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Le café-concert: Archéologie d'une industrie ... - Marc Angenot

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<strong>Le</strong> Café-<strong>concert</strong>:<br />

<strong>Archéologie</strong> <strong>d'une</strong> <strong>industrie</strong> culturelle<br />

Chapitre I<br />

e<br />

La présente étude est consacrée au <strong>café</strong>-<strong>concert</strong> en France à la fin du XIX siècle. <strong>Le</strong> matériau<br />

essentiel de l'analyse est formé de l'ensemble de la production de chansonnettes composées<br />

dans l'année mil huit cent quatre-vingt-neuf.(1) Cette année forme un échantillonnage qui<br />

vaut pour les décennies 1880 et 1890, première phase de la «Belle époque». Je vais chercher<br />

à décrire et interpréter l'état <strong>d'une</strong> <strong>industrie</strong> culturelle, la première en date à avoir présenté<br />

fortement tous les caractères de cette "Kultur<strong>industrie</strong>" qui va occuper hégémoniquement la<br />

place au siècle suivant. Encore à l'étape paléotechnique, la chansonnette commerciale, -- sans<br />

phonographe ni radio, -- crée et impose une logique de son champ communicationnel<br />

(standardisation et inflation de la production, engendrement d'un public-magma transsocial,<br />

vedettariat, implantation <strong>d'une</strong> mini-culture avec sa presse ad hoc et son fandom) en<br />

concomitance avec une axiomatique, que je vais analyser, de la production parolière et<br />

musicale.<br />

<strong>Le</strong> <strong>café</strong>-<strong>concert</strong> de 1889 permet en effet de voir l'émergence <strong>d'une</strong> culture massmédiatique,<br />

culture dont l'évolution ultérieure ne fera que confirmer les tendances originelles,<br />

à une époque où le spectacle de compétition sportive (à l'exception du sport hippique) et le<br />

cinéma sont encore absents, où la publicité, imprimée ou murale, reste fort discrète et où les<br />

formes modernes de l'imprimé non-canonique de loisir -- de l'astrologie journalistique aux<br />

mots-croisés, du roman policier ou d'espionnage à la presse de sang-à-la-une -- sont seulement<br />

en voie d'émerger de formes plus anciennes: logogriphes et énigmes, canards et complaintes,<br />

presse à un sou, roman-feuilleton venu de Soulié, Suë et Féval.<br />

Mon travail résulte <strong>d'une</strong> enquête systématique sur les chansons publiées en 1889, sur<br />

les archives de la censure complétée par la lecture de toute la presse de l'année et sur l'analyse<br />

des écrits des publicistes et des lettrés qui ont écrit sur le phénomène, ordinairement pour<br />

s'en affliger. La recherche globale sur la théorie du discours social couplée à une description d'un<br />

état du discours social en 1889 à laquelle je me suis livré dans quelques livres récents, a permis<br />

d'immerger le "caf' conc'" et ses chansonnettes dans la doxa de l'époque et la totalité des<br />

"scriptibles", distingués et vulgaires, lettrés et savants, publics et ésotériques qui forment, dans<br />

leur intertextualité, le discours social de ce temps.<br />

<strong>Le</strong> <strong>café</strong>-<strong>concert</strong> s'est trouvé s'imposer en premier comme une culture commerciale; en<br />

symbiose avec le mélodrame de boulevard, le vaudeville, la "revue", il est devenu -- c'est le lieu<br />

commun alors des commentateurs -- la "forme par excellence" du loisir "populaire" urbain sous<br />

la Troisième République. Hors les souvenirs attendris de "vieux Parisiens" et les scènes de<br />

roman (souvent <strong>d'une</strong> exactitude douteuse), le <strong>café</strong>-<strong>concert</strong> n'a pas suscité d'enquêtes ni<br />

2

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