Féticheurs et médecines traditionnelles du Congo (Brazzaville) - IRD
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d'un Ficus sp. dont les branches sont couvertes d'épiphytes (mousses, lichens, orchidées,<br />
fougères, <strong>et</strong>c.) ce qui explique la légende des mille feuilles.<br />
Parmi les autres espèces considérées comme sacrées signalons Ficus thonningii,<br />
Anonidium mannii, Quassia africana, <strong>et</strong>c. Comme aucune tradition, ni légende n'existe à ce suj<strong>et</strong>,<br />
il est impossible de savoir d'où provient le caractère religieux de ces plantes qui n'ont par<br />
ailleurs rien de particulièrement remarquable, ni dans leur port, ni dans leur forme, ni par<br />
leurs sécrétions.<br />
Chez les Laadi, l'offrande consiste le plus souvent en une pièce de monnaie (cinq ou<br />
dix francs) qui est enterrée au pied de l'arbre : Mbôsi <strong>et</strong> Kôta se contentent de planter autour<br />
de la plante 3 ou 4 bâtonn<strong>et</strong>s symboliques; je n'ai vu que deux fois, dans la région de <strong>Brazzaville</strong><br />
allumer des bougies au pied de l'arbre.<br />
Plus rarement l'offrande est constituée Dar une libation de vin de al me ou de nourriture:<br />
elle est parfois représentée par un simple morceau de noix de cola.<br />
Le cadeau ne suffit pas, le féticheur est tenu d'expliquer à la plante ce qu'il attend<br />
d'elle : (( je viens te chercher pour que tu fasses telle ou telle chose » ou encore « je viens te<br />
prendre pour un tel qui souffre de telle maladie »; c'est parfois aussi à l'esprit de l'arbre que<br />
l'on s'adresse en lui demandant telle ou telle chose.<br />
Au moment de la récolte, le féticheur doit parfois revêtir un costume particulier (M ... V...<br />
de Mpassa s'habille de blanc, dans certaines occasions N... S... de Boundji doit au contraire<br />
se m<strong>et</strong>tre tout nu) <strong>et</strong> le plus souvent opérer seul à un moment bien déterminé : par exemple<br />
en lei ne nuit. ou avant le ~remier chant <strong>du</strong> cou. ou bien au contraire au lever <strong>du</strong> soleil :<br />
1,<br />
c'est-à-dire au moment où les mauvais esprits sont répan<strong>du</strong>s dans la forêt, à celui où ils<br />
regagnent leur tanière, ou au contraire lorsque les forces vitales bénéfiques font leur appa-<br />
. .<br />
rition.<br />
La façon de récolter les écorces importe parfois; je n'ai jamais trouvé mention au <strong>Congo</strong><br />
<strong>du</strong> prélèvement est-ouest si fréquent en Afrique Occidentale dans les pays influencés par le<br />
mythe solaire. Ce que le féticheur observe surtout c'est la façon dont les écorces tombent<br />
à terre : il y voit une réponse aux questions posées ou un pronostic, quant à l'évolution de la<br />
maladie : en général seules les écorces tombées la face intérieure à l'air sont utilisables.<br />
Ayant observé toutes ces précautions, il n'y a plus qu'à prélever écorces ou racines :<br />
si les Kongo nord-occidentaux entaillent l'arbre jusqu'au cambium <strong>et</strong> prélèvent des frag-<br />
ments importants de l'écorce, les autres <strong>et</strong>hnies préfèrent, après les avoir débarrassées de<br />
la couche libérienne superficielle ainsi que des mousses, lichens ou épiphytes qu'il peut y<br />
avoir, gratter l'arbre en tenant la mach<strong>et</strong>te à deux mains perpendiculairement au tronc.<br />
La sciure ainsi obtenue est recueillie dans une feuille de Marantacées, servant ensuite à faire<br />
un paqu<strong>et</strong> proprement ficelé d'une liane.<br />
Les feuilles sont soigneusement choisies <strong>et</strong> inondées avant d'être ficelées en un p<strong>et</strong>it<br />
Daau<strong>et</strong>.<br />
1 I<br />
La sève ou les latex sont obtenus par entaille en biais de l'écorce <strong>et</strong> recueillis dans une<br />
feuille enroulée en corn<strong>et</strong> ou dans un verre. Dans le cas particulier <strong>du</strong> Parasolier ou <strong>du</strong><br />
Myrianthus arboreu, son coupe une grosse racine en biseau <strong>et</strong> on laisse la sève s'écouler pendant<br />
24 ou 48 heures selon la quantité désirée dans un seau placé dessous. Pour les lianes <strong>du</strong> genre<br />
liane à eau (T<strong>et</strong>racera sp.), il faut prélever un morceau de 1 à 2 mètres <strong>et</strong> le tenir vertica-<br />
lement au-dessus <strong>du</strong> récipient.<br />
Les fruits sont ris sur l'arbre s'ils sont facilement accessibles. sinon ramassés dessous.<br />
Ayant respecté tous les rites coutumiers, assuré de l'efficacité de la drogue qu'il vient<br />
de récolter le féticheur n'a plus qu'à préparer ses remèdes avant de les administrer aux<br />
- -<br />
malades.<br />
Pour beaucoup de guérisseurs, surtout des régions nord <strong>du</strong> <strong>Congo</strong>, le médicament est<br />
plus eficace s'il est consommé cru additionné le plus souvent de sel <strong>et</strong> d'huile de palme : les<br />
écorces déjà rapées ou non sont finement pulvérisées pour en faciliter l'absorption par le<br />
malade; les feuilles sont très finement coupées en lanière de deux ou trois millimètres d'épais-<br />
seur: elles sont consommées soit crues assaisonnées de sel <strong>et</strong> d'huile de al me. soit cuites<br />
comme légume avec les assaisonnements de la cuisine normale <strong>et</strong> accompagnées de viande<br />
ou de ois son seloii l'a~i~rovisioniiemeiit de la famille.<br />
L 1<br />
Par ailleurs presque toutes les forrries galéniques classiques sont couramment utilisées<br />
dans la préparation des remèdes.