Point de mire Les performances des animaux Les oiseaux, les reptiles, les insectes ou les mammifères établissent régulièrement des records qui ne cessent de nous surprendre. L’évolution les a dotés de capacités que nous pouvons certes comprendre rationnellement, mais qui s’inscrivent dans une réalité qui nous dépasse. Bernd Schildger, Prof. D r méd. vét. Les colibris ont une cadence de battements si élevée que le mouvement des ailes est imperceptible à l’œil nu. Les petits oiseaux parviennent ainsi à rester en position statique dans les airs et même à voler à reculons. Photo: Adobe Stock 50 1/23 vsao /<strong>asmac</strong> <strong>Journal</strong>
Point de mire En raison de ses origines juives, le portrait de Heinrich Hertz avait été retiré de sa place d’honneur à la mairie de Hambourg. Mais la tentative, à l’époque nazie, de rayer son nom de l’histoire internationale des sciences fut un échec. L’abréviation Hz, correspondant à la fréquence en hertz égale à l’inverse de la période d’oscillation, est en effet toujours usitée de nos jours. Docteur en physique, Heinrich Hertz a commencé par mettre en évidence l’existence des ondes électromagnétiques, avant que la fréquence ne conquière de nombreux domaines de l’humanité. Pour simplifier, il s’agit du nombre de cycles par unité de temps, à savoir par seconde. Les battements du cœur comme référence absolue Un pouls au repos de 60 battements par minute est synonyme de sommeil réparateur, alors que les montres intelligentes s’affolent jusqu’à 210 battements par minute. Le capteur d’un home-trainer est même en mesure d’identifier et signaler une éventuelle arythmie. Une chose est sûre, il vaut mieux garder son calme en toutes circonstances. D’ailleurs, en observant le thorax de son compagnon à quatre pattes, son propriétaire identifiera facilement une détresse respiratoire aiguë. Pour résumer, on dira donc que la fréquence cardiaque diminue lors de l’expiration et augmente lors de l’inspiration. Et que plus l’Homo sapiens est entraîné, plus il pourra faire le même constat chez lui à petite échelle. Peu étudiée scientifiquement, la «fréquence cardiaque d’épuisement» chez le guépard en fin de chasse se situe autour de 250 battements par minute. <strong>No</strong>us avons tous déjà observé, peut-être même lors d’un safari en Afrique, les images d’un guépard après la chasse. Indépendamment de l’issue de sa chasse, le prédateur terrestre le plus rapide au monde se trouve dans un tel état d’épuisement, avec un pouls qui s’emballe et une fréquence respiratoire élevée, qu’il est incapable de réagir et doit souvent se résigner à regarder les hyènes ou les chacals emporter sa proie. Pour le mammifère, donc aussi pour l’homme, la «fréquence du pouls au repos» du colibri semble létale. Son battement d’ailes ultrarapide, avec des fréquences allant jusqu’à 90 Hz et donc supérieures à la capacité de résolution optique humaine, nécessite en permanence une énorme quantité d’oxygène et d’énergie dans les muscles. C’est pourquoi le colibri consomme environ deux fois son poids par jour et son cœur bat à 400 pulsations par minute au repos. Cette fréquence monte jusqu’à 1200 en vol, soit environ 20 Hz! Une audition inouïe Les 20 Hz du battement d’ailes du colibri correspondent à peu près à la limite inférieure des sons perçus par l’oreille humaine. Les enfants peuvent entendre des sons à des fréquences plus élevées pouvant aller jusqu’à 20 000 Hz. La limite supérieure de la fréquence auditive diminue considérablement avec l’âge. Une performance plutôt médiocre par rapport à nos «plus fidèles compagnons», les chiens. Ils peuvent en effet percevoir des sons allant jusqu’à 50 000 Hz et bénéficient, grâce à leurs oreilles mobiles, d’une orientation sélective et donc, d’une audition tridimensionnelle. Ce dernier point n’est bien sûr valable que si la race est restée anatomiquement proche du loup. Le basset, avec ses grandes oreilles pendantes, n’entre assurément pas dans cette catégorie. Les limites de la conscience La définition générale de la fréquence ne permet toutefois pas de mieux comprendre ce qui se cache derrière. La «fréquence» de la ponte chez les termites est presque inimaginable: la reine pond un œuf toutes les cinq secondes, jusqu’à 20 000 par jour. Après l’accouplement par le roi, qui a lieu plusieurs fois par jour, la fécondation, la maturation de l’œuf et enfin la ponte ont lieu en un très court laps de temps. Pour maintenir cette fréquence, le roi et la reine sont emmurés ensemble toute leur vie dans une petite «loge» à l’intérieur de la termitière. N’ayant pas le temps de chercher de la nourriture, ils sont nourris en permanence par les ouvriers bisexués. Ces derniers «réceptionnent» les œufs et les transportent dans la partie thermorégulée de la termitière pour les faire incuber. Rationnellement, nous sommes capables d’appréhender la fréquence de ponte des termites. <strong>No</strong>us en sommes rationnellement conscients. Il en va de même, par exemple, pour la fréquence des contractions musculaires chez le python tigre, qui enserre les œufs qu’il a pondus. Cela sert non seulement à protéger les œufs, mais aussi à maintenir une température d’incubation constante. Pour se réchauffer en plein hiver, les êtres humains, quant à eux, ont coutume de faire du sport. De même, nous comprenons parfaitement le mode de communication des bébés crocodiles qui synchronisent leur éclosion en communiquant entre eux, afin d’être mieux protégés par leur mère contre d’éventuels prédateurs. Mais font-ils vraiment partie de notre conscience? Les chauves-souris s’orientent par écho location dans l’espace. Les sons qu’elles émettent, de différentes fréquences allant jusqu’à 200 000 Hz et donc au-delà de notre perception, sont réfléchis par les surfaces. La différence d’échos entre l’oreille gauche et l’oreille droite, toutes deux très grandes et orientables, produit une image tridimensionnelle de l’espace. Et pas uniquement de l’espace, mais aussi des proies, comme les insectes, qui se déplacent rapidement; de manière acoustique, pas visuelle. Rationnellement, et avec un peu de talent scientifique, il est possible de comprendre ce développement évolutif particulier. Mais pouvons-nous réellement saisir ces phénomènes de propagation-fréquence? En 1974 est paru un essai qui compte parmi les essais philosophiques les plus cités: «What is it like to be a bat?» de Thomas Nagel. La réalité subjective de la chauve-souris résulte de ses perceptions et expériences personnelles. Ces expériences doivent nous rester étrangères, car nous n’avons pas les sens développés pour cela. <strong>No</strong>us ne pourrons donc jamais vraiment prendre conscience de la perception et de la réalité de la chauve-souris, rationnellement oui, mais pas émotionnellement. Mais Thomas Nagel réalise une avancée supplémentaire: de la même manière, n’est-il pas vrai que les réalités d’autres personnes doivent toujours nous être étrangères? Justement parce que celles-ci ne se fondent pas uniquement sur des expériences personnelles objectivement et rationnellement compréhensibles, mais aussi sur la perception subjective de nos propres sens. Mais il s’agit là d’un autre sujet philosophique. vsao /<strong>asmac</strong> <strong>Journal</strong> 1/23 51