Spectrum_3_2020
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épuisée. Sachant que la majorité des activités
humaines reposent sur ce dernier, il
est fortement probable que le PIB mondial
se trouve à son tour divisé par deux.
« Cela aura pour conséquence de creuser
encore plus les inégalités sociales », prédit
Couzinier. « De plus, les pays ne pourront
plus que compter sur leurs propres
ressources et éventuellement sur celles
de leurs voisins », ajoute-t-il.
Des causes climatiques
À côté de la question des ressources, la collapsologie
prévoit également un effondrement
climatique, puisque des changements
environnementaux drastiques sont annoncés
pour les décennies à venir. Depuis le
début de l’anthropocène, la température
globale a déjà augmenté de 1,15°C et des différences
climatiques se font déjà ressentir,
comme les canicules estivales de ces dernières
années. À partir d’un réchauffement
de 2 à 3°C, des scientifiques prévoient que
certaines régions de la Terre, dont notamment
l’Asie du Sud-Est, seront touchées
par des vagues de chaleur mortelles :
« Lorsqu’il y a trop d’humidité dans l’air
combinée à des chaleurs extrêmes, notre
corps n’est plus capable de se refroidir par la
transpiration, ce qui conduit petit à petit à la
destruction des organes », explique l’expert.
Il ajoute que « cela mènera soit à la mort
des populations touchées, soit à leur migration.
» Dans son article Draught under
global warming, le scientifique Aiguo Dai
discute des changements de pluviométrie
à prévoir ainsi que de leurs effets. On y
apprend que ceux-ci engendreront dans
certaines régions du monde des conditions
de sécheresse comparables au Dust
Bowl des années 30, et ce sans compter
la montée des eaux qui rendront d’autres
terres inhabitables. Ainsi pour Adrien Couzinier,
le constat est sans équivoque : « Soit
on ruine l’économie maintenant, soit on
attend que le climat s’en charge ». Et pourtant,
malgré les prévisions alarmantes
de nombreux·euses scientifiques et les
accords de Paris, force est de constater
que les politiques ne semblent pas
prêt·e·s à opérer les mesures radicales
nécessaires.
Solutions et scénarios possibles
Au sein de ces prévisions, il s’agit pour
les collapsologues d’imaginer différents
scénarios possibles, sachant que
les réactions psychologiques et sociales
échappent à l’analyse scientifique.
Adrien Couzinier, ingénieur conseiller sur les enjeux énergétiques et climatiques
« Certaines personnes pensent que nous
éviterons la catastrophe, que ce soit par
une prise de conscience générale ou par
la technologie. Mais les changements
doivent être tellement radicaux, rapides
et globaux que la probabilité me semble
très faible », confie l’ingénieur Couzinier.
D’après lui, la fin de la société ramènerait
à la fin de soi et donc à l’angoisse existentielle
la plus forte chez l’être humain :
« C’est pour cette raison que les gens se
braquent ou ignorent ce qu’on leur dit
face à un tel sujet », dit-il.
Si les gouvernements semblent parier sur
la géo-ingénierie pour limiter le réchauffement
en manipulant le climat, l’expert
estime que ces techniques ne suffiront
pas : « Ce sont des solutions qui ralentiront
peut-être la chute, mais à terme,
elle reste inévitable. Le seul moyen de
limiter la catastrophe est d’arrêter
l’émission des gaz à effet de serre »,
assure-t-il avant d’ajouter : « Même
les solutions dites vertes pourraient
s’avérer de pires remèdes que la maladie
tant qu’on cherchera à produire
de l’énergie à outrance. » L’ingénieur
estime que dans de telles perspectives,
il s’agit surtout d’anticiper les
nouvelles conditions de vie auxquelles
nous seront confronté·e·s pour influencer
au mieux l’avenir. « Je pense
que la contrainte est la seule chance
de progrès. Il faut d’abord être prêt·e
à concevoir que la pauvreté n’est pas
synonyme de malheur et qu’elle encourage
au contraire à la solidarité, alors
autant faire vœu de sobriété et encourager
les réseaux de solidarité pour se
préparer », conclut-il. P
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