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La controverse de Janus - Bibliothèque Universitaire d'Evry

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Notre société française contemporaine serait-elle <strong>de</strong>venue dès lors le sanctuaire d’une<br />

humanité inviolable ? Si cela ne fait aucun doute lorsqu’on se situe au niveau <strong>de</strong>s textes<br />

législatifs et <strong>de</strong>s différentes dimensions symboliques et politiques, l’analyse <strong>de</strong>s rapports<br />

quotidiens qu’entretiennent les hommes entre eux amène, il est vrai, à plus <strong>de</strong> relativisme<br />

puisque cette <strong>de</strong>rnière témoigne que la « nature » humaine ne sous-entend pas toujours ce que<br />

l’on pourrait croire <strong>de</strong> prime abord. Le tableau peignant la société peut effectivement se noircir<br />

très rapi<strong>de</strong>ment au détour d’une simple promena<strong>de</strong> dans les ruelles d’une gran<strong>de</strong> ville. Là,<br />

allongés à même le sol, sur le béton souillé par <strong>de</strong>s mégots <strong>de</strong> cigarettes et <strong>de</strong>s emballages <strong>de</strong><br />

produits <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> consommation, s’amassent <strong>de</strong>s ombres d’hommes et <strong>de</strong> femmes,<br />

recroquevillées sur eux-mêmes, dans <strong>de</strong>s postures physiques et psychologiques rompant avec<br />

les cadres normatifs habituels.<br />

« Ils puent. Ils puent la crasse, les pieds, le tabac et le mauvais alcool. Ils puent la haine, les<br />

rancoeurs et l’envie. Ils se volent entre eux. Terrorisent les plus faibles et les infirmes.<br />

Guettent comme <strong>de</strong>s rats, le sommeil <strong>de</strong>s autres pour les dérober <strong>de</strong>s misères : bouteilles à<br />

moitié vi<strong>de</strong>s, sacs immon<strong>de</strong>s follement bourrés <strong>de</strong> chiffons souillés et <strong>de</strong> journaux déchirés » 9 .<br />

L’attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s personnes qui croisent leurs chemins, acteurs involontaires <strong>de</strong> rencontres qui<br />

peuvent paraître inexistantes 10 mais qui sont en réalité loin <strong>de</strong> l’être, amène même certains<br />

observateurs à déclarer – <strong>de</strong> manière plus ou moins heureuse - qu’ils ont pratiquement atteint<br />

« le <strong>de</strong>rnier niveau <strong>de</strong> réalité » en <strong>de</strong>venant <strong>de</strong>s sortes <strong>de</strong> « fantômes » du social.<br />

« Le froid est à l’intérieur <strong>de</strong> nous. S’il pleut, tout est mouillé, tout se dégra<strong>de</strong>, les vêtements,<br />

la peau, les cheveux. L’homme est transformé en chiffon, en serpillière humi<strong>de</strong>, comme un<br />

papier mouillé dans le caniveau. 5 heures : la grille du métro est toujours fermée et la ville<br />

aveugle passe sans voir ces somnambules, ombres enveloppées <strong>de</strong> chiffons, corps gisants au-<br />

<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la torpeur et qui mettront la journée à extirper cette petite mort en eux » 11 .<br />

Ces étrangers <strong>de</strong> l’ère <strong>de</strong> l’information et <strong>de</strong> la globalisation sont ceux que l’on appelle<br />

couramment les exclus, les sans domiciles fixes, les désaffiliés, membres malgré eux, dit-on<br />

9 Patrick Declerck, Les naufragés, Terre Humaine, Plon, Paris, 2001, p. 12<br />

10 Albert Memme, Portrait du colonisé, Gallimard, Paris, 1985<br />

11 Jean-Paul Mari, Yann Le Bechec, SDF - les fantômes du froid [en ligne], 9 février 2006, Disponible<br />

sur Internet : http://www.grands-reporters.com/LES-FANTOMES-DU-FROID.html<br />

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