ALEXANDRE LANGLADE 1820-1900 Poésies Languedociennes ...

edira son admiration pour le poète de l'idylle moderne sincère et profonde, naïve en même temps
qu'élevée. Désormais, Langlade sera le naïf en poésie et ce contemporain du douanier Rousseau aura à
ses débuts beaucoup plus de chances que lui, étant peut-être mieux compris, en tous cas mieux
reconnu.
Les réserves sur cette naïveté et sur la place à lui donner ont certainement existé, mais elles ne seront
pas exprimées en dehors de la polémique sur le Virgile languedocien qui fut le cheval de bataille du
Félibrige Latin (129). Car il s'agit bien là non d'une naïveté jouée mais d'une forme vraie et cette vérité
rentre dans la série des idéaux félibréens proclamés: nature, ruralité, langue du peuple, authenticité...
générant la poésie...
Le cas de Langlade au milieu des fantasmes d'époque est épineux car il vient, quand il est compris, les
conforter mais en même temps détruire la part d'artifice que beaucoup ont posé en a priori artistique,
celle d'une épaisseur rurale de façade, celle de ces poètes qui prétendent après Mistral ne chanter que
pèr li pastre e gens di mas, par eux, avec eux et en eux... Langlade mieux que personne sait où se situe
l'espace d'une parole pour le peuple, il est parfaitement conscient de changer de lieu en devenant poète
lyrique et félibre (130) il n'en demeurera pas moins lui-même, ne faisant qu'épouser les rythmes les
plus proches de l'amont de sa parole vécue et vécue au quotidien...
Tout cela sera entrevu par la critique et plus ou moins explicité sans aller trop au fond du problème.
Les publicistes préféreront célébrer le miracle Langlade, celui de cet illettré (131) devenu poète, de ce
rustique aux gants de velours qui pêche des perles dans la mer d'une langue méprisée... Certaines de
ces critiques parurent dans la presse parisienne, surtout après la mort du poète dans Le Pain de Paris,
La Plume, Le Peuple français, Le Jour... mais c'est dans la presse languedocienne et felibréenne la
même qui le publia qu'il faut chercher les jugements contemporains les plus proches de ses lecteurs...
(132)
La mort de Langlade.
Langlade mourut à Lansargues le 5 février 1900. Le Félibrige Latin lui fit des funérailles très
honorables et publia. immédiatement après (1901) une plaquette d'hommage où l'on trouve des
discours de circonstance, la reproduction de certains articles précédemment parus sur le poète et la
reprise des querelles entre languedociens et provençaux (133).
La souscription aux œuvres complètes d'Alexandre Langlade (lancée un an avant par les amis de
Roque-Ferrier) n'étant pas close, un nouveau projet revu par un comité élargi est annoncé. On pense
publier deux forts volumes de poèmes accompagnés d'études, de témoignages et d'une biographie de
l'auteur.
Des propositions généreuses sont faites dont celle de la municipalité de Lansargues d'ériger un buste
de Langlade sur la place du village (134), un comité de parrainage pour l'érection du buste est lui aussi
créé, une tournée de conférences dans le Lunellois est organisée pour promouvoir ces initiatives (135)
et tout semble découler du consensus, le plus parfait. Il n'y a là qu’apparences. Le Félibrige Latin a eu
toute la gloire du poète, les républicains de Lansargues réclament leur part de l'homme qui les a si
longtemps représentés. Une guerre froide est dès lors déclarée entre les droites félibresques et latines
et les gauches lansarguoises soutenues par Germain Langlade le fils du poète et Camille Brunel son
ami, ancien montagnard à la plume alerte.
Germain Langlade demande à Brunel une biographie de son père qu'il estime nécessaire en préface
aux œuvres complètes en souscription (136). Celui-ci fournit un texte lyrique certes mais bien écrit et
fort documenté sur le républicain et le sens républicain de son œuvre (137). Roque-Ferrier refuse de
l'insérer et la situation se bloque pendant cinq ans alors que les textes poétiques, du premier volume
sont déjà composés en 1902. Querelles envenimées entre rouges, blancs et bleus qui remplissent des
cartons de correspondance...
Le tome I des Poésies Languedociennes ne paraîtra qu'en 1906. Chez Germain Langlade à Lansargues
et aux bureaux du Félibrige Latin à Montpellier, et Roque-Ferrier à nouveau maître d'œuvre trouvera
une formule pudique pour expliquer l'absence de biographie en tête du premier volume:
— Comme celle de la plupart de ses contemporains, la vie d'Alexandre Langlade fut mêlée de trop près
aux controverses politiques, dynastiques et félibresques de la seconde moitié du XIXè siècle pour qu'il
soit encore possible de l'écrire avec une suffisante impartialité. Tout au plus est-il permis de rédiger la
préface bibliographique et de noter les traces de l'action littéraire du Virgile languedocien (138).
Camille Brunel, interdit de préface, ne désarmera pas, cependant il continuera des recherches en vue de
publier un livre vengeur contre les jésuites du Félibrige qui ont encapouchiné (sic) Langlade...