TOUL'HOUSE N°26
Nouveau numéro du Toul'House ! Déjà en ligne et dans quelques heures dans les bacs !
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LE BILLET D'HUMEUR — J'SUIS SNOB PAR FRANÇOISE SANS GANTS — 77
Me revient en tête cette rengaine de Mistinguett :
« Il m'a vue nue,
Toute nue,
Sans cache-truc ni soutien-machins,
J'en ai rougi jusqu'aux vaccins »
1926 je crois. Nudité visionnaire. Jusqu’aux vaccins
allons bon !
Faire vœu d’immobilité, nue, de la pointe du pied à
l’extrémité du cil …
En me mettant à nu, à sac, à plat, à la merci, je
ne cherche pas la bagatelle, ni la bague au doigt
– celle-là je l’ai déjà – mais au contraire, je quête
invariablement la liberté, non, la libération !
Désolée de vous décevoir, mes mœurs ne sont pas
libertaires, ni déviantes, ni bizarres, je cherche
jusque sous le masque, le sourire et sous les vêtements,
la beauté originelle.
Je ne suis pas non plus égocentrique ou narcissique,
du moins j’ai appris à ne plus l’être puisque
nue comme un ver, sans froufrous, sans maquillage,
sans tissus, sans chaussures, sans cheveux
presque, on n’est plus tout à fait le même soi.
Être nu, poser nu, ne se commet pas avec n’importe
qui ni n’importe quand. Tout est question de
moment, de regard, de bienveillance, de reflet et
d’écho. Chacun cherche son Joël.
Pas de « nude dates » avec des habitués de l’apéro
à poil, pas de bain de mer sans culotte sur les
plages du Cap d’Agde mais une séance privée pour
faire face à son corps et se connaître mieux. Une
thérapie, voilà la bonne idée.
Poupée automate, j’ai oublié les joues qui rougissent
lorsque le peignoir tombe, le pinceau glacial
sur le derme effrayé, la gouache, me too, la
prédation de l’homme sur la femme.
Photographier une femme, un homme dans son
plus simple appareil revient en quelque sorte à lui
faire l'amour sans lui faire l'amour, lui permettre de
naître à nouveau, de renaître oui, l'aimer du regard
sans poser même l’arrondi d’un ongle sur sa peau.
Cette nudité, si on souhaite la garder jalousement
pour soi, peut n’exister que dans cet espace-temps
précisément, là où nous sommes. Cela n'existera
plus ensuite, ou alors seulement au travers des
clichés qui n’appartiendront qu’au sujet seul.
Derrière le paravent. Faire valser les fringues et
les appartenances, sa culotte et ses préjugés.
Avancer les yeux clos jusqu’au milieu de la pièce et
attendre debout, tétanisée, la fin du travail d’embaumement.
On finit par cesser de penser à son corps nu devant
le regard singulier du photographe. Les imperfections,
les masques, les rides, les renflements de
peau, les mèches collées à la peinture visqueuse,
tout ceci finit par ne plus importer au modèle qui
se dévoile maintenant sans provocation. Servir
l’Art. Laisser les contorsions flegmatiques épouser
la couleur vocale des mélodies de Vanessa Paradis
ou des Rita Mitsouko. Jouer le rôle principal
d’un ballet paresseux et lascif.
Devenir un corps érotique, ou au contraire un corps
neutre et asexué qui permette de se mouvoir partout,
un corps malléable pour distordre l’existence
et monter quatre à quatre les marches de la vie, un
corps vif, un corps langoureux, un corps de femme,
un corps de fée, un corps d’effet.
Les basses tamponnent le sol et le modèle a cessé
de se recroqueviller sur son sexe comme s’il était
le centre névralgique de sa personne. Le photographe
perçoit le basculement et mitraille la chair
de poule, la tristesse, la douleur, la libération, le
souffle.
Griffer la peinture sur son corps et tendre son cou
vers l’objectif qui beugle des flashs sur le visage et
les fesses. Une transe oui. S’écouter respirer. Tirer
ses épaules vers l’arrière, tendre le cou, laisser les
cheveux barbouiller la gouache qui commence à se
déshydrater.
La pose ultime devra être vraiment parfaite.
Françoise sans gants.
L'art
de s'aimer
nu.
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14, rue des Arts – 31000 Toulouse
Confinée dans la dentelle – Journal de bord d’une
prisonnière du covid-19, aux éditions Yucca
La saga Sœurs tomes 1, 2 et 3
Les Incunables aux éditions Hugo Stern
Karine Sayagh Satragno / TEXTE : Françoise Sans Gants / PHOTO : Joël Bardeau / COIFFAGE : Emma, L’institut de Coiffure / STYLISME : Olivia Samson, Boutique Les Cigales