MANUEL GÉNÉRAL DE L'INSTRUCTION PRIMAIRE - INRP

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538 MANUEL GÉNÉRAL DE L'INSTRUC'I ION PRIMAIRE humbles offrandes recueillies dans les petites L'Ecole s'emploie à seconder la bataille éco écoles de village. Pour une fois, on éprouve de nomique. La Banque réclame les louis d'or et l'émotion à lire un bilan. les petits écoliers se lancent en chasse, et, Et quand les petits n'ont rien à donner, ils quand sonne l'hallali, ils inscrivent de jolis donnent leur cœur. Ecoutez ce récit que je chiffres au tableau, 4b0 000 francs, dans le seul signale, sans en citer l'auteur, ne voulant nom département du Loiret. Puis vient la collecte mer personne, faute de pouvoir nommer tout le des vieux papiers, celle des chiffons. Il faut lire, monde. rue Récamier, lé récit de ces campagnes. Tout L'autre jour, raconte une institutrice, unlong train de blessés était arrêté devant eux. Suspendus aux barrières, ils regardaient anxieusement les croix rouges de3 wagons, les bfas en écharpe... Nous n'avions rien à offrir, n'ayant pas su le passage du convoi. Alors, sans que j'aie dit un mot, ces tout petits se mirent à chanter. Leurs voix puériles, sous le souffle inconnu qui haussait soudain leurs âmes, arrivèrent jusqu'aux blessés qui, surpris, puis émus, se montrèrent aux portières... est utilisé, y compris le centre d'intérêt, l'éducation ménagère, devenus d'actifs et ingénieux instruments de propagande. L'apostolat des maîtres est multiplié par celui des. enfants, petits apôtres ardents, convaincus et convaincants. L'école baigne dans la réalité. Oh! ce n'est pas sans inconvénient. 11 y a des fissures dans la fréquentation. C'est la cueillette des pommes, c'est la nécessité de remplacer aux champs le Et l'institutrice, après avoir noté que lés père ou le grand frère. Que de témoignages sur blessés sourirent à ce spectacle, ajoute : « Les ce qu'ont fait nos écoliers pour la vie même de petits, eux, ne riaient pas. » la nation ! L'accueil des réfugiés tient une piace impor Que de choses encore à mentionner, et les tante dans l'historique de mainte école. « Nous écoles sous les obus, écoles de Reims daos les avons eu le bonheur de recevoir des petits Bel caves, écoles des villes bombardées, etc..., dont ges. » D'ailleurs, que ce soit des Serbes, des le travail soulève l'admiration par son ampleur Belges, de petits réfugiés du Nord, la joie est et son calme, et ces écoles de l'Alsace recon toujours la même d'accueillir des malheureux. quise, etc... Bientôt, entre ceux delà-bas et les enfants de A chaque pas, le champ d'émotion s'élargit et l'école, un lien plus étroit s'établit. Les écoles cette consultation nous découvre des trésors vont être les marraines des poilus. A ceux qui inépuisables dans ces milliers de petites âmes ne connaissent ce lien touchant que par les d'enfant, dans l'innombrable dévouement de annonces de certains illustrés, j'aurais con leurs maîtres. Mais voici, au-dessus d'une porte, seillé une visite à l'.Exposition. Les correspon un drapeau qui nous est cher. Voici la noble et dances de marraines et de filleuls y tiennent flère Belgique, voici les écoles de son exil, voici une place énorme. son école de Port-Villez où elle a su réaliser, Au début, c'est un peu froid ; mais la formule pour la rééducation des mutilés, un établisse «je ne reçois jamais rien de personne», à peu ment qu'hier encore venaient admirer les re près constante,indique la joie de correspondre présentants de tous les peuples alliés. Voici, plus désormais avec quelqu'un. Bientôt l'intimité loin, un autre peuple exilé, le peuple serbe, créant s'établit ; les photographies s'échangent ; on se sur notre sol les organes de sa régénération. connaît. Et alors, les petits de s'intéresser à Et voici enfin l'Italie qui, rue Récamier, expo tout ce qui concerne la vie, la famille du poilu, sait les admirables envois de l'Umanitaria de et, le poilu, à tout ce qui touche l'école et ses Milan et de quelques autres villes, l'Italie, qui, marraines : l'une n'a pu écrire : elle a eu la rou dans une salle spéciale, au Cercle de la Libraigeole. Pendant plusieurs lettres, le filleul en rie, nous montrait l'œuvre d'éducation entre parle, de cette rougeole. Elle lui tient à cœur. prise, la bataille à peine terminée, par le com Il faut bien du temps pour le rassurer. Tant, mandement suprême, des écoles ouvertes pour 14 000 enfants, dans les terres du Frioul et du pour le malheureux, séparé des siens, — il est Trentin, enfin redevenues italiennes. des régions envahies — il est doux de pouvoir penser à un enfant qui pense à lui, fût-ce pour On se doutait bien que l'effort avait été grand : s'inquiétét. L'exposition permet d'en mesurer l'importance Le poilu reçoit des paquets. « C'est tout notre avec exactitude. Et encore, il faut savoir que cet cœur qui les prépare », écrit un enfant; en ensemble, à la fois d'une inspiration si diverse échange, il envoie une fleur, un trèfle à quatre et si semblable, n'est pas tout, que, par delà cet feuilles, une image ; en grand frère, il donne effort, il y a eu d'autres efforts, par delà ces aussi des conseils : « L'instruction c'est la vie. » dévouements, d'autres dévouements, que ce Il donne des exemples. «J'ai été blessé deux qu'on aperçoit est moindre que ce qu'on ne voit fois, écrit l'un d'eux, mais je suis heureux d'avoir pas. Spectacle réconfortant et qui nous venge versé mon sang pour mon pays. > des égoïsmes çà et là impudemment manifestés. Leçon de courage que viennent renforcer Quels espoirs et quelle leçon pour l'avenir! tous les actes d'héroïsme conservés au livre d'or La guerre finie, tout rentrera dans l'ordre. Il de l'école, historique et martyrologe des anciens ne faut pas que, pour l'école, cela signifie fermer élèves et des maîtres, leçon que gravent en les fenêtres qui donnent sur le dehors, ne lui traits ineffaçables des lettres comme celle-ci : laisser d'autre horizon que les murs blanchis et ... Je sens mon cœur se gonfler d'une immense le tableau noir. Pendant la guerre, l'école a été pitié. Pauvres mamans! pauvres petit! enfants I pauvres femmes! Comme je voudrais vous les garder tous ces hommes que je commande et que j'emmènerai à l'attaque! Si je le pouvais, je leur ferais un rempart de ma poitrine. Lettre émouvante, scellée de sang : l'institu ouverte à la vie; la formule si rebattue et si vague s'est trouvée réalisée. Qu'après la guerre, l'école ne se retranche pas du réel. Ainsi prendra-t-elle, dans la restauration de notre prospérité, la part qui lui revient. teur qui l'écrivit était tué le lendemain. MAURICE ROGER.
PARTIE GÉNÉRALE 539 La Ligue du Pain « La guerre sous-marine nous cause des pertes effrayantes qui déterminent, dans le public, une anxiété croissante. » Qui dit cela? C'est lord Beresford, lequel ajoute : « Si les Anglais connaissaient la situation exacte, ils commenceraient à économiser sérieusement. » M. Helfferich, parlant devant une Commission du Reichstag, a affirmé que, dans un espace de deux mois, les submersibles allemands ont coulé 1 million de tonnes de bateaux britanniques et que l'Angleterre ne disposant que de 7 à 10 millions de tonnes, elle ne pourrait pas tenir longtemps. Sans doute, le gouvernement allemand parle ainsi pour exalter le courage de nos ennemis, qui ont besoin d'être remontés. Mais il faudrait bien se garder de dédaigner cette menace, qui inquiète vivement des hommes comme Lloyd George. Et le roi d'Angleterre a dû adresser à son peuple une proclamation exhortant chacun à la plus stricte économie. L'instituteur est tout désigné pour porter la bonne parole dans les plus petits pays" de France, préparer l'opinion, faire accepter de tous les privations nécessaires, faciliter les moyens qui doivent être pris — et notamment l'établissement dès cartes de denrées, qui sont la mesure la plus efficace et la plus équitable. L'instituteur s'attachera à former, dans chaque commune, avec les personnes les plus ouvertes, les plus dévouées à l'intérêt public, une association des bonnes volontés, une Ligue du Pain, dont il deviendra l'âme. Il faut d'abord intensifier la production du sol. Sans doute la saison est avancée ; mais il reste bien du travail à faire aux champs — notamment pour les légumes. — Et il faut aussi prévoir et organiser dès maintenant la récolte de 1918 afin qu'elle soit aussi large que possible, assez abondante pour que nous nous suffisions, car il n'est pas sûr que les Etats- Unis puissent aider toute l'Europe, qui sera, l'année prochaine, à deux doigts de la famine. Il faudra d'abord trouver des semences et des plants, puis recruter la main-d'œuvre, et enfin employer toutes les terres incomplètement exploitées. C'est aux municipalités.à demander sans relâche aux autorités ce qui leur manque, à obtenir qu'on ne réquisitionne pas abusivement, qu'on leur fournisse des hommes et notamment des prisonniers. Localement, on trouvera partout les bonnes volontés à utiliser, si on sait les encourager. Les enfants des écoles, les femmes et tous ceux qui ont quelques loisirs devront se faire les aides des paysans. C'est aux notables à donner le bon exemple. Il faudra décider et obtenir que chacun ne pense plus qu'à une chose : faire produire le sol, assurer la vie de la France. Celui qui, le pouvant,n'aide pas à ce travail sacré dans la mesure de ses forces, est un mauvais citoyen. Celui qui, ayant un champ, ne le cultive pas ou le cultive mal est indigne de le posséder. On devra, en outre, convaincre les travailleurs de l'utilité d'employer, autant que possible, des méthodes plus productives, des machines — si l'on peut en avoir — le travail en commun, des procédés plus scientifiques. On aura à lutter contre les préjugés qui réduisent la production. Il faudra se mettre en rapport avec les techniciens de l'agriculture et l'instituteur servira de vulgarisateur. On déconseillera les mauvaises pratiques, l'abatsge des animaux trop jeunes, des femelles. On prônera l'élevage des lapins et des volailles, là pêche et la chasse. Chacun s'ingénie à gaspiller le blé. On le donne même aux chevaux. Le pain est le seul aliment dont le déchet est normal, escompté, régulier. Il est rare que chacun ne laisse pas une croûte de pain à chaque repas. Si l'on évalue le déchet à 10 gr. pour seulement la moitié des Français, soit 20 millions de personnes, cela fait, par repas, une perte de 200 000 kilos de pain, environ 500 tonnes par jour. Celui donc qui, aujourd'hui, jette une bouchée de pain, doit être montré au doigt et clidtié par le mépris public. Il faut obtenir'que le taux de blutage soit élevé et que la farine de blé soit mélangée avec d'autres céréales. La viande est un alimentplus précieux encore. Je ne sais à quelle mesure s'arrêtera définitivement le Gouvernement pour en restreindre la consommation. Mais le devoir de chaque citoyen est simple et précis. Ne jamais — sauf maladie — manger de viande plus de cinq fois par semaine, pas plus d'une fois par jour, pas plus de 150 gr. par repas. Encore est-ce là un maximum qu'on est libre de réduire presque à zér,o, caries légumes secs peuvent remplacer la viande. J'indiquerai bientôt commentcomposer sur cette donnée des rations basées sur nos connaissances scientifiques. Le lait est l'aliment des enfants, des vieillards et des malades. L'adulte en bonne santé doit s'en abstenir le plus possible. Une bonne soupe le matin remplacera avantageusement le café au lait, formé de deux produits dont l'un est l'aliment irremplaçable des petits et des faibles et l'autre est acheté à l'étranger. En général, on utilise mal les denrées à la cuisine. Ainsi, pour la viande, le boucher la « pare « trop, à la maison on jette encore des déchets. Tout doit être mangé, surtout le gras. Les déchets et les os doivent servir à la préparation des graisses pour remplacer le beurre dans la cuisine. Pour les légumes, on les pèle trop, on les lave trop. En principe, toute l'eau de cuisson doit être conservée, parce qu'elle contient des produits nutritifs. On fera aussi des conserves. On parle beaucoup des marmites norvégiennes! 1 Le système est excellent, car il économise le combustible; et les aliments cuits lentement n'en sont que plus savoureux. Yoilà les choses essentiel'es qu'il faut apprendre à tous. Jamais l'instituteur, en fondant cette Ligue du Pain, n'aura eu à transmettre de notions plus utiles au bien public, au salut immédiat du pays. D R TOULOUSE. 1. Voir FAUSSEMAGNE et LAUGIEB, La marmite noryô fjienrie, brochure in-16 illustrée, 30 cent., Hachette et Cie_
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