La controverse de Janus - Bibliothèque Universitaire d'Evry
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<strong>de</strong>bout dans la rue en tentant vainement <strong>de</strong> vendre <strong>de</strong>s magazines sans pour autant qu’on leur<br />
accor<strong>de</strong> le mérite d’un tel travail 16 . Une très gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s personnes qui les croisent, les<br />
critiquent même assez violemment en les accusant <strong>de</strong> ne pas « travailler comme les autres » et<br />
<strong>de</strong> « ne pas les laisser tranquille ». L’observation <strong>de</strong>s attitu<strong>de</strong>s physiques et <strong>de</strong>s<br />
comportements <strong>de</strong>s automobilistes vers lesquels ces « travailleurs <strong>de</strong> la rue » se dirigent est<br />
ainsi <strong>de</strong>s plus significative : profils bas, mimiques crispées et gestes <strong>de</strong> la main brefs et tendus<br />
pour indiquer un refus catégorique sans possibilité <strong>de</strong> discussion, regards extrêmement fuyants<br />
et centrés sur le feu rouge, qui semble vécu comme une chose interminable, sont autant <strong>de</strong><br />
signes d’un profond embarras et d’une interaction déplaisante que l’on souhaiterait le plus<br />
rapi<strong>de</strong> possible à défaut <strong>de</strong> ne pouvoir y échapper.<br />
Les critiques sont du reste encore pires lorsque ces individus ne travaillent pas car ils sont<br />
alors comparés à « <strong>de</strong>s parasites » venant mettre à mal le fonctionnement <strong>de</strong> la société :<br />
« Je suis désolée mais en France, il y a du boulot, d’accord c’est le plus souvent très exigeant<br />
et dur physiquement, ok je l’admets mais celui qui le veut vraiment, celui qui est motivé, il<br />
peut s’en sortir. D’un autre côté, c’est vrai qu’attendre sagement <strong>de</strong> toucher les « allocs »<br />
c’est plus facile. En plus, je suis sûre qu’ils gagnent plus que nous au final. <strong>La</strong> solidarité c’est<br />
incontournable, je suis vraiment pour, mais pas n’importe comment, c’est tout. » (Étudiante<br />
master professionnel dans l’action sociale, orientation politique « revendiquée » <strong>de</strong><br />
« gauche »).<br />
Et <strong>de</strong> tels discours sont loin d’être le monopole <strong>de</strong> quelques ultra-libéraux isolés. Si le<br />
monopole du cœur n’est pas réservé aux gens <strong>de</strong> gauche, celui <strong>de</strong> la vision négative <strong>de</strong>s<br />
communiquer : le système <strong>de</strong> soins français est par exemple mis à défaut dans ses tentatives à<br />
comprendre les mots <strong>de</strong>s immigrés, à diagnostiquer leurs maux. Le corps se substituant dès lors au<br />
langage. Pour plus <strong>de</strong> détails, Ab<strong>de</strong>lmalek Sayad, <strong>La</strong> double absence. Des illusions aux souffrances <strong>de</strong><br />
l’immigré, Seuil, Paris, 1999. L’analyse approfondie montre toutefois que cela tient plus du<br />
positionnement socio-économique <strong>de</strong> la personne que <strong>de</strong> la dimension ethnique. Lire Michel Sauquet,<br />
op. cit.. Cf. également, Danilo Martuccelli, op. cit. p. 120<br />
16 Sur ce point, Patrick Gaboriau, Clochard, l’univers d’un groupe <strong>de</strong> sans-abri parisien, Paris,<br />
Julliard, Paris, 1993. Vanessa Stetting, « L’analyse sociologique <strong>de</strong>s supports », in Vincent Cadares,<br />
Danilo Martuccelli, Matériaux pour une sociologie <strong>de</strong> l’individu, Edition Septentrion, Lille, 2007, pp.<br />
43-55. Pour une analyse inverse témoignant <strong>de</strong>s effets positifs <strong>de</strong> ce type <strong>de</strong> ventes, lire Cédric<br />
Fretigne,<br />
Les ven<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> la presse SDF,<br />
Logiques Sociales, Paris, 2003<br />
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