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Le café-concert: Archéologie d'une industrie ... - Marc Angenot

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<strong>Le</strong> travail du compositeur est, par la nature des choses, plus absorbant que celui du<br />

parolier bien rodé:<br />

<strong>Le</strong> compositeur est obligé, lui, de transcrire avec soin les parties de<br />

chant et d'accompagnement, sans compter l'orchestration, c'est-à-dire<br />

quatorze ou quinze pages. Maintenant, si, à la répétition, l'artiste trouve<br />

que le ton de son morceau est trop haut ou trop bas, et que les musiciens<br />

de l'orchestre ne soient pas tous capables de le transposer à première<br />

vue, l'ouvrage doit être recommencé entièrement.<br />

(Chadourne, 1889, 182)<br />

Il en résulte que le compositeur ne se charge jamais de la musique que quand les<br />

paroles sont revenues du Bureau de la Censure, et que le directeur et l'interprète ont reçu le<br />

morceau.<br />

<strong>Le</strong>s "paroliers" (ce terme d'argot de métier est nouveau) sont fréquemment de petits<br />

fonctionnaires, dit-on, qui, attirés par le milieu particulier du caf'conc' et avides de revenus<br />

supplémentaires, livrent sous pseudonymes leurs élucubrations. L'autre catégorie de paroliers<br />

est celle de directeurs de salles, d'"agents lyriques" et de chanteurs qui combinent à leur<br />

connaissance du milieu un brin de plume plus ou moins spirituelle. Duhem, chanteur<br />

fameux, est aussi l'auteur-compositeur de "3 100 chansons et opérettes en un acte". Industriel<br />

polyvalent et entendu en ses affaires, il a en outre créé un "petit conservatoire" où il apprend<br />

le métier à des élèves payants; "notre biographié pétrit délicatement chaque année 150 divettes<br />

o<br />

appelées à faire les délices paradisiaques des villes de garnison" (Chansons illustrées, n .40).<br />

<strong>Le</strong>s auteurs de chansonnettes les plus abondants de l'époque, écrivant en collaboration<br />

jusqu'à douze chansons en une semaine ont été: Lucien Delormel (1847-1899), directeur de<br />

l'Alcazar d'Eté, auteur de "Rev'nant d'la r'vue"), Gaston Villemer (Germain Gérard dit Villemer,<br />

1840-1892, auteur du "Maître d'école alsacien" et surtout du revanchard "Alsace-Lorraine") et<br />

Garnier, associé à Delormel. Ces paroliers à grand succès sont, paraît-il, souvent de simples<br />

signataires; ils ont des nègres:<br />

Pour en revenir aux collaborations, il en existe une d'un autre genre. (...)<br />

C'est rarement une collaboration au vrai sens du mot, ceux qui signent<br />

l'oeuvre avec l'auteur principal étant là plutôt comme protecteurs que<br />

comme co-auteurs. Mais à cela ils gagnent de la galette. C'est pour eux<br />

l'essentiel. Que leur importe l'ignominie du procédé? (Chadourne, 164)<br />

Il est vrai qu'à côté de ces <strong>industrie</strong>ls-forbans, certains succès de <strong>café</strong>-<strong>concert</strong> ont été<br />

dus à la plume de personnalités moins déconsidérées: poètes dans la mouvance des<br />

hydropathes, zutistes et des cabarets artistiques ou chansonniers socialistes dont le caf'conc'<br />

reprend tout à coup une pièce et lui confère le succès. Aristide Bruant, pour la musique, et<br />

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