Féticheurs et médecines traditionnelles du Congo (Brazzaville) - IRD
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22 A. BOUQUET<br />
Il apparaît immédiatement que les Koongo, Téké <strong>et</strong> Mb6si sont des races de savane h<br />
îlots forestiers ou galeries forestières.<br />
Vili, Sangha <strong>et</strong> Duma ont une origine se situant dans un pays de savane boisée mais ont<br />
vécu depuis très longtemps dans une zone de grande forêt tandis que les Kôta, Punu <strong>et</strong> les<br />
Babinga n'ont certainement jamais quitté le domaine de la grande forêt ombrophile.<br />
Ces constatations ne sont peut-être pas nouvelles, mais illustrent bien l'interdépendance<br />
qu'il y a dans le domaine des plantes médicinales entre les hommes <strong>et</strong> la végétation <strong>du</strong> pays<br />
qu'ils habitent <strong>et</strong> méritent d'être mises en relief.<br />
Si la végétation a une influence considérable sur les connaissances humaines. les hommes<br />
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h leur tour sont capables de modifier profondément c<strong>et</strong>te végétation. Je n'insisterai pas sur<br />
ce fait trop connu <strong>et</strong> bien étudié par des personnalités plus compétentes que moi, s'il ne posait<br />
au <strong>Congo</strong> le problème particulièrement grave de la savanisation <strong>du</strong> pays.<br />
C<strong>et</strong>te destruction de la végétation primitive est particulièrement importante dans les<br />
zones à forte densité de population correspondant surtout au domaine des Koongo nord-<br />
occidentaux.<br />
Dans le Mayombe, par exemple, tout le long de la voie de chemin de fer <strong>et</strong> de la route<br />
Pointe Noire - Dolisie, on observe, jusqu'à environ une quinzaine de kilomètres avant<br />
M'Vouti, une disparition presque complète de la forêt sur une largeur pouvant atteindre<br />
15 à 30 km; elle est remplacée par des cultures trés souvent abandonnées <strong>et</strong> recouvertes par<br />
de la brousse secondaire à Parasolier, Tren~a guineensis, Alchornea cordifolia, Harungana<br />
madagascariensis, <strong>et</strong>c., <strong>et</strong> j'ai pu observer à Les Saras <strong>et</strong> à Guéna de véritables p<strong>et</strong>ites savanes<br />
claires à Annona arenaria, Bridelia ferruginea, Hymenocardia acida <strong>et</strong> tapis herbacé. Quoique<br />
de trés faible éten<strong>du</strong>e <strong>et</strong> encore assez éloignées les unes des autres, elles sont significatives<br />
de l'évolution de la végétation dans c<strong>et</strong>te rénion.<br />
O O<br />
Dans les environs de <strong>Brazzaville</strong> la savanisation se poursuit à un rythme accéléré par la<br />
destruction. Dour établir des ~lantations vivrières ou obtenir <strong>du</strong> bois de chauffe. des rares<br />
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îlots forestiers, <strong>et</strong> même de galeries entières existant encore dans la région. Près <strong>du</strong> village<br />
de Moutampa, il y avait en juin 1964 une magnifique galerie forestière renfermant les rares<br />
plants d'Avodiré (Turraeanthus africanus) <strong>et</strong> de Schummaniophyton connus dans la région;<br />
un an après, les trois quarts de c<strong>et</strong>te formation étaient convertis en champ de manioc. De même<br />
le long <strong>du</strong> <strong>Congo</strong>, ainsi qu'entre Kinkala <strong>et</strong> Hamon, beaucoup de forêts disparaissent chaque<br />
année pour être transformées en plantations qui, abandonnées quelques années plus tard,<br />
deviendront l'un de ces innombrables recrûs forestiers qui parsèment toute la région.<br />
A l'heure actuelle,. pour trouver une formation fermée à caractère primitif, présentant<br />
une certaine éten<strong>du</strong>e, il faut aller à plus de 200 km de <strong>Brazzaville</strong>.<br />
C<strong>et</strong>te dégradation de la végétation primitive <strong>et</strong> son remplacement par la brousse secon-<br />
daire fait que les espèces de forêt lorsqu'elles ont survécu, se sont réfugiées dans les lieux<br />
accidentés à l'abri des destructions humaines. C'est pour c<strong>et</strong>te raison qu'il est très rare de<br />
trouver des peuplements importants de plantes forestières; elles existent dans de nombreux<br />
endroits mais toujours par indivi<strong>du</strong>s isolés <strong>et</strong> toujours très dispersés. Tout espoir d'exploi-<br />
tation in<strong>du</strong>strielle sera de ce fait aléatoire car il sera très difficile de récolter plusieurs tonnes<br />
de drogues à des prix capables d'intéresser l'in<strong>du</strong>strie de pro<strong>du</strong>its pharmaceutiques.<br />
Si dégradée soit-elle. la véeétation. Dar sa variété. offre encore aux féticheurs des<br />
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ressources considérables pour la mise en pratique de leurs connaissances ancestrales.<br />
La diversité des peuples qui se sont mêlés sur la rive droite <strong>du</strong> <strong>Congo</strong> va elle aussi,<br />
contribuer à l'élaboration de ces connaissances qui feront de la pharmacopée congolaise une<br />
des pliis riches d'Afrique.