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Rhétorique de la confiance et de l'autorité - Marc Angenot

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du probable à du probable, non parce que nous aimons rester dans le<br />

doute, mais parce que nous pensons que <strong>de</strong>s raisonnements imparfaits <strong>et</strong><br />

le doute subsistant plus ou moins réprimé valent mieux que le noir total.<br />

Partant du vraisemb<strong>la</strong>ble-opinable, discutant sur ce qui est mais aurait pu ne<br />

pas être, ou sur ce qui pourrait être mais ne sera pas nécessairement, mal<br />

appuyés sur <strong>de</strong>s majeures censées probables parce qu’acceptées «par tous»<br />

ou par les «sages», les humains tels qu’ils sont vus par <strong>la</strong> rhétorique<br />

appliquent à ces données <strong>de</strong>s schémas inférentiels qui, comme le disait<br />

l’annotation ironique <strong>de</strong>s profs <strong>de</strong> lycée d’autrefois, ne sont «même pas<br />

faux». Des schémas qui sont occasionnellement adéquats, quand ils ne sont<br />

pas à côté <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>que.<br />

— Normativité <strong>et</strong> zones grises<br />

La rhétorique est alors conçue tout à l’encontre <strong>de</strong> ces préoccupations<br />

normatives qu’on rencontre encore dans <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s travaux <strong>et</strong> qui<br />

cherchent à décréter, – du reste, comme on s’en doute, différemment d’un<br />

manuel à l’autre, – ce qui est, intemporellement <strong>et</strong> rationnellement,<br />

acceptable ou non. C’est le cas précisément pour <strong>la</strong> catégorie dont je parle,<br />

«La plupart <strong>de</strong>s <strong>de</strong>scriptions <strong>de</strong> l’argument d’autorité relèvent d’une<br />

approche normative <strong>de</strong> l’argumentation. Le plus souvent, l’argument<br />

d’autorité est associé à une démission intellectuelle : il suppose en eff<strong>et</strong><br />

que l’on renonce à son propre jugement pour subordonner son opinion à<br />

celle d’autrui.» 61 Mais un tel reproche suppose que ne <strong>de</strong>vra être jugé<br />

raisonnement vali<strong>de</strong> que ce qui émane rigoureusement d’une expérience<br />

<strong>et</strong>/ou réflexion personnelles. Ce critère présupposé repose sur une<br />

exigence extravagante <strong>et</strong> «angélique» d’indépendance d’esprit.<br />

Toutes les normes prétendues qu’édictent les traités <strong>de</strong> rhétorique pour<br />

séparer les schémas acceptables <strong>de</strong>s paralogismes <strong>et</strong> <strong>de</strong>s sophismes furent<br />

<strong>de</strong> tous temps soumises à discussion, vali<strong>de</strong>s pour les uns <strong>et</strong> guère pour les<br />

autres — ce qui n’empêche pas les humains <strong>de</strong> discuter sans être jamais<br />

tout à fait d’accord sur elles.<br />

61. Marianne Doury, «L’argument d’autorité en situation», loc. cit., 4. La chercheuse objecte<br />

que «<strong>la</strong> condamnation globale <strong>de</strong> l’argument d’autorité n’est guère tenable. Le caractère<br />

nécessairement limité du domaine <strong>de</strong> compétence <strong>de</strong> chacun rend son utilisation inévitable<br />

dès que l’on cherche à se faire une idée sur un suj<strong>et</strong> qui sort <strong>de</strong> notre champ <strong>de</strong> savoir.»<br />

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