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Le café-concert: Archéologie d'une industrie ... - Marc Angenot

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<strong>Le</strong>s députés sont des vendus,<br />

On s'ra content quand y en aura plus,<br />

A, E, I, O, U! (Paris, sa vie et ses<br />

plaisirs, 1889, 120)<br />

<strong>Le</strong> personnel d'un <strong>café</strong>-<strong>concert</strong> est distribué selon des emplois et des tessitures. Il comporte<br />

typiquement un tenor, un baryton, plusieurs comiques, une "forte chanteuse", une "chanteuse<br />

à roulades", une contralto, quelques chanteuses légères et chanteuses comiques. Sous le<br />

Second Empire, les règlements de police ne permettaient; - je l'ai signalé - aucun habit de<br />

scène: c'était la tenue de soirée seulement pour les messieurs, la robe de soirée pour les dames.<br />

Sous la pression du succès, le caf' conc' transgresse sournoisement l'interdit et tout change vers<br />

1880.<br />

L'habillement du comédien-chanteur est déterminé par le type où il se spécialise:<br />

déguisements variés pour les comiques, costume extravagant à larges ganses et boutons<br />

énormes pour l'"excentrique" style Paulus, robe de bal pour la débiteuse de romances, peplum<br />

ou habit de soirée pour le style militaire-patriotique. (L'armée ne tolère pas l'uniforme de<br />

fantaisie, mais on admet que le comique-troupier, type nouveau tout de suite arrivé à la<br />

perfection, puisse se déguiser en troufion du train des équipages, uniforme suffisamment<br />

grotesque par lui-même qui fera le succès d'Ouvrard père, de Polin et de Bach).<br />

Paulus a imposé et fait acclamer pour le genre "excentrique" -- homme ou femme -- une<br />

interprétation combinée de pantomime et de gigue, spectacle de trémoussements,<br />

sautillements, contorsions, "hystérie gesticulatoire" disent les contemporains qui formulent<br />

la logique de cette exhibition dans le sociogramme de Charcot, de la Salpêtrière, de la<br />

dégénérescence nerveuse, qui marche bien dans toute la doxa. Ce contorsionnisme a gagné<br />

au cours des années 1880 tous les chanteurs et chanteuses jusque dans les plus lointaines souspréfectures<br />

(à l'exception de la kinésique mélodramatique de la romance, et du débit crâne,<br />

tendu et martial de la marche patriotique). Pour les chanteuses "à diction" dont la thématique<br />

unique est: "Ça m'agace, ça m'chatouille, ça m'gratouille, ça m'excite", l'interprétation en danse<br />

de Saint-Guy semble idoine aux paroles de la chansonnette.<br />

Il existe au <strong>café</strong>-<strong>concert</strong> une sorte de plan-type de déroulement du spectacle, plan basé<br />

sur l'alternance des genres (scie/ineptie/chansonnette comique, puis romance) mélodie -chanson<br />

patriotique...) et sur une gradation (artistes de second ordre -- vedette -- artistes de<br />

"fin de soirée"). Une institution typique du Second Empire a presque disparu à Paris mais<br />

subsiste en province: la "corbeille" que j'ai évoquée plus haut: une demi-douzaine de femmes<br />

en robes de bal font demi-cercle sur la scène autour du chanteur ou de la chanteuse, s'éventent,<br />

prennent des poses, font des mines. (C'est ce que le populaire appelait les "poseuses" et le<br />

terme est resté).<br />

Ce n'est que depuis quelques années, après 1880 en tout cas, que la séquence alternée<br />

de chansonnettes s'est peu à peu complétée d'autres variétés (ce mot technique est apparu dans<br />

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