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ENQUÊTE<br />
« En tant que psychologue, on s’attache<br />
à ce que l’athlète soit bien sur l’aspect<br />
sportif mais aussi humain. On met de l’équilibre<br />
pour qu’il se sente bien et qu’il puisse<br />
aller chercher ses performances ». Pour ça,<br />
Cécilia travaille longtemps en amont. « J’anticipe<br />
souvent entre deux et trois ans avant<br />
l’échéance des Jeux. Souvent la dernière<br />
année, on est focus sur la préparation ».<br />
Il faut dire que, pour certains, les JO conditionnent<br />
leur vie d’après. Les experts à leurs<br />
côtés doivent composer avec ça. « S’ils n’ont<br />
pas un minimum anticipé, ils risquent de se<br />
retrouver face à un vide. Ça ne veut pas dire<br />
qu’on va figer les choses, mais on réfléchit<br />
aux chemins possibles. On s’adapte nous<br />
aussi aux objectifs que l’athlète s’est fixé.<br />
Car le niveau d’implication, l’intensité et<br />
donc l’impact psychologique ne seront pas<br />
les mêmes si c’est la dernière fois qu’il peut<br />
participer aux Jeux, s’il veut chercher à tout<br />
prix une médaille ou s’il veut faire le meilleur<br />
résultat possible en faisant d’autres<br />
olympiades derrière. Néanmoins, quel que<br />
soit l’objectif, il y a quasi systématiquement<br />
un phénomène de ‘‘blues olympique’’. »<br />
ACCEPTER<br />
LA NORMALE REDESCENTE<br />
Les experts le savent bien, ce temps difficile<br />
est presque incontournable. C’est un évènement<br />
quadriennal, ça crée de l’attente,<br />
explique la psychologue Cécilia Delage :<br />
« L’athlète se prépare comme un fou durant<br />
quatre ans avec l’espoir de réussir, et<br />
quelques mois après, c’est l’épuisement,<br />
le relâchement. Quand il n’a pas de médaille,<br />
l’effondrement arrive parfois plus<br />
vite. La sollicitation des médias et du public<br />
s’arrête nette. Les questions tournent<br />
en boucle dans son esprit et un temps de<br />
deuil doit se faire avant de pouvoir repenser<br />
à la suite. Mais cette période - dont la<br />
durée d’un mois, trois mois, un an ou plus<br />
varie selon chacun -, est essentiel pour<br />
rebondir, assimiler, mieux comprendre.<br />
C’est le temps adaptatif. » Pour ce faire, Cécilia<br />
Delage observe le temps de « deuil »<br />
nécessaire à chaque athlète. « Certains<br />
veulent en parler tout de suite, d’autres<br />
ont besoin de recul pour comprendre ce<br />
qu’ils vivent. Je me charge de rester vigilante<br />
sur leur santé mentale durant les<br />
semaines qui suivent avant d’intervenir ».<br />
D.R.<br />
© Viktor Gladkov / Shutterstock<br />
L’ERREUR FATALE 1<br />
BUTÉ BORNÉ<br />
« L’erreur chez un athlète peut être de se limiter<br />
à la facette d’athlète de haut niveau,<br />
en oubliant tout l’équilibre autour - vie sociale,<br />
familiale… Si vous vous êtes construit<br />
par rapport à une médaille et que vous ne<br />
l’avez pas, si vous avez mis tous vos œufs<br />
dans le même panier, le risque est de<br />
s’identifier à son résultat. C’est pourquoi<br />
on travaille sur les différentes identités, de<br />
sportif, mais aussi de femme, de compagne<br />
de… », détaille Anaëlle Malherbe.<br />
Cela est d’autant plus difficile dans les<br />
sports très médiatisés, d’après Meriem<br />
Salmi, toujours pour Ouest France, où toute<br />
la vie du sportif est tournée vers ça, notamment<br />
dans le football ou le tennis. Ce déclic<br />
arrivera souvent plus facilement chez les<br />
sportifs dont le sport impose déjà de travailler<br />
à côté par exemple : « Ces sportifs-là sont<br />
plus présents dans le tissu social classique.<br />
Ils disposent d’un ensemble de ressources<br />
qui rendent le rapport au succès moins<br />
violent », a-t-elle déclaré au journaliste Clément<br />
Commolet.<br />
Réfléchir aux<br />
chemins possibles<br />
post-JO est une<br />
bonne manière<br />
d'anticiper la<br />
redescente.<br />
C’est plus facile quand on anticipe, longtemps<br />
à l’avance. Ce qu’a fait Hélène Defrance,<br />
puisque plusieurs années avant ses<br />
derniers JO en 2016, elle s’était formée à la<br />
diététique sportive : « En 2013 déjà, je commençais<br />
à travailler. Je savais que la préparation<br />
de Rio signerait probablement la fin<br />
de ma carrière. En plus j’ai été médaillée,<br />
c’était pour moi l’aboutissement de ma carrière<br />
et m’a permis de passer à autre chose ».<br />
L’APRÈS CONCRET<br />
MAINTENANT, QUOI ?<br />
Pour éviter une rupture trop brutale, Anaëlle<br />
Malherbe tâche d’opérer une continuité<br />
entre la fin des Jeux et l’après. Elle reste<br />
disponible quoi que l’athlète décide. Mais<br />
avant ça, la psy préconise une période incontournable<br />
de repos post-JO, même pour<br />
ceux qui feront le choix d’arrêter définitivement.<br />
Perrine Laffont a déclaré faire une<br />
pause et avoir besoin de « fraîcheur » pour<br />
se préparer aux Championnats du monde<br />
de 2025 et aux JO de 2026. C’est rare de<br />
voir un sportif l’admettre, et ça paraît sain.<br />
« La vie d’un athlète tourne autour de sa<br />
casquette de sportif, déplore Cécilia De-<br />
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