La controverse de Janus - Bibliothèque Universitaire d'Evry
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De la perversité <strong>de</strong>s anges.<br />
Chose étonnante au vu <strong>de</strong> leurs états, les AMP arrivent en effet à les accuser <strong>de</strong> ne pas faire<br />
d’efforts. Leur incapacité manifeste à travailler (entendue ici comme l’action d’agir sur leur<br />
environnement, et donc sur leur autonomie) est alors remplacée lors <strong>de</strong>s prises en charge, par<br />
une supposée aptitu<strong>de</strong> à réaliser seul, ou du moins avec beaucoup moins d’assistance, tout leur<br />
quotidien. « Tu ne fais aucun effort, je sais que tu peux le faire mais t’es malin, tu sais que je<br />
vais te le faire donc tu préfères glan<strong>de</strong>r, et moi je fais tout, je dois vraiment être bête » (AMP,<br />
28 ans). Chez toutes les AMP, se retrouvent alors ces sentiments où les rési<strong>de</strong>nts ne sont plus<br />
vus comme <strong>de</strong>s êtres innocents (car non responsables) mais bien comme étant <strong>de</strong>s personnes<br />
capables <strong>de</strong> feindre une fausse incapacité :<br />
« Josiane vient <strong>de</strong> finir sa prise en charge avec une rési<strong>de</strong>nte femme qui avait fait un<br />
barbouillage [action consistant à se recouvrir le corps <strong>de</strong> ses propres selles]. Elle ramène<br />
Marianne au sein du hall pour la placer sur un fauteuil car elle ne peut pas marcher seule à<br />
cause <strong>de</strong> son handicap. Josiane a le visage rouge, ruisselant <strong>de</strong> sueur. Son énervement est si<br />
présent que l’on peut le percevoir sur son visage : sa joue droite fait <strong>de</strong> petits sautillements et<br />
ses lèvres tremblent. Elle n’arrête pas <strong>de</strong> crier contre Marianne ; elle lui dit « qu’elle est<br />
chiante », qu’elle n’est « vraiment pas sympa », qu’elle n’a « aucune reconnaissance pour ce<br />
que l’on fait pour elle, et « qu’on en a marre <strong>de</strong> voir ses fesses [Marianne n’a cessé cette<br />
semaine d’ôter son pantalon] et que d’ailleurs elles [ses fesses] ne sont même pas belles ».<br />
Face à tout cela, les AMP présentes dans le hall rigolent. Josiane feint <strong>de</strong> ne pas entendre les<br />
rires – elle continue d’amener Marianne vers le fauteuil en la tirant trop fort pour son rythme<br />
<strong>de</strong> marche. Cette <strong>de</strong>rnière est donc déstabilisée, on voit qu’elle a peur, ce qui est du reste le<br />
but recherché par l’AMP : elle veut que Marianne « ne fasse pas sa fière ». Les rires <strong>de</strong>s AMP<br />
sont par ailleurs assez étranges. Ils ne sont pas forcés car ils sont bel et bien réels, mais ils<br />
sont accentués, ils sont « trop » : trop forts, trop longs, trop nerveux ».<br />
Les AMP ressentent donc une énorme frustration lorsqu’un rési<strong>de</strong>nt les met en échec.<br />
Sentiment dès plus confus il est vrai, mais néanmoins omniprésent et qui n’arrive jamais à être<br />
rationalisé. C’est d’ailleurs une <strong>de</strong>s dimensions les plus taboues au sein <strong>de</strong> l’institution : le<br />
travail à la chaîne, la routine, le fait <strong>de</strong> ne « plus voir le rési<strong>de</strong>nt » arrivent malgré tout à être<br />
abordés, même si cela ne se fait qu’en aparté et <strong>de</strong> manière irrégulière ; mise en mots qui<br />
n’arrive à l’inverse quasiment jamais en ce qui concerne la responsabilisation et la<br />
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