05.10.2023 Views

L'Essentiel Prépas_n°75_octobre2023

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

L’ESSENTIEL DU SUP PRÉPAS DÉBAT<br />

OCTOBRE 2023 N° 75<br />

Que reste-t-il<br />

du nouveau bac ?<br />

Il n’y a pas que la question de l’organisation des épreuves de spécialités<br />

qui pose problème dans la « réforme Blanquer » du bac. Une mission de l’Inspection<br />

générale de l’éducation, du sport et de la recherche (Igésr) la stigmatise dans un rapport<br />

Le pilotage ministériel a « fortement<br />

contribué à la mauvaise<br />

appropriation de certains éléments<br />

» estime une mission<br />

de l’Inspection générale de l’éducation,<br />

du sport et de la recherche (Igésr) stigmatise<br />

dans un rapport. La mission estime<br />

que « stabiliser la réforme, encourager<br />

les initiatives et l’expérimentation<br />

de nouveaux cadres de suivi des élèves,<br />

redonner des marges de manœuvre aux<br />

enseignants et aux chefs d’établissement<br />

sont des préalables indispensables à un retour<br />

à une situation plus apaisée qui permette<br />

de retrouver des espaces de travail<br />

collectif et de la sérénité ».<br />

Tout au long de l’année scolaire 2022-<br />

2023, la mission a suivi un échantillon<br />

de dix-huit lycées, examiné leur fonctionnement<br />

et recueilli le point de vue des<br />

élèves, des enseignants et des personnels<br />

de direction. Force a été de constater selon<br />

elle que la « communauté éducative<br />

ne porte pas de vision partagée, même a<br />

minima, d’une réforme qui est apparue<br />

au milieu du gué ». Si de nouveaux paradigmes<br />

sont à présent bien installés c’est<br />

« dans un cadre mental, des habitudes et<br />

des structures héritières d’une organisation<br />

aujourd’hui disparue ».<br />

Mais attention, même si les critiques se<br />

sont concentrées sur la réforme, la mission<br />

estime que les difficultés exprimées,<br />

pouvant aller jusqu’à une perte du sens<br />

même du métier, ne sont pas « toutes imputables<br />

à la réforme mais prennent leur<br />

racine bien en amont, dans une difficulté<br />

croissante de l’exercice de la profession,<br />

une détérioration vécue de ses conditions<br />

d’exercice et une reconnaissance de la<br />

fonction d’enseignant de la part de la société<br />

perçue comme très faible ».<br />

Haro sur l’évaluation des spécialités<br />

C’est tout le paradoxe de la réforme, si<br />

la qualité et l’intérêt des programmes de<br />

spécialité sont appréciés par les professeurs,<br />

le lien fort avec l’enseignement supérieur<br />

induit par leur évaluation est souvent<br />

ressenti comme une sujétion plus que<br />

comme un lien. « On fait tout en fonction<br />

de Parcoursup, ce n’est pas normal ! » est<br />

une des phrases les plus souvent entendues<br />

lors des entretiens souligne le rapport<br />

de l’Igésr.<br />

Ce renforcement du lien si nécessaire<br />

entre le lycée et l’enseignement supérieur,<br />

que voulaient promouvoir Pierre Mathiot<br />

et Jean-Michel Blanquer, n’aura pas résisté<br />

aux exigences de Parcoursup d’obtenir<br />

des notes suffisamment en amont<br />

pour réaliser des évaluations. Le mécanisme<br />

même de Parcoursup, beaucoup<br />

plus long qu’Admission postbac dans<br />

la prise de décision, aura encore rendu<br />

cette adéquation entre le lycée et l’enseignement<br />

supérieur plus difficile. Deux<br />

réformes, décidées en même temps par<br />

deux ministres du même gouvernement,<br />

se sont ainsi télescopées en portant des<br />

exigences inverses.<br />

Résultat : on va bien maintenir en activité<br />

les élèves en 2024, en repoussant les<br />

épreuves de spécialités à juin, mais elles<br />

ne serviront plus à l’orientation. Ce que<br />

déplorent des établissements d’enseignement<br />

supérieur bien obligés de constater<br />

que le seul examen des notes de contrôle<br />

continu est inopérant faute d‘harmonisation<br />

entre les établissements, voire de<br />

concurrence entre eux et même entre les<br />

spécialités. A Paris Sciences Po envisage<br />

maintenant de redonner, dès 2024,<br />

leur place aux épreuves écrites que ses<br />

cousines de régions ont bien pris le soin<br />

de préserver.<br />

Les effets multiples des spécialités<br />

Au-delà de la question de leur évaluation<br />

finale, l’instauration des spécialités<br />

est au cœur du nouveau bac général<br />

avec la disparition des filières existantes,<br />

même sous des noms différents, depuis<br />

1965. Le choix des spécialités en fin de<br />

seconde, l’abandon de l’une d’entre elles<br />

en première, sont ainsi deux éléments majeurs<br />

de stress pour les familles. D’autant<br />

que l’organisation des 54 heurs annuelles<br />

dédiées à l’orientation dans l’enseignement<br />

supérieur reste encore très partielle.<br />

Là encore le lien secondaire / supérieur<br />

peine à se créer.<br />

Autre effet induit de l’instauration des<br />

spécialités, la disparition du groupe classe<br />

nécessite quant à lui de repenser les modalités<br />

de suivi des élèves, le format<br />

du conseil de classe n’étant plus adapté.<br />

Selon l’Igésr, la création d’une fonction<br />

de « professeur référent d’un groupe<br />

d’élèves » apparait aujourd’hui plus adaptée<br />

que celle de professeur principal. On<br />

pourrait ainsi passer du suivi d’un groupe<br />

classe à un suivi individualisé des élèves<br />

en termes de résultats et d’orientation.<br />

Enseignants et élèves s’opposent<br />

Du côté des enseignants interrogés par<br />

l’Igésr, la critique de la réforme s’articule<br />

en particulier autour de la disparition<br />

de structures perçues comme protectrices,<br />

comme la classe ou les séries en<br />

voie générale, au profit d’un éclatement<br />

des choix et de la vie scolaire des élèves.<br />

Le libre choix des triplettes de spécialités,<br />

l’abandon nécessaire d’une spécialité<br />

en fin de première, sont « perçus comme<br />

contribuant à une concurrence malsaine<br />

entre les disciplines, en lieu et place d’une<br />

collaboration et de croisements féconds<br />

que permettaient, selon eux, l’organisation<br />

en séries ». Les enseignants préféreraient<br />

donc pour la plupart revenir à l’ancien<br />

système des séries du bac général.<br />

Au contraire les élèves rencontrés par la<br />

mission, souvent élus en conseil de la vie<br />

lycéenne (CVL), paraissent adhérer aux<br />

objectifs de la réforme et se projettent<br />

directement vers l’enseignement supérieur,<br />

estimant même pour certains que<br />

« le baccalauréat, c’est fini ». Le fait que<br />

le choix des spécialités leur revienne, en<br />

première comme en terminale, est perçu<br />

comme « un acquis auquel ils tiennent<br />

énormément », quand bien même cette<br />

responsabilité peut être source d’une anxiété<br />

parfois forte. Ils soulignent en effet<br />

qu’ils n’ont pas toutes les clefs pour<br />

40

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!