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Le café-concert: Archéologie d'une industrie ... - Marc Angenot

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de 1889. Ce sont -- outre les vieilles cryptosémies de ritournelle qui ont pour elles une longue<br />

tradition ("Tirlipitontaine/Tirlipitonton" ou Tir la rirette et lir lon fla") -- le pataquès, le<br />

calembour, la scie et l'insanité, quatre procédés à haut rendement. <strong>Le</strong> pataquès d'abord, et plus<br />

généralement la faute de français. Toutes les chansons fleurissent de pataquès, au sens précis<br />

de "mauvaises liaisons" soulignées et multipliées:<br />

Et mon bonnet z' à ruban..<br />

Tout l'p'loton z'et l'capitaine..<br />

Y m'a z'app'lé vieux cornard...<br />

Ou par omission faubourienne de la liaison, omission bien indiquée dans le texte:<br />

C'est pas - h'une femme...<br />

<strong>Le</strong> pataquès est la forme topique du français illégitime, le public populaire se moque ou est<br />

amené à se moquer de sa propre ignorance du langage en reconnaissant attendri chez le<br />

chanteur ses propres fautes. Toutes les histoires de pochards mettent en scène un "overrier"<br />

qui parle en pataquès. L'incorrection phonétique est souvent soulignée à la rime:<br />

Qu'il est bien vot' lapin!<br />

Faudra m'en garder in.<br />

...de même que "Montmerte" rime avec "ouverte" (Ch. d'Herbel, <strong>Le</strong> Parti ouvrier, 14.; 1).<br />

D'autres comiques langagiers forment des groupements stylistiques typés. Dans une<br />

société où il existait une revue populaire hebdomadaire, La Lanterne de Boquillon, dont le seul<br />

et unique ressort comique était d'être rédigée en galimatias avec des fautes d'orthographe (!),<br />

la maîtrise incorrecte du français distingué est une arme puissante d'auto-dérision. Quelques<br />

publicistes minables ont mis au point le style militaire du Soldat Chapuzot:<br />

Oui j' m'en vas vous fair' la causette tout en ingurgitant <strong>d'une</strong><br />

manière ostensible et perpendiculaire la soupe que le cuisinier<br />

du régiment il confectionne pour restaurer l'estomac du troupier<br />

français.<br />

(La Gamelle d'Ouvrard)<br />

Quant au paysan -- naïf, balourd, pleurnichard, hébété, avec son casque à mèche, son gilet<br />

court et son large fond de pantalon -- il parle toujours une langue invraisemblable avec des<br />

"j'étions", "j'épouserons" et accumule les impropriétés:<br />

J' m'ons rendu à l'estation du chien de fer pour me digérer sur Paris<br />

... j'ai grimpé dans un vagabond de première classe, j'aurions ben<br />

été à l'impartiale...<br />

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