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Phénomènes d'actance dans des langues caucasiques.

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artxibo-00610768, version 1 - 24 Jul 2011<br />

sente alors deux participants au datif, le patient et le bénéficiaire sont au même<br />

cas. Seul le bénéficiaire est coréférencé <strong>dans</strong> le verbe. Le patient vérifie ce qu’on<br />

peut appeler une relation privilégiée au prédicat, il y a une sorte de coalescence. Il<br />

n’est pas référencé <strong>dans</strong> le verbe mais est toujours situé à côté de lui. C’est cette<br />

proximité qui permet de postuler un lien étroit entre les deux. Le patient fait en effet<br />

partie du bloc rhématique avec le verbe (Lazard 1994).<br />

Lorsqu’il y a un bénéficiaire et que le verbe est ditransitif ou employé ditransitivement,<br />

le bénéficiaire est coréférencé <strong>dans</strong> la forme verbale, qui contient donc deux<br />

affixes personnels. Dans l’énoncé biactanciel (54), le patient n’est pas coréférencé<br />

<strong>dans</strong> le verbe, il y a un seul indice de coréférence. En énoncé triactanciel: (55) (où<br />

le verbe est le même) et (56) où il s’agit aussi d’un verbe de don, le bénéficiaire est<br />

coréférencé <strong>dans</strong> le verbe.<br />

(55)<br />

A B<br />

P<br />

(56)<br />

šota<br />

NP.ABS<br />

leila-s<br />

NP-DAT<br />

c’eril-s<br />

lettre-DAT<br />

b<br />

s<br />

S3 III<br />

-c’er<br />

écrire<br />

a<br />

- s<br />

PRS.S3I (Géorgien)<br />

« Chota écrit une lettre à Leila. » (Creissels 2006: 312)<br />

A<br />

ketino<br />

NP.ABS<br />

B<br />

ek’a-m<br />

NP-DAT<br />

P<br />

xalitša-s<br />

tapis-DAT<br />

b<br />

s<br />

S3 III<br />

-čukni<br />

offrir<br />

- s<br />

a (Géorgien)<br />

« Ketino offre un tapis à Eka. » (Joppen-Hellwig)<br />

Creissels (2006: 296) reconnaît à l’actant au datif un rôle nucléaire pour les verbes<br />

ditransitifs. C’est logique, puisque ces verbes impliquent trois participants. 17 Autrement<br />

dit, le participant au datif est bien un actant et non pas un simple oblique<br />

qui serait un circonstant périphérique. L’argument en faveur de cette thèse est que<br />

cet actant est coréférencé <strong>dans</strong> le verbe même à la troisième personne. En géorgien,<br />

le patient de 3 e personne n’est pas coréférencé <strong>dans</strong> le verbe, alors que le bénéficiaire<br />

l’est. Le fait que P ne soit pas coréférencé <strong>dans</strong> le verbe est le signe qu’il<br />

est plus proche du verbe et qu’il fait corps avec lui. C’est ce que Lazard appelle<br />

« coalescence ». Dans une perspective de visée communicative, si on s’intéresse au<br />

flux de l’attention (« attention flow »), A est nettement disjoint du bloc VP. On<br />

considèrera (avec Lazard et Bossong) comme accusative (sur le plan de la visée)<br />

une structure où A et S seraient tous deux en position initiale et thématique d’un<br />

énoncé et où le rhème serait constitué soit par un bloc VP soit uniquement par un<br />

prédicat.<br />

Les auteurs distinguent trois jeux d’affixes verbaux pour coréférencer les actants<br />

en géorgien: la liste (ou série) I, qui coréférencie l’agent; la liste (ou série) II, qui<br />

coréférencie le patient, et la liste (ou série) III, qui coréférencie le bénéficiaire. Ces<br />

trois rôles sont donc centraux, nucléaires. Prototypiquement, il s’agit <strong>des</strong> verbes<br />

de don, avec objet transféré d’un premier protagoniste à un deuxième.<br />

À la non-personne, les verbes ne coréférencient que le bénéficiaire. Aux deux premières<br />

personnes, les morphèmes de séries II et III sont identiques, mais seul le<br />

bénéficiaire est coréférencé <strong>dans</strong> la forme verbale. En effet, si le patient est de 1 e<br />

ou de 2 e personne, il apparaît <strong>dans</strong> l’énoncé par une périphrase « ma tête, ta<br />

tête », ce qui le fait basculer à la 3 e personne. Seul le bénéficiaire est donc coréférencé,<br />

et le patient uniquement quand il n’y a pas de bénéficiaire.<br />

Ceci est donc un argument concernant le caractère « oblique » <strong>des</strong> actants non-agents<br />

du géorgien. Le point commun aux deux séries II et III d’indices de coréférence<br />

est donc de renvoyer à un actant « non-agent » (mais « nucléaire »). L’ « objet<br />

» et le « circonstant » ne se laissent pas toujours distinguer. On connaît ce<br />

genre de structures <strong>dans</strong> d’autres <strong>langues</strong>, comme l’anglais, qui font la différence<br />

entre « read a book » et « read in a book », le procès parvenant à un résultat<br />

moindre <strong>dans</strong> le 2 e exemple que <strong>dans</strong> le 1 er .<br />

Mais en envisageant la série de TAM du parfait, nous verrons (§ 3.1.3) que ce qui<br />

pouvait sembler un actant était relégué à une position périphérique. Ce qui était<br />

17 Mais <strong>dans</strong> d’autres <strong>langues</strong> (Creissels cite le russe et le hongrois), le participant au datif<br />

n’a de rôle particulier que sémantique, et pas syntaxique.<br />

G. Frank, Actance en <strong>langues</strong> <strong>caucasiques</strong>, 30 / 90.<br />

S3I

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