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peuvent se compliquer de mort subite, et un certain nombre<br />

de nouvelles familles sont découvertes à l’occasion<br />

d’une mort subite récupérée. Pour illustrer ce point,<br />

je rapporterai une observation particulière récente de<br />

laminopathie.<br />

De la mort subite récupérée au diagnostic<br />

de laminopathie cardiaque<br />

Il s’agit d’un patient de 39 ans, hospitalisé pour un arrêt cardiaque<br />

récupéré ayant démarré par une tachycardie ventriculaire<br />

à 200/min avec secondairement l’apparition d’une dissociation<br />

électromécanique qui a pu être réanimé par les mesures<br />

habituelles. L’histoire de ce patient retrouve 10 ans auparavant<br />

la notion d’un Holter anormal avec une hyperexcitabilité ventriculaire<br />

et supraventriculaire et une fraction d’éjection du ventricule<br />

gauche légèrement diminuée à environ 50%. L’histoire<br />

familiale est également troublante, puisque l’un de ses frères<br />

est décédé brutalement dans son sommeil à l’âge de 45 ans. Une<br />

fois les conditions hémodynamiques du patient redevenues normales,<br />

la fraction d’éjection a été mesurée à 37%. Le diagnostic<br />

de laminopathie est évoqué étant donné l’antécédent familial<br />

de mort subite qui suggère un mode de transmission<br />

autosomique dominant (décès brutal chez le frère) et par ailleurs<br />

la notion d’anomalie rythmique supraventriculaire et ventriculaire<br />

ayant précédé et accompagné la manifestation aiguë.<br />

Un prélèvement adressé en biochimie génétique confirme le<br />

diagnostic en retrouvant une mutation présente à l’état hétérozygote<br />

(en effet un seul des chromosomes autosomiques sur<br />

les deux est atteint). Un défibrillateur est implanté et le traitement<br />

conventionnel de la dysfonction ventriculaire gauche<br />

débuté. Pour mémoire, ce patient n’a aucun signe musculaire<br />

et présente donc la forme cardiaque pure de laminopathie.<br />

A partir de là, l’enquête familiale doit commencer.<br />

Il s’agit d’un mode de transmission autosomique dominant,<br />

50% des enfants de ce patient peuvent être porteurs, et exposés<br />

à ce même risque de mort subite. Ils sont âgés de 5 à 13 ans.<br />

Se pose donc le problème du diagnostic génétique présymptomatique<br />

chez de jeunes enfants, ce qui peut avoir des répercussions<br />

psychologiques et de comportement parental chez des<br />

enfants dont le risque clinique réel n’est pas probant avant l’âge<br />

de 15 ans. Là, deux attitudes sont possibles : soit instaurer une<br />

surveillance « phénotypique » en faisant régulièrement des électrocardiogrammes<br />

et des échographies sans savoir si les enfants<br />

sont porteurs du gène de la mutation sur le gène des lamines,<br />

soit faire une détermination génétique et ne focaliser cette surveillance<br />

« phénotypique » que chez les seuls porteurs de la<br />

mutation. Cela mérite sans doute une approche pluridisciplinaire<br />

avec un psychologue, un généticien médical, mais il est<br />

clair que passé l’âge de 10 ans, étant donné le risque vital, j’aurais<br />

tendance à recommander de discuter avec les parents et les<br />

enfants, pour que l’on puisse faire cette détermination génétique<br />

et voir si l’enfant, futur jeune adolescent, est exposé à un<br />

risque notamment rythmique.<br />

Mais l’enquête familiale doit continuer ; après les descendants,<br />

les ascendants. Dans ce cas particulier, les deux parents du patient<br />

ressuscité sont décédés de problèmes non cardiaques, aussi il<br />

est difficile de savoir si ce sont les collatéraux et leurs descen-<br />

dants du côté de la mère ou les collatéraux et leurs descendants<br />

du côté du père qui sont concernés. En effet, on a de bonnes<br />

raisons de penser que la mutation a été transmise par l’un des<br />

parents, une néomutation étant peu probable dans ce cas. Le<br />

patient et son frère décédé brutalement sont atteints du phénotype<br />

laminopathie, et on a du mal à imaginer deux néomutations<br />

au sein de la fratrie. Il s’agit donc d’une maladie qui a<br />

été transmise et il faut essayer de recueillir des informations,<br />

naturellement par l’intermédiaire du patient concerné, sur ces<br />

deux parties de la famille. Concernant les collatéraux du patient,<br />

c’est-à-dire ses frères et sœurs, il faut là aussi les amener à un<br />

examen cardiologique et à un prélèvement génétique. Pour<br />

mémoire, le patient est d’ores et déjà capable de dire que sa<br />

sœur est suivie pour des problèmes rythmiques en province, et<br />

il y a fort à parier qu’elle est porteuse de la mutation, ce qui probablement<br />

modifiera sa prise en charge, notamment en termes<br />

de prévention de mort subite.<br />

En conclusion<br />

Les laminopathies à présentation cardiaque illustrent une affection<br />

grave à mode de transmission autosomique dominant<br />

avec une sanction thérapeutique, la prévention de la mort<br />

subite et un suivi cardiologique en cas de survenue de dysfonction<br />

ventriculaire gauche. Cela a des implications pratiques<br />

considérables, aussi l’enquête génétique doit être menée le<br />

plus scrupuleusement possible. De plus, cela illustre l’application<br />

pratique de la découverte d’une mutation d’un gène. On peut<br />

aussi en conclure que dans ce cas particulier il aura fallu un<br />

peu moins de 10 ans entre le clonage positionnel à<br />

l’identification du gène et la prévention de la mort subite.<br />

En revanche, le lien physiopathologique entre la diminution<br />

quantitative d’une protéine sur la membrane nucléaire<br />

(et non cellulaire) et la survenue d’une arythmie reste pour<br />

l’instant obscur. ■<br />

Pour toute correspondance avec l’auteur<br />

denis.duboc@cch.aphp.fr<br />

Pour en savoir plus<br />

- Becane HM, Bonne G, Varnous D, Muchir A, Ortega V, Hammouda EH,<br />

Urtizberea JA, Lavergne T, Fardeau M, Eymard B, Weber S, Schwartz K, Duboc D.<br />

High incidence of sudden death with conduction system and myocardial<br />

disease due to lamins A and C gene mutation. Pacing Clin Electrophysiol 2000;<br />

23(11 Pt 1): 1661-6.<br />

- Van der Kooi AJ, Bonne G, Eymard B, Duboc D, et al. Lamin A/C mutations<br />

with lipodystrophy, cardiac abnormalities, and muscular dystrophy. Neurology<br />

2002; 59(4): 620-3.<br />

- Van Berlo JH, Duboc D ,Pinto Y. Often seen but rarely recognised: cardiac complications<br />

of lamin A/C mutations. Eur Heart J 2004; 25(10):812-4.<br />

- Meune C, Van Berlo JH, Anselme F, Bonne G, Pinto YM, Duboc D. Primary<br />

prevention of sudden death in patients with lamin A/C gene mutations.<br />

N Engl J Med 2006; 354(2): 209-10.<br />

CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 40 Juin 2008

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