature.«Cela ne sert àrien de faire desenfants dans l’espoirde sauver lemonde.»Marie OeschÉduquer plutôt que procréer, c’est l’idée défenduepar le collectif américain Ginks, ouGreen Inclination No Kids. « Le meilleurmoyen de venir à bout du problème du réchauffementclimatique serait de réduirela population mondiale de 500 millions depersonnes d’ici à 2050 », avance Lisa Hymas,autrice du manifeste de Ginks. Ainsi, le collectifécologique suggère de privilégier l’adoption àla procréation, ce qui constituerait une solutionintermédiaire entre les différentespositions. PPour en savoir plus :www.montessori-suisse.chwww.labicyclette.ch09.20spectrum7