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WS32_Liseuse

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ENQUÊTE<br />

C’était ça le quotidien<br />

à la Goberville : le tir ?<br />

Daniel : C’est notre vie. Mon<br />

frère, sa femme, leur fille en<br />

étaient aussi. Mon ex-femme<br />

et moi changions les couches<br />

des filles sur les stands de tir !<br />

Mais je leur ai toujours dit :<br />

c’est un investissement, non un<br />

sacrifice. Quoi qu’elles fassent,<br />

le tir restera un support de<br />

valeurs.<br />

Céline : Pour prendre une<br />

décision, le tir a toujours eu ma<br />

priorité.<br />

Comment avez-vous<br />

vécu l’entraînement en<br />

famille ?<br />

Sandrine : Ma sœur et moi,<br />

on est toujours contentes l’une<br />

pour l’autre sans rivalité, à<br />

s’encourager mutuellement. Je<br />

ne crois pas que ce soit inné<br />

chez nous. J’estime surtout<br />

avoir été bien conseillée dès le<br />

début, pour adopter les bons<br />

comportements, physique et<br />

mental.<br />

Céline : Me faire entraîner<br />

par mon père s’est fait<br />

naturellement. C’est un<br />

avantage : j’ai une confiance<br />

aveugle dans ce qu’il me<br />

dit. Je ne suis pas toujours<br />

d’accord mais j’ai suffisamment<br />

confiance pour mettre mon<br />

cerveau sur off et suivre ce qu’il<br />

me dit. Il me connaît par cœur,<br />

il sait me lire. Quand on perd<br />

en lucidité sous l’émotion, les<br />

paroles d’un coach qui vous<br />

connaît sont assez percutantes<br />

pour changer d’attitude.<br />

Ya-t-il des limites ?<br />

Aurore : C’est par ma passion<br />

du tir que j’ai rencontré<br />

mon mari Daniel. Je me suis<br />

formée aux neurosciences<br />

et à l’hypnose, cruciale dans<br />

la préparation mentale pour<br />

accompagner Sandrine et<br />

Céline, mes belles-filles.<br />

J’accompagne ma fille<br />

Annabelle sur le plan de ses<br />

objectifs, de ses mécanismes<br />

d’attention, mais pour<br />

l’accompagnement purement<br />

thérapeutique, je l’ai adressé<br />

à une collègue afin qu’elle se<br />

sente plus libre de s’exprimer.<br />

Et quand les choses<br />

changent, comment<br />

s’adapter ?<br />

D.R.<br />

Céline : Lorsque ma sœur<br />

a dû stopper net sa carrière,<br />

ça a été un choc. On l’a<br />

accompagnée au mieux.<br />

Et plutôt que d’arrêter, j’ai<br />

poursuivi, pour elle. Elle a eu<br />

la motivation et la gentillesse<br />

de continuer de s’entraîner<br />

avec moi, malgré tout, deux<br />

fois par semaine. Ça a été<br />

dur au début, d’être seule en<br />

compétition là où nous étions<br />

un duo. J’ai dû changer ma<br />

manière d’être au sein du<br />

groupe.<br />

Sandrine : Je m’identifiais en<br />

tant que tireuse Goberville de<br />

haut niveau. Sans le soutien<br />

de ma famille, je serais partie<br />

en dépression. J’ai continué de<br />

m’entraîner avec Céline, pour<br />

que mon départ ne l’affecte<br />

pas, et parce que j’avais<br />

encore des choses à aller<br />

chercher. Aujourd’hui, Céline a<br />

eu du mal à prendre son ticket<br />

pour les Jeux de Paris, c’est<br />

frustrant mais elle a un mental<br />

d’acier et rebondit vite. Les<br />

Goberville, on ne se cherche<br />

pas d’excuse. Là c’est la<br />

maladie, il faut l’accepter pour<br />

enchaîner le plus vite possible.<br />

C’est aussi ça notre force,<br />

cette résilience pour chercher<br />

des solutions.<br />

Vous aviez prévu de<br />

tracer votre route en<br />

fonction du tir ?<br />

Céline : Je ne me suis jamais<br />

dit que je voulais avoir la<br />

vie de mes parents, faire du<br />

haut niveau et grimper. C’est<br />

venu naturellement. Avec ce<br />

cadre familial-là, des parents<br />

qui savaient comment ça<br />

fonctionnait, ça a été très<br />

rapide de monter. J’ai pu être<br />

détectée rapidement grâce à<br />

mon père qui a insisté. Mais<br />

mon ambition s’est construite<br />

seule, même « tardivement »,<br />

j’avais 9 ans ; ma sœur, ça<br />

s’est fait à 6 !<br />

D.R.<br />

Ça ne vous a jamais<br />

fait peur ?<br />

Daniel : C’est un sport très<br />

formateur pour la personnalité,<br />

en termes de gestion des<br />

émotions, pour les études, le<br />

travail. Pour nous, ce ne sont<br />

pas des armes mais des outils<br />

d’expression au service de la<br />

personne à la recherche de<br />

gestion de la performance.<br />

Mettre mes filles très tôt<br />

au tir, c’était leur permettre<br />

d’acquérir des compétences<br />

pour mieux gérer leur vie.<br />

Je n’avais aucune ambition<br />

qu’elles arrivent en équipe de<br />

France, j’étais plus animé par<br />

la passion.<br />

C’est le tir qui les a<br />

choisis ?<br />

Daniel : Elles avaient des<br />

compétences immédiates<br />

pour cette discipline. Elles<br />

n’avaient pas d’aptitudes<br />

physiques comme on peut<br />

en attendre de la natation ou<br />

de la course mais un mental,<br />

de la concentration, de la<br />

réflexion. Cela correspondait<br />

à leur profil. Rester concentré<br />

lorsqu’on fait 70 fois la même<br />

chose, ça s’apprend mais tous<br />

les enfants n’y arrivent pas.<br />

Les filles ont été remarquables<br />

dès le début dans leur gestion<br />

de leurs émotions, à être<br />

capables de ne pas paniquer.<br />

Il y avait des pleurs, mais avec<br />

cette capacité d’affronter les<br />

choses sans les éviter.<br />

Est-ce cette passion<br />

familiale qui fait<br />

réussir ?<br />

Céline : Le fait de s’entraîner<br />

ensemble est motivant. Moi<br />

qui ne suis pas une grande<br />

fan de l’entraînement, ça le<br />

rend plus vivant. C’est ce qui<br />

fait que je ne lâche rien, avec<br />

toujours l’envie d’avancer.<br />

Sandrine : On a cette<br />

sensation d’appartenir à<br />

un clan. On nous a souvent<br />

définis comme tels. Ça a pu<br />

nous porter préjudice car on<br />

est tellement soudés qu’on<br />

peut paraître détaché du<br />

groupe mais ce n’est pas le<br />

cas. C’est inestimable de<br />

sentir cette force, ce soutien<br />

partout dans le monde,<br />

de vivre de notre passion<br />

commune de manière si<br />

particulière. WS<br />

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