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s8<br />
La plus anci<strong>en</strong>ne lég<strong>en</strong>de<br />
de saint Georges<br />
Il n'est guère de lég<strong>en</strong>de hagiographique qui ait été plus<br />
populaire que celle de saint Georges et l'ampleur de la littérature<br />
édifiante qu'elle a suscitée contraste étrangem<strong>en</strong>t avec<br />
la pénurie des données historiques qu'elle conti<strong>en</strong>t.. Ses Actes<br />
condamnés comme apocryphes par le décret gèlasi<strong>en</strong> <strong>en</strong> Occid<strong>en</strong>t,<br />
puis par le patriarche Nic.éphore <strong>en</strong> Ori<strong>en</strong>t, ont été définis<br />
par un juge compét<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre tous <strong>en</strong> cette matière « un fantastique<br />
récit des Mille et une Nuits' o. Il n'est pas surpr<strong>en</strong>ant<br />
que le caractère fabuleux des exploits attribués ù ce héros<br />
de la foi ait induit certains esprits à regarder celui-ci comme<br />
un personnage purem<strong>en</strong>t.. mythique 2. Dans un mémoire publié<br />
<strong>en</strong> 1S61 et qui cul un certain ret<strong>en</strong>tissem<strong>en</strong>t 3, A. von Gutschmid<br />
prét<strong>en</strong>dit démontrer que saint Georges, martyr fictif,<br />
représ<strong>en</strong>tait Milhra, tandis que d'autres personnages de<br />
sa Passion serai<strong>en</strong>t Anaïl k, Isis et Horus 4. .J'ai exprimé<br />
autrefois mon scepticisme l'égard de cette mytho-<br />
Jogique et, depuis lors, Krurnhaclier s'est montré <strong>en</strong>core plus<br />
sévère pour elle. Il voit dans l'argum<strong>en</strong>tation de von Gutschrnid<br />
« une vraie caricature de la méthode comparative 6 o. En réalité<br />
I) H. Delehaye, Les lég<strong>en</strong>des grecques des s,iints millIaires. 1909, p. 69.<br />
2) La conLroverse à ce sujet. remonte au teirips de 1:1 fléfornie et n'a jamais<br />
cessé depuis. j<br />
3 A. von Uutschmid, Beridde sochs Ges. dec Wiss,, Leipzig, XIII, 1861, p. 175-<br />
202. Meioire repris dans ses Kleine .Sehri/t<strong>en</strong>, t. III, p 173-204.<br />
.1) Kl. .Schr., p. 191-2.<br />
5; Mon. mysi. de Mitiira, t. I I, p. 73 ; von Gufschmid repr<strong>en</strong>ait une idée de<br />
Creuser (ibid. lOI). - Cf. datitres ideiitilicutiuris du saint avec tics divinités<br />
pal<strong>en</strong>nes, Delchuye, ep. cil., p. 1I, ss.<br />
9) Krumbacher, i)er hciliye ;eorg in der Grieclzischcn Ueberlie/erung (dans<br />
les .4bhandl. de i.\caiI. de Ilaviére,X XV, 3), Munich, 1911, p. 304.<br />
- Docum<strong>en</strong>t I<br />
j ,-
______________<br />
- ''<br />
6 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />
au mom<strong>en</strong>t où écrivait cet émin<strong>en</strong>t histori<strong>en</strong>, on connaissait<br />
mal la forme prve des Actes de saint Georges et plus mal<br />
<strong>en</strong>core les mystères de Mithra. Il a ainsi sombré sur l'écueil<br />
i't éviter dans la méthode dont. il abusait, <strong>en</strong> ét.ahlissaril. (les<br />
rapports arbitraires <strong>en</strong>tre. (les faits fort éloignés (Ions le temps<br />
et dans l'espace. Constamm<strong>en</strong>t , il a comparé les données<br />
du roman hagiographique avec les versets du Mihir-Yaslit.<br />
Mais nous savons aujourd'hui que le Mit.hra, dieu solaire,<br />
adoré <strong>en</strong> Cappadoc.e, était très ditîér<strong>en</strong>t de celui dc l'Avesl.a<br />
et que sa lég<strong>en</strong>de anatolique ne se retrouve pas dans les livres<br />
sacrés du mazdéisme. Les rapprochem<strong>en</strong>ts (le von Gutschmid<br />
paraiss<strong>en</strong>t ainsi singulièrem<strong>en</strong>t, av<strong>en</strong>tureux et ses argum<strong>en</strong>ts<br />
port<strong>en</strong>t ù faux. Nous verrons plus loin quelle part de vérité<br />
sa thèse paraft néanmoins cont<strong>en</strong>ir.<br />
Nous sommes aujourd'hui incomparablem<strong>en</strong>t mieux armés<br />
pour nous attaquer é un pri.b]'tiie qui reste s nu des sujets les<br />
plus obscurs (le l'hagiographie' l.)'une part, on a pu établir<br />
qu'elle est la plus anci<strong>en</strong>ne des diverses rédactions qui nous<br />
sont parv<strong>en</strong>ues des Actes du saint cappadoci<strong>en</strong>, et il est<br />
apparu, chose curieuse, que cette narration, qui se doiine<br />
comme l'oeuvre d'un compagnon du martyr, le soi-disant<br />
Pasicratès, est la plus extravagante de toutes 2. Les hagiographes<br />
postérieurs se sont délibérém<strong>en</strong>t attachés è <strong>en</strong> atténuer<br />
l'invraisemblance trop criante et, la « tératologie »<br />
excessive. A côté de la traduction latine du récit priurtit..if3,<br />
dont quelques fragm<strong>en</strong>ts se retrouv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> grec dans un<br />
1) Delehaye, Anal. Bollandiana, XXVII, 1908, p. 96.<br />
2) Delehaye, Seuils milliaires, p. 50 «s. cf. p, 69. . Tissu d'meptie ...qui surpasse<br />
<strong>en</strong> extravaRailce tout ce que les hagiographes ont imaginé de plus hardi.<br />
3) Le seul texte latin publié qui donne la lég<strong>en</strong>de la plus anci<strong>en</strong>ne au corriplet,<br />
est celui qu'a édité Arndt. d'après un ms. du rx siècle, le code. (allzranus de la<br />
biiiliothèqi'e des I3ollan&listes (Silzungsb. (es. %Viss. leipzig, XXVI • 157 I, p. 49-70)<br />
[cité Lat. Gall.. Toutes les autres rédactions latines des actes tIc l'usicratès qui<br />
me sont connues donn<strong>en</strong>t. un texte écourté et p1ims ou moins r<strong>en</strong>iaitié cf. Ilihlialfi.<br />
/iuJiOyr. fat., T, p .502 «s.: M. 1-luher, Zw' Gerqe.sky<strong>en</strong>Ie, Erlang<strong>en</strong> 1906, p. :19 [cette<br />
dernière rétiactiori se ret.rnue dans le Paris laI,. 5593, saeC. XI B. l-1. L., . :, , i:s,<br />
n° 33Gl. Seul le Paris.. .205 saec. XIV iitTre la lég<strong>en</strong>de fi peu près commiplète, cnnmnle<br />
le Gallicanus; cf. infra l'App<strong>en</strong>dice. - - 1.i ricit de Pasicratès u été reproduit <strong>en</strong><br />
partie textuellem<strong>en</strong>t dans la Passion de S. Lupe.rcius AA SS., Juin, V, p. 31 ss.
LA PLUS ANCIENNE LÉGEN1.E DE SAINT GEORGES 7<br />
palimpseste vi<strong>en</strong>nois du V e siècle', on a publié une série de<br />
versions ori<strong>en</strong>tales <strong>en</strong> copte 2, <strong>en</strong> syriaque 3, <strong>en</strong> arméni<strong>en</strong>4,<br />
<strong>en</strong> éthiopi<strong>en</strong> 5, dont la eornparaison est fort instructive. En fin,<br />
<strong>en</strong> 1911, von Ehrard faisait paraltre un niémnoire laissé par<br />
Krumbacher, où celui-ci, parmi d'autres textes grecs. r<strong>en</strong>dait<br />
pour la première fois accessible ce qu'il appelle le Vo/ksbuc/:6<br />
tians sa langue sinon sous sa furnie originale. Si tes recherclies<br />
ét<strong>en</strong>dues et minutieuses du grand byzantiniste n'avai<strong>en</strong>t<br />
pas été interr<strong>en</strong>ipiies par sa mort, prématurée, sans doute,<br />
eût-il jeté quelque lumière sur l'origine (lu roman pieux dont<br />
il avait Suivi au loin les ramifications. Mais dans son état,<br />
actuel, ce mémoire posthume touche à peitieùce problème<br />
ess<strong>en</strong>tiel. La question historique n'a pas avancé d'un pouce<br />
et la question littéraire est éclaircie seulem<strong>en</strong>t dans des<br />
détails secondaires 7. »<br />
Nous ne prét<strong>en</strong>dons point., dans le cadre étroit de cet<br />
article, résoudre toutes les diflicultés infinim<strong>en</strong>t compliquées<br />
que prés<strong>en</strong>te la composition factice du Pseudo-Pasicratès.<br />
Nous offrirons des suggestions plutèt qu'une solution. Mais <strong>en</strong><br />
replaçant cette fiction dans le milieu où elle est née, nous<br />
J)OurrOlIs retrouver au moins certains des élém<strong>en</strong>ts dont elle<br />
est formée, et, ce qui paraissait être de pures insanités, pr<strong>en</strong>dra<br />
parfois ainsi une slgnii fleation imprévue. Une étude (l'<strong>en</strong>-<br />
1) Publiés par Detlefs<strong>en</strong>, <strong>en</strong> 1S98, ils ont 'ité repris par Kruuibacher.<br />
2) W» 11k Budge, Tire marlyrdûm 0/ S (;eorge of Cappadocia, Coplic lex1s, Lan-<br />
(lori. 1588. [Cité Copte,)<br />
3) Publié Brooks, Musévn, t. XXXVIII, p. 67-115 {texte très écourté, cité<br />
Syr.].<br />
4) P, PeeteN, Analecta Hollandian'i, XXVIII, 1909. p. 249-271. [Cité Arm.]<br />
5) Bridge, Ceorge of Lyduia, o lui,/ o/ 1h,' eulk ,/ 't Georq,' in EIhiûpia, Lonclres<br />
1930 [cl'. Sinion, Anal. Bol!., XLIX, 1931 p. l6 ss.].<br />
6) II y aurait des réserves é faire sur ectte 1'1relIutiou : elle est justiliée si<br />
l'on <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d par lii que l'auteur de ces Actes n écrit pur le peuple - un peuple<br />
d'Ori<strong>en</strong>t, avide de merveilleux et in linim<strong>en</strong>t ,'réilirlc - mais elle est inexacte<br />
si Volksbuch veut dire que c'est une lég<strong>en</strong>de populaire, transmise par une tradition<br />
orale et que l'hagiographe aurait recueillie. rr verra, cii elTet, qu'il u utilisé iIe<br />
sources littéraires. ers dehors de la Bible, pour certains épisodes d'une histoire<br />
qu'il inv<strong>en</strong>tait. Il suffit de lire la canclusion. où le soi-disant Pasicratès, prét<strong>en</strong>du<br />
témoin oculaire, se met <strong>en</strong> scéne, polir être èdiflé sur sa honnis foi. - Cette<br />
r ec<strong>en</strong>siori grecque serait antérieure au ' lia siècle d'après une iLote d'Ehrard<br />
dans Krurnbacher, op. cil., p. 122.<br />
7) Compte r<strong>en</strong>du du P, Delehaye, Anal. Bollandiana, XXXI, 1912, p, 95 ss.<br />
-'--,---.
__- -'---- -..- - -----...--. r -'-----<br />
L.<br />
8<br />
REVUE DE L'HISTOiRE DES RELIGIONS<br />
semble sur les sources dont l'hagiographe s'est servi, ne<br />
pourra être t<strong>en</strong>tée avec succès qu'après qu'un class<strong>en</strong>i<strong>en</strong>t<br />
plus rigoureux des diverses formes d'une passion traduite<br />
<strong>en</strong> tant d'idiomes divers aura permis de mieux déterminer<br />
le cont<strong>en</strong>u de l'archétype dont elles dériv<strong>en</strong>t.<br />
*<br />
**<br />
Tout d'abord la date de la rédaction (le nos Actes j'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ds<br />
du texte grec original - peut être fixée <strong>en</strong>tre des<br />
limites chronologiques assez étroites. D'une part les chréti<strong>en</strong>s<br />
y sont appelés Galilé<strong>en</strong>s (Fr)', surnom que leur donna<br />
par dérision l'empereur Juli<strong>en</strong>, ce qui nous transporte après<br />
le règne de l'Apostat (t 363). D'autre part, nous l'avons dit,<br />
on a trouvé des fragm<strong>en</strong>ts de cette Passion dans un manuscrit<br />
du Ve siècle 2. On aurait, une détermination <strong>en</strong>core plus précise<br />
si l'éloge attribué e Théodote d'Ancyre 2, oû notre Passion<br />
est largem<strong>en</strong>t utilisée, était d'une auth<strong>en</strong>ticité moins douteuse<br />
3. Cet. évêque vivait, <strong>en</strong> effet, dans la première moitié<br />
du ve siècle.<br />
D'autre part, il nous paraît certain que ce roman, qui<br />
devait être lu <strong>en</strong> tant (le pays et <strong>en</strong> tant de langues, a été<br />
composé <strong>en</strong> Cappadoce, pays qui est donné comme la patrie<br />
du saint 4, et non <strong>en</strong> Égypt.e comme l'a prét<strong>en</strong>du Amélineau5,<br />
ou <strong>en</strong> Palestine, où l'on vénérait à Lydda les reliques du<br />
martyr6. En premier lieii, les divinités paï<strong>en</strong>nes dont l'hagiographe<br />
a gardé le souv<strong>en</strong>ir, ne sont pas celles de la vallée<br />
du Nu ou (l'un pays sémitique, mais convi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t seulem<strong>en</strong>t<br />
1) Ce nom est employé par Georges lui-même dans le Lat. GaIl. C. 16 ' imperalor,<br />
non suni Gali?aei sic. • Sur son emploi cf. Iiiilger, Antike und Christ<strong>en</strong>lurn,<br />
VI, p. 147 sa.<br />
2) Krumbacher, op. cil., p. 121, al,oulït d'après d'autres indices S l'a même<br />
date, le y0 siècle, pour la rédacliomi primitive.. Cl. aussi mira, p. 13 cc qui est dit<br />
(le Magn<strong>en</strong>ce.<br />
3) Conservée <strong>en</strong> copte (Badge, p, 271-331) et <strong>en</strong> éthiopi<strong>en</strong> (Budge, p. 171-276).<br />
4) I.at. e. 3 G<strong>en</strong>ere Cappadociis (cf. app<strong>en</strong>dice extr. iI). Grec : Krumnb.,<br />
p. 3,20; p. 4, 10 yvoç 'v KaMxov. Miracle de Théopiste (règne de Tliéodose)<br />
'rv &yov Fcpov 'rè év Kxot (3liracula S. Gc.orgii, éd. Ausfeld, Leipsig,<br />
1913, p. 47, 8). NOUS reparlerons daiis un instant le la patrie du saint p. 17).<br />
5) Amélineau, Les Actes des martyrs dc rFy1i.e capte, Paris, 1SU0, p. 201 ss.<br />
6) De]ehaye, Saints militaires, p. 46.
LA PLUS ANCIENNE LÉGENDE DE SAINT GEOIIGES 9<br />
à l'Asie Mineure. Les deux dieux principaux, plusieurs fois<br />
invoqués <strong>en</strong>semble (e. Il, e. 11, etc.), sont Apollon et Hercule,<br />
qui étai<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> effet, particulièrem<strong>en</strong>t honorés <strong>en</strong> Cappadoce,<br />
le pr<strong>en</strong>hier comme puissance solaire', le second comme substitut<br />
du Verethraghna rnazdé<strong>en</strong> 2. A Apollon « qui n susp<strong>en</strong>du<br />
la voûte du ciel e, s'oppose Poseidon « qui a affermi la terre 3 n.<br />
Celui-ci n'apparaît pas ici comme le maure de la mer, c.ar<br />
la Cappadoce n'est point une contrée maritime mais ce (lieu,<br />
selon la mythologie, pouvait fi son gré ébranler le sol ou <strong>en</strong><br />
assurer la stabilité 4 et on l'honorait pour ce motif dans les<br />
cités (le l'intérieur de l'Asie Mineure, où les séismes étai<strong>en</strong>t<br />
fréqu<strong>en</strong>ts 5. Nos Actes nomm<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core, fi cêté de ces trois<br />
dieux et (le plusieurs autres moins caractéristiques. Artémis,<br />
la Mère des Dieux 6. iui i'l mi'l.Lem<strong>en</strong>tanatolique7.<br />
1) Strabon, XII. 2, § 6: 'Icp'v r ro Kadovo 'A.é),)ovo xaO' Xv<br />
r-èv I Œoxv, Ota zévo & 8p.LŒtz &lr' a&ro. Apollon sur les ifl(tiivaies<br />
de Césarée : Wroth, Coins BrU. Mus., Galatia Gappadocia, p. 55. hièdicace 'Ait6X-<br />
?cat &7tXfi0) à Sébast.opolis : inser Gr. Rom., III, 110. Dédicace à Césartie : Solem<br />
SoU inuicto Mithr C I L, Il I, S. 12135.<br />
2) l.'iiiscr. d'Anisa (Miche!, Recueil, 54G) in<strong>en</strong>lionne des 'FIp&xt. Ilérakiès<br />
sur les monnaies. cappadocierines: Wroth op. ci!., p. 3, p. 45. Une lég<strong>en</strong>de rapportée<br />
par Cêjluihon (F. ii. C;. III, G26) racontait qu'liéraklès avait abandonné les Argonautes<br />
pour se r<strong>en</strong>dre cii cappadoce. - C'était le dieu principal de Séhastopolis, dite<br />
aussi I léracléopolis (Cumont, Voqugt' Jans le Pan!. p. 203(. Culte de \'éréthiraghnaliérakiès<br />
dans lEst de l'Asie Mineure. Mon. mgi!. Mi!hra, 1, • 143.<br />
3) (irec. j). 4. 13 Krurnb. : Tiè 'Air6»cv &ç è,.pjsa.at rv o'pv6v. HoŒeLgv<br />
&peeac 'rv yv. Lat. Gali, e.. 3 : s Apolloni qui caeli.im cameravit, atit Neptiino<br />
quem dicimus terrarn fundare (Même texte dans Huher, p. 40), et App. extr. Il!,<br />
n. 9). Copte, p. 206 : Apollo, irbo liung ont the heav<strong>en</strong>s, and Poseidon, who made<br />
fast (lie carth. Le Syr, P. 99 et l'Anti, p. 254 ont altéré ce passage.<br />
4) Macrobe. 1, 17, 22 : Neptunus quei)i alias 'Evct&.yOova, ici est terrant mo y<strong>en</strong>tem,<br />
alias 'AapzÀkav. ici est staltili<strong>en</strong>tem. vocant ; cf. Gruppe, Cri<strong>en</strong>t ..i,j!hol.,<br />
p. 1139, n. 2; 1158. u. I : flosciier s. y . Poseidon col. 2811, 22.<br />
5) Slrahon, XII, S. 18, p. 79 C : 'Aitajis( (dc Plirvgie) &azaO ir6X?axtç...<br />
t6ep eLx6ç xa rà's HoiT 7rzp'au ai; Tijz&aS, xI7c LEaoyŒIotç 0'V<br />
6) Grec p. 7, 16 Krumh. : M& v Semr6's "H)tov xz T0 &6OjLiX0VDz IXC(s<br />
Oeo'ç x. T'V evép Oev "Apejstv. Lat. GalI. 11 : Per doniinum Solem et<br />
per septuaginta duo et per matrern dearum Dinriam, qiise est salus mundi ;<br />
cf. Paris. App. extrait VI, n. 4. Copte, p. 215 ' s By our Lord Lite Sun and by the<br />
sev<strong>en</strong>ty gods and by Artemis (lie saviour ut' Oie world t' [cf. p, 297 : by Artemis,<br />
(0e Mother of the gods s]. Le Grec, p. 11. 6 répète le même serm<strong>en</strong>t = Lat.<br />
Gal!., e.. 16; 1-luber, p. 18: Copte, p. 225: Arrn., p. 265.—les soixante-douze dieux,<br />
car tel parait être le vrai chiffre, sont probablem<strong>en</strong>t les dieux des soixante-douze<br />
nations dont les rois sont rassemblés (if. infra, p. 13).<br />
7) Le temple de la Mère tics Dieux ligure, r<strong>en</strong>contre curieuse, dans la lég<strong>en</strong>de<br />
deS' Théodore. Situé à Amtisie sur les bords de l'Iris, il aurait é& inc<strong>en</strong>dié par le<br />
héros chréti<strong>en</strong> (Grégoire de Nysse, De S. Theodoro martyre, L. XLVI. p. 744, Migne)<br />
I
P) ItEVUE DE L'HISTOIRE DES RELiGIONS<br />
Plus probante <strong>en</strong>core est l'allusion à une lég<strong>en</strong>de inconnue<br />
par ailleurs, qui paraît empruntée à une histoire mythique<br />
des origines du Pont. Le héros Skamandros aurait été l'amant<br />
de Médée, la magici<strong>en</strong>ne de Coichide. et de cette relation<br />
serai<strong>en</strong>t nés deux fils, Arath (?) et Zareth (?), les guerriers<br />
du Pont, qui à cause (le leurs méfaits aurai<strong>en</strong>t été <strong>en</strong>gloutis<br />
par la mer'.<br />
L'origine cappadoci<strong>en</strong>ne de nos actes apocryphes paraît<br />
donc bi<strong>en</strong> établie et elle explique que ceux-ci ai<strong>en</strong>t été utilisés<br />
par le rédacteur de la courte Passion de St Porphyre, le mime<br />
de Césarée 2. Cet hagiographe leur empriirift l'épisode du<br />
taureau tué à l'aide (l'une parole magique (infra, p. 19), et<br />
il s'<strong>en</strong> inspire manifestem<strong>en</strong>t dans la scène (le la chute des<br />
idoles qu'une prière fait l.oniber dc leur socle 3. On pourrait<br />
invoquer <strong>en</strong>core, <strong>en</strong> faveur (le l'origine anatolique (le la<br />
1) Je reproduis ici les variantes des diverses versions, qui pourront aiderpeut-être<br />
à retrouver l'origine de cette fable Grec, 4, 2i) Nrumb. xp.8pov v yor<br />
it)ip, rà's soTyos ')TLç vvas rv 'Ap&fJ za r,'s ZpO<br />
To'ç HOTtCO1 OXC1LrOP, oïtvn && & pya 'iiiv X OTLQaŒ &' 'ri<br />
7n?4ycL tiç Oa? aaç.—Manque dans le Lat. Gali. nais un reste dccc passage s'est<br />
maint<strong>en</strong>u dans Huber, p. 41,2: a,iLC,imandrutii iii:tgum, cuinsopera merserunt in<br />
rnedio et il est donnép1uscomjliterri<strong>en</strong>t dans le Paris. 5265 (reproduit <strong>en</strong>App<strong>en</strong>dice<br />
extr. 111, n. 16). - Copte p. 20G : Scainandios tue sorcerer, who worked <strong>en</strong>teliantm<strong>en</strong>ts<br />
by tire ami who lcd niany people astray, who eommitted adultery wit.h<br />
Timetia. who begat Saar and Sarphat the ophurii )currupuiun de &ot',?] of the<br />
warrinr of the ciLy of Pontus, whose deeds were evil axtd wtio were cast Otto Lite<br />
abyss of the sea [cf. Ibid., p. 2881 , - Arin(ni<strong>en</strong> p. 254 : M<strong>en</strong>andrum qui Pisdos<br />
fascina vit. a M<strong>en</strong>andnio gravidatani, ex quo g<strong>en</strong>itit (haoc) duos filios Areph et<br />
Aphoin primes (urbium) conditores Ponticos, qui propter facinora sua in protondum<br />
maris demersi sunt. - Kt.hiop. [Theod. Aite.] p. 185: Akderos, the filthy<br />
magician, Lite <strong>en</strong>chanter, vho ralled down tire [[rom heaveri] by bis <strong>en</strong>tchantrn<strong>en</strong>ts,<br />
had intercourse with Lite iillltv wornan .-\ntàkti, whom they useci to caiL Miulyà,<br />
who livde in Lite country oC MiietyS (Mm0iténe), until site gave birth te SiterSyS<br />
and Ary(ihà from Arfad the megician. Ail these wert cnrrupt in their cvii works<br />
and together with tiicir sins were unk into Lite deptli cf Lite sea. - Manque Syr.-<br />
Le P. I'cet.ers (Arum. p. 255) o vu que le nom tic tx ou Timitetia cachait celui de la<br />
magici<strong>en</strong>ne Médéc. C'est ce que confirme I'Ethiop.. le Volksbuch véniti<strong>en</strong>, 0(1 on lit<br />
MU6îŒÇ (Krumbacher, p. 127) et le Paris .521,5 (Mediac), -- Peut-être le nom de<br />
Scamandrc est-il aussi corrompit. La région voisine d'Anaisos dans le Pont s'appelait<br />
pa.iav-i' (Strahon, XII. 3. 13-14. p. S 1G c; et l'on n trouvé <strong>en</strong> Dacie une mli'dicace<br />
Dec .Sar,nando (C I I. III, 964), que l'on a supposé èlrc une diviniti ori<strong>en</strong>tale.<br />
ApO représ<strong>en</strong>te Peut-être Ariarath, forme oram<strong>en</strong>h,e de 'AptapO écrit<br />
parfois 'ApQ-r (Justi, Nw,zcnhueli, s. y .) et serait alors l'ancêtre mythique des<br />
rois de Cappadoce. Mais le Parisinus n Tharsar et Saremifas, qui se rapproch<strong>en</strong>t<br />
du copte, et cet accord parait prouver que le grec est corrompu.<br />
2) \'an de Vorst, Anal. Rouant!., XXIX, 1910, p. 258 se.<br />
3) Ibid., p. 274; cf. nos Ac!es, e. 18-19.
LA PLUS ANCIENNE LÉGENDE DE SAINT GEORGES 11<br />
lég<strong>en</strong>de de S t Georges, le fait que de très bonne heure un<br />
panégyrique (le Théodote d'Anc .yre, comme nous l'avons dit,<br />
(p. 8), la reproduit dans tous ses détails, si la paternité de<br />
cet éloge était mieux établie.<br />
Dans l'Est de l'Asie Mineure, région qui sous les Achéménides<br />
avait été colonisée à la fois par la noblesse perse<br />
et par le clergé des Mages, les traditions mazdé<strong>en</strong>nes étai<strong>en</strong>t<br />
restées vivaces jusque sous l'Empire 1 et la religion (l( l'iran<br />
y coniptait <strong>en</strong>core (les sectateurs au y ° siècle 2. Il n'est IS<br />
surpr<strong>en</strong>ant qu'une narration composec dans un milieu aussi<br />
profondém<strong>en</strong>t « iranisé r) ait subi l'influ<strong>en</strong>ce des croyances<br />
qui s'y étai<strong>en</strong>t répandues.<br />
Dès les premières lignes nous sommes, sans qu'on voie<br />
pour quel motif, transportés à la cour d'un roi de Perse, dont le<br />
nom, Dadianos OU Datianus 3, est fictif et qui siège dans un lieu<br />
indéterminé. Il règne, nous dii, le texte, sur les quatre points<br />
cardinaux de la terret et il est le maître du inonde. Il lance un<br />
édit jrotii convoquer à sa cour soixante-douze rois 5 ses vas-<br />
1) Cf. nos flcligions ori<strong>en</strong>tales 4, p. 133 «s.<br />
2) Mon. rnqsl. MWira, t. I, p. 10, n .3 et. 5.<br />
3) Le grec a x&v6, qui se retrouve datis le copte, le syr. et I'éthiop. —Le latin<br />
e Datianus (Var. Dacianus) et de nième l'ami. Je ne serais pas surpris que ce fùt<br />
un nom romain, très connu <strong>en</strong> Ori<strong>en</strong>t, où il avait ét porté par un apologiste<br />
célèbre : Tal.ianus. Cf. plus bas, p. 13, Magn<strong>en</strong>tius, 'ranquiuinus.<br />
4) Le texte latin donne, GalI. l-1egcnr Persarum et regem super quattuor<br />
eaedros (sic) sueculi, (1Ui prior errit super oInneS rege terne. Iluber, p. 39 l)atianum<br />
regem, civem Persarum, qui regnavit super quatuor cedros saeculi, qui priores<br />
orant super oinnes reges terrae, et misit edictuni super orrinem terraru. I.e Valu.<br />
ceil. III, f. 158 v : Regnante inipi issimo flaciano irnpnratore, cive l'ersaruni, et ipso<br />
praeerat super quattuor saeculi partes, qula prior erat super OiilneS regeS terne,<br />
et misit edictuin super oninem terrain. Le grec a écourté ce début mais le icilimpsesto<br />
rie Vi<strong>en</strong>ne a conservé (P I. Krumb,) pua(Zn (?), 6<br />
a&v flzpo&v xl roov 'ii rc
12 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />
saux. Ceux-ci formeront avec lui le tribunal qui doit juger les<br />
chréti<strong>en</strong>s. Nous sommes ici <strong>en</strong> plein roman, et ce roman est,<br />
non pas grec ou romain, mais ori<strong>en</strong>tal. Déjà les anci<strong>en</strong>s Babyloni<strong>en</strong>s<br />
avai<strong>en</strong>t divisé le monde <strong>en</strong> quatre régions, selon les<br />
points cardinaux, et le titre (le ar kihr1 arba'i, e. maître des<br />
quatre contrées s, était porté régulièrem<strong>en</strong>t par les rois de<br />
Babylone et. d'Assyrie 1 . La division de l'empire d'après les<br />
quatre points cardinaux subsistait <strong>en</strong>core dans la Perse des<br />
Sassanides et elle se maintint, p<strong>en</strong>dant toute la durée de cette<br />
dynastie 2. D'autre part., l'idée qu'après la mort d'Alexandre<br />
l'iran a été morcelé <strong>en</strong>tre de nombreux d ynastes 3, mais (JUC<br />
les Sassanides, qui ont rétabli leur autorité sur eux, sont<br />
redev<strong>en</strong>us les maîtres du monde 4, est proprem<strong>en</strong>t irani<strong>en</strong>ne.<br />
C'est aussi dans l'Iran que nous transporte la conception tle<br />
« rois » formant un conseil aristocratique que réunit dans<br />
les grandes occasions le Roi des Rois 5. Pourquoi ces rois<br />
sont-ils soixante-douze ? C'est que 72, dev<strong>en</strong>u chez les anci<strong>en</strong>s<br />
été int<strong>en</strong>tionnellem<strong>en</strong>t arrondi (cf. infra, p. 13, n. 1). Mais of3' ?iç a pu<br />
facilem<strong>en</strong>t être transcrit rJ par la chute d'un des deux f3.<br />
1) J<strong>en</strong>s<strong>en</strong>, 1osmoloqie der Babylonier, p. 167 se.. 173.<br />
2) D'après une communication de M. Christ<strong>en</strong>s<strong>en</strong>, qui n traité de cet te question<br />
dans son mémoire sur l'empire des .Sa.»anides (Mém. Ac»d. Cop<strong>en</strong>haguc, 7 série,<br />
t. I, 1907, p. 11, p. 49. Cf. HObschman,t, Arm<strong>en</strong>i,wJze St0di<strong>en</strong>, I, p. 119, n° 109;<br />
Herzfeld, Pailculi, p. 155) et qui la repr<strong>en</strong>dra datis un ouvrage plus ample actuelleru<strong>en</strong>t<br />
sous presse.<br />
3) Cf. Nôldeke, Geschichtc des .irdachsir i Papakan fBeit.riige zur Kunde der<br />
lndogerm. Sprach<strong>en</strong> 1V, Gôttinge.n, 1879, p. 36]. Cc roman pehivi évalue le nombre<br />
des rois n 240, Tabari rapporte le chiffre plus modeste de 90, mais daprès (l'Uerbelot,<br />
Bibliothèque ori<strong>en</strong>tale, s. y. Thaoiiaif (p. 864, éd. 1776) : Les histori<strong>en</strong>s de. la<br />
Perse écriv<strong>en</strong>t que les princes qui se partagèr<strong>en</strong>t les Ftate. d'Alexandre montai<strong>en</strong>t<br />
au nombre de 72. »<br />
4) Nôldeke, op. ci!., p. 37 : Sas5n doit parv<strong>en</strong>ir zur Welthcrrscha/l ; P. 42 s.<br />
les astrologues prédis<strong>en</strong>t quun roi refera du monde uti empire unique, ce que<br />
réalise Ardashir. Cf. les Actes de Simon bar lJrirsaliha' (dans Braun, Ausgew.<br />
AkI<strong>en</strong> Pers. Marlyrer, P. 13 Becijan, II. p. 143), discours des Juifs : Si toi<br />
Roi des Rois maitre de toute la terre. ». Cf. Dele.haye, Actes des martyrs Perses,<br />
p. 440: T f3aÛimq '.al ca7rotv 'riç 6).c oly.o' (mais te. texte Syriaque dit.<br />
seulem<strong>en</strong>t « de l'Ori<strong>en</strong>t ». I3raun, p. 9'2). Cf. Chrie.Lcns<strong>en</strong>. Empire des Sass., p. 88.<br />
- L'idée de la domination universelle du Roi des Rois pr<strong>en</strong>d dans Firdousi des<br />
formes hyperboliques; cf. t. I, p. 30, p. (9. trad. Mohi et surtout 73 : O roi<br />
(Zohak), tout cc qui est dans h' monde t'obéit la terre avec ses sept Kishwers<br />
est b toi, tout depuis le firmam<strong>en</strong>t jusqu'au fond des mers t'apparti<strong>en</strong>t.<br />
5) Christ<strong>en</strong>s<strong>en</strong>, op. ci!., p. 9, p. 21, p. 29. I.e titre de. roi (;ah) était porté non<br />
seulem<strong>en</strong>t par les princes du sang mais par le principaux gouverneurs.
LA PLUS AN(:IENNE LIGENDE I)E SAINT CEOBGES 13<br />
Babyloni<strong>en</strong>s un nombre sacré, parce que c'était celui des<br />
semaines de cinq jours dans l'année, était pour les Juifs celui<br />
des nations qui sein ierit formées après la confusion des<br />
langues. Cette division est constante dans l'ethnographie<br />
juive 1 , et les chroniqueurs chréti<strong>en</strong>s à leur suite énumèr<strong>en</strong>t<br />
les noms de ces soixante-douze peuples dans le partage qu'ils<br />
imagin<strong>en</strong>t de la terre 2. En lisant, ces premières lignes de J 'liagiographe<br />
on ne peut se déf<strong>en</strong>dre de l'impression que ce<br />
début est emprunté à quelque écrit juif composé <strong>en</strong> Mésopotamie,<br />
pays soumis aux Sassanides. Nous verrons dans un<br />
instant qu'il se rattache <strong>en</strong> effet à la haggada rabbinique.<br />
Toute l'action va se passer dans la capitale anonyme de<br />
ce souverain du inonde, qui y a son palais où réside la reine<br />
Alexaridra, et qui y préside l'assemblée (le ses soixantedouze<br />
rois vassaux. De ceux-ci deux seulem<strong>en</strong>t. intervi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />
(Jans l'action. L'un s'appelle Magn<strong>en</strong>tius (e. 11), ce qui est.<br />
peu t-être un souv<strong>en</strong>ir (le l'empereur ainsi nominé une tra-<br />
(iition que l'hagiographe a pu connaître <strong>en</strong>core, le regardait<br />
comme favora hie aux paï<strong>en</strong>s 3 . L'a utre, Trancjuillinus (e. 13),<br />
porte le nom d'un martyr romain dont la r<strong>en</strong>ommée s'était<br />
répandue <strong>en</strong> Ori<strong>en</strong>t, et que plusieurs personnages connus y<br />
ont cii potir patron .<br />
Les quelques indications que fourniss<strong>en</strong>t les Actes sur la<br />
cour de Diidia nOs ne conti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t aucun détail qui soit, spécifiquern<strong>en</strong>t<br />
romain. On pourrait être t<strong>en</strong>té. d'<strong>en</strong> trouver un<br />
dans le curieux passage où Geurges ayant feint. (le vouloir<br />
adorer Apollon, le roi lui baise la tète ; sur quoi, le saint lui<br />
1) Soixante-douze ou. <strong>en</strong> arrondissant le chiffre, soixante-dix nations chez les<br />
Juifs, cf. Rousset-Gressrnunii, Gese/i des .Jii1. Val&'es , [I. 216, iL. 1, if. 326;<br />
SchUrar, Gsc/i. des lad. Volées, I P, p. 313, ri. 2: George F . Moore, .Judaisrn in Ihe<br />
/irsl ccnftirq, t. 1, 1927, p. 227, 275.<br />
) ,.• Gutschmid. h'leine .Schri/t<strong>en</strong>, V. p. 253 ss ; 683 ss.<br />
3) Cf. Phitostorge, iII, 26, avec les noies de Bidez, à la pare 52, 7.<br />
'I) Les actes des saints Sél,asti<strong>en</strong> et Ti-anquifliniis fur<strong>en</strong>t traduits <strong>en</strong> grec<br />
Migne, P. G., CXVI, 791 ; .Szna.r. ,le S'irniond, p. 321, éd. Delehave) niais peut-étre<br />
tardivem<strong>en</strong>t. Un ami de S' Jean Chrysostome, qui lui écrivit nia' i,'t tre dans sou<br />
cxii de Cucuse <strong>en</strong> Cappadoce, et un évèq uc t Antioche de Pisilie s'appelai<strong>en</strong>t<br />
'riinquiiIlintus cf. Smith, Die!. chris!. bioyr. s. V.<br />
y-r
Il REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />
dit : l'elie n'est pas l'habitude des Galilé<strong>en</strong>s ; ne le fais pi 'après<br />
que j'aurai sacrifié aux dieux'. On sait <strong>en</strong> effet que le baiser<br />
était dès l'époque d'Auguste donné par le prince i ses wuez<br />
et qu'à la fin de l'Empire, le protocole réservait <strong>en</strong>core aux<br />
hauts personnages cette marque de la bi<strong>en</strong>veillance souveraine<br />
2. Mais ce mode de salutation était pratiqué (lepuiS<br />
une haute antiquité <strong>en</strong> Babylonie 3. comme il le fut pltts tard<br />
chez les Pçres, et c'est de la Perse qu'il s'est réjiaridu <strong>en</strong><br />
Grèce 4. Le cérémonial de la COUI' des diadoques est à rel,<br />
égard, comme à beaucoup d'autres, une continuation dc celui<br />
(les AchérIIénides, et les Parthes reprir<strong>en</strong>t <strong>en</strong> s'y conformaiit<br />
une vieille tradition de l'iran 6. L'hagiographe attribue donc<br />
à son roi un geste qui était r(liiIilun à tous les souverains dc son<br />
temps. Le futur empereur .1 tilicn, pour témoigner son afïe(l.ion<br />
au philosophe de Sardes Chrysn nLlii( s, liii donna, selon Eunape.<br />
un baiser sur la lêle, comme le fait in Dadiarios 7. La répugnance<br />
de Georges à l'accepter vi<strong>en</strong>t certainelrl<strong>en</strong>t, bi<strong>en</strong> que son<br />
panégyriste le sous-<strong>en</strong>t<strong>en</strong>de, de ce que le baiser de paix des<br />
chréti<strong>en</strong>s ne pouvait être reçu d'un infidèle. Dans le même<br />
pays et. presque à la même date où fut composé le récit (le<br />
Pasicratès, Grégoire (le Nazianze, énumérant toutes les Inanifestations<br />
de la piété de sa mère Nonna, relève qu'elle ne<br />
donnait jamais la main, ni un baisem- sur la main ou sur les<br />
lèvres à une paï<strong>en</strong>ne, fût-elle du plus haut rang ou une proche<br />
par<strong>en</strong>te 8 . M. F. J. DLilger, qui a comm<strong>en</strong>té ces textes avec son<br />
I) Ch. 16. Cf. App. extrait X du Parisinus.<br />
2) KrolI, fleal<strong>en</strong>e. s. y . Kuss , Suppi. V, p. 511-519 ; Alfaldi, !?fJrn, Miii.,<br />
XLIX, 1931, p. 40 ss.<br />
3) Meissner, Der Kuss im altec Ori<strong>en</strong>t )SiL7.b..kad. Berlin, I 113 I), p. 911 ss.<br />
4) Flérodute, 1, 134; Xéno1rh., (3jr., 1, 21, 27; .4qes., V, 4 'Erj'. vç<br />
]Lç QLV &v Alexaiilre, eu dunieuil. S ses nobles le titre aulique<br />
dc c'yycvztç, leur conféra le droit dc lui doiiiwr le [miser iArri<strong>en</strong>. VII, t I, I et 6).<br />
Cf. KrolI, I. e. p. 513, 20 ss.<br />
b) Comme l'a déj9 noté Friediénder, .Sitt<strong>en</strong>q., 1, p. 162 ss.<br />
G) Dans l'<strong>en</strong>trevue <strong>en</strong>tre Corbulon et 'l'iiitlate. conloquiurn osculo ftnitum<br />
('racite, Ana., XV, 29) ; de mrno à Home, Néroti (Suét., Nero. 23) (Tiridatem)<br />
osculatus est .<br />
7) Eunape., V. Chrqs., r,i (i'• •l7, 3:1 L)idot) : Juli<strong>en</strong> Xp')aavOiou<br />
-;1 XŒ & r'j 'I'Ç5OV pÀGCV.<br />
5) Grég. Nez., Or. XVIII, Il) (I. U. XXXV, 1196 c, cf. Epiiaphiu, n° 9G L. U.<br />
XXXVIII, 99).
LA PLUS ANCIENNE LÉGENDE DE SAINT GEORGES 15<br />
érudition habituelle, Çait observer avec raison que ce refus<br />
d'accorder le baiser est dû à ce qu'il faisait partie du rituel<br />
de l'admission sol<strong>en</strong>nelle dans la communauté chréti<strong>en</strong>ne'.<br />
Ce « baiser de paix n, symbole (le la fraternit.é des fidèles, se<br />
répétait dans la liturgie comme signe dc la par<strong>en</strong>té religieuse,<br />
substituée à celle du sang.<br />
Mais nous nous éloignons ic.i de nos Actes. Rev<strong>en</strong>ons<br />
à l'assemblée des rois, tribunal auguste formé. pour juger<br />
les chréti<strong>en</strong>s. Georges « noble étoile brillant <strong>en</strong>tre le ciel et<br />
la terre » se prés<strong>en</strong>te (levant elle et confesse sa foi. Il est<br />
donné comme un jeune officier cappadoci<strong>en</strong>, un « comte n<br />
commandant un corps de troupes 2. Et aussitôt une observation<br />
s'impose è notre esprit. Comm<strong>en</strong>t concilier ceci avec<br />
ce qui précède ? Coiurn<strong>en</strong>t, si Georges servait cri Cappadoce,<br />
était-il justiciable du roi (le Perse '? Mais la qualité qui lui<br />
est. attribuée n'est pas contredite moins formellem<strong>en</strong>t. par<br />
tout.e la suite du récit. Pas un mot dans cette narration ne<br />
permet de reconnaître <strong>en</strong> lui un militaire. Il y agit . non <strong>en</strong><br />
soldat romain mais <strong>en</strong> thaumaturge ori<strong>en</strong>tal ; son arme n'est.<br />
pas le glaive mais la baguett.e des magici<strong>en</strong>s 3 ; il est le magus<br />
galilé<strong>en</strong> qui multiplie des prodiges merveilleux 4, II y a une<br />
opposition absolue <strong>en</strong>tre la qualité 1:111e lui attribue le début<br />
de nos Actes et le rôle que ceux-ci lui font. jouer dans la suite.<br />
Manifestem<strong>en</strong>t le Pseudo-Pasicrat.ès, <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>tant Georges<br />
comme un officier, a recueilli une tradition antérieure à lui,<br />
1) D1ger, Anlilce und Cri,slcn!rirn, t. \, 1935, p. 45 ss. Cf. t. I. 1929, p- 186 55..<br />
t. VI, p. 147 ss. - C'est au chi-istiani<strong>en</strong>ie plutit qu2i la Perse (lue Mani u empruntd<br />
le rite (lu baiser de paix (&T, qui fait du néoph yte un ' fils de l'Église . Les<br />
Kephaluïa réceirirn»nt publiés <strong>en</strong> donn<strong>en</strong>t, une curieuse interprétation mystique. Ce<br />
baiser )& rŒ6ç) reproduirait celui que l'homme primitif, desc<strong>en</strong>du du rovnnnie<br />
de lumière pour combattre les puissances des t,nèl,i'. reçut de la Mère de Vie et<br />
des Eon.s. Cf. Mo,iichdische Ifond.e,'hriflcn. éd. Sehtnidt, t. I, p. 38. 22 es. p. 40,34 s.<br />
2) Grec Krurnb.,3, 17 repris 4. 9 : I'é''j: ev u pyov 'riSv arp-<br />
TE'j8Z &I VrJ', Lét,) L /S(a 3L p4LcvrJç — v xonro5px. Lai.. GaIL e. 2<br />
Gncr Capadogus et coince super inultos rnilite C. 3 G<strong>en</strong>ere Capudogus fui<br />
super numerum militum roultuin Cf. Hula'r, p- 40, et app<strong>en</strong>dice extr, II-- Arm.<br />
p. 254 : E Cappadociae regione nomine Ucorgius nuies e legione Licrat<strong>en</strong>sium.<br />
Copte, p. 201;, 207 Ethiop., p. SI.<br />
3 Voi infra, p. 2.5. lépiso(lè de Scholastique cf. App. Cxli. VII, n. 5.<br />
4) Grec, p. 9, 20, p. 25. CI. Latin eh. 6 et 7, c. 14: Magus et malelicus qui<br />
eadmone in conspectu nostro vocat et dicit se mortuos suscitaro.
__--' --- - ------ -<br />
16 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />
mais durit, sans se soucier d'une telle incohér<strong>en</strong>ce, il s'est<br />
aussitôt départi, faisant du saint le héros d'av<strong>en</strong>tures prodigieuses,<br />
qu'il emprunte à (les sources (liverses pour l'<strong>en</strong><br />
gratifier. Le soldat préexistait à la lég<strong>en</strong>de qui l'a si étrarlgem<strong>en</strong>t<br />
métamorphosé.<br />
Nous <strong>en</strong> trouvons une con firmation dans un réii t (1011E<br />
l'action se passe dans le pays et à l'époque mêmes où ont été<br />
rédigés nos actes. C'est le Miracle de Tliéopislus qui se place<br />
<strong>en</strong> Cappadoce sous le règne de Théodose (379_37)1. Ceoiges,<br />
qui y atteint aussi le grade de comte s, y apparaît à la tête<br />
de ses cavaliers, monté sur un cheval blanc 2. La couleur dc<br />
cette monture était (léjù (elle que les Mazdé<strong>en</strong>s exigeai<strong>en</strong>t<br />
des chevaux consacrés aux dieux et spécialem<strong>en</strong>t au Soleil 3, et<br />
le destrier du saint militaire a hérité de cette robe imrnaculée.<br />
Elle s'est conservée <strong>en</strong> Cappadoce dans les peintures<br />
des églises rupestres, où, dès le X e siècle, on voit représ<strong>en</strong>ter<br />
la lutte de 5t Georges contre le dragon 4, et elle resta traditionnelle<br />
dans l'art postérieur.<br />
Que Georges se soit distingué dans le métier des armes<br />
et ait commandé des troupes romaines, est donc une anti(.lIJe<br />
croyance, dont Pasicratès s'est fait l'écho, et ce détail est la<br />
seule donnée historique que puisse cont<strong>en</strong>ir notre Passion.<br />
Il importe donc d'<strong>en</strong> examiner le texte de plus près; peut-être<br />
aurons-nous chance d'y découvrir <strong>en</strong>core quelque parcelle<br />
de vérité. Les diverses rédactions sont d'accord pour considérer<br />
Georges comme de race cappadoci<strong>en</strong>ne 5, et c'est <strong>en</strong><br />
I) Aufhauser, Miracula S. Georgii, Leipzig, 11)13, p. 15 ss. Cf. Aufhauser, IM<br />
I)radi<strong>en</strong>wunder des heiligea Georg, 1911, p. 28.<br />
2) Miraculez, p. 53, 7 'ELvo 'ir,u .euco xøs6icvoç, De méme p. 57,<br />
1. Pareillem<strong>en</strong>t dans le miracle De rnnnsi 'Jnario, p. 159, 11 Candidum equuln.<br />
- Dans les autres Miracles aussi Georges est un officier h cheval p. 6, 2 ; 15,5<br />
34, 13 ; 97, 8 1 J 1, 27 112, 12).<br />
3) Mihir Yaslit, XX!, 125 t. 11, p. 175 flnrm.) ; Hérudute, V!!, 40 Quinte<br />
Curce, lii, 3, 11 Xénoph., Gyrop., VIII, 3, 12. Cf. Iterodute, \ 11, 11:1 Appi<strong>en</strong>,<br />
Milhr., 70. - NOUS revi<strong>en</strong>drons sur ce point dans un article sur S' Georges et<br />
Mithra <strong>en</strong> Géorgie, qUi paraitra bie.ntt ilajis le Journal 0/ Roman studzcs.<br />
4) G. de Jerplianion, Les Églises rupestres de (.'appadoce, t. I, p. 608, notes aUX<br />
p. 482 et 495. Cf. pI. 135, 1; pI. !9. 2.<br />
5) Cf. supra, p. 8, n. 4. — FouLefois aucun des Actes rie nomine la lieu où le<br />
saint serait mi <strong>en</strong> Cappadoca. Une tradition locale 1Urtaleeui (l'otamia) prét<strong>en</strong>d
LÀ PLUS ANCIENNE LÉGENDE DE SAINT GEORGES 17<br />
Cappadoce qu'il a brillamm<strong>en</strong>t servi, mais elles ajout<strong>en</strong>t<br />
tan&t « qu'il a été aussi <strong>en</strong> Palestine 1 » ou » qu'il a été élevé<br />
dans ce pays, dont il est le «nourrisson 2 e ou qu'il a remporté<br />
(les SUCCèS militaires (lans cette province, dont il est citoy<strong>en</strong>3.<br />
On s'aperçoit crue les hagiographes paraphras<strong>en</strong>t ici diversem<strong>en</strong>t<br />
une indication de l'archétype qui leur paraissait peu<br />
intelligible pour leurs lecteurs. De plus, dans cet archétype,<br />
comme le prouve l'accord des traductions latines 4, le roi<br />
demandait à Georges « de quelle cité es-tu et quel est ton<br />
nom » ? Dans les textes publiés, l'accusé répond à la seconde<br />
question, mais non à la première. Or, une vieille rec<strong>en</strong>sion de<br />
nos Actes, qui s'est conservée dans deux mss. du xIe siècle<br />
<strong>en</strong> écriture bénév<strong>en</strong>tine 5, offre ici une indication d'une précision<br />
singulière Ei cum con gregalus fuisscl inestirnabilis<br />
populus. ecce sanclus Domini Georgius, siella praeclara exorla<br />
Cappadociae (sic), cl g<strong>en</strong>ere Thecu<strong>en</strong>sis, perv<strong>en</strong>il usque ad<br />
Dacianum inperalorem. Selon cette version, Georges serait<br />
donc originaire de Thécua, un bourg situé à la lisière du désert<br />
au sud-est de Jérusalem, connu par la Bible et qui subsistait<br />
<strong>en</strong>core à l'époque romaine 6. Si l'on se souvi<strong>en</strong>t que les inscriptions<br />
et <strong>en</strong> particulier les épitaphes tic militaires indiqu<strong>en</strong>t<br />
<strong>en</strong> faire le village natal du martyr, niais elle ne mérite aucune créance. D'autres<br />
indications égalem<strong>en</strong>t suspectes ont Ôté réunies par Aufhauser Das Drach<strong>en</strong>wundcr<br />
des heU. Georg, 1911, p. 2, n. 2.<br />
1) Lut. Gallicanus. e. 3 : G<strong>en</strong>ere. Cappadocu ...fui et in provincia Palaestina .<br />
2) Grec, p. 4, 10 : Fvo K ir6xco.. 0perà 8è xt rç<br />
HXativ. Sangall., c. 2 t Ex g<strong>en</strong>ere Cappadociae et nutritus est in Palt<strong>en</strong>e<br />
patriac (.sic).<br />
3) 1-tuber, p 40 G<strong>en</strong>ere Cappadocus et b<strong>en</strong>e agi Christo propitio triumphuns,<br />
civis Palaestinac. Copte. p. 206 : I am by birth a Cappadocian arid<br />
I performed my clulies satisfaeLorilv in Palestine, where I servcd. - Manque<br />
clans Àrm. lthiop. Le service militaire dont, suivant les textes les plus sûrs,<br />
Georges se serait acquitté cii Cappadoce, est transporté ici h la Palestine.<br />
1) GaIl., eh. 3 Die mihi de qua civit.ate es tu vel quod dicitur nom<strong>en</strong> tuum?<br />
Cf. Iluber, p. 40 et le ParU, clans l'App. Extr. III. flepris textuellem<strong>en</strong>t dans la<br />
passion de S. Lupercius, AA. SS. Juin, V, p. 352 8. - Le Grec a écourté cet<br />
interrogatoire, Krumb., p. 1. 1. 6 mais cf. p. 20, 1. 20 : 6Ocv ôpse. Copte, p. 20:<br />
TelI rue (rom wherice thon comest 7 Manque lans Arm.<br />
5) Cod Valliceïl., III, f. 158 h ; cod. \atic. lut. 7810, f. 66, col. a. - C'est la<br />
rédaction m<strong>en</strong>tionnée Bibi. haq. lai., I, p 503, n 0 .3366.<br />
6) Real<strong>en</strong>c. s. y . Thekoa. L'ethnique u ailleurs les formes Thecuiles, Thecu<strong>en</strong>us<br />
(De Vit, Onom., s. y . Thecua). Thecu<strong>en</strong>sis de l'hagiographe r<strong>en</strong>d probablem<strong>en</strong>t<br />
le grec ®cxou,v6ç.
18 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />
souv<strong>en</strong>t non seulem<strong>en</strong>t la cité mais le village d'où ceux-ci<br />
étai<strong>en</strong>t originaires 1 , il ne paraftra pas impossible qu'une donnée<br />
auth<strong>en</strong>tique ait été ainsi conservée jusqu'au temps tic Pasicratès.<br />
Georges serait alors un soldat ou ollicier qui, né à<br />
Thécua <strong>en</strong> Palestine, servait dans une légion (le Cappadoce,<br />
peut-être à Mélitène. Mais il se peut aussi que quelque moine,<br />
qui connaissait sa Bible, ail, vou'u assigner pour patrie à ce<br />
grand saint le lieu qui avait donné le jour au prophète Amos.<br />
Il sera impossible (l'apprécier la valeur de la leçon j<strong>en</strong>ere<br />
Thecu<strong>en</strong>sis, tant que l'on n'aura pas mieux établi la filiation<br />
(les traductions latines du roman (le Pasicratès.<br />
Abandonnons donc la recherche d'une réalité <strong>en</strong>core insaisissable<br />
pour suivre notre hagiographe dans le royaume fictif<br />
que sa fantaisie a peuplé d'èlres imaginaires. Dadianos <strong>en</strong>voie<br />
des lettres « à toute la terre » promettant une réroiupeiise de<br />
tr<strong>en</strong>te livres d'or et soixante d'arg<strong>en</strong>t si quis ,nagus poleril<br />
,naqica,n chrislianoruni soleere 2. Le mage Athanase se prés<strong>en</strong>te,<br />
murmure quelques mots dans l'oreille d'un taureau, qui<br />
aussitôt se f<strong>en</strong>d <strong>en</strong> deux parties égales, puis il ressucite sa<br />
victime. Après avoir ainsi fait montre de sa puissance, il<br />
prononce des incantations sur une coupe, qu'il ofTre à Georges,<br />
mais celui-ci ayant bu le l-reuvage maléfique n'<strong>en</strong> ress<strong>en</strong>t<br />
aucun malaise. - Ici <strong>en</strong>core nous Sommes <strong>en</strong> Perse, non dans<br />
l'Empire romain. Car c'est là que les Mages form<strong>en</strong>t. un clergé<br />
soumis au roi et qu'il peut leur lancer une convocation. C'est.<br />
là qu'on put voir, dit-on, Chosroès <strong>en</strong>touré de 360 « devins<br />
magici<strong>en</strong>s et astrologues » qu'il consultait clans les cas embarrassants<br />
3. Il est significatif que dans le livre de Daniel 4, le<br />
roi Nabuchodonosor appelle les <strong>en</strong>chanteurs, les mayes, les<br />
1) Par ex. Dessau, lnscr. sel. 2091.<br />
2) D'après Lat. Gali. e. 6 Paris. App<strong>en</strong>dice extrait IV; cf. I liiber, p. 42. L'Arrn.,<br />
p. 256, <strong>en</strong> est très proche. Cf. Copte, p. 08 et 291. Le passage manque dans le grec<br />
par suite d'une ucune.<br />
:3) Tabari, Lrail. Nûkieke, - 3c .l s. Cf. Christ.<strong>en</strong>seri, Empire des .Sassanides,<br />
p. 41. ri. 5.<br />
••fl Funiel, li, K?. stItV " rn.».; xt 'r x Tr); 2:y',uç<br />
xi rrji5 9pexo'ç xd 'ro Xù.&dou:, et il leur promet /.7 6OipeÇ<br />
lcx)
LA PLUS ANCIENNE LIGENDE DE SAINT GEOIIGES l<br />
sorciers et les Chaldé<strong>en</strong>s pour leur expliquer son songe et leur<br />
promettre, comme Dadianus, une riche récomp<strong>en</strong>se. A Rome<br />
la magie est. une profession interdite par le droit pénal et<br />
qui fait <strong>en</strong>courir la peine (le mort'.<br />
Les récits hagiographiques ont, souv<strong>en</strong>t reproduit l'épisode<br />
d'une luttc <strong>en</strong>tre un magici<strong>en</strong> et un chréti<strong>en</strong>, qui confond<br />
son adversaire par ses miracles. Ce motif littéraire remonte<br />
jusqu'aux amplifications juives du chapitre Vil de l'Exode<br />
où, <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce du Pharaon, les « mages et <strong>en</strong>chanteurs »<br />
égypti<strong>en</strong>s reproduis<strong>en</strong>t les prodiges accomplis par Moïse et<br />
Anron. La haggada connaît. les noms de ces thaumaturges,<br />
,Jannès et Jambrès (ou Marnbrès) et., dès avant l'ère chréti<strong>en</strong>ne,<br />
il circulait sous leurs noms un livre qui racontait leur dispute<br />
merveilleuse avec Moïse 2. Or, dans cette littérature édifiante,<br />
la scène du taureau qui meurt. d'un mot chuchoté à son oreille,<br />
et qu'<strong>en</strong>suite on ressucit,e, est traditionnelle. l)ans les Actes<br />
apocryphes de Pierre, qui remont<strong>en</strong>t probablem<strong>en</strong>t à un<br />
original gnosl.ique du ii siècle s, elle fait partie de la joute à<br />
coups de prodiges <strong>en</strong>tre l'apôtre et Simon-le-Mage dans la<br />
ville de lionie : le taureau s'abat dès qu'il <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d la parole<br />
de Simon et il recouvre in vie grâce à une prière de St_Pierre4.<br />
Dans les Actes de 5t Porphyre le Mime, martyr de Césarée.<br />
ce sont des prêlres d'Apollon qui, parlant à l'oreille (lu taureau,<br />
le font succomber, mais ils ne parvi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pas à le<br />
1) Momms<strong>en</strong> .S!ra!rechl. p. 639 ss.<br />
2( Cf. Schorer. Ge.cJr. des .Jiid. Volkes, t. IIP, p. 292-4; Real<strong>en</strong>c. s. y . Mambres<br />
3) Bard<strong>en</strong>hewer, Geeeh ,.411r/rr. Lii, 12, p. 55() se.<br />
4) Malalas, p. 255 Bonn : Ki &(vov (Pierre et Simou) é', 'rj 'Pdn vooii3v.<br />
TC O6LZ'( 7téVaVT iX).Xn)V' xl ê u.' ii.cav 6 .scyoç ci0é'rrroç épou<br />
ceyi'Âou etcv elç è dyriov 'te) ).6yo' xxl crOaç 6 'êp'ç 0rvc xxl<br />
&()U IL cTO 6 l)1(oJ 6 & Ilérpo; bOCa tZVOÇ éTti. 7&VT(ÙV é7robaz<br />
&v.t 'êv pov, 'i .SéOE Ti 18m) mr6tï 6 êrè; 'tx5po;.<br />
Le même récit et reproduit., riaprés Malalas, mais abrégé, dans Georges le Moine<br />
(t.. I. p. 366, 3 I)e Boor), Cedr<strong>en</strong>us (I, F'-<br />
19 Bonn), et d'autres chroniqueurs<br />
hyzantins ; il se retrouve dans les versions slaves et <strong>en</strong> syriaque chez D<strong>en</strong>ys bar<br />
Salibi (cf. Anal. lin!!., XXI, 1902, p. 132). Les Adus Petri rom .Simone du rns. de<br />
\erceil, ch. 25 (p. 72 Lipsius-Boririet remplac<strong>en</strong>t le Laureau par un <strong>en</strong>fant. Lipsius<br />
fie apncrrjphe.n .'tpo4eleschidii<strong>en</strong>, t. II, 1 (1857;, p. 21G) a cru que cette (orme do<br />
la lég<strong>en</strong>de était primitive, et que le taureau avait été substitué é cette victime<br />
humaine. Un simple exposé ries fait.s suffira è réfuter cette opinion. 011 u mis l'<strong>en</strong>fant.<br />
é la place du taureau pour corser le miracle, qui dans sa naïveté première<br />
pouvait prêter û rire.
20 REVUE DE L'hISTOIRE DES RELIGIONS<br />
ranimer, ce qu'accomplit la prière du saint 1 . Comme nous<br />
avons de sérieuses raisons ile croire cet épisode emprunté<br />
è la Passion de St Geores 2, 1(0115 pouvons négliger cette<br />
narration remaniée.<br />
La lég<strong>en</strong>de de S Sylvesi re, où l'épisode du taiii'cau ('SE.<br />
développé plus que partout ailleurs, mérite (le nous ret<strong>en</strong>ir<br />
davantage 3. A l'instigation de 5t liélène, <strong>en</strong>core juive, douze<br />
ral)bins <strong>en</strong>gag<strong>en</strong>t une lontue controverse avec le pape, qui<br />
réfute victorieusem<strong>en</strong>t, les onze premiers. Le (lt'rnwr noitimé<br />
Zamhri 4 ou Zambrès pret<strong>en</strong>d alors montrer sa supériorité<br />
non par des paroles mais par des actes. Il réclame Ufl taureau<br />
indomptable qu'il se fait fort de tuer <strong>en</strong> prononçanL te nom<br />
de son Dieu s nom que ni l'ouïe (les hommes, ni celle du bétail<br />
ou des oiseaux ne peut supporter et. qu'on ne peut écrire<br />
sur le papier, le parchemin, le lois ou la pierre sans que meure<br />
l'écrivain et que soit. dissipée la niatière dont il s'est servi 5 e.<br />
Ce nom, Zainbri a vu un doigt le tracer au fond d'une coupe<br />
neuve d'arg<strong>en</strong>t, remplie d'eau de source, sur laquelle il avait<br />
prononcé une incantation 6. On amène donc. le taureau fort<strong>en</strong>i<strong>en</strong>t.<br />
lié le thaumaturge lui dit le nom magique è l'oreille<br />
aussitôt la bête redoutable expire <strong>en</strong> mugissant. Mais Zarribri<br />
se déclare incapable de ressusciLer sa victime. Sylvestre ayant<br />
1) Van De Vorst, Analecta Bollandiana, XXIX, 1910, p. 273.<br />
2) Cf. supra, p. 10.<br />
3) Le texte original, c'est-à-dire latin, de ces Actes u éI.é publié par Mombritius,<br />
Sanctuarium sive eilac sanctorum, t. Il de la réimpression bénédictine (1910).<br />
L'interv<strong>en</strong>tion de Zarnbri comm<strong>en</strong>ce p. 525. - La versioil grecque a été éditée<br />
par Combefis, lllustrium martqru,n lecli triurnphi, Paris, 1666, p. 327 es. Des<br />
extraits importants <strong>en</strong> ont tté introduits tiatis la Vila Constanhini publiée par<br />
Opitz, Mélanges Bide:, 1935, t. 11.<br />
4) Le me. suivi par Mombritius d<strong>en</strong>e Zain bri. La traduction grecque orthographie<br />
Zxz. Cf. infra, p. 21. n. 4.<br />
5) 1' .526 Norn<strong>en</strong> quod nulla ratione potest humanus, volucruinque pecuduni<br />
(lue sulierre auditus... non cartita, non membrana, flou ligna, non lapides<br />
hoc nom<strong>en</strong> possunt habere conscriptun. st.a tint <strong>en</strong>im et qui scribit interit et ubi<br />
scriptum fuerit (iissolvitur. - Cf. Coinbefis, p. 327 e.<br />
6) La pra t que magique l ta léca fuma ri e ic ccl bi<strong>en</strong> con nue (cf. Jicul,'ne.<br />
s. y . Lekauomanteia '). ruais on litera quelle étuit cil particulici uive .Jo1ili<br />
l'avait pratiquée (G<strong>en</strong>èse. XLI\, , , t cest. , lui sans iloute lue Zainh,ri<br />
eluhirulite sa coupe iIue g<strong>en</strong>t Sa Ion ion passai t pour avoir <strong>en</strong>seigne I , hygritmancic<br />
cf. Cal. codd. ashr., VIII, 2, p. lii ss.
LA PLUS ANCIENNE LlGENDE flE SAIN'!' GEOPI;ES 2l<br />
invoqué Dieu y réussit et le taureau, apprivoisé par lui,<br />
retourne doucem<strong>en</strong>t è son troupeau'.<br />
Mgr Duchesne, qui a sourriis les Actes de Sy]vestre à une<br />
analyse pénétrante, a démontré qu'ils ont été rédigés à Rome<br />
vers la fin du Ve siècle, mais qu'ils conti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t une forte<br />
proportion d'élém<strong>en</strong>ts syri<strong>en</strong>s. En particulier on peut. considérer<br />
- je cite ses propres paroles 2 - « l'épisode (le Const.aiitin<br />
et d'Tlélène non seulem<strong>en</strong>t comme l'expression d'une lég<strong>en</strong>de<br />
imaginée <strong>en</strong> Ori<strong>en</strong>t, mais <strong>en</strong>core comme le calque fldèle d'un<br />
récit sorti cl 'une plu me ori<strong>en</strong>tale ».<br />
On peut, p<strong>en</strong>sons-nous, préciser davantage poil!' la COflipétition<br />
de Sylvestre et de Zambri. morceau hétérogène, qui<br />
vi<strong>en</strong>t s'ajouter gauch<strong>en</strong>i<strong>en</strong>t à une dispute théologique avec<br />
(les rabbins. Zambri est le nom d'un roi d'Isral. qui eut un<br />
règne éphémère (le sept jours c'est aussi, dans la Bible, celui<br />
d'un impie, qui fut tué :onime adorateur de Beelphégor 3. Il<br />
a donc été emprunté par l'auteur de la lég<strong>en</strong>de à l'1icriture,<br />
mais, s'il a été choisi, c'est, semble-t-il, à caiis. de sa resseinblance<br />
avec celui qui 1)r<strong>en</strong>d ailleurs les formes Jambrés,<br />
Mambrés, Mamré 4. l'auteur supposé du vieux livre cité plus<br />
haut.. (tout ce hors-d'ouvre serait tiré. On pouvaiI lire <strong>en</strong>core<br />
cet. ouvrage datis la Borne du Ve siècle, puisque le (1é4'l'i't<br />
gélasi<strong>en</strong> , qui est tle (:e temps ou de peu postérieur, le m<strong>en</strong>tionne<br />
parmi les apocryphes qu'il condamne5.<br />
Si nous nous <strong>en</strong>quérons de la forme prise dans la liaggada<br />
par la dispute de Moïse et d'AaroIL avec les magici<strong>en</strong>s <strong>en</strong><br />
1) Cumparer supra p. UI, ri. 1, la tin du récit, de Malalas.<br />
2) L. Duchesne, 1.1 ber Ponli/kalis. t. 1, IntroI. p. cxix.<br />
3) III Iteg. li), 9-lU et Nombre XXV, 1-3, 6-8, l-1S. Le ineurtie de Zimri (sic)<br />
par Vhinéas s fourni i la liaggiki laie ample matière miracles, cf. Giniberg.<br />
Leg<strong>en</strong>ds of flic ,Jcu's, III, • 383 .<br />
.1) Nous avons dit que le texte latin b la forme Zanihri, la traduction grecque<br />
Zxzépiç. De même ]e nom du vieux magici<strong>en</strong> varie: les Grecs l'appell<strong>en</strong>t 'Jqp,<br />
les Latins ordinairezii<strong>en</strong>t .%tarnbres. le Talmud 3fanirc (Scli(irer, f. e.). Je ne sais<br />
si ce nom peut être mie <strong>en</strong> rappurt avec les uLo 'lILpC qui habitai<strong>en</strong>t la Transjordanie<br />
selon I Maccliah. t, 3G-37.<br />
5) Seliurer, 1. e. l.itjr qui appellatur Pacnht<strong>en</strong>tia Jamais et Mambre apocrydhus.
22<br />
REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />
prés<strong>en</strong>ce de Pharaon, nous serons frappés de sa ressemblance<br />
avec le roman de Pasicratès. Pharaon y est donné comme « le<br />
maître du monde <strong>en</strong>tier s qui siège dans son palais, « <strong>en</strong>touré<br />
(le nombreux rois' s. Le chiffre n'<strong>en</strong> est pas indiqué, mais<br />
Pharaon a « soixante-dix secrétaires, chargés de la correspondance<br />
du roi <strong>en</strong> soixante-dix langues e, ce qui est cii effet le<br />
nombre des nations de la terre, comme nous l'avons vu2.<br />
De part et d'autre le maître (lu monde est gardé par des<br />
troupes innombrables. Moïse et Aaron parl<strong>en</strong>t au roi d'Égypte<br />
de la puissance de leur Dieu universel presque clans les termes<br />
dont se sert Georges dans une prire, à laquelle Ou a ajouté<br />
une conclusion chréti<strong>en</strong>ne 3 . Aprés cette discussion, Pharaon<br />
convoque ses magici<strong>en</strong>s Jannès et .lambrès comme Dadianos<br />
fait v<strong>en</strong>ir Athanase. Il paraît probable que la tradition<br />
rabbinique et tout le début de notre Passion r<strong>en</strong>iont<strong>en</strong>t à<br />
une source commune, la prodigieuse histoire de Jannès et<br />
Jambrès composée à l'époque hellénistique.<br />
Chose curieuse, ni le compilateur de nos Actes, ni le<br />
rédacteur de la lég<strong>en</strong>de de Sylvestre 4, n'ont su quel était ce<br />
nom formidable dont le simple énoncé semait la mort parmi<br />
tous les êtres animés. Leur source <strong>en</strong> effet ne pouvait pas le<br />
leur indiquer puisqu'il était déf<strong>en</strong>du de l'écrire. Mais ce<br />
om divin que le niagici<strong>en</strong> juif avait proféré était évidemm<strong>en</strong>t<br />
« lahvé s. On sait qu'il était interdit de prononcer ce<br />
vocable sacré, que l'on croyait doué d'un pouvoir magique<br />
extraordinaire 5. Celui qui <strong>en</strong>freignait cette déf<strong>en</strong>se, s'exposait<br />
1) Ginzberg, Leg<strong>en</strong>ds 0/ lite Jews, 11, p. 331 ss. ; cf. J. Bin-Gorion, Die Sa y<strong>en</strong><br />
dec Jud<strong>en</strong>, 11135, p. 439.<br />
2) Cf. supra, p. 13, n. 1.<br />
3) Not.ez <strong>en</strong> particulier Lat. Gal]., eh. 8 (= Copte, p.21l; Grec Lrumb., p. 5,<br />
25 es.) Domine qui confirmasti terruin et camerasLi caclum et nubc adiniplesti et.<br />
plues super iustos et iniustos, Domine, qui con(irrnasti terram et montes et orimia<br />
quaecumque in tua virtute, et colles et caltipos... . et Ginzberg, p. 333. FIe cuvers<br />
the hcav<strong>en</strong>s with clouds, ut bis word tue dew and Lhe rani desc<strong>en</strong>d eai ULward...<br />
lIe created Oie mountains and the valleys, lie stretctied oui the earth hy n word,<br />
lic made Lite mountains witlt lis wisdom.<br />
4) Cf. Mombrtius, p. 528 : Sylvester inclinavit se ad aurem, in qua norn<strong>en</strong><br />
nescio quod dixerat Zambri.<br />
5) Prohibition du nom de lahvé : G. T. Moore, Jadaism in the first c<strong>en</strong>turies of<br />
lite Christiun era, I, 1927, p. 424 es.
LA PLUS ANCIENNE LIGENDE DE SAINT GEORGES 23<br />
selon les rabbins i périr misérablem<strong>en</strong>t 1. Parmi les passages<br />
qui exprim<strong>en</strong>t cette conviction, il <strong>en</strong> est un qui offre une<br />
ressemblance frappante avec les histoires d'Athanase et de<br />
Zambri. Artapanos, qui au e siècle avant notre ère écrivit<br />
une histoire des Juifs outrageusem<strong>en</strong>t romancée, raconte que<br />
Pharaon ayant pressé Moïse de lui dire le nom (le Dieu, le<br />
prophète se p<strong>en</strong>cha vers son oreille et Je lui murmura<br />
l'ayant ouï, le. roi tomba sans voix, mais Moïse le saisit et<br />
lui r<strong>en</strong>dit la vie. il traça <strong>en</strong>suite ce nom sur (les tablettes<br />
qu'il scella, et un (les prêtres, ayant dénigré cet écrit, expira<br />
dans des convulsions2.<br />
Il est donc hors de doute que le motif traditionnel du<br />
taureau qui meurt (l'un moi qu'on lui souille clans le creux<br />
de l'oreille et est <strong>en</strong>suite miraculeusem<strong>en</strong>t ranimé remonte<br />
au judaïsme alexandrin : il doit. montrer que la puissance<br />
redoutable du nom de Iahvé s'ét<strong>en</strong>d non seulem<strong>en</strong>t sur le<br />
g<strong>en</strong>re humain, rriais sur tout le règne animal, comme le dii<br />
expressém<strong>en</strong>l.. la lég<strong>en</strong>de de saint Sylvestre (p. 20).<br />
Mais où 1'hagioi'aphe a-L-il pris l'idée, qui lui apparti<strong>en</strong>t<br />
<strong>en</strong> propre, d'une division magique du taureau <strong>en</strong> deux moitiés<br />
? Celles-ci, selon certaines rédactions, se serai<strong>en</strong>t. réunies<br />
pour permettre d'atteler au joug l'animal ressuscité 3, ou bi<strong>en</strong><br />
elles aurai<strong>en</strong>t donné naissance i deux taureaux 4 ou <strong>en</strong>core elles<br />
aurai<strong>en</strong>t été pesées et trouvées rigoureusem<strong>en</strong>t ég;ules 5, variations<br />
de la lég<strong>en</strong>de qui momit.r<strong>en</strong>i qu'il s'est produit, ici quelque<br />
1) l)ie Religion des Jud<strong>en</strong>lums im spiifhell<strong>en</strong>is!. Zeilallcr,<br />
19'26, p. 309, n. 2. Sijr le pouvoir magique attribué <strong>en</strong> général aux nomina barbare,<br />
cf. nos Relig. uri<strong>en</strong>lales 4, p. 2 lU, notes 72 es.; Realeoc. s. y . Magia ', p. 334 s.<br />
2) Eusèbe, Pruep. evang.. IX, 2i-2G I'. FI. G. III, p. 223 (Tv ùaj<br />
MoŒm TriS... OCrJS eir' 5vr rJty<br />
oiç c7vcZv, &oiavx S r' a,nX& çxavo, S xprOvr Sè ur') roS<br />
Meoou ,tÀv x. t. ).. Artapar racontait <strong>en</strong>suite le miracle de la verge<br />
changée <strong>en</strong> serp<strong>en</strong>t, ce qui montre que son récit provi<strong>en</strong>t dune amplification lég<strong>en</strong>daire<br />
di l'Exode 7, 9 se. - (in rapprochera dc 'e récit fal,nle,mx ce qui se produisit<br />
quand F'tolémée Pliiladelplme <strong>en</strong>tra ilan le Saint des Saints, c'est-à-dire se trouva<br />
401 prés<strong>en</strong>ce de Iahvé, selumi Macehab. 1H, 2, 21 se.<br />
3) Lat. cli. 6 (GalI. : Paris. {App. fr. 1V et fluber) ; Armn., p. 257.<br />
4) Grec Krumbncher, p. 5, n. 4 )I'épisode apparait dans un fragm<strong>en</strong>t du<br />
palimpseste). Latin : Zarmicke, Beriehte 0es. Wiss. Leipsig, 1875, p. 268, c. 6.<br />
5) Copte, p. 209.
21 REVUE DE L'I-IISTOIRE DES RELIGIONS<br />
confusion. La sagacité de Zwierzina' <strong>en</strong> n aperii la source<br />
elle est due au double s<strong>en</strong>s du mot, uy6ç qui signifie «joug>) et<br />
« balance » et c'est la troisième conclusion donnée à cet épisode,<br />
qui est la vraie. Sans doute le Pseudo-Pasicratès avait-il<br />
connaissance d'une forme de sacrifice très répandue, chez les<br />
Juifs pour les serm<strong>en</strong>ts 2, <strong>en</strong> Grèce et chez d'autres peuples pour<br />
les lustrations 3 et qui consistait à couper <strong>en</strong> deux I;, victime<br />
immolée, n lin dc faire passer <strong>en</strong>tre ses morceaux ceux qu'eut<br />
voulait lier par un <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t ou purifier de leurs souillures4.<br />
Le récit de nos Actes c.appadoci<strong>en</strong>s diffère <strong>en</strong>core des autres<br />
histoires analogues <strong>en</strong> un point ess<strong>en</strong>tiel.<br />
Le mage perse Athanase qui n fait, mourir le taureau,<br />
le fait aussi revivre : l'exploit qu'il accomplit (bit, ainsi<br />
1) Cf. Paris, App. fr. IV, note,<br />
2) L'érudition dc Bochort, liie,owicon (11,33, éd. Ros<strong>en</strong>mûller, 1703, t. I, p .333)<br />
s déjà réuni les principaux témoignages cf. Roberteon SmiLli, Religion of Ike<br />
Semites3, p. 4S1.<br />
3) Frazer, comm. de Pausanias, iII, 20 (t. 111, p. 367) ni. Folklore in lite OId<br />
Tesiam<strong>en</strong>t, 1, 301 n selon sa coutume accumulé une foule d'exemples de cette<br />
coutume pratiquée chez les peuples eiviIiss et non civilisés.<br />
4) Puisque nous sommes à la cour du roi de Perse, peut-être sera-L-il permis<br />
de signaler une curieuse persistance de ce mode de purification jusque sous les<br />
Sassamiides. On connait la lustralion de l'armée macéloni<strong>en</strong>ne, ii laquelle on procédait<br />
chaque année au mois de Xanthikos (liésychius, s. y v0tx) et sans doute<br />
aussi au mom<strong>en</strong>t d'<strong>en</strong>trer <strong>en</strong> campagne : on faisait défiler le roi, sa fnmille et ses<br />
troupes <strong>en</strong>tre les deux moitiés d'un chi<strong>en</strong> placées de chaque cété de la route.<br />
(Quinte Curce, X, 0, 12 (sous Perdiecas) Tilt-Lice Xl., fi et 13 [sous Persée).)<br />
C'était 15 proprem<strong>en</strong>t une opération magique, l'animal iniinolé devant capter<br />
au passage les influ<strong>en</strong>ces malignes qui aurai<strong>en</strong>t pu compromettre le salut du souverain<br />
ou de son armée (Cf. Loisy, Le Sacrifice, 1021), p. 334 «s.). Mais cette lustration<br />
collective, suivant les croyances de la magie, devait avoir <strong>en</strong>core. plus<br />
delficacité, si l'on sacrifiait un être liummiain. L'histoire fabuleuse de l'gypte<br />
racontait que le roi Boechoris avait appris par un songe qu'fl ne pourrait poursuivre<br />
heureusem<strong>en</strong>t son règne, s'il ne f<strong>en</strong>dait <strong>en</strong> deux tous les prêtres pour passer <strong>en</strong>tre<br />
les morceaux de leur corps (Diodume, I, 6). Ilérodote rapporte que Xerxès fit<br />
ainsi couper <strong>en</strong> deux le fils amné du Lydi<strong>en</strong> Pylhius et placer les moitiés du cadavre<br />
à droite et à gaucho du chemin que devai<strong>en</strong>i pr<strong>en</strong>dre ses troupes (Hérod., VII, 39;<br />
cf. S<strong>en</strong>èque, De Iris, III, 16, 4 ; Plutarijue, Malter. eirt., 27, p. 263.) Dii pourrait<br />
croire que le vieil histori<strong>en</strong> n gratuitem<strong>en</strong>t prèté aux Perses la coutume unucédoni<strong>en</strong>mle,<br />
si le même traitem<strong>en</strong>t atroce n'avait été infligé à des victimes de la persécution<br />
de Salwr Il, Tarbé [<strong>en</strong> grec Txp6oi). ou ®rp6o6 et ses compagnes. Les J uifs<br />
ayant accusé ces saintes femmes l'avoir provoque Une nialadie le la reine par leurs<br />
maléfices, Sapor les fit scier <strong>en</strong> deux et les moitiés de leurs corps fui<strong>en</strong>t «upcitdues<br />
à des pieux <strong>en</strong>tre lesquels un fit passer la reine ç op'htceov u ,Su,.Onhi'!me,<br />
11, 12) ; puis l'armée, qui allait se mettre <strong>en</strong> niarelte, la suivit, le roi u 50 tête ((Jskar<br />
Braun _4ugscu'dImllc ,1kl<strong>en</strong> Persisclier Jiùrlqrer ans ri<strong>en</strong>t yr. dherael:t, p. 92 Iielebaye,<br />
Aetcs des nmw'lyrs persans sous .5ajur t I, p• .113;. (in paru il lotie s'être servi<br />
de condamnés è mort pour accomplir un sacrifice humain traditionnel.
LA PLUS ANCIENNE J.IGENDE DE SAINT GEORGES 25<br />
fournir la preuve de son savoir-faire, avant qu'il <strong>en</strong>tre <strong>en</strong><br />
compétition avec Ceorges. On ne peut manquer d'être frappé<br />
de la place qu'occupe dans la lég<strong>en</strong>de du martyr les résurrections<br />
de taureaux. Dans nos vieux Actes, l'épisode de Scholastique<br />
<strong>en</strong> offre un second exemple cette veuve a perdu<br />
un de ses boeufs, tandis que son fils le liait au joug. Georges<br />
lui donne sa baguette magique qu'elle pose sur le cou de la<br />
bête <strong>en</strong> ordonnant à celle-ci de se relever, ce qui se réalise<br />
aussitôt. 1 . Selon d'autres rédactions de la Passion, un prodige<br />
semblable s'accomplit; au profit du laboureur Glycérius2.<br />
Dans la série des Miracles du saint, un des plus anci<strong>en</strong>s - il<br />
se place, nous l'avons vu, <strong>en</strong> Cappadoce sous Théodose - est<br />
ccliii du fermier Théopistos. La résurrection du taureau y<br />
est. accompagnée de celle de tout le reste du bétail3.<br />
On pourrait s'étonner de l'insistance avec laquelle les<br />
hagiographes mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> relief une action qui, pour notre<br />
m<strong>en</strong>talité moderne, paraît. assez vulgaire et frise même le<br />
ridicule. On dira, il est vrai, que la Cappadoce avait une<br />
population ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t rurale et que pour un pauvre<br />
paysan la perte d'un boeuf pouvait être une catastrophe digne<br />
de provoquer l'interv<strong>en</strong>tion des puissances célestes. Mais<br />
si nous nous souv<strong>en</strong>ons que, dans le folklore de la Géorgie,<br />
S Georges, voleur dc boeufs, a hérité des fonctions de Mithra,<br />
le Oç Çoux?6îo 4, nous soupçonnerons que l'importance prise<br />
dans la lég<strong>en</strong>de du saint par le taure;i u provi<strong>en</strong>t de celle<br />
qu'aicordai<strong>en</strong>t. déjà à celui-ci les croyances des mages de<br />
Cappadoc.e . Pour les ivazdé<strong>en</strong>s. le boeuf est l'animal bi<strong>en</strong>faisant<br />
par excell<strong>en</strong>ce, célél)ré et )rOLégé par la reli gion, et un<br />
mythe étrange liii assignait un rôle prinloI'ilkll dans l'histoire dc<br />
l'univers. Prciïiier né dc tous les ètres vivants, le Taureau<br />
1) Grec p. 8, IS: Latin, eh. 12 ; Copte, p. 11S. Tliéodotc Aric., copte, p. 301<br />
Ethiop. p. 219., Cf. App<strong>en</strong>dice extrait VIl et la note.<br />
2) Acta SS., 23 avril, p. xiii, eh. 2e p. xviii, eh, 20, cf. p. xxiii. Kruni.bacher,<br />
9,). ciL., p. 37, p. 48, cf. p. 149.<br />
3) Miracula S. Gcorgii, éd. Aufliauser, p. 44 ss. Cf. supra, p. 16.<br />
4) Cf. sur ce point un article qui duji, paraitre dans le Journal of Roman siudies.<br />
5) LobservaLioji <strong>en</strong> a déjà été faite par von Gutchmid, op. cil., p. 194.
26 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />
Primitif provoquait par sa mort la naissance de toute la<br />
végétation et son âme continuait à veiller sur les espèces<br />
animales à la fin des temps, il devait réapparaître afln que<br />
fût composé pour les hommes un breuvage d'immortalité.<br />
Selon la doctrine (les e magusé<strong>en</strong>s » d'Asie Mineure, Mithra<br />
qui avait aux origines du inonde immolé le Taureau, était<br />
probablem<strong>en</strong>t aussi chargé de le ressusciter à la fin des temps'.<br />
Dans un milieu nourri de telles croyances, même un grand<br />
saint ne paraissait pas déroger <strong>en</strong> accomplissant ce dont un<br />
dieu passait pour avoir donné l'exemple.<br />
Les événem<strong>en</strong>ts destinés à se produire à la fin (lu monde<br />
ont beaucoup préoccupé les mazdé<strong>en</strong>s et t<strong>en</strong>u une grande<br />
place dans leur littérature religieuse. Plusieurs livres prét<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t<br />
décrire les fléaux qui devai<strong>en</strong>t désoler la terre jusqu'à<br />
la v<strong>en</strong>ue du Sauveur qui ressusciterait les hommes, les jugerait<br />
et les ferait passer à travers un fleuve de feu, qui épargnerait<br />
les justes pour ne brâler que les coupables 2. Dans le<br />
monde judo-hellénique, ces écrits irani<strong>en</strong>s ont inspiré des apocalypses<br />
apocryphes, telle que celle d'Hystaspe. que Lactance,<br />
avec une confiance ingénue, a mis largem<strong>en</strong>t à contribution.<br />
Il nous parait certain que le soi-disant Pasicratès, <strong>en</strong><br />
rédigeant son réc{t fabuleux, a eu dans l'esprit et peut-être<br />
sous les yeux un ouvrage de ce g<strong>en</strong>re, Lorsque le roi. 1'ranquillinus,<br />
pour mettre Georges à l'épreuve, lui demande de<br />
ressusciter les morts t itie conti<strong>en</strong>t un sarcophage de plomb3,<br />
on ouvre celui-ci <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce des soixante-douze rois, et l'on<br />
n'y trouve qu'un peu de poussière. Mais sur la prière du<br />
saint4, l'air s'obscurcit, le tonnerre éclate, un éclair desc<strong>en</strong>d<br />
1) Mea. Mysi. de Milhra, t. I, p. 186 se.<br />
'2) Je tac permets de r<strong>en</strong>voyer pour ce point mon article sur Ia fin do nionde<br />
selon les mages occid<strong>en</strong>laux dans Remis de liii»!. des religions, CIII, 1931, p. 20-96.<br />
Cf. CV, 1932, p. 101. II o été complété par B<strong>en</strong>véniste, Une apocalypse pehirie.,<br />
le 2mdsp-Ndrnak (ibid., CVI, 1932. p. 337-380). Cf. Raitev, fluiletin cf lite. scltool<br />
0/ ori<strong>en</strong>tal tudies. V, 1931, p. 5S1 ss. Messina Il .'arsshqa,tl asile lradi:ione iranica,<br />
dans Ori<strong>en</strong>lalia. I, Reine, 1932, p. 119 es.<br />
3) Grec, p. 8, '26 ss. Krumh. l.at. Gail. e. 13 ; cf. Iîuber, e . 4G. - Cf. Copte,<br />
p. 219, Arm., p. 262, Ethiop., p. 80.<br />
4) La version latine (eh. i3, Gail. : Oravit fcre horabus duohus ut nullus audiret<br />
vocem cius; cf. Huber, p. 45) note que c'était une prière muette. Les longues
LA PLUS ANCIENNE LÉGENDE DE SAINT GEORGES 27<br />
sur les pauvres restes des défunts, et de la tombe surgiss<strong>en</strong>t<br />
cinq hommes, neuf femmes et trois <strong>en</strong>fants, décédés depuis<br />
quatre c<strong>en</strong>ts ans. C'est une anticipation <strong>en</strong> petit de ce qui<br />
doit avoir lieu au dernier jour.<br />
La triple résurrection du martyr lui-même est le trait. le<br />
plus caractéristique de la lég<strong>en</strong>de la plus anci<strong>en</strong>ne 1. Elle<br />
découpe ce drame prodigieux <strong>en</strong> trois actes suivis d'un dénoûm<strong>en</strong>t.<br />
Trois fois, le martyr expire dans d'horribles supplices<br />
et trois fois, Dieu ou S Michel desc<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t (lu ciel pour lui<br />
r<strong>en</strong>dre la vie, au milieu d'un grand bouleversem<strong>en</strong>t (le la<br />
nature. Il est vraisemblable qu'<strong>en</strong> imaginant ces miracles, le<br />
rédacteur (le notre Passion s'est <strong>en</strong>core inspiré (les croyances<br />
que les mages avai<strong>en</strong>t répandues <strong>en</strong> Cappadoce. On sait que<br />
selon l'eschatologie rnazdê<strong>en</strong>rie, trois Sauveurs, que trois<br />
vierges concevront de la sem<strong>en</strong>ce de Zoroastre, vi<strong>en</strong>dront<br />
successivem<strong>en</strong>t, quand les temps seront révolus, combattre<br />
l'Esprit du mal et rénover le monde 2. Selon le zoroastrisme<br />
orthodoxe, c'est au dernier seul, à Saoshyant qu'il apparti<strong>en</strong>dra<br />
de ressusciter les morts, mais il <strong>en</strong> était autrem<strong>en</strong>t<br />
chez les Magusé<strong>en</strong>s d'Asie Mineure, car l'Arméni<strong>en</strong> Eznig,<br />
qui combat cette doctrine, la conçoit comme « une triple<br />
résurrection 3 ». C'est une description de ces grands événem<strong>en</strong>t.s<br />
(le l'av<strong>en</strong>ir que Pasicratès se rappelle <strong>en</strong> écrivant.<br />
prières à voix basse étai<strong>en</strong>t dans l'antiquité propies aux mages. Cf. Sudhaus,<br />
Archi,, for Religionsi"iss., t. IX, 1900, p. 155 ss. Nous avons réuni un grand nombre<br />
dc téirjoignages sur ce • susurrem<strong>en</strong>t des mages à propos des fragm<strong>en</strong>ts de<br />
Zoroastre que nous publierons bi<strong>en</strong>tôt avec M. Bidez<br />
I) Les rédactions remaniées ont éliminé la multiplicat.iou incroyable de ces<br />
résurrections. Mais d'autre part les Actes de S' Georges n'ont pas manqué d'être<br />
imités <strong>en</strong> quelque mesure dans d'autres Passions. Celle de S' Macaire d'Antioche<br />
fait rev<strong>en</strong>ir celui-ci deux fois à la vie (<strong>en</strong> copte, Ilyvernat, Actes de martyrs de<br />
l'Égypte, 1, p. 40 se. cf. Amélineau, Actes iles martyrs de l'Église copte, 1890,<br />
p. 294 ss.). Le corps de S' Christophe, jcté comme ccliii dc S' Georges au fond<br />
d'un puits avec nue grosse pierre (e. 9), <strong>en</strong> est tiré miraculeusem<strong>en</strong>t (Analecta<br />
Bollandiana, 1, 1882, p. 1.15).<br />
2) Cf. Darmnesteter, Eludes Irani<strong>en</strong>nes, 11, 18.33, p. 208 et Z<strong>en</strong>d-Avesla, II,<br />
p. 521, n, 112.<br />
3) Eznig, Il, e. 10, trad. Levaillant, p. 95 = Langlois, IlisI. Arm., 11, p. 381<br />
Après avoir rappelé la doctrine ,les trois <strong>en</strong>fants qui doiv<strong>en</strong>t naître de vierges,<br />
pour combattre les troupes d'Ahriman, Eznig ajoute Si les dieux sont mortels,<br />
comm<strong>en</strong>t auront-ils l'espérance d'une résurrection et surtout d'une triple rsurrection,<br />
qu'il ne faut pas réputer résurrection mais non résurrection.
REVUE DE L'IIISTOLItE DES RELIGIONS<br />
Ainsi seulem<strong>en</strong>t peuv<strong>en</strong>t s'expliquer les cataclysmes cosnuques<br />
qui accompagn<strong>en</strong>t chacun des trois miracles (cli. 9,<br />
11, 15) : éclairs et coups de tonnerre, pluies (lihivi<strong>en</strong>nes, agitalion<br />
de la mer, séismes et abaissem<strong>en</strong>t des montagnes',<br />
éclipse de soleil, apparition du Seigneur sur les nuées, toute<br />
cette perturbation de la terre et du ciel paraît démesurée,<br />
s'il ne s'agit que de r<strong>en</strong>dre la vie à un simple officier romain.<br />
Mais les calamités physiques qui précèd<strong>en</strong>t. la v<strong>en</strong>ue du Sauveur,<br />
sont un thème traditionnel que l'apocalyptique mazdé<strong>en</strong>ne<br />
n largem<strong>en</strong>t développé 2, avant que le judaïsme s'<strong>en</strong><br />
emparàt. Certains Jétails que l'écrivain chréti<strong>en</strong> a insérés<br />
dans son récit trahiss<strong>en</strong>t l'interv<strong>en</strong>tion d'un intermédiaire<br />
juif de cette eschatologie la desc<strong>en</strong>te dii Seigneur sur un<br />
char de Chérubins, l'archange Micliel sonnant dc la trorupetLe<br />
3 et rassembkint les ossem<strong>en</strong>ts que Dieu va ranimer (le<br />
son souffle 4. L'indication curieuse du Gallicanus Fuji in 111e<br />
die sabbalum (e. 9) semble prov<strong>en</strong>ir (l'une croyance juive (111e<br />
la résurrection doit avoir lieu le jour du sabbat 5, à moins lUe<br />
ce ne soit simplem<strong>en</strong>t l'explication du festin des rois m<strong>en</strong>tionné<br />
dans la phrase suivante 5. Si Pasicratès avait parlé <strong>en</strong> chréti<strong>en</strong><br />
I) Lat. Gali., ch. 9 Contremnit. terra et montes humi]i facti sunt. • Cf. App<strong>en</strong>dice<br />
extr. V. - Sur ce trait qui est rnaz(lél'n aussi bi<strong>en</strong> que judéo-chréti<strong>en</strong>, cf. Fin<br />
du monde, p, 78, n. 2.<br />
2) Fin du monde, p. 70 ss.<br />
3) Grec 6, 8 Krumb. : ' ln?.Ly MyŒ). 6 &vrp.ryo T<br />
&)yy xt X0v 6 K'JpLo; irL iro Xcpo6ii. Cf. Cati., c. O (qui est altéré)<br />
et App<strong>en</strong>d. extr. V Copte, p. 213. Arm,, p. 259: Ethiop., p. 84.— De ntênle qu'ici<br />
ces traits ont été t.ranpoi'tés è la résurrection le Georges, ils ont passé du Jugem<strong>en</strong>t<br />
dernier au jugem<strong>en</strong>t d'Adam dans le Paradis «après lApocal. Mosis, 22(p. 12, Apoc.<br />
Apocr. Tiscli<strong>en</strong>dorf A'3 'r i(p ro'o p.ev 'roc py-(yé).ou MyaX crx?rLlovvX0v<br />
6 Oe6 eç èv pCLa,V xihç & Xpoue.<br />
- Sur la croyance juive et chréti<strong>en</strong>ne è la sonnerie de trompette de l'archange<br />
qui fait ouvrir les tombeaux, cf. \Villi. Luek<strong>en</strong>, Michaci, Gôttinr<strong>en</strong>, 1898, p. '19 s.,<br />
p. 130.<br />
4) Actes, ibid., cf. Luek<strong>en</strong>, op. cil., p. 127 : c'est S' Mir.hel qui doit revivifier<br />
les morts. - Miche! intervi<strong>en</strong>t aussi dans la deuxième r&mrrectiori suivant Let.<br />
Gail. p. 11. Mais le Copte, p. 217, et l'Arméni<strong>en</strong>, p. 201, le remplac<strong>en</strong>t ici par<br />
Sala Ltiiel.<br />
5( Je ne trouve pas ' le prcuv' il irec te de cette crova nec niais les chiliates<br />
judeo-chrti<strong>en</strong>s rapprochai<strong>en</strong>t le seplinie millénaire, ou le Messie rénlera sur la<br />
terre, avec le sept ami' jour le la cr,', lin ii où Dii'i se reI:oa ( Lac ta ici', l,isl., V ii,<br />
14, 11 : cf. l'in 'in monde, p 710. Oi'rt.ains inaniclié<strong>en</strong>c p<strong>en</strong>sai<strong>en</strong>t que le monde<br />
.serait détruit un dinianclie après un c ycle de 9,1101) ans. (Cf. ibid., p. 71, n. 2.)<br />
6) Cl. infra, p. 36, n. 4.
LA PLUS ANC1ENL LIGENDE DE SAINT GEORGES 29<br />
orthodoxe, c'est certainem<strong>en</strong>t le Christ, qui aurait revivifié<br />
Georges, comme il est l'auteur de la résurrection finale. Mais<br />
le texte dit Dominus, Kto et que, dans le modèle imité ici,<br />
il s'agisse du Dieu de l'Anci<strong>en</strong> Testam<strong>en</strong>t, ressort clairem<strong>en</strong>t<br />
de la phrase (e. 9) « Ecce manus quae plasinavil Adarn, nunc<br />
ipsa le replasmwil. » L'emj.doi d'une source juive ou judaïsante,<br />
(lui elle-même avait subi l'action des croyances mazdé<strong>en</strong>nes,<br />
parait ainsi assez sérieusem<strong>en</strong>t établie.<br />
D'autres traces pourrai<strong>en</strong>t être relevées de l'action des doctruies<br />
mazdé<strong>en</strong>nes. L'invocation v<strong>en</strong>geresse par laquelle le<br />
martyr au mom<strong>en</strong>t de marcher au supplice, prie Dieu de faire<br />
desc<strong>en</strong>dre le feu du ciel sur les soixante-douze rois ses persécuteurs<br />
et sur leurs soldats et qui fait périr, <strong>en</strong> effet, cinq<br />
mille hommes dévorés par les flammes 1, paraît certainem<strong>en</strong>t<br />
choquante chez un chréti<strong>en</strong> et un saint. Mais elle rappelle<br />
la supplication que, dans l'apocalypse d'Hystaspe, les justes<br />
assiégés sur une montagne par le roi pervers et. par son armée<br />
adress<strong>en</strong>t è Jupiter (Alioura-Mazda), qui, exauçant leur voeu,<br />
(létruit tous les irn1.des par le fer et le feu 2. C'est lù, dans une<br />
oeuvre mazdé<strong>en</strong>ne un épisode naturel de la lutte implacable<br />
<strong>en</strong>tre l'Esprit du Bi<strong>en</strong> et l'Esprit du Mal.<br />
Lorsque Georges eut été mis è murt pour la troisième fois,<br />
le roi Dadianos ordonna que son corps fût porté sur le sommet<br />
d'une montagne élevée afin que les oiseaux de proie <strong>en</strong> fiss<strong>en</strong>t<br />
leur pâture et que ses ossem<strong>en</strong>ts dispersés ne puss<strong>en</strong>t être<br />
recueillis et vénérés par les chréti<strong>en</strong>s 3. La coutume des mages<br />
d'abandonner les cadavres aux fauves et aux rapaces est.<br />
Lat. Gail., c. 20 cf. Fluber, p. 55. Copte, p. 234. Anu.. p. 269. Etluop.,<br />
p. 107, Abrégé dans Grec p. 16, '22, et Syriaque, p. I t. - ulparer le \tirac1e de<br />
T]iéopistos que G*'orge m<strong>en</strong>ace de brûler lui et sa maison AufIiauser, op. cil.,<br />
p. 51, 8 Si, 1 rapprocher de p. 112, 21).<br />
2) Cf. l'in du monde, p32 sa. TI est vrai que Pasicratèsa aussi pu se souv<strong>en</strong>ir<br />
du récit du livre des Rois. IV, 1, 12 ss.<br />
3) l.at. Ccli., eh. 15 (moRs excelsus qui licitur Asiriari) Paris. App. extrat X<br />
(Asinarius) Sanguil. (qui dicitur Sei'es. (rec, p. P), 23 abrég. Copte, p. 224 (to u<br />
mouuitain called Siris var. Asr)) et p. 3u7 (Théudote rimoumntain calIed Asûrion<br />
[.= 'Aam.pkev ?J(. Arm., p. 269 (montem editum qui dicitur Edria [var. Didria]). -<br />
Manque dans Ethiop.
30 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />
souv<strong>en</strong>t signalée par les auteurs grecs'. Mais aucun témoignage<br />
antique n'est aussi conforme aux prescriptions du<br />
V<strong>en</strong>didad que le récit de nos Actes cappadoci<strong>en</strong>s. Le code<br />
sacré ordonne de porter « le corps des morts sur les lieux les<br />
plus élevés, là où l'on sait que vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t toujours .. des oiseaux<br />
carnivores o, mais il prescrit de le fixer par les cheveux et<br />
les pieds afin que ces oiseaux ne disséinineiit pas les ossem<strong>en</strong>ts<br />
décharnés, qui devront être plus Lard rassemblés dans un<br />
ossuaire 2. Il est manifeste que l'auteur (le notre Passion a<br />
connu l'usage funéraire des mages, et c'est pourquoi il insiste<br />
sur ce détail que les reliques du martyr devront être semées<br />
au loin par les oiseaux du ciel. Les corps des vicLimes des<br />
persécutions sassanides étai<strong>en</strong>t OIt Perse livrés aux bêtes<br />
sauvages, selon la coutume paï<strong>en</strong>ne, et les gardes pr<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t.<br />
soin d'empêcher que les chréti<strong>en</strong>s ne s'<strong>en</strong> emparass<strong>en</strong>t3.<br />
Peut-être le caractère (lu milieu profondém<strong>en</strong>t « iranisé »<br />
où est née la Passion dc S t_Georges se révèle-t-il <strong>en</strong>core dans<br />
un autre épisode deux fois répété. A deux reprises, Georges,<br />
frappant du pied la terre, fait jaillir une source d'eau vive,<br />
qui lui permet de baptiser les paï<strong>en</strong>s 4. Il est possible qu'il y ait<br />
ici un souv<strong>en</strong>ir de la lég<strong>en</strong>de de Mithra, telle qu'on la racontait<br />
<strong>en</strong> Asic Mineure : Le dieu avait à coups de flèches fait pareillem<strong>en</strong>t<br />
couler dans sa grotte sacrée une source, prototype dc<br />
celles qui dans les temples servai<strong>en</strong>t aux ablutions puriticatoires<br />
des mystes 5. Mais un si grand nombre de saints ont<br />
1) llérodote, 1, 140 ; Strahon, XV, 3, 20, p. 735 C ; AgaUiias, II, 23 ; cf. Diodore,<br />
XVII, 105, 2; Aili<strong>en</strong>, Nul. anim., X, 22; C. Clern<strong>en</strong>, Griech. Nadir. Ober die<br />
Persische Religion, 1920, p. 117 ss.<br />
2) V<strong>en</strong>didad, Farg. 6,84 ss. avec les notes de Darmesteter (Z. A., t. Il, p. O2ss.)<br />
cf. Dtdist,1ii-i-Dinik, eh. 18 (West, l'aid. Te.xls, II, p. 43).<br />
:3) Dclehave, ,4cles de Marhjrs persans, p. 460, ViII, 11 (la Virgo) flyçè<br />
OÇ ripoi5a p'iXr,iŒvca 'rJ )vov , Z\sx &VTpL&afl v.<br />
t& nv o5 oépcw '0<strong>en</strong> xca gce rç xccrçyoav, &ir<br />
o'Sx v Ooç 11peri 0r:v xrtç, ivs pcx6.<br />
Cf. Ibid. X, 59 (p. ,15) ; Uskar flra,in, Ausgcwàhlle Aki<strong>en</strong> persischer Mdrlyrer,<br />
p. 74, n. 1; p. 8G p, 162. Cl. Lobotirt, Le Christianisme dans lEm pire Perse, 1901,<br />
p. 07.<br />
4) Grec, p. 9, 21. 1.nt. Cou., e. 13. Copte. p. 221. Arm., p. 262. Lot. Cou.,<br />
C. 15 matique <strong>en</strong> grec ; Copte, p. 3(17. Ahrrk Arrn. p. 204.<br />
5) Moi,. Mqo1. ,l!it/ira, 1. p. 165. NOUS revi<strong>en</strong>droits sur cet épisode de la lég<strong>en</strong>de<br />
dans la description du initbréun de Doura.
LA PLUS ANCIENNE LÉGENDE DE SAINT GEORGES 31<br />
fait. sourdre des fontaines <strong>en</strong> des lieux si divers 1, que je ne<br />
voudrais pas insister sur un te.! rapprochem<strong>en</strong>t.<br />
Si ces épisodes de la lég<strong>en</strong>de cappadoci<strong>en</strong>ne trahiss<strong>en</strong>t<br />
l'influ<strong>en</strong>ce du mazdéisme anatolique, d'autres révèl<strong>en</strong>t l'interv<strong>en</strong>tion<br />
de conceptions juives, que nous avons déjà notée<br />
à propos des soixante-douze rois et de la première résurrection<br />
de Georges. Les morts que Georgcs n fait surgir de la poussière<br />
de leur sarcophage, interrogés par Dadianos, racont<strong>en</strong>t brièvem<strong>en</strong>t<br />
leurs malheurs dans l'au-delà et ces indications concises<br />
sur le sort réservé aux damnés sont très significatives. Elles<br />
otîr<strong>en</strong>t d'indéniables affinités avec l'Apocalypse de Peut, tin<br />
apocryphe presque contemporain de nos actes, car il a été<br />
composé sous le règne de Théodose (379-385) ou peu après<br />
<strong>en</strong> Palestine 2, cL l'on a prouvé qu'il n fait aux croyances juives<br />
de ce pays de larges emprunts 3. Le texte grec que nous possédons<br />
de cette Apocalypse ayant été écourté et. retouché et.<br />
le texte grec de la Passion de S Georges ayant été égalem<strong>en</strong>t<br />
remanié, il est malaisé de faire des rapprochem<strong>en</strong>ts philologiques<br />
(le passages parallèles. Néanmoins, plusieurs fois, la<br />
ressemblance des conceptions et même des expressions saute<br />
aux yeux.<br />
Le paï<strong>en</strong> qui parle s'est vu précipité dans un lieu obscur<br />
où il était tourm<strong>en</strong>té par un « ver toujours éveillé e et plongé<br />
dans un fleuve de feu. Il semble que ceci soit emprunté au<br />
vocabulaire ordinaire de toute description de l'<strong>en</strong>fer. Le « ver<br />
qui ne meurt. ras et le feu qui ne s'éteint pas » sont. des paroles<br />
1) Ainsi les Actes de S' Théodore racont<strong>en</strong>t qu'à sa prière une source, . qu'on<br />
iriontre <strong>en</strong>core jaillit près d' Euchaïta (Delehaye, Saints ,ntlilaircs. .31).<br />
2) Bard<strong>en</strong>hewer, Gcch. Ailciir. LiL, 12, p. GIS. I.e texte grec n éte publié.<br />
d'une manière peu satisfaisante par Tisch<strong>en</strong>dorf, .1 pore!. 01.()rr!Jph.v, 186G, p. 34-69,<br />
La meilleure des versions 1atine, qui est souv<strong>en</strong>t plus complète que le grec, n été<br />
éditée par James, dans les Te.rLs an'! s!wIies clArrn. flobinson. t. 11, n 3, 1893,<br />
p. 11-42. Gius. flecciotti n publié le texte syriaque, avec une traduction latine<br />
dans Ori<strong>en</strong>lalia, N. S. 11(1933), p. l-I, et altsi une traduction itali<strong>en</strong>ne annotée,<br />
L'Apocalisse di Paolo irioca (Brcscia, I93fl, que je dois è l'obligeance de M. Le-vi<br />
Della Vida d'avoir pu utiliser. On conujait aussi une version armént<strong>en</strong>ne et une<br />
version copte.<br />
3) CII. Israiil Lévy dans l'article cité ci-dessous, p. 33, n. 5.<br />
w
3? REVUE DE L'HISTOIRE DES RELiGIONs<br />
d'Isaïe qu'a reprises 1'Ivangile de Marc'. Mais l'hagiographe<br />
ne parle pas seulem<strong>en</strong>t. de feu, riais â deux reprises d'un<br />
fleuve de feu, conception d'origine rnazdé<strong>en</strong>ne, qui o passé<br />
dans l'apocalyptique judéo-chréti<strong>en</strong>ne 2. Elle est J)art.iculièrem<strong>en</strong>t<br />
développée dans l'apocryphe paulini<strong>en</strong>, où il est question,<br />
comme dans nos actes. d'un lieu obscur où coule un<br />
fleuve bouillonnant 3 et une a titre expression, q1 j suit (tans<br />
l'hagiographe, sur « la m<strong>en</strong>ace terrible de la colère e divine<br />
se retrouve à peu dc chose près dans la même source4.<br />
Mais voici qui est plus particulier : les oeuvres de chacun<br />
(les morts e, nous dit l'hagiographe, (< se t<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t debout<br />
devant ses yeUx° e. On songe immédiatem<strong>en</strong>t à une (les évocations<br />
les plus saisissantes de l'eschatologie avestique : le<br />
troisième jour après la mort, l'ûme voit se dresser devant, elle<br />
ses actions passées ; si c'est celle d'un juste, dans un air<br />
emhaurrié s'avance une jeune fille respl<strong>en</strong>dissante de beauté<br />
si c'est celle (l'un pécheur, s'approche une prostituée hideuse<br />
et fétide 6. L'orthodoxie chréti<strong>en</strong>ne ne connaît pas ces personnificat..ionis<br />
des actes accomplis sur cette terre, qui apparaîtrai<strong>en</strong>t<br />
pour réconfortvr ou terrifier l'âme (les trépassés.<br />
Tout au plus trouve-t-on l'indication très estompée que « leurs<br />
oeuvres les suive ni. dans l'autre monde 7, simple métaphore,<br />
comme celle, empruntée à Isaïe. que « la justice les y précède 8 e.<br />
I) Raie, t6, 24 ''&p •A Œ&rV O' z'xa xc T 7t Œi)V 011<br />
O. Cf. Marc, 1 18.<br />
2) Cf. sur ce point, notre article sur La Fin du inonde selon les Mages, datis<br />
lievue hisi. des religions, CIII. 131, p. 41) ss., p. 88.<br />
3) CullIparel' Grec, p. 9, lU Krumbacher flov uptol. zal x),&ovrEç xxL<br />
&& o&p& Latin GaU. (cf. Parisinus, App<strong>en</strong>dice, extr. VIII e. 13<br />
I"Iumina ignea bullie.rtt.ia et tremor ma gnus. Apoc. Pou!, p. 7. Tiscli. x'x et&cc<br />
o's'i Lt. Gail., c. 30, p. 28, 2. Fluvium igisis ferverit<strong>en</strong>i.<br />
4) Tisch., p. 40 : 'Eouç sc) x'4 po6eo&c )pc; âpç. o<br />
j Grec, 1. r. .' Kx. t pà ptiXs'i -v Latin<br />
GaIl. : Omnia opera arite oculoc pins slaiit. o mais nus d,signe ici Dieu. Le trailuc-<br />
Leur u altéré le s<strong>en</strong>s dc la phrase, lequel est garanti par la comparaison avec la Lisio<br />
Pouli cf. le Pwisinus, App. extr. VIII, p. 1$, n. I<br />
6) .'\clii, Yacht, 22 (t. II, p. U)>l cs, l)arrii. cf. Lc Livre d' tria Viru/, tiad.<br />
Ilart.hél<strong>en</strong>,v, cli. 4 (p. 13 ; cli. 17 (p. 38). etc.<br />
7) .4pc., 14, 13 T& pvx ce'v &xo?o',0 rj.'v.<br />
8) lurjialv, I'p. IV, I 2 : 'Esv yx06, 6L vc')', PO «OT<br />
no'vp6ç, i iîaO tç ov .upoOev Œ'O, Cf. Isale, b, 8; 40, III;
LA PLUS ANCIENNE LÉGENDE DE SAINT GEORGES 33<br />
Mais il <strong>en</strong> est autrem<strong>en</strong>t dans la Vislo Peuh, où l'emprunt à<br />
la doctrine irani<strong>en</strong>ne est ijidéiiiabte. L'apôtre de]nande à<br />
l'ange qui le conduit. le lui montrer (olnm<strong>en</strong>t. les justes et<br />
les pécheurs quitt<strong>en</strong>l la vie. 11 voit d'abord mourir un juste,<br />
et toutes ses oeuvres se t<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> sa prés<strong>en</strong>ce clans l'heure<br />
dc la nécessité' e. avant.. qu'il <strong>en</strong>treprut. le périlleux vo age<br />
vers le ciel. Puis Paul regarda ut. de nouveau vers la terre,<br />
vit l'âme (I ' liii i FlIpie sortir de SOfl corps et de nouveau toutes<br />
ses oeuvres « étai<strong>en</strong>t debout. cleva ni elle > avant, qu'elle montât<br />
vers le tribunal de Dieu 2. La ressemblance avec la Passion<br />
qui flOUS oecuj)e est presque textuelle3.<br />
Plus probante <strong>en</strong>core est une autre similitude. Le mort<br />
qu'a ressuscité Georges appr<strong>en</strong>ti au roi que celui qui professe<br />
la vraie foi, môme s'il tombe dans le J)éché et est. précipité<br />
dans l'<strong>en</strong>fer, obti<strong>en</strong>t, tous les d iini.nclies une susp<strong>en</strong>sion de<br />
sa ieie et peut i'onftmpler le (lirist au itiilicu de ses anges4,<br />
mais les adoraI eurs des iluks seul, privés de ce bénéfice. r<br />
doctrine (l'un répit a(('or'dé. aux réprouvés le jour du Seigneur,<br />
est restée étrangère à l'Eglise p<strong>en</strong>dant les quatre prlIiel's<br />
siècles, et. l'on a pu établi' son origins' avtt , tonte la netteté<br />
désiral)le et. su ivre l'histoire dc sa diliusi(IFL '. Elle est. une<br />
62, 11. Datitres lexies ont ruuis par E. UuIde, flic 1erwandschuf! der<br />
jûit.vch-chris!iicheri und tter pareiee/leîi Esi'ha!oicgic, (i6tting<strong>en</strong>, Eil)2, p. II.) es,<br />
fl Grec, p. 13. Th. : ivr r xv 'rri v r<br />
i'p• 'r; &v'y; Latin, p. 16, 4 : Vidi oluitia opera titis, qUneeu!Iquc icecrai<br />
propter tioriicu dei, et ulunia studin cuis, quorum meuiiuit et quorum iiiiii nii'uiiiiit,<br />
omnia stel.i'riint in couspectum eilis lit hora necessitiitie '.. Sy riaque, i.' il), p. 13<br />
Vidi alitiii tipera ('lUS Omiliil, quac iIIe fect'rat. peopter Diiitii, (ti a ,' sktIiiiI1 aiite<br />
('Uni iii Iioi'a 1't1t,0 Cils ('lus tir' iuuit,lii.<br />
) Ur&,, ji. 41 K IÔOV 7LV' ' r'6 & olaiz'i. rsO±v<br />
,tTOs, ''o5 1,aiut. t. I,, p. 5 . Viii uIaiiiiii t'oiil.eiupttiai puceit.,ii'is et<br />
(0111110 (lUne t' jt ('t i,IiifllO ast,IÂrlilit aute ((liii In Iioia il i'ia' .sitatis. » Syr. e. 13,<br />
p. 17 : Viii tutu Inaliliani illius, qII:e iii&'tdehai mIe imii » pectiiïim cille et imosI<br />
euli.i circti1neir.g<strong>en</strong>. euni t ide o.i1oS eiu'. » - -- r. rie, p. '17 (_lx oi ' x; ri<br />
tt poO you,tv i pct 'o6, xv e cysfii v re<br />
cf. [.atin, p. 20, SVr. p. 23.<br />
3) 11 est probalile mjiie la c.royaIirm' rnazmlCcune est. parvmlilli iusquà l'auteur<br />
mliimO leu mie la V,sim, )'mzii par liiiterniidi;i ire 1e qmii .lijue olit'rIe juif, mie iiii1iic<br />
qui' c ' est u Lr,,vcrs le jusdaï.iii&' quelle sel. t.ransnii .'eal IIa in Ildkl<strong>en</strong>, u fm. ciL,<br />
p. 13), ruais nous (l 'aVOns point ii cm,nmiderer ici cette qiiestioti.<br />
-I) Cli. 13. Cf. App<strong>en</strong>dice exii'ait VIII.<br />
'i) Iei'aid Lévy, Le repus sut baliqus des dînes danlnes dans i1e,vii des 1ades<br />
/uiv, XXV, 1892, 1 . 13 ; XXVI, 1893, p, 131 s. Cet article a (Lô complétt, au<br />
co<br />
c:t,<br />
R'T"<br />
s
34 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />
transposition d'une croyance, (léjà tri<strong>en</strong>l.ioniiée dans le Talmud'<br />
et que le judaïsme a conservée jusqu 'à nos jours, celle<br />
que si les supplices des damnés se r<strong>en</strong>ouvell<strong>en</strong>t chaque jour,<br />
ils sont susp<strong>en</strong>dus p<strong>en</strong>dant le Sabbat du v<strong>en</strong>dredi soir au<br />
samedi soir. Il est d'usage <strong>en</strong>core actuellem<strong>en</strong>t dans les syrlagogues<br />
de prolonger la récitation des dernières prières du<br />
Sabbat, afin que dure davantage la relâche accordée aux<br />
âmes soutïrantes 2. Cette doctrine découle de l'idée très haute<br />
que se faisait Israèl dc la sainteté du Sabbat le monde <strong>en</strong>tier,<br />
visible et invisible. pai'ticipe à son repos et celui-ci s'ét<strong>en</strong>d<br />
jusqu'à la géh<strong>en</strong>ne, où pein<strong>en</strong>t les réprouvés. Parmi les chréti<strong>en</strong>s<br />
l'idée d'une trêve dont jouiss<strong>en</strong>t les damnés le jour<br />
dii Seigneur, apparaît d'abord chez Prud<strong>en</strong>ce 3. Augustin fait<br />
allusion vaguem<strong>en</strong>t dans deux passages à l'idée d'une interruption<br />
des supplices éternels de l'<strong>en</strong>fer, la première fois<br />
pour <strong>en</strong> nier la possibilité, la seconde pour <strong>en</strong> douter 4 , Mais<br />
c'est l'Apocalypse fie Paul, où cette doctrine est clairem<strong>en</strong>t<br />
formulée', qui a surtout contribué à la répandre, et il l'a transmise<br />
au moy<strong>en</strong> àge, qui l'a accueillie avec faveur 6, bi<strong>en</strong> qu'elle<br />
n'ait jamais été admise par l'glise. Il est très remarquable<br />
fille nOUS la trouvions dans nos Actes du y6 siècle, à une<br />
point de vue chréti<strong>en</strong> par Merkle, Di Sabba(s,ruhe in der JIélle, dans la Jl'mische<br />
()uarlulsehri/1 fOr clins!?. ,lllcrlums-kunde, IX, 1895, p. 489-50G. Aucun de ces<br />
deux savards n'a connu h'sActes de GeorgE's.<br />
I) Sanhédrin, 05 b (Wnnsche., Dec Habyl. Talmud, III, p. 13).<br />
2) lai. Lévy, p. 1 cf. Simonville RicIiard Simon], Ciré.manics qui s'obseru<strong>en</strong>l<br />
parmi les .Iuifs, traduites dc Léon de Modène, Paris, 1710, p. 87.<br />
3) Prud<strong>en</strong>ce, (alhcm., V, 125-13G. 11 inc parait difficile quo le poète ait connu<br />
In Viaio Pauli, couune le souti<strong>en</strong>t Merklc, du moins dans la rédaction conservée.<br />
4) Augustin, Enarr. in Psaim., 105, 2 (Migne, 1'. L., XXXVII, 1 .106) et Ench/ridion,<br />
C. 112.. I,'Enrichidion n (tt écrit après 421.<br />
5) Grec, p. 63 Tisch. : Nv è & F6pt). 'riiv cXov xY.toŒévç eou XŒ1<br />
& 1IxXov - yi7t6V W-'-' (, è!L V)XTC1.5 (sic) x -v Lcépv 'ï &yiceç<br />
zopxç, & T é0Ç éz eiç &v uav. Latin p. 36, 14 : l'ropter<br />
Michaclem archaiigeluin testameriti Imi... et t'upt.er Pauluin dilectissirnuiri meum<br />
rUem nolo cont.ristare... in di qua rosurrexi u mortuis dono \'obis innaibus<br />
qui estis iii po<strong>en</strong>is nocteru cl. diein refrigerium in perpehiuni. I.e P-o-'<br />
iriairquc daits le svriauc.<br />
G; On la retrouve <strong>en</strong> jiaiticulici' dans la lég<strong>en</strong>de S' Brai1an (t, 57h). La nii 'éricoi'le<br />
de Dieu sét<strong>en</strong>d juqii5i Jutas, qui ccl consumé u:lans une fournaise, ruais<br />
chaque samedi soir repri'tid sa forme et se rtpost' tu bord iii' la mer J iisq1i'1 la<br />
iruil du dimanche. M. MSlc, !.ur1 i lu /ift du .'iluijcn-.I ge, • -165, a déJi tinté q w_<br />
l'auteur de cette histoire n utilisé la Visio Pauli.
LA PLUS ANCIENNE IIGENDE DE SAINT GEORGES 35<br />
époque où comm<strong>en</strong>çait û peine sa propagation parmi les<br />
fidèles. Elle o probablem<strong>en</strong>t, il est vrai, été une croyance<br />
populaire avant d'ètre consignée dans la littérature.<br />
Les analogies que nous avons signalées r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t certain<br />
qu'<strong>en</strong>tre l'eschatologie du Pseudo-Pasicratès et la Visio<br />
Pauli il a existé quelque relation. L'auteur cappadoci<strong>en</strong> a-t--il<br />
connu l'oeuvre du moine palestini<strong>en</strong> ? La tradition irianus<strong>en</strong>te<br />
est si peu sùre de part et d'autre, (ju'il est prud<strong>en</strong>t de<br />
ne ri<strong>en</strong> aflirmer. La chronologie ne s'oppose pas û une dép<strong>en</strong>-<br />
(lance directe dc nos Actes et certaines ressemblances d'expeession<br />
sembl<strong>en</strong>t la postuler. Mais il paraît probable que si<br />
l'auteur de la Passion avait eu sous les yeux la peinture<br />
effroyable des supplices infernaux imaginés par le visionnaire<br />
de l'Apocalypse, il aurait donné plus dc relief à sa description<br />
des <strong>en</strong>fers. i\ous inclinerions donc plutôt à croire que l'hagiographe<br />
u connu quelques révélat ion j uive ou judaïsante,<br />
qui a aussi été une des sources (le l'oeuvre iiiise sous le nom<br />
dc l'Apôtre des g<strong>en</strong>tils à l'époque de Théodose.<br />
Nous sommes confirmés dans ce s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t par l'épisode<br />
ciiii suit immédiatem<strong>en</strong>t dans la lég<strong>en</strong>de de Georges et où<br />
l'imitation (I 'un modèle juif est manifeste 1 . Le roi fait <strong>en</strong>ferruer<br />
le saint, chez une veuve, la plus pauvre, qu'il puisse trouver,<br />
potin faire honte aux Galilé<strong>en</strong>s. En <strong>en</strong>trant chez elle, le<br />
saiiit, lui demande du pain à manger, mais il n'y <strong>en</strong> a pas dans<br />
la maison. Alors s'<strong>en</strong>gage le dialogue « Quel dieu adores-tu ? »<br />
- « Apollon et. hercule. » - « 11 est juste alors que Iii ri 'oies<br />
pas de pain du us ta demeure. s Et t.and s que la veuve va<br />
<strong>en</strong> chercher chez une voisine, le poteau fourchu qui sout<strong>en</strong>ait<br />
la (:abaIIe pr<strong>en</strong>d racine et se transforme cri un arbre chargé<br />
de fruits; un ange apporte du pain et. qua ml la femme revi<strong>en</strong>t.,<br />
elle I n rive ii ire table couverte do irrots savoureux. En fin à la<br />
prii-e di lii veuve, Georges guérit SOfl IlIs aveugle, et fait tomber<br />
l} Latin Gati., e. il. Pari». CF. App. e.xti-. IX. Grec, r'- '. 2 s». Colite, p. 221<br />
Arm., p. 242; Etitiop., p. il!. Toutes les version», sauf la latine, oui suj:'primé<br />
comme superflue la phrase finale.
3G REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />
par son souIlle les écailles qui couvrai<strong>en</strong>t, les yeux de l'<strong>en</strong>fant1.<br />
Voici qui nous laisserait. perplexes. si le chapitre ne se<br />
terminait, par la m<strong>en</strong>tion, oiseuse dans un texte chréti<strong>en</strong><br />
« Fuji in iii0 die 8(1 1) boluni. » Dès lors, tout s'éclaircit., car ]es<br />
.Juifs avai<strong>en</strong>t, coutume de dresser pour le Sabbat une table,<br />
de la (ouvrir d'une nappe blanche et d' y placer deux pains,<br />
ou!, bénits par le père de famille, étai<strong>en</strong>t distribués aux<br />
convives au début des repas du jour sacré, où toute cuisson<br />
était interdite 2. On se souvi<strong>en</strong>dra des paroles de l'lvangile<br />
« Cuin inirurel in domo principis Pharisueorunz sabbulo fn(I!l-<br />
d;uure panem... 3 e. L'original de cette scène (le flOS Actes est<br />
manifestem<strong>en</strong>t un récit où quelque thaumaturge juif, remi<br />
dans une maison misérable le jour dii sabbat, s'étonnait<br />
(l'abord que son hôtesse n'eût pas (le pain, puis appr<strong>en</strong>anl<br />
qu'elle était paï<strong>en</strong>ne, trouvait naturel alors qu'elle <strong>en</strong> nianquét<br />
et pour lui montrer la puissance de lahvé faisait. pousser<br />
un arbre fruitier et desc<strong>en</strong>dre du ciel des mets choisis. Car<br />
pour les .Juifs, faire un bon repas <strong>en</strong> ce jour de fête était non<br />
seulem<strong>en</strong>t pernitis ruais méritoire, et les pauvres t.ùehaieiit.<br />
d'ajouter quelque plat à leur ordinaire 4. Cette histoire doit,<br />
avoir été empruntée par l'hagiographe à la haggada du récit.<br />
biblique (le la réception d'elie chez la veuve dc Sarepta, dont<br />
le prophète r<strong>en</strong>d le pain et. l'huile inépuisables et <strong>en</strong>suite<br />
ressuscite le fils5.<br />
1) Souv<strong>en</strong>ir des une.». 9, 18 : Ceciderunt ah oculis cius latiquam squamoe<br />
cf. in/ra, p. 19, n. 9.<br />
2j ,Jewish E,ieqnl. s. y . Sablath et « Kiuldii»h «. L. Ki'auss, Talrnudische<br />
Archdologie, t. 1. 1910, p. J 01. Cet usage s'est perIu1LI1é jusqu'ù nos jours, cf. Simonville<br />
[fichai-ci Sinion], op. cii.. p. 82 ss.<br />
3) Luc, 14, I, En grec -66T() yctv &pov.<br />
4) Cf. (J. I'. Moore, .Judais,n in iii» /irsl e<strong>en</strong>?nrieu, II, p. 35 ; Schiirer, Gcsch.<br />
.Jivi. Volices, I P, p. 472,<br />
b) III Ibis, 17, 9 ss. Je dois cet i.e heiiriu .'c suggestion fi M. Levi Della Vida<br />
et elle inc parait Ctre con flrniée nettiineut par un passage le nos Actes. La veuve<br />
dit : Forsitan vicjna flua ; practaliiL milu patii'in unuin... ut punam unte CUIEL<br />
et inariducet et crastinu die moi-jar ' (texte de I tuber, j). 47 et ,Iii Pari». extr. VIII.<br />
p. 49, n. 3 et. non - rra»iiva ,norwi,z,- lu I lice uns, qui est un lion-s<strong>en</strong>s:, j es nuits<br />
rrastino die riivriur, qu'on ii pi_lift' e eowji'eialre dans cette pIirus. sont t'nipriiiik's<br />
au texte bitiique (V. 12(:-' \ j i il. unit lus nous Jutangl'rans ce gJteau et upi'i' uiouis<br />
lliouI'rons, - I .e grec u cuuscu-v: 'VO)V t• xvccs e r. Kruiiib., p. 9, 37. -- I . J. Iii ii-<br />
Gui-ion (Die Sa9e,i dec Jad<strong>en</strong>, 1935, p. 654 reproduit une foi-iii» I&geiidaire de cet
LÀ PLUS ANCIENNE L1GENDE DE SAINT GEOItGES 37<br />
Il nous reste à parler d'un des épisodes les plus bizarres<br />
d'un dranle qui abonde <strong>en</strong> scènes paradoxales 1. Il n'a pas<br />
peu contribué, on peut le croire., à faire condamner nos Actes<br />
p" l'orthodoxie. (3eorges ayant fait sortir Apollon (le sa<br />
statue, l'oblige à confesser qu'il est un ange déchu. Après avoir<br />
planté le jardin d'Êd<strong>en</strong> Dieu, racont,e Apollon, forma dam à<br />
suri image et <strong>en</strong>joignit à ses anges d'adorer son oeuvre. S Michel<br />
obéit, ruais lui, Apollon, refusa de vénérer un è.tre créé<br />
après lui et inférieur à lui, sur quoi, dit-il, il fut précipité dri ciel<br />
avec la rapidité d'un aigle 2 qui fond sur la terre, et se vit<br />
privé le sa gloire pour dev<strong>en</strong>ir un démon. Mais Georges<br />
ol)Ject.e au réprouvé e Tri as été expulsé du ciel à cause de ton<br />
orgueil, pont avoir voulu t'élever un trône qui te r<strong>en</strong>dit, égal<br />
à Dieu 3 » et frappant. lu pied la terre, il précipite Apollon<br />
clans les <strong>en</strong>fers.<br />
La tradition (lue Satan est un ange qui n'a pas cons<strong>en</strong>ti<br />
à adorer Adam se retrouve dans plusieurs apocryphes judéochréti<strong>en</strong>s<br />
4. et. la forme que pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t ces récits est toute proche<br />
épisode, niais elle reste très pioche (lu récit biblique toutefois les mots Gott der<br />
Uerr weiss dass kIt im Ilause kein flrol. hahe », qui iiiariqlieiit. dans l'A. 'r., se<br />
retrouv<strong>en</strong>t (IOns lus Actes (non csl in /uspilio nteopanis).— Si l'on rapproche cettM<br />
scène de celle de la nuit psss dans la chambre de la reine (infra. p. 10), il semblera<br />
bi<strong>en</strong> que la p<strong>en</strong>sée du Pseudo-i'asicratès soit que le roi déshonore Ceorges <strong>en</strong> le<br />
faisantcohabiter avec une veuve misérable, qui passera pour sa concubine (cf. Copte,<br />
p. 221 : wishing (o disgrace the christians s). Une idée analogue se révèle dans une<br />
tradition juive 00 la veuve de Sarepta reproche à Élie d'avoir élu domicile chez<br />
elle, une femme seule et sans protection (Ginzberg, The kq<strong>en</strong>ds of Vie Iras, VI<br />
(1928), p. 318, n. 10).<br />
1) Ce récit, qui s<strong>en</strong>tait le fagot, n été presque <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t supprimé dans le<br />
c;rec (p. 12, 2 .9, Krumb.) et. le Syr. Il a été conserve lIns oit milite complètem<strong>en</strong>t<br />
dans Lat. Gal!., e. 18 (p. 65), cf. Fluber, p. 52 Copte. p. 230 (le plus détaillé)<br />
cf. p. 3 1G ; Armu., p. 207 1tIuop. , p. 3 l. - Dans le Parisr nus on u le cottimeiicimiierit<br />
du récit (cf. App<strong>en</strong>dice, extrait X1I, 1.iisu un feuillet paralt avoir été arraché dans<br />
l'archétype.<br />
2) Le latin n pluuia par une fausse lecture de c pour &e6 (Peeters, Arm.,<br />
I. e., Zwerzina, op. cil., p. 561).<br />
3) Ceci est conservé seulem<strong>en</strong>t dans le Copte, nuis remonte certainem<strong>en</strong>t à<br />
l'archétype, qui l'avait emprunté à sa source juive, cf. infra, p. 38, n. I. (Cf. lit<br />
Passion de S, J.upercius [supra. P , ii. 3], p. 351 A).<br />
4) Les principaux textes ont éL réunis par llonwiitseh, fli' I"rag<strong>en</strong>i ds Barlolomûus<br />
dans Xachr. der Ges. VViss. Gôlling<strong>en</strong>, 1b97, p. '25, 20 et c(>mm. p, 37 es.<br />
Il n'a cep<strong>en</strong>dant pas connu lesAc tes dli, Ceorges. Cette doctrine, offre inc aflinite<br />
indéniable avec celle de certains anci<strong>en</strong>s apologistes, et péciul<strong>en</strong>temmt de Tati<strong>en</strong><br />
l'Assyri<strong>en</strong> . Selon lui, les anges qui ont suivi « le premier né ('v p6yovov)<br />
d'<strong>en</strong>tre eux, lorsque par orgueil il s'est révolté cont.re Dieu, it été chassés du
38 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />
du discours prêté dans nos Actes à Apollon, substitut (le<br />
Satan. Notamm<strong>en</strong>t:. les ressemblances sont presque textuelles<br />
avec la Vie d'Adam et d'Ève, qui remonte à une source<br />
hébraïque 2. Fréquemm<strong>en</strong>t le refus tic Satan se termine par<br />
une citation biblique qui révèle l'origine de cette lég<strong>en</strong>de<br />
juive : elle provi<strong>en</strong>t de la haggada des célèbres versets d'Isaïe<br />
(XIV, 12-15) Quomodo cecidisli de cuelo Lucifer qui niane<br />
oriebaris corruisli in terrain.., qui dicebas in corde fun In<br />
cw'luin eunsc<strong>en</strong> dam, super aslra Dci exulla bo solium meum.<br />
similis cro A Ilissimo.<br />
Mais le rôle assez piteux que la G<strong>en</strong>èse attribue au p4re<br />
du g<strong>en</strong>re humain, ne prédestinait guère celui-ri à une pareille<br />
glorification. Que Dieu ait voulu imposer à ladorat.ion des<br />
anges celui cjui clans la Bible est avant tout un pécheur et q ui<br />
a attiré la malédiction diviiie sur lui et ses desc<strong>en</strong>dants, est<br />
une supposition qui paraIt presque blasphématoire. Une<br />
pareille croyance ne s'explique iue si un élém<strong>en</strong>t étranger<br />
au judaïsme est ici interv<strong>en</strong>u. Bousset n déjà montré que la<br />
théologie perse avait transformé la conception que les J uifs<br />
se faisai<strong>en</strong>t. d'Adam, <strong>en</strong> provoquant son id<strong>en</strong>tification avec<br />
Ciel et sou t tiev utis (IC' iintoii. que lis tioiïirnes ont adores comme des divi_<br />
nits )t'f. Aridres, Die E,ip'lb'hr' ,ier rlpido 'jei<strong>en</strong> :dans 1"orscliunq<strong>en</strong> de Elirard-<br />
Kirsch XII) Paderborn. 1914, p. .13 SS. Doctrine analogue dans Jiislin (Ibid., p. 22)<br />
ni, Atiitutigiire (lb., p. 77).<br />
I) Meyer, Vilo ildae et Evae (dans AbhandI. Ilay. Akad. XIV) Munich, 1878,<br />
p. lS ss. Nois transcrivons le passage le plus caractéristique (p. 225, 12) Et<br />
egressus Michaul vocavit omries angeles dic<strong>en</strong>s: Adiirate iluagin<strong>en</strong>i (mmmi I )ei,<br />
sicut praecepit Durninus Deus. t Et ipso Miciiati primus adornvit et vocavit me<br />
et dixit Adora imagine! ciel leliovali et respondi ego t Non haheo ndorare<br />
Atiain. Et cuin compelteret me tl iehatl adorare, dixi ad ohm Quid mc Coihipellis<br />
huit adoraho deteriorem et po-teriurein ineum, in creatiira illius prius SUffi. aritequa<br />
in ille lieret, mm factus train, lite me deluot atiorare. Il oc audieiite ceteri t i t i j<br />
sub rue eraut angeli nolnerunt adorare eum et ait Mitthael : Adora imaginem<br />
Dei. si autein non adoraveris, irasc.etur tibi Doniirius, lieus. Et ego dixi Si<br />
irascetur ponam sedem meam super sidera cadi et ero similis Alt isuimo. Et<br />
iratus est mihi Dorninus et inisit nie cuni angelis mea foras dc gloria nost.rn et<br />
pci- tuarn causa lu iii hune mOi tin ni ex 1ulsi sulilus de haijit,atinnibus nostris et<br />
proiecti SUEILUS in ttrram. - En grec celte kgcnde s'est transmise le plus complblem<strong>en</strong>t<br />
dans 1c Questions le Barl!iol,,uié, IV, :14 55., d. l3onWetsch.<br />
'2) Kaiitsch, .tpocr. ami psewlcj,iqr. des' _lll<strong>en</strong> Testam<strong>en</strong>ts. 11, 191)0, P510<br />
ur. (Jinzberg, The leq<strong>en</strong>ds af lite .J,'ns. t. 1909, p. 62 ss., V, p. 32 et p. 114, li. 116.<br />
:orm mu emprurit au julaisme le refus dibuis de se prosterner devant Ilioinme<br />
formé de limon (Sur. 15, 28 55.); cf. Sidersky, I.es origines des lég<strong>en</strong>des ,nusulnianes,<br />
Paris, 1933, p. 10 ss.
LA PLUS ANCIENNE L1GENDE DE SAINT GEORGES 39<br />
l'I-Iomme Primil if du mazdéisme 1 . Gavômûri., cet homme<br />
Primitif, a dans la religion irani<strong>en</strong>ne une importance que<br />
des recherches réc<strong>en</strong>tes ont. achevé de mettre <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce2.<br />
Alirirnan est son adversaire ini1dacable. comme Satan l'est<br />
d'Adam, et il parvi<strong>en</strong>t ii le faire périr, mais après sa mort,<br />
ce prelnier né d'Ahoura-Mazda et. aneêtre de la race humaine,<br />
« atteigliit la seigneurie spirituelle des Archanges 8 s, c'estfi-dire<br />
se joignit aux Amshaspan[ls qui <strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t le Dieu<br />
suprême et. un passage du Vispered 4 montre qu'on l'invoquait<br />
cii sacrifiant.. Les spéculations des sectes gnostiques et du<br />
manichéisme liii réserv<strong>en</strong>t une place d'une importance primordiale.<br />
C'est. lui, non le véritable Adam, qui figure dans<br />
la lég<strong>en</strong>de de l'adoration (les anges que le Pseudo-Pasicratès<br />
n adoptée. La gloire » dont Dieu dépouille Apollon, selon<br />
nos Actes 5, est. le llvarc.nô perse, l'auréole lumineuse qui<br />
appart<strong>en</strong>ait é Lucifer, avant, qu'il fût précipité du ciel6.<br />
llusset, lion ptpro blerne de.r Gnosis, 1907, p. 174, 198 sa.<br />
2.) l3oussst, op. cil., p. 202 sa. ; fleitz<strong>en</strong>stein, Das iran. Lrlhsu,rqsnujsteririm,<br />
1921, p. 242 sa et puas. Wes<strong>en</strong>donck, Lir,n<strong>en</strong>sch und Secte in dcc iran, L.cbcrliefe_<br />
rung., Jiarsovre, 1924, p. 173 sa. ; Schiider, Warburg Voririige, 1924-1925 (Leip.sig,<br />
1927), p. 111, 138 as.<br />
3) 1)irtknrt, VII, 1, 7 (t. V, p 5, \Vest, Pair!. Tests).<br />
4) Vispered, 18, 1 (Darxnest,eter, Z<strong>en</strong>d lr.'esta, 1, p. 483). - Dans sa polémique<br />
contre les Chaldé<strong>en</strong>s ', c'est-à-dire contre les Magusée.ns (Mon .Myst. Mithra,<br />
I. p. '160), l'apologiste Aristide leur reproche de déi Ocr l'homme (ci vosov're v<br />
&vOpcuov etvt Ocv ?.vov), c'est-à-dire sans doute l'Homme primitif; cf. Cettok<strong>en</strong>,<br />
Zrvej qriechisclre .'lpoioqet<strong>en</strong>, 1907, p. 10 et p. 57.<br />
5) Let. Gail., p. 65 Huber. p. 52 Et abstulit u me glorium meam , Grec,<br />
p. 12, 30, Kr<strong>en</strong>rb. E5poé ';c sou; Arm., p. 267 : Expulit me a<br />
gloria mea. Copte, p. 230 lIe east me forth from the. glory witlr winch I was<br />
aurrorirsded. Et.hinp., p. 101 He drove me fortIn from rny st,ate 0f giory . On voit<br />
S'estomper peu in pou la netteté de l'idée prinritive. - Cf. Vita Adw, p. 225<br />
Ali<strong>en</strong>atus suffi dc gloria mea quam Imbul in cadis n i3czold, Schalzhô hie, trad.<br />
p. 4. Il fut dépouillé du vêtem<strong>en</strong>t de sa gloire. - Les traditions rabbiniques<br />
voulai<strong>en</strong>t qu'Àdanrn lui-rnènw e6t été <strong>en</strong>touré de cette gloire céleste avant son<br />
péché; cf. Iiousset, ap. cil., p. 198.— Un autre indice de l'origine irani<strong>en</strong>ne de cette<br />
lég<strong>en</strong>de apparalt ers grec dans les Questions le ïrarlholomdc (1V, 54) et dans in<br />
Caverne ries trésors syriaque (Bezold, Die .Sc/nat:héhle, 1883, trad. P. 13) Satan<br />
refuse d'adorer Adain parce que celui-ci est formé de la terre, et que lui-mème<br />
est né du feu, cet éléni<strong>en</strong>t étant le plus sacré aux yeux des rnazdé<strong>en</strong>s.<br />
6) Si la religion nnazdé<strong>en</strong>nse u agi sur' le judaïsme. <strong>en</strong> transformant sa conception<br />
d'Adam, l'autre part le judaïsme liait avoir fait adopter par les mages oceicl<strong>en</strong>taux<br />
sa doctrine de la chute des anges, qui est étraiigén'r au zoroastrisme orthodoxe.<br />
Du moies il semble que les Arnsliaspands llaurrvatM et Ameretat, persormificati<strong>en</strong>s<br />
avestiques de la Prospérité et de l'lrrrrniortulité, soicint. dev<strong>en</strong>us, comme l'a<br />
suggeré Lagarde, les anges llhrût et Mârût qui, selon la tradition musulmane,<br />
pour avoir cédé à l'a concupisc<strong>en</strong>ce, fur<strong>en</strong>t condamnés par Allais à rester sur la
40 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />
Nous n'avons pas la prét<strong>en</strong>tioii dc t<strong>en</strong>ir la clef de toutes<br />
les énigmes qu'ofïre la composition dc nos Actes cappadoci<strong>en</strong>s.<br />
Bi<strong>en</strong> des épisodes <strong>en</strong> rest<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core inexpliqués. Ainsi, d'où<br />
provi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t ces trônes royaux d'un bois aride que la parole<br />
(lu saint fait reverdir et fructifier 1 ? A qui est empruntée cette<br />
scabreuse histoire de Georges couchant, de par la volonté<br />
du roi, dans la chairibre de la reine, ruais passant avec elle<br />
la nuit <strong>en</strong> <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s spirituels 2 ? Sans iloute à (UelqUe<br />
lég<strong>en</strong>de où était IIIiSO à l'épreuve la contin<strong>en</strong>ce du héros,<br />
comme (lans Je récit biblique de Joseph avec la femme (le<br />
Put.iphar. Nous (levons laisser la solution de ces problèmes<br />
et de Plusieurs autres aux érudits connaissant mieux qut nous<br />
les contes innombrables (le la haggada juive ou les i'oinans<br />
historiques de la littérature pehivie. Mais les observations<br />
que nous avons prés<strong>en</strong>tées suffiront. à révéler quel est le<br />
g<strong>en</strong>re de sources auxquelles b Pseudo-Pasicratès a puisé : il<br />
lisait des écrits où les traditions d'Israél se mêlai<strong>en</strong>t aux<br />
croyances de l'iran. Nous trouvons ainsi dans l'élucubration<br />
de cet hagiographe u ne preuve nouvelle de l'influ<strong>en</strong>ce qu'ont<br />
exercée ces oeuvres judéo-mazdé<strong>en</strong>nes qui naquir<strong>en</strong>t dans les<br />
terre, oit ils <strong>en</strong>seign<strong>en</strong>t aux Iiontme la magie. Cette lég<strong>en</strong>de est certaiiwni<strong>en</strong>t<br />
antérieure à l'islam, qui l'a emnprutttt au judaïnte. et elle parait avoir appart<strong>en</strong>u<br />
au ntazd&Osme Arméni<strong>en</strong> ; et. Boussel-Gressinutw, Religion de-s Judcnlums 3 , 1921;,<br />
p. 492, Durnézil. l.es heurs Ilarot .liurot et les anges Jlauruatdt et Arnerehit dans<br />
Revue des Études .4rméni<strong>en</strong>ncs, VI, 19Z6, p. 43-69. l-lastings, Encycl. 0/ ileIig.<br />
s. y . Arm<strong>en</strong>ia , t. I, p. 796 Sidersky, op. cil., p. 22.<br />
I) Cli. 1I,c.f. App. extrait VI - crec, Krumb., p. 7; Copte, p. 216; Arm., p. 260.<br />
- Un indice de lorigine juive de cette hit.oire, se révèle dans la prière du saint<br />
c'est au mom<strong>en</strong>t oit il pronortce am<strong>en</strong>, que le prodige s'accomplit, Sur la puissance<br />
que la haggada attribuait à ce mat, cf. Uirizberg dans la Jeu'ish Enegelop. s. V.,<br />
p. 492. Ainsi, si les damnés répond<strong>en</strong>t tmcn aux prières, Minitel et Gahriel les<br />
délivr<strong>en</strong>t. - De nième dans l'épisode le hi veuve, lequel est sûrem<strong>en</strong>t d'origine<br />
juive (supra, p. 31;), selon la version grecque Krurnb,, p. II), lb), c'est au mom<strong>en</strong>t<br />
oû Georges dit am<strong>en</strong> que retifant est guéri de sa c'cité. De même <strong>en</strong>core dans<br />
la scène de la résurrection des morts <strong>en</strong>fernus dans le sareophage, celle-ci se produit<br />
au mom<strong>en</strong>t oû le saint pronotti am<strong>en</strong> ( kruuib., p. 8, 37 ; Copte, p. 219).<br />
Les croyances populaires des J uifs il triloiai<strong>en</strong>tnu mot am<strong>en</strong> une puissance apotropaïque<br />
\Ver am<strong>en</strong> mit, aller kraft sagt, von dam wird das Bôse abgew<strong>en</strong>siet .<br />
(Encqc/opàdia Judaïca, il, p. 577, cf. RIait, i)a Àll/rîdisclte Zauberu'es<strong>en</strong>, 1S98,<br />
e SI.) Oit le trouve employè avec cette valeur dans les papyrus magiques (VesseIy,<br />
I)<strong>en</strong>hschr. .tlad. Bi<strong>en</strong>, XLII. 1893, p. 29, 1. 279 ; p. 66, I. 30 rà &sv<br />
x.L 'rà &.i17.r',t).<br />
2) Cii. 1(1 ss. ; cf. App. extraiL Xi.
LA PLUS ANCIENNE LÉGENDE DE SAINT GEORGES 41<br />
pays, comme la Mésopotamie cL l'Asie Mineure où les rabbins<br />
et les mages se coudoyai<strong>en</strong>t. Dans lesy ne.iétisme de l'époque<br />
hellénistique, une certaine combinaison de leurs doctrines<br />
était aussi inévitable que le fut à Alexandrie l'action de la<br />
p<strong>en</strong>sée grecque sur un j ridaïsme dev<strong>en</strong>u philosophique. Parmi<br />
les apocryphes chréti<strong>en</strong>s qui recueillir<strong>en</strong>t ce niélange d'idées<br />
perses et juives', la lég<strong>en</strong>de de Georges, cjui jouit (l'une popularité<br />
imm<strong>en</strong>se, occupe de ce fait une place considérable. La<br />
fantasmagorie qui la caractérise est le fruit de sa double<br />
origine ori<strong>en</strong>tale. Une telle débauche d'imagination, une telle<br />
outrance clans le merveilleux, une telle méconnaissance de la<br />
réalité historique répugnèr<strong>en</strong>t toujours à la sobriété de l'esprit<br />
gréco-romain. Aussi voit-on la froide raison occid<strong>en</strong>tale,<br />
même sur un domaine où se joue la crédulité, réagir contre<br />
une absurdité trop flagrante et s'attacher A ram<strong>en</strong>er par<br />
degrés à plils de vraisemblance une fable extravagante.<br />
Fr. UUiiIONT.<br />
I) Le roman Pseuclo-Cléin<strong>en</strong>tin, oû l'auteur a introduit Zoroastre assiinilt fi<br />
Nemrod, olive un autre exemple Lrés frappant, 41e ceLte influ<strong>en</strong>ce juiléo-irunieiine<br />
sur un apocryphe clirLi<strong>en</strong>. Nous <strong>en</strong> parlerons plus longueinerit dans notre recueil<br />
tics fragm<strong>en</strong>t_s des neiges, que nous publierons bi<strong>en</strong>tôt M. l3idcz et moi.
APPENDICE<br />
Pii'tiii les versïiis latines litées jusqu'iui (le lii hL'e.flde (le<br />
S' Geortrcs ('f. supin. p. 6, n. 1), une seule ti<strong>en</strong>ne un texte non al'éé,<br />
c'est relie q u'a publiée Arndt d'apris un iris, du IXè siècle, le Gti!licanu,.<br />
Mais 'e texte i'ornplct sauf une lacune - se retrouve dans<br />
le Parisinus lat. i26 du xi e siècle. o1i,,z co<strong>en</strong>obii .Sanchie 1'a1hw'qis<br />
in .Sancla .Silva {lieiligsforst ou Sar'bourg, près de \Vissemboririz], cf.<br />
Cal, codd, hayiogr. let. Paris, I, p. 404), et bi<strong>en</strong> que ce Paris'inu. soit<br />
relativem<strong>en</strong>t rèceiti, Konrad Zwierzina (Feslschrifl fur Kelle = Pruqe'<br />
I'ul.seèeSludicn, VIII, 1908, p . 'i-61) a montré qu'il remonte<br />
u un arrhetvpe dont la valeur dépassait ('elle du Gallicazws. Parfois<br />
le latin du vieil hagiographe y a été fclieusemerit « atiiétioré , mais<br />
le ras. de Paris supplée in certaines omissions de la Passion Il l'a t'ait<br />
connaître Ariidt, et suri témoignage est précieux pour ht rei'unsti-<br />
I,ution de l'antique version latine. N eus avons cru devoir cii exi,i'aii'e<br />
les principaux passages comm<strong>en</strong>tés dans notre article.<br />
1. - I,ssio GEonc.Ir ÏiIAHiYLIIS<br />
F. I 26v. In illo t<strong>en</strong>ipore arripuit tiiabol ils' regeru Dacianum,<br />
dut'em Persai'um, qui regnavit super 1utiite €'edros s'i'iptoi'uni<br />
sae'uli. qui plier firerut super ornuies reges tei'rae. Misit ede.'tum super<br />
omnem terram, et ut otaries reges convertir<strong>en</strong>t in uuium. Et ('uni,<br />
congregali fuiss<strong>en</strong>t septuaginta et duo reges 3, sed<strong>en</strong>te ce pro tribuit:iIi,<br />
et, i'egibus et seriatoi'ibus et nnlitibus, quorum non erat nurnei'us,<br />
pet' cii'cuit.um st'l<strong>en</strong>uihius, iussit Datianus iinperator atTerre omnia<br />
ti,i'riierita qu;e pi'opiravei'at Clu'istianis.<br />
11. -- Cit. 2<br />
F. l'27 r. Et duni congi'egata fuisset inae.stitnaljilis multitudo, ecce<br />
sanctus Dci faniulus Georgius, stella praeclara rnedium cadi et terrae<br />
ifl,abolus COd. - Nous n'avons pas noté la substitution constante de e ne,<br />
ni celle tIC niiehi niihi.<br />
2 Sc,' jp!orum rici te j ne la n (a li, Zwjerzij,a (p. i'(59 la rorrigé <strong>en</strong> sceptroruni<br />
il'apt'is le Paliuips. 3é30)OtV 'é'; ' < > Œ'/.7Çt. lia reconnu aUssi que eedrûs<br />
était, unie Iraduction le .p't: érrit pour x'rrpr Mais il a méconnu le s<strong>en</strong>s (le<br />
l'expression les ' xtp oiit pt1r' Its cosiitugrajihes les quatre points cardinaux.<br />
L'archétype avait vraiciiill.ililemeiit c)OtV i)vn) & ''i xvpcov<br />
'ro x6rniu, la I OVOII te sur les quatre parties du uiundo répotilant aux siuts car-<br />
(Ititaux. Cf. supin. p. Il, n. 4.<br />
3) Polir ce chiffre cf. supra, p. il, n. :.
LA PLUS ANCIENNE LÉGENDE DE SAINT GEORGES 43<br />
reluc<strong>en</strong>s, g<strong>en</strong>ere Capodorum' et cornes super î. 127v) rnulI,os milites,<br />
accipieiis mulluni aurum peiv<strong>en</strong>it ad Dacianum imperatorem, ut<br />
consul 2 procederet, et. vidit. multos reges congregatos apud Dacianum<br />
imperatorem eum exercitibus suis, Christum blasphernantes.<br />
III. - CII. 3<br />
F. 127 v . Audi<strong>en</strong>s <strong>en</strong>ini vocem eius imperator sil<strong>en</strong>tium3 fieri<br />
praecepit et respici<strong>en</strong>s in euni dixit : « Tir homo non solum itobis<br />
iniuria(ui) fecisti sed cl deos meos minirnos tecisti. Dii sunt qui dant<br />
gratiam omnibus. N une ingreclere et sacrilica ruagno ( 128 r) deci<br />
Apolliai qui conlinet 4 orun<strong>en</strong>i terram et gubernal omnne saeculurn.<br />
Tam<strong>en</strong> die niihi tu homo de qua civitate es tu ? nuL quod ilicitur<br />
noiri<strong>en</strong> tuum ? aut pro qua causa hurusque ml nos perveiristi ? »<br />
Dixit ml eum beatus Georgius : » Norn<strong>en</strong> autem quod ah hominibus<br />
habeo Georgius voeu! et iii Cliristo cliristianus sum. G<strong>en</strong>erc vero<br />
Cappudoius 3, fui super munera mutta 6 et b<strong>en</strong>e egi in Christ.i nomine<br />
militiain 7 mearn. Tu autein imperulor quibus ibis me iubes sacritirare?<br />
Apolliui 5, quein taclum cainciare clicis, nuL cette Nept.uno, quem<br />
tu dine t cria in funilasse 9 ? lIos quos tu iIiias dros, imperator, non pertiniesco.<br />
Non propter te, drmo inveterale, nec propter eos quos<br />
congregasti reges sed<strong>en</strong>tes tecuin, sed propter pupuluni qui expecta-<br />
Lurus est et. eus qui credituri surit in Chiisto. plurimos dirnitto, liautos<br />
dico t° ut <strong>en</strong>arro opeta deorum tuorum. (Quos niilti similes facis, irnperator<br />
? Petruin, qui est. columna'' ecclesiae prior apostolorum, an<br />
Apollinein'' I. 12 v), qui est perditio saeculi? Heliam Theshiteii'3,<br />
terrcnuiii huininein et caulestein arigelurn t4, qui in terra aiilu1abLI<br />
et in ratio commanet, aut Scarnandrum' 6 rnagunr, qui ignerri I)eI<br />
mugicas suas fecit, ainicum Mediae, qune g<strong>en</strong>uit Iharsar et Sarcafas,<br />
qui per sua operu merci surit in rnediu mari.<br />
1) Lire Cappadocum --rrcc rv Kc6xrov.<br />
2) Cern «cl, Gail., ce qui caL iiicortiprélierisible ut ca,r.ul prucc 'I' rel eL conflrrné<br />
lar Iluljcr, p. 40. Grec: Ov pyov,<br />
3) .SjIe,rci,xm coi.<br />
4) Traduit vé mointi<strong>en</strong>L unie ». Cf. I G, XIV, 11)18 : "ArcL.. a'i/orm<br />
..,1j etc. et nos fleligion ori<strong>en</strong>lalec', p. 227, ri. 7.<br />
) Capadochus ciel.<br />
li Lire nurnerunr mulitun avec Gutil, (numerus au s<strong>en</strong>s militaire).<br />
7) Mnliciwn cod.<br />
8) Appollini cod.<br />
9) Nepturie r<strong>en</strong>d stable la terre. Cf. supra, 9, n. 3.<br />
10) Lire pionner dinnilb,, pauca dieu.<br />
il) Culum pou eud.<br />
J 2) .lppotiincrn cod.<br />
13) Fhlqwn lhespit<strong>en</strong> cou.<br />
14) Lire avec le grec : lcrr<strong>en</strong>um anjclum ci c.uckslem l,uniinern.<br />
J ) Am bela! cod<br />
16) Are/uunul,rtnr Ijilié avant .lrcliamundrnm cud. Lire .Sea,nandrum, cf. joint,, V,<br />
n. 3. Sur cette lég<strong>en</strong>de, c. supra, p. 10, ii. 1. Le Gallicanus u ici une lacune<br />
considérable.
'II REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />
IV. - Cii. 43<br />
F. 130 v. Et scripsit Daeianus) epistolam hah<strong>en</strong>tem hanc formam<br />
Dacianus iniperator omni orbi Lcrr:e salutem. Si quis magus potuerit<br />
sovei'e magicas Chi'istianorum, v<strong>en</strong>iat ad me et dahu ci auri pondera<br />
tiiginta et arg<strong>en</strong>ti pondera quadragirita et pussessiones multas et<br />
sei'undus ciit in regiio meo e. Epistola verci lecta est. per omn<strong>en</strong>i Leiram.<br />
Auili<strong>en</strong>s vero AL-hanasius rnagus v<strong>en</strong>it ad imperatorem Datianuru<br />
et dicit ad cum Athanasius niagus. e V<strong>en</strong>iat <strong>en</strong>im quem di(.'is<br />
Chrislianiis', SI non 1)OSSUO1 solvere inrigicas cius, reus surn in coflsJ)ectu<br />
Liiø. i:t cum lace audisset iroperator, repletus est gaudio inagno<br />
(f. 130v) et dixit ad eum : « Quid es 2 ei fcturus ut solvas rnagkas<br />
dus? ï, Et dixit Athanasius magus : « lube v<strong>en</strong>ire duos tauios 3. »<br />
Et ïium veiiiss<strong>en</strong>t 4 tauri, dixit in aurerri tauri et partitus est tauius»<br />
in cluas partes. Tuac laetatus est imperator » et dixit : cc Vere Lu potes<br />
solveie niagicas cliristianorum. e Et dixit Athanasius inagus : Sustirie<br />
inoilieum et viclebis maiora niiiahilia. e Et iussit affeire iugutii et<br />
taurum, qui divisus est, iunxit euiu et arnljulabat. Et miratus est Jcupulus<br />
in hoc facto.<br />
Cii. 7. Tune iussit imperator addw'i sanctum Georgiuin et lixiL 1' ci:<br />
e Georgi, propter te hune magurn aciduxi ; aut certe tu suives niagicas<br />
eius, aut certe iste solvet magicas tuas ; nuL iste perdet te, nul tu<br />
perdes cura, e Sanctus ero Georgius respicieus in iuvcnem dixit ci<br />
e Festina et fac quod volueris viileo cuira te i'ito conpreh<strong>en</strong>dere<br />
gratiam Dei e. Et accipi<strong>en</strong>s Atiinnasius calicem, invocavit flonhiila<br />
daemoniorurn et dedit sancto Gcorgio bibere et outil ci nocuit. 'rune<br />
(f. 131 f) Atlianasius magus dixit iinperatori : e Uzium est Laiiturn<br />
qnod ci faciam et si non potuero iiocere ci, convertar' et ego ad crucifixum.<br />
Tunc accepit uulie<strong>en</strong>i invocavitque nomina dnemonioruni<br />
fortiora priorum'° et dedit ci bibere et nihil ci pinevaluit. Tune Allianasius<br />
niagus excianiavit voce magna et. (lixit : e Georgi, lucerna<br />
1) Christianum cod.<br />
2) Es corrigé cr, est, 2 main.<br />
3) l'hauros rad. Le-s haire-aux sont deux comme dans le Gali, et Huber, p. 42<br />
(noie dans le Sang'all. de Zareicke., ni ilajis le pieiipseste, ni dans le copie), mais<br />
dans la Suite il it'est plus question que d'un seul. L'introduction d'une paire est<br />
due à ce que l'auteur n cru qu'il fallait la soumettre au joug, par une fausse interprétation<br />
du mot uy6ç ; cf. n 6.<br />
4) V<strong>en</strong>ip<strong>en</strong>i cod. ; v<strong>en</strong>iss<strong>en</strong>t GaIl<br />
5) 'laurus ajouiii 2' main.<br />
fi) I<strong>en</strong>perator. l'or. corr. 2' maul.<br />
7) Le traducteur u r<strong>en</strong>du uy6 par joug mais son vrai s<strong>en</strong>s était balance<br />
(Zwierzina, p. 59) cL supra, p. 21.<br />
8) Dicil cod.<br />
9) Cwwertor cod. cf. GalI. I liber.<br />
10) Priurum, Le gïniiiI gree'aprs le comparatif est friuiueTit elua" ce Lexie.<br />
J'urticjra ii lU 'I U C GalI . Cf 1111 12cr nWJJ joli bru' 'triai 'la 'lii OflIOFii!Ii prJUrZl!ïc
LA PLUS ANCIENNE LÉGENDE DE SAINT GEORGES 45<br />
veritatÀs, adjure te per crucifixum lesum Christum, fflium Dci vivi,<br />
qui desc<strong>en</strong>dit de cadis in terram liberure orniies qui a diabolo' ohnoxii<br />
<strong>en</strong>ebantur, libera animam ineani, et du mihi Christi signaculurn. »<br />
V. - Cu. 9<br />
F. l3. Et rum cornplesset orationem in torm<strong>en</strong>to rotue, ernisit<br />
spiritum et dixit irnperator Dacianus ministris « Videtis (f. l32r)<br />
quod non est alius dominus nisi Apollo et I-[erme.s 2 et Diana et Scaniandrus<br />
3 et 1-Iercules 4 et Neptunus, qui tres palmites 6 cadi contin<strong>en</strong>t,<br />
per quos imperatores imperarit ct putestates re.gnabunt...<br />
Eutites quacrite desertuin puteum sine. aqua et ibidem l)roicitc<br />
corpus eius, ne v<strong>en</strong>iant eliristiani et to1lanI. eum et suscit<strong>en</strong>t murtyrium<br />
7 eius et confidant in eum et veiiiat sanguis eius super capita<br />
nostra. Cum misisserit » eum in putcurn altissimum et post pusilluin<br />
quasi sputium horarum duarum, eum esset umperator in palatio suo<br />
cum regibus - erat <strong>en</strong>im hora quarta diei sahbati et v<strong>en</strong>eruni » ut<br />
ucceder<strong>en</strong>t ad prandium, subito cireumtexit nubes'° puteum et factus<br />
est sonus magnus, itu ut cataractae" caeli apertue fuiss<strong>en</strong>t, et terra<br />
cuirtremuit et montes humiliati suntu (f. 133r) et tuba cecinit et<br />
Micliael' 3 archangelus desc<strong>en</strong>dit cum tuba et v<strong>en</strong>it Dominus super<br />
Cherubim' 4 et steUt super os putei et collegit ossa sancti Georgii in<br />
unum, sieut dixerat sanctus Georgius adhue viv<strong>en</strong>s : « Putas possum<br />
liherari' 5 de hac <strong>en</strong>angana, ut. credant et cognoscant, quia habeo<br />
Dominum lesum Christum. s Et vocavit eum Dominus dic<strong>en</strong>s<br />
(;eorgi, ecce manus quae plasmavit primum horninem Adani et<br />
nunc ipsa te ressuscitai. » Et ïnsulllavit in eum Doininus et irnplevit<br />
euro spiritti vitae et revixit et confortatus est et salutans eurn Doniinus<br />
asc<strong>en</strong>dit in cadis. Et sanctus Georgius coepit'° deambulare et vidit<br />
1) Dqaholo cod.<br />
2) Erne cod.<br />
3) Gamandrus cod. Grec xvpo. Kruznb., p. 6, 4. Cf. supra, III, n. 16.<br />
4) Ercules md.<br />
5) Grec xar (p. 6,6), Le traducteur u lu sarm<strong>en</strong>ts (Zwierzina,<br />
p. 560).<br />
6) ToIl<strong>en</strong>t md.<br />
7) Suscitant martirium md. = &a-a1, Krumb., 6, 10 : « btiss<strong>en</strong>L un martyrion<br />
s, cf. X, n. 3.<br />
8) MLsisset cod.<br />
) Lire v<strong>en</strong>iss<strong>en</strong>i. Avant et v<strong>en</strong>erunt, euro bitTé.<br />
10) Nubis corr. <strong>en</strong> nubes, 2 » main.<br />
11) Garacle md.<br />
12) Sur ce détail, emprunté aux descriptions de ht fin dii inonde, cf. supra.<br />
p. 28, n. I.<br />
13) Michaliet cod.<br />
14) Cherubin cod.<br />
15) Liberare corr. <strong>en</strong> liberari.<br />
16) Cepit md.
46 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />
imperatorem iudicantcm populum et curr<strong>en</strong>s ingressus est ad euiii<br />
dic<strong>en</strong>s « Quid dicis, imperator ? » AL ille respici<strong>en</strong>s in eurn dixit<br />
u Ecce idolum' Georgii. » Alu dicebant : « Similis est ci. s Famulus<br />
autem Domini clamabat dic<strong>en</strong>s : s Ego sum Georgius, qui a te occisus<br />
sum.<br />
VI. - (. 11<br />
F. 13.1v. Lucesc.eiitc autem (lie iussit Dacianus iraperator adduci<br />
sanctum Georgiurn. Vid<strong>en</strong>s autem Magn<strong>en</strong>tius 2 rex quod factum<br />
îuerat, dixit ad eum : « Georgi, unam pet itionem peto n te si mdii<br />
praestiteris eam, credo in 1)eum soluni 1 , et septuaginta VIII deos<br />
et Ijiaijam' Matrem de.orum , quae est salus rnundi, relinquani. » Et<br />
dixit sanctus Ge.oriius:» Pete quod vis. » Dixit ad eum Magn<strong>en</strong>l.ius7<br />
Sunt apud nos sedes quatuordeciin » et per' singulas sede.s suaI. tnl)u10e8<br />
ex lignis friictiferis et nune, si per orationem tuam radicaverint. (f. 135t)<br />
ipsae Inhume et quae sunt fructiferae'° afferant friicturn ad siniilitudinem<br />
suarn et arbores fiant, creclemus 11 in deuni tuurn. » Sanctus Georgius<br />
dixit ci : « Non propter te ho» facio sed propter adstantium' 2 multitudiiiem.<br />
qui iii Christo ciedituri sunt. » Flect<strong>en</strong>s <strong>en</strong>irn g<strong>en</strong>ua sua<br />
sanctus Georgius per sputiuni 1» home unius oravit, Et factus est dies<br />
oi)sclirus. et complota orationo dixit « m<strong>en</strong> 14 ». Et factus est sonus<br />
magnus, qualis in die resurrect.ionis futitrus est, et v<strong>en</strong>it Spiritus<br />
Sanctus et solutac. sunt. quat.uordtciu sedes et radicaverunt Iahulae<br />
quac tuerant amidae et attnleruiit frut,um secundum similitudinern<br />
suam. Videiis antem Magn<strong>en</strong> tins' » mcx dixit, ad eum « Magnus est. deus<br />
Apollo et lIeri'iiles et otnnes dii, quoniam in lignis aridis virtusle<br />
cornai pruevaluit<br />
1) Idolus georqius cml. - Noter l'emploi de ef8&ov pour fanbnne .<br />
2) Magn<strong>en</strong>cius cod.<br />
3) Lire Solern. L'erreur a fait modilier la phrase.<br />
4) Sur ces 78 -- . le rnênie chiffre miro extrait XI, n. 7 -, plus probablem<strong>en</strong>t<br />
72 dieux ; cl. supra, p. 9, n. 6.<br />
5) Dqanarn cod.<br />
() L'arum cml.<br />
7) Muqo<strong>en</strong>cius cod.<br />
8) Quatorze trônes comme le Grec (Kruiiih., 7, 15) et J'Arm. 22 »l;iii» le<br />
LaI. GalI 70 dans le Copte. Le vrai chiffre est peut-ôtre 72, un pour rhaque roi.<br />
l Lire pro? Le rédacteur sernite avoir cru que le» labulac taieot des table».<br />
placôc» devant les trônes, au lieu dcs planches qui composai<strong>en</strong>t ceux-ci [Zwicr-<br />
«ma).<br />
lu) Fractifera cod.<br />
Il) (:redimus cod.<br />
12) Astwicium cod.<br />
Li) Spacium md.<br />
14) Sur la valeur religieuse (le cet am<strong>en</strong>, cf. Supra, p• 40, n. 1.<br />
15) .1îaqn<strong>en</strong>eiu» cod.<br />
16) Virlus au s<strong>en</strong>s de Puissance miraculeuse, cf. lieU9, ori<strong>en</strong>tales 4, p. 270, n. 113.
LA PLUS ANCIENNE LÉGENDE DE SAINT GEORGES 47<br />
VII. - CIL 12<br />
F. 136 v. Et dum ingressus fuisset (Ge.orgius) in auditorium, dixit<br />
O iinperator, tu cum Apolline' et ego cum Domino meo lesu Chi'isto. »<br />
Statim ibi in palatio mulier quaedam v<strong>en</strong>it et cecidit ad pedes eius<br />
orans et dic<strong>en</strong>s « Domine Georgi, famule Christi, ec.ce filius meus<br />
iunxit boves et perrexit ut araret 2 et cecidit bos et mortuus est.<br />
Sed rogo ut. subv<strong>en</strong>ias incredulitati' <strong>en</strong>eac, quoniain nulla est milii<br />
substantia' in hospitio meo. » Et dixit ad coin sanctus Georgius<br />
« Accipe haculum meum' et. vade et porie eum super bovern mort.uum<br />
et. die ad eum « Haec dicit sanctus Georgius famulus Chi'isti : In<br />
nomine Domini nostri lesu Christ.i surge et sta super 1wdes tuos. »<br />
Audi<strong>en</strong>s haec mulici' fecit sicut. pra3cepit ci sanctus Georgius et<br />
statirfl stetit bus et. roulier magniilcabat Domiriurri dic<strong>en</strong>s : « Magnus<br />
propheta surrexit in nobis et Dominus cadi visitavit populum SUUm.»<br />
\'TII. - Cii. 13<br />
L'empereur interroge un des morts dont les restes étai<strong>en</strong>t cont<strong>en</strong>us<br />
dans un sarcophage et que Georges a ressuc.ités (supra, p. 26).<br />
F. l3Sr, Quem deum colehatis, dum in isto saeculo fuistis ?<br />
Dh'il ci ille homo : u Non mihi persuades, imperator ; dii'cre <strong>en</strong>ini<br />
til)i erubesco et noniinare nom<strong>en</strong> eius. Ego credehani fuisse deum<br />
Apollinem, qIli est perdit.io 7 animaiurn, surdus et caecus et sine anima;<br />
opera manuum hominurri farti sunt A , Ideo dotus est. no1ii Iocus angustus<br />
et obseurus. Super f05 luchant flumina i gnea et est. in eod<strong>en</strong>i ioco<br />
verrnis inmortalis et carbones inextinguibiles i. Aut non audistis<br />
quod seript.um est : « Notum fac mihi ilium diem terribilem. u Ihi<br />
<strong>en</strong>irn surit flumina ignea bulli<strong>en</strong>tia'° et tremor magnus ante (f. 138v)<br />
I) .4powni cod.<br />
2) Corrompu <strong>en</strong> aram dans Gal]., qui par suite a modifli la phrase cf. Huher,<br />
p. 45 Krumbacher, p. 8, 20.<br />
3) Ine,edulitaii subv<strong>en</strong>ias d'après Marc, 9. 23. &i L parait avilir été substituts<br />
i &Op [Zwierzina]: Colite : Help my poverty u. Grec ' evc5» Krirnb,, ,<br />
21). Ma iique (ta ris Arm.<br />
4) Miclu subsianria cod.<br />
5) .Signaculrtm meuin GalI,, traduction de nybx mais partout ailleurs<br />
c'est un béton ftxzl (Krumb.. 8, 22. Georges est anti, le la baguette magique<br />
des tlmaumimalurges )cf. Roselter, f.exikon, s, y . Zauberstab et C. IL ,4cd. Inscr.,<br />
1934, p. liii:. La xrpi.i d'13isée doit. de mêmcètrc plaréesurle frumitd'un <strong>en</strong>fant<br />
pour le ressuciter, IV, Rois, 4, 29 «s. (et. Ginzberg, Leg<strong>en</strong>d.» of lhe.Jew», IV, p. 243)<br />
et Moise è l'aide de sa baguette apprivoise des lions (cf. Ginzherg, lit, p. 332).<br />
G) D'après Lue, 7, 16 ?<br />
7) Perdicio cod.<br />
8) Lire fartas, cf. GalI,, Itubner, p. 46 et infra, p. 48, n. 8.<br />
9) Cl. hale, 66, 24 ; Marc, 9, 48 et supra, p. 32, n, 1.<br />
10) Bulileacta cod.
L<br />
48 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />
conspectum terribiiem et iuclieium magnum cl omnia opera ant.c<br />
oculos eorum astaiit'. Et exelamavit Michael 2 arcuiangelus dic<strong>en</strong>s<br />
« Att<strong>en</strong>dite opera vestra et. aceipite retrihutionem. » Audi vero, unperator,<br />
exponam tibi quoniarn omnis homo qui natus fuerit super<br />
terram et confessus fuerit Dorninum lesum Christum, salvatorem<br />
inundi, si qua habuerit peccata et recessei'it de hoc sueculo, erit in<br />
loco amo<strong>en</strong>issimo 3 et die dominico accipiet indnlg<strong>en</strong>tiam 4, ut rcspi_<br />
ciat [)ominuin lesuni Christuni, quem confessus est, ut videat euni<br />
dearnhulantem cum sarictis angelis suis. Ego autem nec die riominico<br />
iiabui induig<strong>en</strong>tiam 5, quia Christum non cognovi. Quis <strong>en</strong>im hahui°<br />
intert('(lCre pro me, qui idolis 7 servivi surdis et caeuis et sine anima,<br />
opera manuum factis 8 ? Dicit ci imperator : u lJe1iras homo quasi1°<br />
qinidringeritoruni ;irinoruin. » I'unc respici<strong>en</strong>s sanctum Georgiuin<br />
Is' 1 qui ressuritatus fuerat a mortui dixit « Georgi, famuile C!uiisti,<br />
luceiuia veritatis, steila praetiara f. I 39 e), rogo te miserere animauum<br />
nostrarum, quas de inferno revoasti et dones nobis signaruiumh2<br />
Christi et ne nos patiaris' ingredi in loc.um ilium torineuikiuum et<br />
L<strong>en</strong>el)i:Irurn. Vid<strong>en</strong>s ergo sanctus Georgius Ililem homiriis illius percussit<br />
pede' 4 dextro t.erram et exivit aqua viva et liaptizavit eos<br />
omnes in nomine Patris et. Fuji et Spiritus Sancti et dixit eis u Ite<br />
in pare et requiescite. » Et nusquani coniparueruuit.<br />
IX. - Cii. 14<br />
Tune obstupuit itoperalor in spallo horarum duarum et dixit<br />
ad reges. Non dixi vohis quia hic homo malelicus est et magus,<br />
quoniarn daemouuia rioi.Cis manifestavit et dixit se mortuos suscitasse ?<br />
Ego luodie confundam g<strong>en</strong>us Galilacorum u. Et dixit ministris suis<br />
« Quaerite mulierem viduaun paupeuem, quae substantiam' 5 dieï unit<br />
habeat. in hospitio situ, et inuludite coin ibidem, ut confundatur. »<br />
Et qunesierunt mulierem pauperemn, ut nulla ea'° pauperior esset in<br />
1) Omne operanirs occulos eorurn aslat cod. Pour la correction, cf. supra,<br />
p. 32, n. 5.<br />
2) Micha/uel, cod.<br />
3 Am<strong>en</strong>issirno c.od. Lire amarissi,nrC .çed, cf. Iluber, p. 4G, n. 33.<br />
4 et. 5) Indulg<strong>en</strong>ciarn cod. -- Pour la doctrine du répit accordé aux damnés,<br />
cf. supra, p. 33 «s.<br />
G) Ilcibuit cod.<br />
7) )do1is cod.<br />
8) Fada cod.<br />
9) Delibias cod. Cf. Gali., Fluber.<br />
lii) Quando cod.<br />
11) fs] isle corr. 2°<br />
12) Grec appyZ8 c'est-é-dire le baptême cf. supra, xtr. V fin, infra<br />
extr. X lin.<br />
13) Paciapis COd.<br />
14) Pedem avec m bitTé. - - Pour la source qui jaillit, cf. supra, p. 30.<br />
15) Substancia,n cod.<br />
1G) Nullus ci cod.
LA PLUS ANCIENNE L1GENDE DE SAINT GEORGES 49<br />
illo tempore, et incluserunt eum in hospitio' eius (f. 139 v). Et euro<br />
ingressus fuisset hospitiulu huius viduac sanctus Georgius. clicit<br />
mulieri « Mulier, da mihi modicuin panem, ut manducem. » Dicit<br />
ai mulier e « Non est in hospitio rneo punis. » Dicit ci sanctus Georgius<br />
« Quem deum colis ? » Dicit ei mulier « Deum magnum Apollinem<br />
cl 1-Iercul<strong>en</strong>j. n Dicit ad eam sanctus Georgius e « Merito non est punis<br />
im domo tua, n Respici<strong>en</strong>s ad sanctum Georgium roulier intra semetipsam<br />
dixit e Video vultum hominis liuius tanquam vultum angeli<br />
Dci. Et modo 'ado ad vicinam nicam, forsitan in adv<strong>en</strong>turii hominis<br />
huius praestahit mihi palterri ununi et inv<strong>en</strong>io grauam ante faciem<br />
eius, et ponam ante euro ut 2 inanducet, et crastino die ego moriar 3. »<br />
Et curn haec exisset quaerere paneru, sanctus Georgius sedebat iuxta<br />
furcani ligne.arn quae suhportabat hospitiuni eius. Et continuo furca<br />
radicabat et rajiios misit et superfudit hospitiuni cius et crevil in<br />
altuni cubitis quindecim (f. 140r) et fructuin atiulit. Et ecce angelus<br />
Domini adv<strong>en</strong>i<strong>en</strong>s attulit ei panes et comedit sanctus Georgius et<br />
confortatus 4 est. Et reversa est routier in hospitium suuni. Vid<strong>en</strong>s<br />
inirabilia facta, îurcam aridani forera et super tectuni lrospitii sui<br />
ernin<strong>en</strong>tem et merisam pl<strong>en</strong>am l)aF)utIUS, Ilect<strong>en</strong>s geriva sua adoravit<br />
sanctuni Geurgiuiu et dixit ad euro e « Doiriinum lesum Chi'isturn<br />
b<strong>en</strong>edico, qui se in hominern transtiguravit et desc<strong>en</strong>dit de eaelo in<br />
terram et. ingressus est in domum viduae, ut odiuvet nos. n Et t<strong>en</strong>uit<br />
sanctus Georgius mai)uni inulieris et. aflevavit euro (le terra dic<strong>en</strong>s<br />
« Non suni ego Deus Christianorum sed servus cils sum. n Et dixit<br />
mulier ad sancturu Georgium e « flogo te, doniine, quia inv<strong>en</strong>i gratiain<br />
corani oeulis 5 luis, (licat ancilla tua verbum in auribus tuis. » I)iclt<br />
ai san('tus Georgius e « Dic rnulier quod vis. » Et dicit ci e n Ecce natu<br />
est miiii lilius et m<strong>en</strong>ses Ires surit ci. Est <strong>en</strong>im caccus et surdus et<br />
paralylicus 6 et (f. 140 v) confundor ut. vicirii mci videant euro ; sed<br />
crc(lo per orationes tuas ut salvetur ihius meus, quin credo in L)eum<br />
tuum. » Sanctus autem Georgius, ut vidit lidem mulieris, dixit ail<br />
euro : « Affer illurit huc ail me. » Et attulit euro et posuit euro ante<br />
geuua dus 7. Et inipon<strong>en</strong>s ci manum oravit. ail Dominrini et coripleta<br />
oratione insufflavit in oculos 5 eius et, cecideriint de ocuhis » infari Lis sicut<br />
squamae pisciur:n et statini aperti sunt oculi eius et visum recepit.<br />
I) Hospiciu cod. Le mot )iespitium (presque partout écrit avec un e (1311» la<br />
suite) est pris au s<strong>en</strong>s bas-laLin de maison n.<br />
2) E! cod.<br />
3) D'après, 111, Rois, 17, 12; cf. supra, p. 36, n. 5.<br />
4) Conmcditforlatus (medit biffé) cod.<br />
5) Occulis cod.<br />
6) Paraliticus cod.<br />
7) Lire suier q<strong>en</strong>ua sua av'c Gali, et IIuber, p. 45. Le grec elç & y6vr<br />
(krunlb.. p. 10, 11) pour to est amphibologique.<br />
s) Oeculos, occuli», oeculi partout avec deux e.<br />
9) D'après Actes, Ap., 9, 15? Le grec (Kruinb., 10, 16) n reraplacé ?ie par<br />
xpu. Mais cf. Copte, p. '223 C Lue .scalcs fi'tl Irom his eyes.
REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />
X. - Cii. Ui<br />
F. 111 e. Tune exelamavit (Georgius) ad Dominum voce magna et<br />
iisit spiritum. Et turic iussit imperator portare corpus eius in vertira<br />
excelsitudinis graridissimi unius inontium et ibi eum proici,<br />
<strong>en</strong>s : « Ibidem desc<strong>en</strong>dunt vohicres cadi et (1'. 141 v) bestiue terrac et<br />
riiedeiit carnes eius et dis)erg<strong>en</strong>t ossu eius, ut non pareant super<br />
terrarii, ne qui' Christianorum viii uni. niulieres toilant (le ossibus<br />
cius et lig<strong>en</strong>t in linteo2 et port<strong>en</strong>t p10 me(lidiria sibi et. siiscitetit ilini'iyrium<br />
3 eius 'l'une portatus est in vei'tic.em riiontis excelsi, qui ti icitue<br />
Asiiiarius Et ieversi suai ininisti'i et ii,ilites (lui Corpus s'.&ncti<br />
Georgii jurtaverant'. Desceïideiiiibus autein ris quasi stailia trigint.a<br />
subito facius est tonitrus inugnus et omnia fundametitu montiuni<br />
conturbata suai, Et v<strong>en</strong>it Dornirius in riubibus et clamabat<br />
ad sanctum Georgium dic<strong>en</strong>s : « Puer meus, surge ab iriferis. » Et<br />
cariera haro surrexit, et posi rniniiros claiiiabut die<strong>en</strong>s : Exspectate<br />
niorlieuni et v<strong>en</strong>iam vobiscuni, n ;mversi aiit.em rninisii'i viderunt<br />
s:inctum Georgium prope post se veiii<strong>en</strong>tç'iïi cursu. Et. clarniibat<br />
liceris Audite vocem meam. n Et euro eum vidiss<strong>en</strong>t, cecideruril ad<br />
pedes cius liect<strong>en</strong>tes g<strong>en</strong>ua (f. 112) et. ilic<strong>en</strong>tes « Serve Dci excelsi,<br />
da iiobis sïgnaeulum Christi, quia il iloetus es a Deo<br />
XI. - Cii. 16<br />
F. 142. Sanctum vero Georgiuni vocavit. Dacianus imperator et<br />
dixit ad eum « Georgi er deum Solem 6 et septuaginta ado deos7<br />
et Matrem rleorurn 5 Dianam, lilium metim proprium te respicio'.<br />
V<strong>en</strong>i, liii. audi consiliuni meurri (f. 112 v) et. acced<strong>en</strong>s sacrilicu Apoluni»0<br />
qui 1iberai' orbem teir:... »<br />
Nune autem suade.s me ut sacriilcem Apollini. Repletus gauJio<br />
iinperator eoepit' 2 osculari caput' 3 cius. Et reppulit eum sanctus<br />
Georgius ci ilir'hat Noli imperator, non est ('onsuetudo Galileis<br />
flS prius saei'ilieavei'u dus, non mihi osculaberis caput' 4. » Dicit<br />
I) quis cod.<br />
2) linlhea md.<br />
3) Lui construis<strong>en</strong>t un martyrion , cf. supra, V, n. 7. Grec, p. 10, 31,<br />
Ki'umbacher.<br />
4) Sur le diverses formes du nom cL supra, p. 29, n. 3.<br />
) Porlaverunt cod.<br />
6) Satura cOd.<br />
7) Sur ces 78 dieux, cf. supra, extrait VI, n. 4.<br />
S) Eo,'um cod.<br />
9) Re.spitio cod.<br />
10) Apollinis cod.<br />
11) T<strong>en</strong>d Gal! conliriei (au'7e) Iluber, p. 48 : SLŒ(ov grec, Krunih.,<br />
P, 11, 10.<br />
12) (Jepit cud.<br />
13) Capud col.<br />
14) Michi osculaheris capuil md., cf. supra, p. 14.
LA PLUS ANCIENNE LÉGENDE DE SAINT GEORGES 51<br />
autem sanctus Georgius. « flics iarn diem concludit ad oecasum sous<br />
et non possum soeri [icare iliis invictis. Sed iuhc me artius custodiri<br />
in custodia usquc mane ut sacrilicem (lus invicl.is. Dicit autem ad<br />
eum imperator : Non mihi hoc contirigat, Georgi, ut ulterius te ad<br />
torm<strong>en</strong>ta tradam, sed f. 143r) magis t'a (Jmnia quae in te exerdui,<br />
rnihi quasi patri igiiosce et tin ruihi v<strong>en</strong>iam .N une aut<strong>en</strong>i ingredere<br />
in palatiurn t inferius ad leginani Alexuiridriiiarii et requiesce coin <strong>en</strong>.<br />
XII. - Cu. 18<br />
F. 143 v. Et locuta est statua Apo1linis) Georgio . « Quando susp<strong>en</strong>dit<br />
Doniinus caelum et fundavit terrain et plantavit paradisum2<br />
in cadem hora contra ori<strong>en</strong>teiui, rogitavit Deus et, dixit « Faciarnus<br />
(r, 146r) horninem al I nlaginem 3 et similitudinem nostram. » Et desc<strong>en</strong>dit<br />
Dorninus Deus in paradisuni 4 et. plasmavit Jioniiiiem de terra<br />
et dixit 5 ati nos angeles. « V<strong>en</strong>ite. adorate opera inanuuni niearum. u<br />
Mox autem accipielis Micliael 6 suuni con'titutum 7, adoravit opera<br />
rnanuum cius. Ego autem rc]uctavi 8 et. dixi Ç)uid est quod ego qui<br />
priwus faet.us sum et tegol' sub nus seiiis Clierubirii 9 et Seraphim'°<br />
et totius virtutis cuelui'uiii ? Et tu iubes nie aclorare hune minimissimum"<br />
nieum oc 5112 urhange1nin et pot.estatem bali<strong>en</strong>tem ? Non<br />
faciam. » Iratus est auteiii ruihi L)omiiius et deposuit me vivuni.<br />
Tu autem...<br />
11 y o <strong>en</strong>suite une granille lacune, puis le text.e repr<strong>en</strong>d saris intervalle<br />
au milieu du eh. 19, UIL feuillet de l'archétype ayant pi'obublemeiit<br />
1é ari'aché par' un lecteur qu'avait choqué le récit t1'Apollon-Satan.<br />
I.e fin des Actes n été abrégée dans ce l'urtsjnus.<br />
J) Palaciu.rn in fihium (in/ilirin» hifîé) cod.<br />
2) Paradysum cuti.<br />
J) Yrnagiricîn cod.<br />
4) Paradysum cuti.<br />
5) DieU cod.<br />
U) Michahel cuti.<br />
7) p6artv ?<br />
8) flesullar.'i cod.<br />
9) Cheruhin od.<br />
10) Seraphin cuti.<br />
11) Minis»i,nun cuti.<br />
12) Lire quasi?