Spectrum_3_2020
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« Est-ce que tu veux des enfants ? » La
réponse est souvent tellement personnelle
qu’il est difficile d’en faire une
généralité. Pourtant, les enfants ont
longtemps été considéré·e·s comme
une suite logique de la vie de couple.
Or dans le contexte de la crise climatique,
la question natale donne lieu à
de vifs débats. Sachant que l’ONU estime
à 9,8 milliards le nombre d’êtres
humains présents sur Terre en 2050,
certain·e·s estiment que renoncer à
la procréation relève du militantisme
écologique. En effet, selon le Groupe
d’experts intergouvernemental sur
l’évolution du climat (GIEC), le meilleur
moyen de réduire son empreinte
carbone est d’avoir un enfant en moins.
La question est donc la suivante : estil
souhaitable de faire des enfants en
pleine crise climatique ? Réponses de
six jeunes Suisses.
Un avenir incertain
Si tou·te·s les jeunes interviewé·e·s se
disent concerné·e·s par la question écologique,
d’autres facteurs rentrent en
jeu dans leur décision de vouloir ou non
procréer. Rébecca, 19 ans, étudiante en
Lettres à l’Université de Genève, confie
que la responsabilité d’un enfant et le
fait d’avoir moins de temps pour elle
sont des éléments qui ne la tentent pas.
On note ainsi que la question écologique
n’est pas forcément l’élément le
plus déterminant dans la décision de
faire ou ne pas faire d’enfant.
Ceci dit, la crise climatique ne les laisse
pas pour autant indifférent·e·s. Henri,
apprenti dessinateur en génie civil,
âgé de 20 ans, prédit un avenir incertain
pour l’humanité : « En observant
l’évolution de l’environnement et en
sachant que ça empire, je n’imagine
pas comment cela sera plus tard. Je ne
vivrai sûrement pas ma vieillesse dans
un milieu stable, alors je ne veux pas
infliger ça à la jeunesse », déclare-t-il.
Charlotte, 21 ans, étudiante en Lettres
à l’Université de Lausanne, partage les
mêmes craintes pour la qualité de vie
des générations futures : « J’ai peur que
si j’ai des enfants, ils ou elles ne connaîtront
pas les choses simples que j’ai aimées.
Il ne sera peut-être plus possible
de voyager, d’aller skier ou simplement
de se baigner dans un lac. Je n’ai pas
envie que mes enfants aient une vie
où ils ou elles doivent se restreindre »,
affirme-t-elle.
Pour Audrey Suter, la perspective d’une génération
future est un argument fort en faveur de
l’écologie.
La relève du futur ?
Audrey Suter, étudiante en médecine, âgée de
21 ans, considère que la procréation est constitutive
de la nature humaine. Selon elle, la relève
générationnelle contribuera à trouver des
solutions pour l’avenir : « Je trouve plus égoïste
de ne pas faire d’enfant pour profiter à fond
tout·e seul·e en polluant un max que de faire
des enfants. Quitter l’aventure maintenant serait
lâche, c’est à nous de sauver la planète »
juge-t-elle avant de poursuivre « Moi, je suis du
côté des humains. Renoncer à eux au nom de la
planète, c’est renoncer à la vie. » Pour Audrey,
la perspective d’une génération future est un
argument fort en faveur de l’écologie. Un autre
jeune partage son point de vue : « La science
essaie de se développer d’un point de vue plus
écologique et je pense qu’il est possible d’espérer
que des solutions à la surpopulation ou
à l’écologie soient trouvées prochainement »,
estime David, 21 ans et suivant une formation
d’informaticien au CPNV.
Transmettre, mais autrement
La transmission des valeurs est-elle forcément
synonyme de procréation ? « On est trop ! »
s’exclame Marie Oesch, étudiante en Master de
durabilité à l’Université de Lausanne : « Cela
ne sert à rien de faire des enfants dans l’espoir
de sauver le monde. Plus on sera, plus les
ressources seront limitées, et pire sera la crise
écologique. » Aussi la jeune femme préfère-telle
renoncer à la procréation pour préserver
la planète : « Mon mode de vie et ma classe
sociale me permettent d’avoir le choix. En
tant que femme blanche privilégiée issue de la
bourgeoisie de la Côte, je préfère renoncer à
donner la vie pour laisser la place aux gens qui
n’ont pas le choix d’y renoncer, ou qui en ont
vraiment envie », confie-t-elle.
Ainsi, Marie considère que la résolution de la
crise climatique tient davantage à l’éducation
écologique des futures générations qu’à la procréation
en elle-même. L’étudiante estime que
le système éducatif doit prendre un nouveau
tournant pour évoluer de manière favorable au
climat et casser la transmission des vieux schémas.
« Arrêtons d’infantiliser les enfants. Laissons
place à leur intuition, intégrons-les au dialogue,
donnons-leur la parole. C’est en agissant
qu’ils et elles apprendront. Le rôle des adultes
est de montrer l’exemple pour par la suite leur
laisser la main », affirme-t-elle. L’étudiante
donne pour exemples les écoles Montessori et
La Bicyclette, des méthodes pédagogiques alternatives
qui prônent une éducation plus libre
et proche de la nature.
«Cela ne sert à
rien de faire des
enfants dans l’espoir
de sauver le
monde.»
Marie Oesch
Éduquer plutôt que procréer, c’est l’idée défendue
par le collectif américain Ginks, ou
Green Inclination No Kids. « Le meilleur
moyen de venir à bout du problème du réchauffement
climatique serait de réduire
la population mondiale de 500 millions de
personnes d’ici à 2050 », avance Lisa Hymas,
autrice du manifeste de Ginks. Ainsi, le collectif
écologique suggère de privilégier l’adoption à
la procréation, ce qui constituerait une solution
intermédiaire entre les différentes
positions. P
Pour en savoir plus :
www.montessori-suisse.ch
www.labicyclette.ch
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