Le Tibet et ses habitants - Chine ancienne
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<strong>Le</strong> <strong>Tib<strong>et</strong></strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>habitants</strong><br />
conscience p.391 renaît <strong>et</strong> après elle successivement la sensation, le<br />
désir de vivre, l'attachement aux biens du monde, la transmission de<br />
l'existence à un héritier, la douleur <strong>et</strong> la mort. La roue tourne ainsi sans<br />
fin <strong>et</strong> l'on ne peut sortir de ce cercle de misères que par la<br />
connaissance de la vérité, qui fait voir le mensonge des cho<strong>ses</strong> <strong>et</strong> le<br />
mal irréparable de l'existence, <strong>et</strong> par l'abolition de la passion <strong>et</strong> du<br />
désir, qui sont les cau<strong>ses</strong> de la vie. L'apathie absolue réalisée, on<br />
échappe à la loi du devenir, on entre dans l'état parfait, immuable, où<br />
la conscience, le sentiment, la joie <strong>et</strong> la souffrance ont disparu. C<strong>et</strong>te<br />
philosophie pessimiste exclut toute spéculation de théodicée. Dieu est<br />
inutile, puisque tout dans le monde est rigoureusement déterminé. Il ne<br />
peut pas exister en tant qu'être parfait, distinct <strong>et</strong> maître de l'univers ;<br />
car, ou bien l'existence ne se conçoit point sans action <strong>et</strong> sans<br />
mouvement, or l'action <strong>et</strong> le mouvement sont une dérogation à la<br />
perfection absolue ; ou bien l'existence est conçue abstraitement,<br />
dégagée de toutes <strong>ses</strong> modalités, auquel cas l'Être parfait, immuable,<br />
sans pensée <strong>et</strong> sans volonté, sans colère <strong>et</strong> sans amour, incapable<br />
d'agir ou de songer à agir, sans limites <strong>et</strong> par conséquent indistinct,<br />
sans attributs en un mot (car les attributs sont relatifs <strong>et</strong> donc<br />
incompatibles avec la perfection), se confond avec le nirvâna, c'est-à-<br />
dire avec le néant, qui ne diffère en rien de l'absolu. C<strong>et</strong>te doctrine<br />
six siècles avant le Christ, à peu près toutes les idées que la philosophie allemande de<br />
notre siècle a cru découvrir, étaient bien éloignés d'idées aussi puériles. Pour eux, l'âme<br />
n'est qu'une série d'attributs <strong>et</strong> d'actes psychiques, de même que le corps n'est qu'une<br />
série de faits physiques. Lorsque l'ensemble des faits qui constituent l'apparence<br />
corporelle se dissout par la mort, il ne disparaît pas plus que l'ensemble des faits<br />
psychiques qui constituent la personnalité morale, car rien ne se perd, rien ne se crée.<br />
<strong>Le</strong>s actes subsistent <strong>et</strong> continuent à influer sur la vie entière du monde en entrant dans<br />
des combinaisons nouvelles. Si un individu a mal vécu, la résultante mauvaise de <strong>ses</strong><br />
actes se fera sentir après sa mort en entrant dans la formation de nouveaux êtres<br />
moraux, qui auront les mêmes caractères d'avidité, de vain attachement aux cho<strong>ses</strong> du<br />
monde <strong>et</strong> le mal de l'univers en sera accru. Au contraire, celui qui a bien vécu, qui a<br />
étouffé en lui le désir <strong>et</strong> supprimé l'activité aura par cela même supprimé des cau<strong>ses</strong> de<br />
maux futurs, il n'aura pas contribué au mouvement de la roue de vie génératrice de<br />
misères, <strong>et</strong> si tous les êtres vivants l'imitent, c<strong>et</strong>te roue fatale s'arrêtera enfin, le repos<br />
succédera à l'action, la perfection <strong>et</strong> le néant, ces deux termes indissolubles, régneront<br />
seuls. La sanction d'une bonne ou d'une mauvaise vie est donc non pas le bonheur ou<br />
le malheur individuel dans le siècle futur, mais le bonheur ou le malheur général. C<strong>et</strong>te<br />
théorie était trop haute pour l'égoïsme universel, chacun a voulu garder pour soi le<br />
bénéfice de <strong>ses</strong> efforts au lieu de le m<strong>et</strong>tre à la tirelire publique, <strong>et</strong> les Bouddhistes,<br />
sauf les docteurs les plus distingués, ont fini par accepter sur l'âme <strong>et</strong> la vie future les<br />
opinions puériles <strong>et</strong> populaires.<br />
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