Journal asmac No 1 - février 2023

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Perspectives Actualités sur les bêtabloquants: utilisation en dermatologie pédiatrique Une découverte fortuite à fort potentiel Les hémangiomes sont les tumeurs bénignes les plus fréquentes chez les nourrissons. Bien qu’ils soient généralement autolimités et régressent spontanément, un traitement est indiqué dans certains cas. L’utilisation de bêtabloquants est la norme. D r Kristin Kernland Lang, consultante en dermatologie pédiatrique, Clinique de pédiatrie de l’Hôpital cantonal de Baden Depuis la première publication relative à leur efficacité sur les hémangiomes infantiles en 2008 [1], les bêtabloquants occupent une place de choix parmi les traitements en dermatologie pédiatrique. Le traitement systémique des hémangiomes du nourrisson au propranolol est l’indication la plus fréquente. Elle est autorisée par Swissmedic. Depuis quelques années, l’indication thérapeutique a été élargie à d’autres bêtabloquants pour une utilisation hors étiquette. L’efficacité du propranolol sur l’arrêt de la croissance et la régression des hémangiomes a été découverte il y a 15 ans, par hasard, lors d’une observation clinique [1]. Depuis lors, de nombreuses études ont documenté l’efficacité et la sécurité du propranolol pour cette indication. Les bêtabloquants inhibent les effets des catécholamines sur les récepteurs bêta-adrénergiques. Dans la peau, ces récepteurs se trouvent sur les kératinocytes, les fibroblastes et les mélanocytes. Le mécanisme d’action précis sur les hémangiomes n’a pas encore été élucidé. La vasoconstriction obtenue et la réduction de l’angiogenèse par l’inhibition du Vascular Endothelial Growth Factor (VEGF) ainsi que du Basic Fibroblast Growth Factor sont postulées comme étant les principales raisons de ce mécanisme. De plus, le propranolol stimule l’apoptose des cellules endothéliales et des péricytes [2, 3]. Traitement systémique des hémangiomes Les hémangiomes infantiles sont les tumeurs bénignes les plus fréquentes chez le nourrisson, avec une prévalence estimée jusqu’à 5% [4]. Dans la plupart des cas, elles présentent une évolution autolimitée avec une régression spontanée au cours des premières années de vie. Le traitement systémique par propranolol a été autorisé par Swissmedic en 2014. Si l’indication est établie, il est aujourd’hui considéré comme le gold standard international pour le traitement des hémangiomes. L’indication pour un traitement systémique par propranolol est donnée dans les situations suivantes [5]: – Hémangiomes infantiles potentiellement mortels – Risque d’altération des fonctions des structures anatomiques sous-jacentes – Risque d’ulcération – Risque de déformation esthétique permanente Dans certains cas, l’indication médicale pour un traitement peut être étayée par l’Infantile Hemangioma Referral Score (IHReS) (www.ihscoring.com). Les hémangiomes complexes doivent être pris en charge par des équipes multidisciplinaires spécialisées et expérimentées. En principe, le traitement systémique par propranolol doit débuter le plus tôt possible, idéalement dans les premières semaines de vie. Cela permet d’obtenir un effet inhibiteur maximal sur la croissance de l’hémangiome et au final un résultat cosmétique significativement meilleur. En général, il faut compter avec une durée de traitement d’au moins 10 à 12 mois, voire 24 à 36 mois dans certains cas. En Suisse, le propranolol figure depuis le 1 er novembre 2022 sur la liste des spécialités (LS) pour le traitement systémique sous le nom d’Hemangiol®. Une mise à jour complète des directives suisses pour le traitement des hémangiomes infantiles par bêtabloquants a été récemment publiée. Elle constitue une référence solide pour l’approche thérapeutique [5]. Une publication non dermatologique de ce travail est prévue dans un avenir proche. Dans des études randomisées, d’autres bêtabloquants tels que le nadolol ou l’aténolol ont montré un effet comparable à celui du propranolol sur le contrôle de l’hémangiome. Ces bêtabloquants moins lipophiles ne traversent pas la barrière hémato-encéphalique [6] et sont moins souvent associés à des effets secondaires au niveau du système nerveux central tels que les troubles du sommeil [7]. Cette caractéristique peut être mise à profit dans certains cas. Les études à long terme n’ont pas mis en évidence de différences entre l’aténolol et le propranolol en ce qui concerne le développement 52 1/23 vsao /asmac Journal
Perspectives Photo: Adobe Stock neurocognitif [8]. D’après les directives suisses citées plus haut, le propranolol reste le traitement de choix compte tenu des critères d’autorisation et de la documentation complète. Traitement topique des hémangiomes Le traitement topique des hémangiomes par bêtabloquants est réservé aux hémangiomes superficiels, minces et de petite taille, surtout lorsqu’ils sont localisés sur le visage [5]. Le timolol sous la forme de collyre (Timoptic-XE® 0,5%) est actuellement utilisé comme indication hors étiquette pour ce groupe particulier d’hémangiomes. Le timolol est huit à dix fois plus puissant que le propranolol, et une absorption systémique a été documentée lors d’une étude chez des enfants traités [9]. Des indications relatives à la posologie et à la procédure thérapeutique figurent dans la mise à jour susmentionnée des directives suisses pour le traitement des hémangiomes infantiles par bêtabloquants [5]. Autres indications pour des traitements topiques par bêtabloquants en dermatologie pédiatrique et adulte: – Granulome pyogénique – Dans de nombreux cas, le traitement topique par bêtabloquants constitue une option thérapeutique non invasive et un traitement adjuvant approprié pour ce groupe de néoplasies vasculaires bénignes (p. ex. Rp. Propranolol 1% Crème, Timoptic-XE® 0,5%). Dans les formes superficielles et de petite taille, on peut obtenir une cicatrisation et, pour les lésions plus étendues, stopper le saignement ou réduire leur taille. – En dermatologie adulte, les bêtabloquants topiques sont également utilisés dans le traitement des paronychies (pseudo granulome pyogénique) induites par l’EGFR-1. De plus, des succès thérapeutiques ont été décrits pour le sarcome de Kaposi ainsi que pour des plaies chroniques. L’effet sur les dermatoses neutrophiliques fait actuellement l’objet de recherches. Bibliographie [1] Léauté-Labrèze Ch. et al. Propranolol for Severe Hemangiomas in Infancy. NEJM 358, 2649 f. (2008). [2] Filoni A. et al. Topica Beta-Blockers in Dermatologic Therapy. Dermatol Therapy 34; e15016 (2021). [3] Novoa M. et al. Interventions for Infantile Hemangiomas of the Skin. Cochrane Database Syst Rev 4; CD006545 (2018). [4] Luu M. Clinical Course, Complications and Management. Br J Dermatol 169(1); 20 f. (2013). [5] Baghin V. et al. Dermatologica Helvetica 06; 23 f. (2022). [6] Pope E. et al. Noninferiority and Safety of Nadolol vs Propranolol in Infants with Infantile Hemangioma. JAMA Pediatr 176 (1); 34 f. (2002). [7] Gumina M. E. et al. Atenolol as an Alternative to Propranolol for the Management of Sleep Disturbances in the Treatment of Infantile Hemangiomas. Pediatr Dermatol 36(4); 556 f. (2019). [8] Hermans M. M. Long-term Neurocognitive functioning of Children treated with Propranolol or Atenolol for Infantile Hemangioma. Eur J Pediatr Internet Dec 7 (2022), available from Doi:10.1007/s00431-022-04674-7. [9] Weibel L. et al. Topical Timolol for Infantile Hemangiomas: Evidence for Efficacy and debree of Systemic Absorption. Pediatr Dermatol 33(2); 184 f. (2016). vsao /asmac Journal 1/23 53
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