Journal asmac No 1 - février 2023
Fréquence - Tout passe Politique - Les hôpitaux sur la corde raide Bêtabloquants - Application en pédiatrie dermatologique Toux - Le point de vue pharmacologique
Fréquence - Tout passe
Politique - Les hôpitaux sur la corde raide
Bêtabloquants - Application en pédiatrie dermatologique
Toux - Le point de vue pharmacologique
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
Politique<br />
La probabilité qu’à ce moment-là, des lits<br />
soient encore disponibles dans les trois<br />
catégories est quasiment nulle. Les médecins-assistant(e)s<br />
spécialistes dans la gestion<br />
des lits entament donc leur travail.<br />
Ils se renseignent par téléphone sur les<br />
lits disponibles dans les hôpitaux environnants,<br />
évidemment en plus de leur<br />
activité médicale. En commençant par<br />
l’hôpital le plus proche, ils passent à travers<br />
la longue liste sur laquelle sont déjà<br />
indiqués les hôpitaux qui affichent complet.<br />
Ils finissent donc par atterrir dans<br />
les cantons voisins où il n’y a aussi qu’un<br />
petit nombre de lits disponibles.<br />
En même temps, la cheffe de clinique<br />
ou le chef de clinique du service des urgences<br />
reçoit un appel d’un hôpital éloigné:<br />
«Avez-vous encore un lit pour<br />
hommes de libre chez vous?» La réponse:<br />
«Hélas non, nous sommes nous-mêmes<br />
à la recherche d’un tel lit.» Cet entretien<br />
permet au moins de mettre à jour la liste<br />
des hôpitaux déjà complets, ce qui évitera<br />
des appels téléphoniques inutiles. Finalement,<br />
on parvient malgré tout à trouver<br />
un lit. Le gestionnaire des lits/médecin-assistant(e)<br />
apprend cependant aussi<br />
que dans certains services des urgences,<br />
les patients doivent y passer la nuit faute<br />
d’alternative.<br />
Les problèmes sont structurels<br />
A quoi la pénurie de lits qui s’aggrave en<br />
Suisse depuis l’été dernier est-elle due?<br />
Plusieurs causes viennent se superposer:<br />
1. Des hypothèses erronées: au cours des<br />
dernières années, de nombreux cantons<br />
ont fermé des hôpitaux de petite<br />
taille dans un souci d’économie. Les<br />
experts qui ont pris ces décisions pensaient<br />
probablement que les infirmières<br />
et infirmiers ainsi libérés iraient travailler<br />
dans les grands hôpitaux. Aujourd’hui,<br />
nous savons que cette hypothèse<br />
était hélas fausse. Après presque<br />
trois ans de pandémie, la lassitude était<br />
probablement trop grande chez certains<br />
et chez d’autres, la peur de n’être<br />
qu’un numéro dans un grand hôpital<br />
et de devoir effectuer des services peu<br />
attrayants était trop forte. D’autres encore<br />
auraient peut-être aimé changer<br />
d’hôpital, mais la distance entre leur<br />
domicile et leur lieu de travail était trop<br />
longue. Quoi qu’il en soit, les lits nouvellement<br />
ouverts dans les grands<br />
hôpitaux après la fermeture des petits<br />
établissements ne peuvent actuellement<br />
pas tous être exploités faute de<br />
personnel.<br />
2. La bureaucratie: le personnel infirmier<br />
restant consacre aujourd’hui une grande<br />
partie de son temps de travail à effectuer<br />
des tâches administratives. Souvent, il<br />
ne reste plus que la moitié du temps de<br />
travail pour les soins aux patients. Il<br />
passe le reste de son temps à saisir ses<br />
activités dans des outils de facturation<br />
et à documenter les tâches accomplies.<br />
3. Le manque de coordination: il y a un<br />
probablement un grand nombre de lits<br />
disponibles dont on ne connaît pas<br />
l’existence. D’une part, on bloque pour<br />
les interventions électives des lits dont<br />
auraient besoin les collègues aux urgences.<br />
D’autre part, on n’a pas de vue<br />
d’ensemble. Chaque hôpital tente par<br />
ses propres moyens de trouver des lits<br />
disponibles dans les hôpitaux voisins.<br />
Plus de coordination et moins de<br />
bureaucratie<br />
Des mesures relativement simples permettraient<br />
pourtant d’améliorer la situation<br />
actuelle en ce qui concerne la disponibilité<br />
des lits.<br />
A court terme, une coordination des<br />
lits à l’échelon national peut apporter une<br />
amélioration. Une telle coordination était<br />
déjà temporairement en place pendant la<br />
pandémie et pourrait par exemple être exploitée<br />
par la Rega ou une autre organisation<br />
nationale. Mais pour cela, il faudrait<br />
que l’état de nécessité actuel soit reconnu.<br />
Dans un tel scénario, les hôpitaux seraient<br />
tenus de communiquer quotidiennement<br />
les lits disponibles, qui seraient ensuite<br />
répartis par le service de coordination.<br />
Cela soulagerait rapidement les équipes<br />
des centres d’urgence.<br />
A moyen terme, le personnel infirmier<br />
et les médecins doivent être libérés<br />
de leurs obligations en matière de documentation<br />
qui sont manifestement excessives<br />
et chronophages. Bien trop souvent,<br />
ils doivent consigner par écrit des informations<br />
qui seraient pourtant déjà disponibles.<br />
Un hôpital doit veiller à ce que les<br />
informations ne soient consignées qu’une<br />
seule fois et qu’elles soient ensuite mises à<br />
la disposition de tous les médecins et de<br />
l’ensemble du personnel soignant impliqués.<br />
Le dossier électronique du patient<br />
(DEP) serait également utile dans ce domaine.<br />
Il faut donc poursuivre son développement<br />
à un rythme soutenu.<br />
Revenons à la question initiale: notre<br />
système de santé va-t-il droit dans le mur?<br />
Si la politique de la santé suisse n’arrive<br />
pas à trouver et à mettre en œuvre rapidement<br />
des solutions efficaces pour pallier<br />
la situation d’urgence dans laquelle se<br />
trouvent actuellement les hôpitaux, le<br />
risque est réel. Il est donc urgent de résoudre<br />
les problèmes évoqués plus haut.<br />
Sinon, la frustration du personnel de la<br />
santé va continuer de s’accroître, ce qui ne<br />
fera que renforcer un dangereux cercle vicieux.<br />
Si l’on parvient à trouver un consensus<br />
sur la gravité de la situation actuelle et<br />
que l’on intervient avec courage et rapidité,<br />
on pourra décharger de manière substantielle<br />
les hôpitaux dans toute la Suisse.<br />
@vsao<strong>asmac</strong><br />
Comité directeur<br />
de l’<strong>asmac</strong><br />
Severin Baerlocher<br />
est membre du Comité<br />
directeur de l’<strong>asmac</strong><br />
et travaille comme chef<br />
de clinique en médecine<br />
interne dans un<br />
hôpital régional.<br />
vsao /<strong>asmac</strong> <strong>Journal</strong> 1/23 7