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Rhétorique de la confiance et de l'autorité - Marc Angenot

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l’argument-massue «C’est comme ça parce que je le dis !» est simplement<br />

fal<strong>la</strong>cieux <strong>et</strong> contraire aux «règles du débat». 17<br />

C’est ainsi qu’il est fort raisonnable dans un cas <strong>et</strong> déraisonnable dans un<br />

autre <strong>de</strong> croire Aristote – c’est selon l’attitu<strong>de</strong> que j’adopte à l’égard du<br />

Stagirite. Je puis croire telle <strong>et</strong> telle idées d’Aristote par présomption <strong>de</strong><br />

crédibilité <strong>et</strong> <strong>de</strong> sagacité <strong>et</strong> dès lors sous réserve d’examen (sans présumer<br />

toutefois que je suis à tout coup plus fort <strong>et</strong> plus malin que lui), mais je ne<br />

dois pas croire aveuglément tout ce qu’il a écrit <strong>et</strong> enseigné en acceptant<br />

l’argument dogmatique que les anciens traités désignaient précisément<br />

sous le nom d’Aristoteles dixit !<br />

Thomas d’Aquin dans <strong>la</strong> Somme théologique argumente abondamment selon<br />

<strong>la</strong> «raison naturelle», ratio naturalis – dès lors il semble qu’il me <strong>la</strong>isse libre<br />

d’évaluer ses arguments <strong>et</strong> <strong>de</strong> différer d’avis. Mais dans <strong>la</strong> théologie<br />

dogmatique, ce qu’a conclu le Docteur angélique doit s’imposer, avec les<br />

raisonnements par lesquels il est arrivé à ses conclusions, hors <strong>de</strong> toute<br />

discussion par l’autorité seule que lui reconnaît l’Église. L’axiome <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

pensée théologique <strong>de</strong> Thomas est que foi <strong>et</strong> raison ne peuvent se<br />

contredire car elles émanent toutes <strong>de</strong>ux <strong>de</strong> Dieu – <strong>et</strong> il est certain que je<br />

<strong>de</strong>vrais pouvoir avancer <strong>de</strong>s objections face à c<strong>et</strong> axiome, à ce prôton<br />

pseudos sur lequel tout repose.<br />

La confusion entre autorité-1 <strong>et</strong> autorité-2 se comprend dans <strong>la</strong> mesure ou<br />

je peux raisonnablement <strong>et</strong> sans violence fon<strong>de</strong>r l’autorité-2-présomption<br />

<strong>de</strong> crédibilité sur l’autorité-1 comme émanant d’une personne respectable<br />

car revêtue d’un pouvoir légitime qui invite à présumer <strong>de</strong> son savoir <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

sa sagesse – quoique je ne doive pas faire le lien aveuglément <strong>et</strong> sans<br />

réserve. Le Lord-maire possè<strong>de</strong> certainement certaines connaissances<br />

d’administration publique, une expérience <strong>de</strong> gestionnaire avisé sur<br />

lesquelles je pourrais faire fond éventuellement sans toutefois confondre<br />

17. Les humains qui entrent dans une discussion supposent – bien à tort <strong>et</strong>, du reste,<br />

toujours implicitement – acquises <strong>et</strong> partagées <strong>de</strong>ux sortes <strong>de</strong> règles sans lesquelles «<strong>la</strong><br />

discussion n’est pas possible», ce que je désigne dans Dialogues <strong>de</strong> sourds (Paris: Mille <strong>et</strong> une<br />

nuits, 2008) au chapitre 2, comme les règles du débat <strong>et</strong> les règles <strong>de</strong> l’argumentation. Ces<br />

<strong>de</strong>rnières sont censées établir ce que seront <strong>de</strong>s arguments vali<strong>de</strong>s <strong>et</strong> invali<strong>de</strong>s, p<strong>la</strong>usibles<br />

<strong>et</strong> invraisemb<strong>la</strong>bles, forts ou faibles, pertinents <strong>et</strong> hors du suj<strong>et</strong>, suffisants, nécessaires ou<br />

adventices, cohérents ou «autophagiques», ce qui sera tenu pour une preuve <strong>et</strong> ce qui<br />

assurera <strong>la</strong> «victoire» d’une <strong>de</strong>s thèses en présence.<br />

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