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s8<br />

La plus anci<strong>en</strong>ne lég<strong>en</strong>de<br />

de saint Georges<br />

Il n'est guère de lég<strong>en</strong>de hagiographique qui ait été plus<br />

populaire que celle de saint Georges et l'ampleur de la littérature<br />

édifiante qu'elle a suscitée contraste étrangem<strong>en</strong>t avec<br />

la pénurie des données historiques qu'elle conti<strong>en</strong>t.. Ses Actes<br />

condamnés comme apocryphes par le décret gèlasi<strong>en</strong> <strong>en</strong> Occid<strong>en</strong>t,<br />

puis par le patriarche Nic.éphore <strong>en</strong> Ori<strong>en</strong>t, ont été définis<br />

par un juge compét<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre tous <strong>en</strong> cette matière « un fantastique<br />

récit des Mille et une Nuits' o. Il n'est pas surpr<strong>en</strong>ant<br />

que le caractère fabuleux des exploits attribués ù ce héros<br />

de la foi ait induit certains esprits à regarder celui-ci comme<br />

un personnage purem<strong>en</strong>t.. mythique 2. Dans un mémoire publié<br />

<strong>en</strong> 1S61 et qui cul un certain ret<strong>en</strong>tissem<strong>en</strong>t 3, A. von Gutschmid<br />

prét<strong>en</strong>dit démontrer que saint Georges, martyr fictif,<br />

représ<strong>en</strong>tait Milhra, tandis que d'autres personnages de<br />

sa Passion serai<strong>en</strong>t Anaïl k, Isis et Horus 4. .J'ai exprimé<br />

autrefois mon scepticisme l'égard de cette mytho-<br />

Jogique et, depuis lors, Krurnhaclier s'est montré <strong>en</strong>core plus<br />

sévère pour elle. Il voit dans l'argum<strong>en</strong>tation de von Gutschrnid<br />

« une vraie caricature de la méthode comparative 6 o. En réalité<br />

I) H. Delehaye, Les lég<strong>en</strong>des grecques des s,iints millIaires. 1909, p. 69.<br />

2) La conLroverse à ce sujet. remonte au teirips de 1:1 fléfornie et n'a jamais<br />

cessé depuis. j<br />

3 A. von Uutschmid, Beridde sochs Ges. dec Wiss,, Leipzig, XIII, 1861, p. 175-<br />

202. Meioire repris dans ses Kleine .Sehri/t<strong>en</strong>, t. III, p 173-204.<br />

.1) Kl. .Schr., p. 191-2.<br />

5; Mon. mysi. de Mitiira, t. I I, p. 73 ; von Gufschmid repr<strong>en</strong>ait une idée de<br />

Creuser (ibid. lOI). - Cf. datitres ideiitilicutiuris du saint avec tics divinités<br />

pal<strong>en</strong>nes, Delchuye, ep. cil., p. 1I, ss.<br />

9) Krumbacher, i)er hciliye ;eorg in der Grieclzischcn Ueberlie/erung (dans<br />

les .4bhandl. de i.\caiI. de Ilaviére,X XV, 3), Munich, 1911, p. 304.<br />

- Docum<strong>en</strong>t I<br />

j ,-


______________<br />

- ''<br />

6 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />

au mom<strong>en</strong>t où écrivait cet émin<strong>en</strong>t histori<strong>en</strong>, on connaissait<br />

mal la forme prve des Actes de saint Georges et plus mal<br />

<strong>en</strong>core les mystères de Mithra. Il a ainsi sombré sur l'écueil<br />

i't éviter dans la méthode dont. il abusait, <strong>en</strong> ét.ahlissaril. (les<br />

rapports arbitraires <strong>en</strong>tre. (les faits fort éloignés (Ions le temps<br />

et dans l'espace. Constamm<strong>en</strong>t , il a comparé les données<br />

du roman hagiographique avec les versets du Mihir-Yaslit.<br />

Mais nous savons aujourd'hui que le Mit.hra, dieu solaire,<br />

adoré <strong>en</strong> Cappadoc.e, était très ditîér<strong>en</strong>t de celui dc l'Avesl.a<br />

et que sa lég<strong>en</strong>de anatolique ne se retrouve pas dans les livres<br />

sacrés du mazdéisme. Les rapprochem<strong>en</strong>ts (le von Gutschmid<br />

paraiss<strong>en</strong>t ainsi singulièrem<strong>en</strong>t, av<strong>en</strong>tureux et ses argum<strong>en</strong>ts<br />

port<strong>en</strong>t ù faux. Nous verrons plus loin quelle part de vérité<br />

sa thèse paraft néanmoins cont<strong>en</strong>ir.<br />

Nous sommes aujourd'hui incomparablem<strong>en</strong>t mieux armés<br />

pour nous attaquer é un pri.b]'tiie qui reste s nu des sujets les<br />

plus obscurs (le l'hagiographie' l.)'une part, on a pu établir<br />

qu'elle est la plus anci<strong>en</strong>ne des diverses rédactions qui nous<br />

sont parv<strong>en</strong>ues des Actes du saint cappadoci<strong>en</strong>, et il est<br />

apparu, chose curieuse, que cette narration, qui se doiine<br />

comme l'oeuvre d'un compagnon du martyr, le soi-disant<br />

Pasicratès, est la plus extravagante de toutes 2. Les hagiographes<br />

postérieurs se sont délibérém<strong>en</strong>t attachés è <strong>en</strong> atténuer<br />

l'invraisemblance trop criante et, la « tératologie »<br />

excessive. A côté de la traduction latine du récit priurtit..if3,<br />

dont quelques fragm<strong>en</strong>ts se retrouv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> grec dans un<br />

1) Delehaye, Anal. Bollandiana, XXVII, 1908, p. 96.<br />

2) Delehaye, Seuils milliaires, p. 50 «s. cf. p, 69. . Tissu d'meptie ...qui surpasse<br />

<strong>en</strong> extravaRailce tout ce que les hagiographes ont imaginé de plus hardi.<br />

3) Le seul texte latin publié qui donne la lég<strong>en</strong>de la plus anci<strong>en</strong>ne au corriplet,<br />

est celui qu'a édité Arndt. d'après un ms. du rx siècle, le code. (allzranus de la<br />

biiiliothèqi'e des I3ollan&listes (Silzungsb. (es. %Viss. leipzig, XXVI • 157 I, p. 49-70)<br />

[cité Lat. Gall.. Toutes les autres rédactions latines des actes tIc l'usicratès qui<br />

me sont connues donn<strong>en</strong>t. un texte écourté et p1ims ou moins r<strong>en</strong>iaitié cf. Ilihlialfi.<br />

/iuJiOyr. fat., T, p .502 «s.: M. 1-luher, Zw' Gerqe.sky<strong>en</strong>Ie, Erlang<strong>en</strong> 1906, p. :19 [cette<br />

dernière rétiactiori se ret.rnue dans le Paris laI,. 5593, saeC. XI B. l-1. L., . :, , i:s,<br />

n° 33Gl. Seul le Paris.. .205 saec. XIV iitTre la lég<strong>en</strong>de fi peu près commiplète, cnnmnle<br />

le Gallicanus; cf. infra l'App<strong>en</strong>dice. - - 1.i ricit de Pasicratès u été reproduit <strong>en</strong><br />

partie textuellem<strong>en</strong>t dans la Passion de S. Lupe.rcius AA SS., Juin, V, p. 31 ss.


LA PLUS ANCIENNE LÉGEN1.E DE SAINT GEORGES 7<br />

palimpseste vi<strong>en</strong>nois du V e siècle', on a publié une série de<br />

versions ori<strong>en</strong>tales <strong>en</strong> copte 2, <strong>en</strong> syriaque 3, <strong>en</strong> arméni<strong>en</strong>4,<br />

<strong>en</strong> éthiopi<strong>en</strong> 5, dont la eornparaison est fort instructive. En fin,<br />

<strong>en</strong> 1911, von Ehrard faisait paraltre un niémnoire laissé par<br />

Krumbacher, où celui-ci, parmi d'autres textes grecs. r<strong>en</strong>dait<br />

pour la première fois accessible ce qu'il appelle le Vo/ksbuc/:6<br />

tians sa langue sinon sous sa furnie originale. Si tes recherclies<br />

ét<strong>en</strong>dues et minutieuses du grand byzantiniste n'avai<strong>en</strong>t<br />

pas été interr<strong>en</strong>ipiies par sa mort, prématurée, sans doute,<br />

eût-il jeté quelque lumière sur l'origine (lu roman pieux dont<br />

il avait Suivi au loin les ramifications. Mais dans son état,<br />

actuel, ce mémoire posthume touche à peitieùce problème<br />

ess<strong>en</strong>tiel. La question historique n'a pas avancé d'un pouce<br />

et la question littéraire est éclaircie seulem<strong>en</strong>t dans des<br />

détails secondaires 7. »<br />

Nous ne prét<strong>en</strong>dons point., dans le cadre étroit de cet<br />

article, résoudre toutes les diflicultés infinim<strong>en</strong>t compliquées<br />

que prés<strong>en</strong>te la composition factice du Pseudo-Pasicratès.<br />

Nous offrirons des suggestions plutèt qu'une solution. Mais <strong>en</strong><br />

replaçant cette fiction dans le milieu où elle est née, nous<br />

J)OurrOlIs retrouver au moins certains des élém<strong>en</strong>ts dont elle<br />

est formée, et, ce qui paraissait être de pures insanités, pr<strong>en</strong>dra<br />

parfois ainsi une slgnii fleation imprévue. Une étude (l'<strong>en</strong>-<br />

1) Publiés par Detlefs<strong>en</strong>, <strong>en</strong> 1S98, ils ont 'ité repris par Kruuibacher.<br />

2) W» 11k Budge, Tire marlyrdûm 0/ S (;eorge of Cappadocia, Coplic lex1s, Lan-<br />

(lori. 1588. [Cité Copte,)<br />

3) Publié Brooks, Musévn, t. XXXVIII, p. 67-115 {texte très écourté, cité<br />

Syr.].<br />

4) P, PeeteN, Analecta Hollandian'i, XXVIII, 1909. p. 249-271. [Cité Arm.]<br />

5) Bridge, Ceorge of Lyduia, o lui,/ o/ 1h,' eulk ,/ 't Georq,' in EIhiûpia, Lonclres<br />

1930 [cl'. Sinion, Anal. Bol!., XLIX, 1931 p. l6 ss.].<br />

6) II y aurait des réserves é faire sur ectte 1'1relIutiou : elle est justiliée si<br />

l'on <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d par lii que l'auteur de ces Actes n écrit pur le peuple - un peuple<br />

d'Ori<strong>en</strong>t, avide de merveilleux et in linim<strong>en</strong>t ,'réilirlc - mais elle est inexacte<br />

si Volksbuch veut dire que c'est une lég<strong>en</strong>de populaire, transmise par une tradition<br />

orale et que l'hagiographe aurait recueillie. rr verra, cii elTet, qu'il u utilisé iIe<br />

sources littéraires. ers dehors de la Bible, pour certains épisodes d'une histoire<br />

qu'il inv<strong>en</strong>tait. Il suffit de lire la canclusion. où le soi-disant Pasicratès, prét<strong>en</strong>du<br />

témoin oculaire, se met <strong>en</strong> scéne, polir être èdiflé sur sa honnis foi. - Cette<br />

r ec<strong>en</strong>siori grecque serait antérieure au ' lia siècle d'après une iLote d'Ehrard<br />

dans Krurnbacher, op. cil., p. 122.<br />

7) Compte r<strong>en</strong>du du P, Delehaye, Anal. Bollandiana, XXXI, 1912, p, 95 ss.<br />

-'--,---.


__- -'---- -..- - -----...--. r -'-----<br />

L.<br />

8<br />

REVUE DE L'HISTOiRE DES RELIGIONS<br />

semble sur les sources dont l'hagiographe s'est servi, ne<br />

pourra être t<strong>en</strong>tée avec succès qu'après qu'un class<strong>en</strong>i<strong>en</strong>t<br />

plus rigoureux des diverses formes d'une passion traduite<br />

<strong>en</strong> tant d'idiomes divers aura permis de mieux déterminer<br />

le cont<strong>en</strong>u de l'archétype dont elles dériv<strong>en</strong>t.<br />

*<br />

**<br />

Tout d'abord la date de la rédaction (le nos Actes j'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ds<br />

du texte grec original - peut être fixée <strong>en</strong>tre des<br />

limites chronologiques assez étroites. D'une part les chréti<strong>en</strong>s<br />

y sont appelés Galilé<strong>en</strong>s (Fr)', surnom que leur donna<br />

par dérision l'empereur Juli<strong>en</strong>, ce qui nous transporte après<br />

le règne de l'Apostat (t 363). D'autre part, nous l'avons dit,<br />

on a trouvé des fragm<strong>en</strong>ts de cette Passion dans un manuscrit<br />

du Ve siècle 2. On aurait, une détermination <strong>en</strong>core plus précise<br />

si l'éloge attribué e Théodote d'Ancyre 2, oû notre Passion<br />

est largem<strong>en</strong>t utilisée, était d'une auth<strong>en</strong>ticité moins douteuse<br />

3. Cet. évêque vivait, <strong>en</strong> effet, dans la première moitié<br />

du ve siècle.<br />

D'autre part, il nous paraît certain que ce roman, qui<br />

devait être lu <strong>en</strong> tant (le pays et <strong>en</strong> tant de langues, a été<br />

composé <strong>en</strong> Cappadoce, pays qui est donné comme la patrie<br />

du saint 4, et non <strong>en</strong> Égypt.e comme l'a prét<strong>en</strong>du Amélineau5,<br />

ou <strong>en</strong> Palestine, où l'on vénérait à Lydda les reliques du<br />

martyr6. En premier lieii, les divinités paï<strong>en</strong>nes dont l'hagiographe<br />

a gardé le souv<strong>en</strong>ir, ne sont pas celles de la vallée<br />

du Nu ou (l'un pays sémitique, mais convi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t seulem<strong>en</strong>t<br />

1) Ce nom est employé par Georges lui-même dans le Lat. GaIl. C. 16 ' imperalor,<br />

non suni Gali?aei sic. • Sur son emploi cf. Iiiilger, Antike und Christ<strong>en</strong>lurn,<br />

VI, p. 147 sa.<br />

2) Krumbacher, op. cil., p. 121, al,oulït d'après d'autres indices S l'a même<br />

date, le y0 siècle, pour la rédacliomi primitive.. Cl. aussi mira, p. 13 cc qui est dit<br />

(le Magn<strong>en</strong>ce.<br />

3) Conservée <strong>en</strong> copte (Badge, p, 271-331) et <strong>en</strong> éthiopi<strong>en</strong> (Budge, p. 171-276).<br />

4) I.at. e. 3 G<strong>en</strong>ere Cappadociis (cf. app<strong>en</strong>dice extr. iI). Grec : Krumnb.,<br />

p. 3,20; p. 4, 10 yvoç 'v KaMxov. Miracle de Théopiste (règne de Tliéodose)<br />

'rv &yov Fcpov 'rè év Kxot (3liracula S. Gc.orgii, éd. Ausfeld, Leipsig,<br />

1913, p. 47, 8). NOUS reparlerons daiis un instant le la patrie du saint p. 17).<br />

5) Amélineau, Les Actes des martyrs dc rFy1i.e capte, Paris, 1SU0, p. 201 ss.<br />

6) De]ehaye, Saints militaires, p. 46.


LA PLUS ANCIENNE LÉGENDE DE SAINT GEOIIGES 9<br />

à l'Asie Mineure. Les deux dieux principaux, plusieurs fois<br />

invoqués <strong>en</strong>semble (e. Il, e. 11, etc.), sont Apollon et Hercule,<br />

qui étai<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> effet, particulièrem<strong>en</strong>t honorés <strong>en</strong> Cappadoce,<br />

le pr<strong>en</strong>hier comme puissance solaire', le second comme substitut<br />

du Verethraghna rnazdé<strong>en</strong> 2. A Apollon « qui n susp<strong>en</strong>du<br />

la voûte du ciel e, s'oppose Poseidon « qui a affermi la terre 3 n.<br />

Celui-ci n'apparaît pas ici comme le maure de la mer, c.ar<br />

la Cappadoce n'est point une contrée maritime mais ce (lieu,<br />

selon la mythologie, pouvait fi son gré ébranler le sol ou <strong>en</strong><br />

assurer la stabilité 4 et on l'honorait pour ce motif dans les<br />

cités (le l'intérieur de l'Asie Mineure, où les séismes étai<strong>en</strong>t<br />

fréqu<strong>en</strong>ts 5. Nos Actes nomm<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core, fi cêté de ces trois<br />

dieux et (le plusieurs autres moins caractéristiques. Artémis,<br />

la Mère des Dieux 6. iui i'l mi'l.Lem<strong>en</strong>tanatolique7.<br />

1) Strabon, XII. 2, § 6: 'Icp'v r ro Kadovo 'A.é),)ovo xaO' Xv<br />

r-èv I Œoxv, Ota zévo & 8p.LŒtz &lr' a&ro. Apollon sur les ifl(tiivaies<br />

de Césarée : Wroth, Coins BrU. Mus., Galatia Gappadocia, p. 55. hièdicace 'Ait6X-<br />

?cat &7tXfi0) à Sébast.opolis : inser Gr. Rom., III, 110. Dédicace à Césartie : Solem<br />

SoU inuicto Mithr C I L, Il I, S. 12135.<br />

2) l.'iiiscr. d'Anisa (Miche!, Recueil, 54G) in<strong>en</strong>lionne des 'FIp&xt. Ilérakiès<br />

sur les monnaies. cappadocierines: Wroth op. ci!., p. 3, p. 45. Une lég<strong>en</strong>de rapportée<br />

par Cêjluihon (F. ii. C;. III, G26) racontait qu'liéraklès avait abandonné les Argonautes<br />

pour se r<strong>en</strong>dre cii cappadoce. - C'était le dieu principal de Séhastopolis, dite<br />

aussi I léracléopolis (Cumont, Voqugt' Jans le Pan!. p. 203(. Culte de \'éréthiraghnaliérakiès<br />

dans lEst de l'Asie Mineure. Mon. mgi!. Mi!hra, 1, • 143.<br />

3) (irec. j). 4. 13 Krurnb. : Tiè 'Air6»cv &ç è,.pjsa.at rv o'pv6v. HoŒeLgv<br />

&peeac 'rv yv. Lat. Gali, e.. 3 : s Apolloni qui caeli.im cameravit, atit Neptiino<br />

quem dicimus terrarn fundare (Même texte dans Huher, p. 40), et App. extr. Il!,<br />

n. 9). Copte, p. 206 : Apollo, irbo liung ont the heav<strong>en</strong>s, and Poseidon, who made<br />

fast (lie carth. Le Syr, P. 99 et l'Anti, p. 254 ont altéré ce passage.<br />

4) Macrobe. 1, 17, 22 : Neptunus quei)i alias 'Evct&.yOova, ici est terrant mo y<strong>en</strong>tem,<br />

alias 'AapzÀkav. ici est staltili<strong>en</strong>tem. vocant ; cf. Gruppe, Cri<strong>en</strong>t ..i,j!hol.,<br />

p. 1139, n. 2; 1158. u. I : flosciier s. y . Poseidon col. 2811, 22.<br />

5) Slrahon, XII, S. 18, p. 79 C : 'Aitajis( (dc Plirvgie) &azaO ir6X?axtç...<br />

t6ep eLx6ç xa rà's HoiT 7rzp'au ai; Tijz&aS, xI7c LEaoyŒIotç 0'V<br />

6) Grec p. 7, 16 Krumh. : M& v Semr6's "H)tov xz T0 &6OjLiX0VDz IXC(s<br />

Oeo'ç x. T'V evép Oev "Apejstv. Lat. GalI. 11 : Per doniinum Solem et<br />

per septuaginta duo et per matrern dearum Dinriam, qiise est salus mundi ;<br />

cf. Paris. App. extrait VI, n. 4. Copte, p. 215 ' s By our Lord Lite Sun and by the<br />

sev<strong>en</strong>ty gods and by Artemis (lie saviour ut' Oie world t' [cf. p, 297 : by Artemis,<br />

(0e Mother of the gods s]. Le Grec, p. 11. 6 répète le même serm<strong>en</strong>t = Lat.<br />

Gal!., e.. 16; 1-luber, p. 18: Copte, p. 225: Arrn., p. 265.—les soixante-douze dieux,<br />

car tel parait être le vrai chiffre, sont probablem<strong>en</strong>t les dieux des soixante-douze<br />

nations dont les rois sont rassemblés (if. infra, p. 13).<br />

7) Le temple de la Mère tics Dieux ligure, r<strong>en</strong>contre curieuse, dans la lég<strong>en</strong>de<br />

deS' Théodore. Situé à Amtisie sur les bords de l'Iris, il aurait é& inc<strong>en</strong>dié par le<br />

héros chréti<strong>en</strong> (Grégoire de Nysse, De S. Theodoro martyre, L. XLVI. p. 744, Migne)<br />

I


P) ItEVUE DE L'HISTOIRE DES RELiGIONS<br />

Plus probante <strong>en</strong>core est l'allusion à une lég<strong>en</strong>de inconnue<br />

par ailleurs, qui paraît empruntée à une histoire mythique<br />

des origines du Pont. Le héros Skamandros aurait été l'amant<br />

de Médée, la magici<strong>en</strong>ne de Coichide. et de cette relation<br />

serai<strong>en</strong>t nés deux fils, Arath (?) et Zareth (?), les guerriers<br />

du Pont, qui à cause (le leurs méfaits aurai<strong>en</strong>t été <strong>en</strong>gloutis<br />

par la mer'.<br />

L'origine cappadoci<strong>en</strong>ne de nos actes apocryphes paraît<br />

donc bi<strong>en</strong> établie et elle explique que ceux-ci ai<strong>en</strong>t été utilisés<br />

par le rédacteur de la courte Passion de St Porphyre, le mime<br />

de Césarée 2. Cet hagiographe leur empriirift l'épisode du<br />

taureau tué à l'aide (l'une parole magique (infra, p. 19), et<br />

il s'<strong>en</strong> inspire manifestem<strong>en</strong>t dans la scène (le la chute des<br />

idoles qu'une prière fait l.oniber dc leur socle 3. On pourrait<br />

invoquer <strong>en</strong>core, <strong>en</strong> faveur (le l'origine anatolique (le la<br />

1) Je reproduis ici les variantes des diverses versions, qui pourront aiderpeut-être<br />

à retrouver l'origine de cette fable Grec, 4, 2i) Nrumb. xp.8pov v yor<br />

it)ip, rà's soTyos ')TLç vvas rv 'Ap&fJ za r,'s ZpO<br />

To'ç HOTtCO1 OXC1LrOP, oïtvn && & pya 'iiiv X OTLQaŒ &' 'ri<br />

7n?4ycL tiç Oa? aaç.—Manque dans le Lat. Gali. nais un reste dccc passage s'est<br />

maint<strong>en</strong>u dans Huber, p. 41,2: a,iLC,imandrutii iii:tgum, cuinsopera merserunt in<br />

rnedio et il est donnép1uscomjliterri<strong>en</strong>t dans le Paris. 5265 (reproduit <strong>en</strong>App<strong>en</strong>dice<br />

extr. 111, n. 16). - Copte p. 20G : Scainandios tue sorcerer, who worked <strong>en</strong>teliantm<strong>en</strong>ts<br />

by tire ami who lcd niany people astray, who eommitted adultery wit.h<br />

Timetia. who begat Saar and Sarphat the ophurii )currupuiun de &ot',?] of the<br />

warrinr of the ciLy of Pontus, whose deeds were evil axtd wtio were cast Otto Lite<br />

abyss of the sea [cf. Ibid., p. 2881 , - Arin(ni<strong>en</strong> p. 254 : M<strong>en</strong>andrum qui Pisdos<br />

fascina vit. a M<strong>en</strong>andnio gravidatani, ex quo g<strong>en</strong>itit (haoc) duos filios Areph et<br />

Aphoin primes (urbium) conditores Ponticos, qui propter facinora sua in protondum<br />

maris demersi sunt. - Kt.hiop. [Theod. Aite.] p. 185: Akderos, the filthy<br />

magician, Lite <strong>en</strong>chanter, vho ralled down tire [[rom heaveri] by bis <strong>en</strong>tchantrn<strong>en</strong>ts,<br />

had intercourse with Lite iillltv wornan .-\ntàkti, whom they useci to caiL Miulyà,<br />

who livde in Lite country oC MiietyS (Mm0iténe), until site gave birth te SiterSyS<br />

and Ary(ihà from Arfad the megician. Ail these wert cnrrupt in their cvii works<br />

and together with tiicir sins were unk into Lite deptli cf Lite sea. - Manque Syr.-<br />

Le P. I'cet.ers (Arum. p. 255) o vu que le nom tic tx ou Timitetia cachait celui de la<br />

magici<strong>en</strong>ne Médéc. C'est ce que confirme I'Ethiop.. le Volksbuch véniti<strong>en</strong>, 0(1 on lit<br />

MU6îŒÇ (Krumbacher, p. 127) et le Paris .521,5 (Mediac), -- Peut-être le nom de<br />

Scamandrc est-il aussi corrompit. La région voisine d'Anaisos dans le Pont s'appelait<br />

pa.iav-i' (Strahon, XII. 3. 13-14. p. S 1G c; et l'on n trouvé <strong>en</strong> Dacie une mli'dicace<br />

Dec .Sar,nando (C I I. III, 964), que l'on a supposé èlrc une diviniti ori<strong>en</strong>tale.<br />

ApO représ<strong>en</strong>te Peut-être Ariarath, forme oram<strong>en</strong>h,e de 'AptapO écrit<br />

parfois 'ApQ-r (Justi, Nw,zcnhueli, s. y .) et serait alors l'ancêtre mythique des<br />

rois de Cappadoce. Mais le Parisinus n Tharsar et Saremifas, qui se rapproch<strong>en</strong>t<br />

du copte, et cet accord parait prouver que le grec est corrompu.<br />

2) \'an de Vorst, Anal. Rouant!., XXIX, 1910, p. 258 se.<br />

3) Ibid., p. 274; cf. nos Ac!es, e. 18-19.


LA PLUS ANCIENNE LÉGENDE DE SAINT GEORGES 11<br />

lég<strong>en</strong>de de S t Georges, le fait que de très bonne heure un<br />

panégyrique (le Théodote d'Anc .yre, comme nous l'avons dit,<br />

(p. 8), la reproduit dans tous ses détails, si la paternité de<br />

cet éloge était mieux établie.<br />

Dans l'Est de l'Asie Mineure, région qui sous les Achéménides<br />

avait été colonisée à la fois par la noblesse perse<br />

et par le clergé des Mages, les traditions mazdé<strong>en</strong>nes étai<strong>en</strong>t<br />

restées vivaces jusque sous l'Empire 1 et la religion (l( l'iran<br />

y coniptait <strong>en</strong>core (les sectateurs au y ° siècle 2. Il n'est IS<br />

surpr<strong>en</strong>ant qu'une narration composec dans un milieu aussi<br />

profondém<strong>en</strong>t « iranisé r) ait subi l'influ<strong>en</strong>ce des croyances<br />

qui s'y étai<strong>en</strong>t répandues.<br />

Dès les premières lignes nous sommes, sans qu'on voie<br />

pour quel motif, transportés à la cour d'un roi de Perse, dont le<br />

nom, Dadianos OU Datianus 3, est fictif et qui siège dans un lieu<br />

indéterminé. Il règne, nous dii, le texte, sur les quatre points<br />

cardinaux de la terret et il est le maître du inonde. Il lance un<br />

édit jrotii convoquer à sa cour soixante-douze rois 5 ses vas-<br />

1) Cf. nos flcligions ori<strong>en</strong>tales 4, p. 133 «s.<br />

2) Mon. rnqsl. MWira, t. I, p. 10, n .3 et. 5.<br />

3) Le grec a x&v6, qui se retrouve datis le copte, le syr. et I'éthiop. —Le latin<br />

e Datianus (Var. Dacianus) et de nième l'ami. Je ne serais pas surpris que ce fùt<br />

un nom romain, très connu <strong>en</strong> Ori<strong>en</strong>t, où il avait ét porté par un apologiste<br />

célèbre : Tal.ianus. Cf. plus bas, p. 13, Magn<strong>en</strong>tius, 'ranquiuinus.<br />

4) Le texte latin donne, GalI. l-1egcnr Persarum et regem super quattuor<br />

eaedros (sic) sueculi, (1Ui prior errit super oInneS rege terne. Iluber, p. 39 l)atianum<br />

regem, civem Persarum, qui regnavit super quatuor cedros saeculi, qui priores<br />

orant super oinnes reges terrae, et misit edictuni super orrinem terraru. I.e Valu.<br />

ceil. III, f. 158 v : Regnante inipi issimo flaciano irnpnratore, cive l'ersaruni, et ipso<br />

praeerat super quattuor saeculi partes, qula prior erat super OiilneS regeS terne,<br />

et misit edictuin super oninem terrain. Le grec a écourté ce début mais le icilimpsesto<br />

rie Vi<strong>en</strong>ne a conservé (P I. Krumb,) pua(Zn (?), 6<br />

a&v flzpo&v xl roov 'ii rc


12 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />

saux. Ceux-ci formeront avec lui le tribunal qui doit juger les<br />

chréti<strong>en</strong>s. Nous sommes ici <strong>en</strong> plein roman, et ce roman est,<br />

non pas grec ou romain, mais ori<strong>en</strong>tal. Déjà les anci<strong>en</strong>s Babyloni<strong>en</strong>s<br />

avai<strong>en</strong>t divisé le monde <strong>en</strong> quatre régions, selon les<br />

points cardinaux, et le titre (le ar kihr1 arba'i, e. maître des<br />

quatre contrées s, était porté régulièrem<strong>en</strong>t par les rois de<br />

Babylone et. d'Assyrie 1 . La division de l'empire d'après les<br />

quatre points cardinaux subsistait <strong>en</strong>core dans la Perse des<br />

Sassanides et elle se maintint, p<strong>en</strong>dant toute la durée de cette<br />

dynastie 2. D'autre part., l'idée qu'après la mort d'Alexandre<br />

l'iran a été morcelé <strong>en</strong>tre de nombreux d ynastes 3, mais (JUC<br />

les Sassanides, qui ont rétabli leur autorité sur eux, sont<br />

redev<strong>en</strong>us les maîtres du monde 4, est proprem<strong>en</strong>t irani<strong>en</strong>ne.<br />

C'est aussi dans l'Iran que nous transporte la conception tle<br />

« rois » formant un conseil aristocratique que réunit dans<br />

les grandes occasions le Roi des Rois 5. Pourquoi ces rois<br />

sont-ils soixante-douze ? C'est que 72, dev<strong>en</strong>u chez les anci<strong>en</strong>s<br />

été int<strong>en</strong>tionnellem<strong>en</strong>t arrondi (cf. infra, p. 13, n. 1). Mais of3' ?iç a pu<br />

facilem<strong>en</strong>t être transcrit rJ par la chute d'un des deux f3.<br />

1) J<strong>en</strong>s<strong>en</strong>, 1osmoloqie der Babylonier, p. 167 se.. 173.<br />

2) D'après une communication de M. Christ<strong>en</strong>s<strong>en</strong>, qui n traité de cet te question<br />

dans son mémoire sur l'empire des .Sa.»anides (Mém. Ac»d. Cop<strong>en</strong>haguc, 7 série,<br />

t. I, 1907, p. 11, p. 49. Cf. HObschman,t, Arm<strong>en</strong>i,wJze St0di<strong>en</strong>, I, p. 119, n° 109;<br />

Herzfeld, Pailculi, p. 155) et qui la repr<strong>en</strong>dra datis un ouvrage plus ample actuelleru<strong>en</strong>t<br />

sous presse.<br />

3) Cf. Nôldeke, Geschichtc des .irdachsir i Papakan fBeit.riige zur Kunde der<br />

lndogerm. Sprach<strong>en</strong> 1V, Gôttinge.n, 1879, p. 36]. Cc roman pehivi évalue le nombre<br />

des rois n 240, Tabari rapporte le chiffre plus modeste de 90, mais daprès (l'Uerbelot,<br />

Bibliothèque ori<strong>en</strong>tale, s. y. Thaoiiaif (p. 864, éd. 1776) : Les histori<strong>en</strong>s de. la<br />

Perse écriv<strong>en</strong>t que les princes qui se partagèr<strong>en</strong>t les Ftate. d'Alexandre montai<strong>en</strong>t<br />

au nombre de 72. »<br />

4) Nôldeke, op. ci!., p. 37 : Sas5n doit parv<strong>en</strong>ir zur Welthcrrscha/l ; P. 42 s.<br />

les astrologues prédis<strong>en</strong>t quun roi refera du monde uti empire unique, ce que<br />

réalise Ardashir. Cf. les Actes de Simon bar lJrirsaliha' (dans Braun, Ausgew.<br />

AkI<strong>en</strong> Pers. Marlyrer, P. 13 Becijan, II. p. 143), discours des Juifs : Si toi<br />

Roi des Rois maitre de toute la terre. ». Cf. Dele.haye, Actes des martyrs Perses,<br />

p. 440: T f3aÛimq '.al ca7rotv 'riç 6).c oly.o' (mais te. texte Syriaque dit.<br />

seulem<strong>en</strong>t « de l'Ori<strong>en</strong>t ». I3raun, p. 9'2). Cf. Chrie.Lcns<strong>en</strong>. Empire des Sass., p. 88.<br />

- L'idée de la domination universelle du Roi des Rois pr<strong>en</strong>d dans Firdousi des<br />

formes hyperboliques; cf. t. I, p. 30, p. (9. trad. Mohi et surtout 73 : O roi<br />

(Zohak), tout cc qui est dans h' monde t'obéit la terre avec ses sept Kishwers<br />

est b toi, tout depuis le firmam<strong>en</strong>t jusqu'au fond des mers t'apparti<strong>en</strong>t.<br />

5) Christ<strong>en</strong>s<strong>en</strong>, op. ci!., p. 9, p. 21, p. 29. I.e titre de. roi (;ah) était porté non<br />

seulem<strong>en</strong>t par les princes du sang mais par le principaux gouverneurs.


LA PLUS AN(:IENNE LIGENDE I)E SAINT CEOBGES 13<br />

Babyloni<strong>en</strong>s un nombre sacré, parce que c'était celui des<br />

semaines de cinq jours dans l'année, était pour les Juifs celui<br />

des nations qui sein ierit formées après la confusion des<br />

langues. Cette division est constante dans l'ethnographie<br />

juive 1 , et les chroniqueurs chréti<strong>en</strong>s à leur suite énumèr<strong>en</strong>t<br />

les noms de ces soixante-douze peuples dans le partage qu'ils<br />

imagin<strong>en</strong>t de la terre 2. En lisant, ces premières lignes de J 'liagiographe<br />

on ne peut se déf<strong>en</strong>dre de l'impression que ce<br />

début est emprunté à quelque écrit juif composé <strong>en</strong> Mésopotamie,<br />

pays soumis aux Sassanides. Nous verrons dans un<br />

instant qu'il se rattache <strong>en</strong> effet à la haggada rabbinique.<br />

Toute l'action va se passer dans la capitale anonyme de<br />

ce souverain du inonde, qui y a son palais où réside la reine<br />

Alexaridra, et qui y préside l'assemblée (le ses soixantedouze<br />

rois vassaux. De ceux-ci deux seulem<strong>en</strong>t. intervi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />

(Jans l'action. L'un s'appelle Magn<strong>en</strong>tius (e. 11), ce qui est.<br />

peu t-être un souv<strong>en</strong>ir (le l'empereur ainsi nominé une tra-<br />

(iition que l'hagiographe a pu connaître <strong>en</strong>core, le regardait<br />

comme favora hie aux paï<strong>en</strong>s 3 . L'a utre, Trancjuillinus (e. 13),<br />

porte le nom d'un martyr romain dont la r<strong>en</strong>ommée s'était<br />

répandue <strong>en</strong> Ori<strong>en</strong>t, et que plusieurs personnages connus y<br />

ont cii potir patron .<br />

Les quelques indications que fourniss<strong>en</strong>t les Actes sur la<br />

cour de Diidia nOs ne conti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t aucun détail qui soit, spécifiquern<strong>en</strong>t<br />

romain. On pourrait être t<strong>en</strong>té. d'<strong>en</strong> trouver un<br />

dans le curieux passage où Geurges ayant feint. (le vouloir<br />

adorer Apollon, le roi lui baise la tète ; sur quoi, le saint lui<br />

1) Soixante-douze ou. <strong>en</strong> arrondissant le chiffre, soixante-dix nations chez les<br />

Juifs, cf. Rousset-Gressrnunii, Gese/i des .Jii1. Val&'es , [I. 216, iL. 1, if. 326;<br />

SchUrar, Gsc/i. des lad. Volées, I P, p. 313, ri. 2: George F . Moore, .Judaisrn in Ihe<br />

/irsl ccnftirq, t. 1, 1927, p. 227, 275.<br />

) ,.• Gutschmid. h'leine .Schri/t<strong>en</strong>, V. p. 253 ss ; 683 ss.<br />

3) Cf. Phitostorge, iII, 26, avec les noies de Bidez, à la pare 52, 7.<br />

'I) Les actes des saints Sél,asti<strong>en</strong> et Ti-anquifliniis fur<strong>en</strong>t traduits <strong>en</strong> grec<br />

Migne, P. G., CXVI, 791 ; .Szna.r. ,le S'irniond, p. 321, éd. Delehave) niais peut-étre<br />

tardivem<strong>en</strong>t. Un ami de S' Jean Chrysostome, qui lui écrivit nia' i,'t tre dans sou<br />

cxii de Cucuse <strong>en</strong> Cappadoce, et un évèq uc t Antioche de Pisilie s'appelai<strong>en</strong>t<br />

'riinquiiIlintus cf. Smith, Die!. chris!. bioyr. s. V.<br />

y-r


Il REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />

dit : l'elie n'est pas l'habitude des Galilé<strong>en</strong>s ; ne le fais pi 'après<br />

que j'aurai sacrifié aux dieux'. On sait <strong>en</strong> effet que le baiser<br />

était dès l'époque d'Auguste donné par le prince i ses wuez<br />

et qu'à la fin de l'Empire, le protocole réservait <strong>en</strong>core aux<br />

hauts personnages cette marque de la bi<strong>en</strong>veillance souveraine<br />

2. Mais ce mode de salutation était pratiqué (lepuiS<br />

une haute antiquité <strong>en</strong> Babylonie 3. comme il le fut pltts tard<br />

chez les Pçres, et c'est de la Perse qu'il s'est réjiaridu <strong>en</strong><br />

Grèce 4. Le cérémonial de la COUI' des diadoques est à rel,<br />

égard, comme à beaucoup d'autres, une continuation dc celui<br />

(les AchérIIénides, et les Parthes reprir<strong>en</strong>t <strong>en</strong> s'y conformaiit<br />

une vieille tradition de l'iran 6. L'hagiographe attribue donc<br />

à son roi un geste qui était r(liiIilun à tous les souverains dc son<br />

temps. Le futur empereur .1 tilicn, pour témoigner son afïe(l.ion<br />

au philosophe de Sardes Chrysn nLlii( s, liii donna, selon Eunape.<br />

un baiser sur la lêle, comme le fait in Dadiarios 7. La répugnance<br />

de Georges à l'accepter vi<strong>en</strong>t certainelrl<strong>en</strong>t, bi<strong>en</strong> que son<br />

panégyriste le sous-<strong>en</strong>t<strong>en</strong>de, de ce que le baiser de paix des<br />

chréti<strong>en</strong>s ne pouvait être reçu d'un infidèle. Dans le même<br />

pays et. presque à la même date où fut composé le récit (le<br />

Pasicratès, Grégoire (le Nazianze, énumérant toutes les Inanifestations<br />

de la piété de sa mère Nonna, relève qu'elle ne<br />

donnait jamais la main, ni un baisem- sur la main ou sur les<br />

lèvres à une paï<strong>en</strong>ne, fût-elle du plus haut rang ou une proche<br />

par<strong>en</strong>te 8 . M. F. J. DLilger, qui a comm<strong>en</strong>té ces textes avec son<br />

I) Ch. 16. Cf. App. extrait X du Parisinus.<br />

2) KrolI, fleal<strong>en</strong>e. s. y . Kuss , Suppi. V, p. 511-519 ; Alfaldi, !?fJrn, Miii.,<br />

XLIX, 1931, p. 40 ss.<br />

3) Meissner, Der Kuss im altec Ori<strong>en</strong>t )SiL7.b..kad. Berlin, I 113 I), p. 911 ss.<br />

4) Flérodute, 1, 134; Xéno1rh., (3jr., 1, 21, 27; .4qes., V, 4 'Erj'. vç<br />

]Lç QLV &v Alexaiilre, eu dunieuil. S ses nobles le titre aulique<br />

dc c'yycvztç, leur conféra le droit dc lui doiiiwr le [miser iArri<strong>en</strong>. VII, t I, I et 6).<br />

Cf. KrolI, I. e. p. 513, 20 ss.<br />

b) Comme l'a déj9 noté Friediénder, .Sitt<strong>en</strong>q., 1, p. 162 ss.<br />

G) Dans l'<strong>en</strong>trevue <strong>en</strong>tre Corbulon et 'l'iiitlate. conloquiurn osculo ftnitum<br />

('racite, Ana., XV, 29) ; de mrno à Home, Néroti (Suét., Nero. 23) (Tiridatem)<br />

osculatus est .<br />

7) Eunape., V. Chrqs., r,i (i'• •l7, 3:1 L)idot) : Juli<strong>en</strong> Xp')aavOiou<br />

-;1 XŒ & r'j 'I'Ç5OV pÀGCV.<br />

5) Grég. Nez., Or. XVIII, Il) (I. U. XXXV, 1196 c, cf. Epiiaphiu, n° 9G L. U.<br />

XXXVIII, 99).


LA PLUS ANCIENNE LÉGENDE DE SAINT GEORGES 15<br />

érudition habituelle, Çait observer avec raison que ce refus<br />

d'accorder le baiser est dû à ce qu'il faisait partie du rituel<br />

de l'admission sol<strong>en</strong>nelle dans la communauté chréti<strong>en</strong>ne'.<br />

Ce « baiser de paix n, symbole (le la fraternit.é des fidèles, se<br />

répétait dans la liturgie comme signe dc la par<strong>en</strong>té religieuse,<br />

substituée à celle du sang.<br />

Mais nous nous éloignons ic.i de nos Actes. Rev<strong>en</strong>ons<br />

à l'assemblée des rois, tribunal auguste formé. pour juger<br />

les chréti<strong>en</strong>s. Georges « noble étoile brillant <strong>en</strong>tre le ciel et<br />

la terre » se prés<strong>en</strong>te (levant elle et confesse sa foi. Il est<br />

donné comme un jeune officier cappadoci<strong>en</strong>, un « comte n<br />

commandant un corps de troupes 2. Et aussitôt une observation<br />

s'impose è notre esprit. Comm<strong>en</strong>t concilier ceci avec<br />

ce qui précède ? Coiurn<strong>en</strong>t, si Georges servait cri Cappadoce,<br />

était-il justiciable du roi (le Perse '? Mais la qualité qui lui<br />

est. attribuée n'est pas contredite moins formellem<strong>en</strong>t. par<br />

tout.e la suite du récit. Pas un mot dans cette narration ne<br />

permet de reconnaître <strong>en</strong> lui un militaire. Il y agit . non <strong>en</strong><br />

soldat romain mais <strong>en</strong> thaumaturge ori<strong>en</strong>tal ; son arme n'est.<br />

pas le glaive mais la baguett.e des magici<strong>en</strong>s 3 ; il est le magus<br />

galilé<strong>en</strong> qui multiplie des prodiges merveilleux 4, II y a une<br />

opposition absolue <strong>en</strong>tre la qualité 1:111e lui attribue le début<br />

de nos Actes et le rôle que ceux-ci lui font. jouer dans la suite.<br />

Manifestem<strong>en</strong>t le Pseudo-Pasicrat.ès, <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>tant Georges<br />

comme un officier, a recueilli une tradition antérieure à lui,<br />

1) D1ger, Anlilce und Cri,slcn!rirn, t. \, 1935, p. 45 ss. Cf. t. I. 1929, p- 186 55..<br />

t. VI, p. 147 ss. - C'est au chi-istiani<strong>en</strong>ie plutit qu2i la Perse (lue Mani u empruntd<br />

le rite (lu baiser de paix (&T, qui fait du néoph yte un ' fils de l'Église . Les<br />

Kephaluïa réceirirn»nt publiés <strong>en</strong> donn<strong>en</strong>t, une curieuse interprétation mystique. Ce<br />

baiser )& rŒ6ç) reproduirait celui que l'homme primitif, desc<strong>en</strong>du du rovnnnie<br />

de lumière pour combattre les puissances des t,nèl,i'. reçut de la Mère de Vie et<br />

des Eon.s. Cf. Mo,iichdische Ifond.e,'hriflcn. éd. Sehtnidt, t. I, p. 38. 22 es. p. 40,34 s.<br />

2) Grec Krurnb.,3, 17 repris 4. 9 : I'é''j: ev u pyov 'riSv arp-<br />

TE'j8Z &I VrJ', Lét,) L /S(a 3L p4LcvrJç — v xonro5px. Lai.. GaIL e. 2<br />

Gncr Capadogus et coince super inultos rnilite C. 3 G<strong>en</strong>ere Capudogus fui<br />

super numerum militum roultuin Cf. Hula'r, p- 40, et app<strong>en</strong>dice extr, II-- Arm.<br />

p. 254 : E Cappadociae regione nomine Ucorgius nuies e legione Licrat<strong>en</strong>sium.<br />

Copte, p. 201;, 207 Ethiop., p. SI.<br />

3 Voi infra, p. 2.5. lépiso(lè de Scholastique cf. App. Cxli. VII, n. 5.<br />

4) Grec, p. 9, 20, p. 25. CI. Latin eh. 6 et 7, c. 14: Magus et malelicus qui<br />

eadmone in conspectu nostro vocat et dicit se mortuos suscitaro.


__--' --- - ------ -<br />

16 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />

mais durit, sans se soucier d'une telle incohér<strong>en</strong>ce, il s'est<br />

aussitôt départi, faisant du saint le héros d'av<strong>en</strong>tures prodigieuses,<br />

qu'il emprunte à (les sources (liverses pour l'<strong>en</strong><br />

gratifier. Le soldat préexistait à la lég<strong>en</strong>de qui l'a si étrarlgem<strong>en</strong>t<br />

métamorphosé.<br />

Nous <strong>en</strong> trouvons une con firmation dans un réii t (1011E<br />

l'action se passe dans le pays et à l'époque mêmes où ont été<br />

rédigés nos actes. C'est le Miracle de Tliéopislus qui se place<br />

<strong>en</strong> Cappadoce sous le règne de Théodose (379_37)1. Ceoiges,<br />

qui y atteint aussi le grade de comte s, y apparaît à la tête<br />

de ses cavaliers, monté sur un cheval blanc 2. La couleur dc<br />

cette monture était (léjù (elle que les Mazdé<strong>en</strong>s exigeai<strong>en</strong>t<br />

des chevaux consacrés aux dieux et spécialem<strong>en</strong>t au Soleil 3, et<br />

le destrier du saint militaire a hérité de cette robe imrnaculée.<br />

Elle s'est conservée <strong>en</strong> Cappadoce dans les peintures<br />

des églises rupestres, où, dès le X e siècle, on voit représ<strong>en</strong>ter<br />

la lutte de 5t Georges contre le dragon 4, et elle resta traditionnelle<br />

dans l'art postérieur.<br />

Que Georges se soit distingué dans le métier des armes<br />

et ait commandé des troupes romaines, est donc une anti(.lIJe<br />

croyance, dont Pasicratès s'est fait l'écho, et ce détail est la<br />

seule donnée historique que puisse cont<strong>en</strong>ir notre Passion.<br />

Il importe donc d'<strong>en</strong> examiner le texte de plus près; peut-être<br />

aurons-nous chance d'y découvrir <strong>en</strong>core quelque parcelle<br />

de vérité. Les diverses rédactions sont d'accord pour considérer<br />

Georges comme de race cappadoci<strong>en</strong>ne 5, et c'est <strong>en</strong><br />

I) Aufhauser, Miracula S. Georgii, Leipzig, 11)13, p. 15 ss. Cf. Aufhauser, IM<br />

I)radi<strong>en</strong>wunder des heiligea Georg, 1911, p. 28.<br />

2) Miraculez, p. 53, 7 'ELvo 'ir,u .euco xøs6icvoç, De méme p. 57,<br />

1. Pareillem<strong>en</strong>t dans le miracle De rnnnsi 'Jnario, p. 159, 11 Candidum equuln.<br />

- Dans les autres Miracles aussi Georges est un officier h cheval p. 6, 2 ; 15,5<br />

34, 13 ; 97, 8 1 J 1, 27 112, 12).<br />

3) Mihir Yaslit, XX!, 125 t. 11, p. 175 flnrm.) ; Hérudute, V!!, 40 Quinte<br />

Curce, lii, 3, 11 Xénoph., Gyrop., VIII, 3, 12. Cf. Iterodute, \ 11, 11:1 Appi<strong>en</strong>,<br />

Milhr., 70. - NOUS revi<strong>en</strong>drons sur ce point dans un article sur S' Georges et<br />

Mithra <strong>en</strong> Géorgie, qUi paraitra bie.ntt ilajis le Journal 0/ Roman studzcs.<br />

4) G. de Jerplianion, Les Églises rupestres de (.'appadoce, t. I, p. 608, notes aUX<br />

p. 482 et 495. Cf. pI. 135, 1; pI. !9. 2.<br />

5) Cf. supra, p. 8, n. 4. — FouLefois aucun des Actes rie nomine la lieu où le<br />

saint serait mi <strong>en</strong> Cappadoca. Une tradition locale 1Urtaleeui (l'otamia) prét<strong>en</strong>d


LÀ PLUS ANCIENNE LÉGENDE DE SAINT GEORGES 17<br />

Cappadoce qu'il a brillamm<strong>en</strong>t servi, mais elles ajout<strong>en</strong>t<br />

tan&t « qu'il a été aussi <strong>en</strong> Palestine 1 » ou » qu'il a été élevé<br />

dans ce pays, dont il est le «nourrisson 2 e ou qu'il a remporté<br />

(les SUCCèS militaires (lans cette province, dont il est citoy<strong>en</strong>3.<br />

On s'aperçoit crue les hagiographes paraphras<strong>en</strong>t ici diversem<strong>en</strong>t<br />

une indication de l'archétype qui leur paraissait peu<br />

intelligible pour leurs lecteurs. De plus, dans cet archétype,<br />

comme le prouve l'accord des traductions latines 4, le roi<br />

demandait à Georges « de quelle cité es-tu et quel est ton<br />

nom » ? Dans les textes publiés, l'accusé répond à la seconde<br />

question, mais non à la première. Or, une vieille rec<strong>en</strong>sion de<br />

nos Actes, qui s'est conservée dans deux mss. du xIe siècle<br />

<strong>en</strong> écriture bénév<strong>en</strong>tine 5, offre ici une indication d'une précision<br />

singulière Ei cum con gregalus fuisscl inestirnabilis<br />

populus. ecce sanclus Domini Georgius, siella praeclara exorla<br />

Cappadociae (sic), cl g<strong>en</strong>ere Thecu<strong>en</strong>sis, perv<strong>en</strong>il usque ad<br />

Dacianum inperalorem. Selon cette version, Georges serait<br />

donc originaire de Thécua, un bourg situé à la lisière du désert<br />

au sud-est de Jérusalem, connu par la Bible et qui subsistait<br />

<strong>en</strong>core à l'époque romaine 6. Si l'on se souvi<strong>en</strong>t que les inscriptions<br />

et <strong>en</strong> particulier les épitaphes tic militaires indiqu<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> faire le village natal du martyr, niais elle ne mérite aucune créance. D'autres<br />

indications égalem<strong>en</strong>t suspectes ont Ôté réunies par Aufhauser Das Drach<strong>en</strong>wundcr<br />

des heU. Georg, 1911, p. 2, n. 2.<br />

1) Lut. Gallicanus. e. 3 : G<strong>en</strong>ere. Cappadocu ...fui et in provincia Palaestina .<br />

2) Grec, p. 4, 10 : Fvo K ir6xco.. 0perà 8è xt rç<br />

HXativ. Sangall., c. 2 t Ex g<strong>en</strong>ere Cappadociae et nutritus est in Palt<strong>en</strong>e<br />

patriac (.sic).<br />

3) 1-tuber, p 40 G<strong>en</strong>ere Cappadocus et b<strong>en</strong>e agi Christo propitio triumphuns,<br />

civis Palaestinac. Copte. p. 206 : I am by birth a Cappadocian arid<br />

I performed my clulies satisfaeLorilv in Palestine, where I servcd. - Manque<br />

clans Àrm. lthiop. Le service militaire dont, suivant les textes les plus sûrs,<br />

Georges se serait acquitté cii Cappadoce, est transporté ici h la Palestine.<br />

1) GaIl., eh. 3 Die mihi de qua civit.ate es tu vel quod dicitur nom<strong>en</strong> tuum?<br />

Cf. Iluber, p. 40 et le ParU, clans l'App. Extr. III. flepris textuellem<strong>en</strong>t dans la<br />

passion de S. Lupercius, AA. SS. Juin, V, p. 352 8. - Le Grec a écourté cet<br />

interrogatoire, Krumb., p. 1. 1. 6 mais cf. p. 20, 1. 20 : 6Ocv ôpse. Copte, p. 20:<br />

TelI rue (rom wherice thon comest 7 Manque lans Arm.<br />

5) Cod Valliceïl., III, f. 158 h ; cod. \atic. lut. 7810, f. 66, col. a. - C'est la<br />

rédaction m<strong>en</strong>tionnée Bibi. haq. lai., I, p 503, n 0 .3366.<br />

6) Real<strong>en</strong>c. s. y . Thekoa. L'ethnique u ailleurs les formes Thecuiles, Thecu<strong>en</strong>us<br />

(De Vit, Onom., s. y . Thecua). Thecu<strong>en</strong>sis de l'hagiographe r<strong>en</strong>d probablem<strong>en</strong>t<br />

le grec ®cxou,v6ç.


18 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />

souv<strong>en</strong>t non seulem<strong>en</strong>t la cité mais le village d'où ceux-ci<br />

étai<strong>en</strong>t originaires 1 , il ne paraftra pas impossible qu'une donnée<br />

auth<strong>en</strong>tique ait été ainsi conservée jusqu'au temps tic Pasicratès.<br />

Georges serait alors un soldat ou ollicier qui, né à<br />

Thécua <strong>en</strong> Palestine, servait dans une légion (le Cappadoce,<br />

peut-être à Mélitène. Mais il se peut aussi que quelque moine,<br />

qui connaissait sa Bible, ail, vou'u assigner pour patrie à ce<br />

grand saint le lieu qui avait donné le jour au prophète Amos.<br />

Il sera impossible (l'apprécier la valeur de la leçon j<strong>en</strong>ere<br />

Thecu<strong>en</strong>sis, tant que l'on n'aura pas mieux établi la filiation<br />

(les traductions latines du roman (le Pasicratès.<br />

Abandonnons donc la recherche d'une réalité <strong>en</strong>core insaisissable<br />

pour suivre notre hagiographe dans le royaume fictif<br />

que sa fantaisie a peuplé d'èlres imaginaires. Dadianos <strong>en</strong>voie<br />

des lettres « à toute la terre » promettant une réroiupeiise de<br />

tr<strong>en</strong>te livres d'or et soixante d'arg<strong>en</strong>t si quis ,nagus poleril<br />

,naqica,n chrislianoruni soleere 2. Le mage Athanase se prés<strong>en</strong>te,<br />

murmure quelques mots dans l'oreille d'un taureau, qui<br />

aussitôt se f<strong>en</strong>d <strong>en</strong> deux parties égales, puis il ressucite sa<br />

victime. Après avoir ainsi fait montre de sa puissance, il<br />

prononce des incantations sur une coupe, qu'il ofTre à Georges,<br />

mais celui-ci ayant bu le l-reuvage maléfique n'<strong>en</strong> ress<strong>en</strong>t<br />

aucun malaise. - Ici <strong>en</strong>core nous Sommes <strong>en</strong> Perse, non dans<br />

l'Empire romain. Car c'est là que les Mages form<strong>en</strong>t. un clergé<br />

soumis au roi et qu'il peut leur lancer une convocation. C'est.<br />

là qu'on put voir, dit-on, Chosroès <strong>en</strong>touré de 360 « devins<br />

magici<strong>en</strong>s et astrologues » qu'il consultait clans les cas embarrassants<br />

3. Il est significatif que dans le livre de Daniel 4, le<br />

roi Nabuchodonosor appelle les <strong>en</strong>chanteurs, les mayes, les<br />

1) Par ex. Dessau, lnscr. sel. 2091.<br />

2) D'après Lat. Gali. e. 6 Paris. App<strong>en</strong>dice extrait IV; cf. I liiber, p. 42. L'Arrn.,<br />

p. 256, <strong>en</strong> est très proche. Cf. Copte, p. 08 et 291. Le passage manque dans le grec<br />

par suite d'une ucune.<br />

:3) Tabari, Lrail. Nûkieke, - 3c .l s. Cf. Christ.<strong>en</strong>seri, Empire des .Sassanides,<br />

p. 41. ri. 5.<br />

••fl Funiel, li, K?. stItV " rn.».; xt 'r x Tr); 2:y',uç<br />

xi rrji5 9pexo'ç xd 'ro Xù.&dou:, et il leur promet /.7 6OipeÇ<br />

lcx)


LA PLUS ANCIENNE LIGENDE DE SAINT GEOIIGES l<br />

sorciers et les Chaldé<strong>en</strong>s pour leur expliquer son songe et leur<br />

promettre, comme Dadianus, une riche récomp<strong>en</strong>se. A Rome<br />

la magie est. une profession interdite par le droit pénal et<br />

qui fait <strong>en</strong>courir la peine (le mort'.<br />

Les récits hagiographiques ont, souv<strong>en</strong>t reproduit l'épisode<br />

d'une luttc <strong>en</strong>tre un magici<strong>en</strong> et un chréti<strong>en</strong>, qui confond<br />

son adversaire par ses miracles. Ce motif littéraire remonte<br />

jusqu'aux amplifications juives du chapitre Vil de l'Exode<br />

où, <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce du Pharaon, les « mages et <strong>en</strong>chanteurs »<br />

égypti<strong>en</strong>s reproduis<strong>en</strong>t les prodiges accomplis par Moïse et<br />

Anron. La haggada connaît. les noms de ces thaumaturges,<br />

,Jannès et Jambrès (ou Marnbrès) et., dès avant l'ère chréti<strong>en</strong>ne,<br />

il circulait sous leurs noms un livre qui racontait leur dispute<br />

merveilleuse avec Moïse 2. Or, dans cette littérature édifiante,<br />

la scène du taureau qui meurt. d'un mot chuchoté à son oreille,<br />

et qu'<strong>en</strong>suite on ressucit,e, est traditionnelle. l)ans les Actes<br />

apocryphes de Pierre, qui remont<strong>en</strong>t probablem<strong>en</strong>t à un<br />

original gnosl.ique du ii siècle s, elle fait partie de la joute à<br />

coups de prodiges <strong>en</strong>tre l'apôtre et Simon-le-Mage dans la<br />

ville de lionie : le taureau s'abat dès qu'il <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d la parole<br />

de Simon et il recouvre in vie grâce à une prière de St_Pierre4.<br />

Dans les Actes de 5t Porphyre le Mime, martyr de Césarée.<br />

ce sont des prêlres d'Apollon qui, parlant à l'oreille (lu taureau,<br />

le font succomber, mais ils ne parvi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pas à le<br />

1) Momms<strong>en</strong> .S!ra!rechl. p. 639 ss.<br />

2( Cf. Schorer. Ge.cJr. des .Jiid. Volkes, t. IIP, p. 292-4; Real<strong>en</strong>c. s. y . Mambres<br />

3) Bard<strong>en</strong>hewer, Geeeh ,.411r/rr. Lii, 12, p. 55() se.<br />

4) Malalas, p. 255 Bonn : Ki &(vov (Pierre et Simou) é', 'rj 'Pdn vooii3v.<br />

TC O6LZ'( 7téVaVT iX).Xn)V' xl ê u.' ii.cav 6 .scyoç ci0é'rrroç épou<br />

ceyi'Âou etcv elç è dyriov 'te) ).6yo' xxl crOaç 6 'êp'ç 0rvc xxl<br />

&()U IL cTO 6 l)1(oJ 6 & Ilérpo; bOCa tZVOÇ éTti. 7&VT(ÙV é7robaz<br />

&v.t 'êv pov, 'i .SéOE Ti 18m) mr6tï 6 êrè; 'tx5po;.<br />

Le même récit et reproduit., riaprés Malalas, mais abrégé, dans Georges le Moine<br />

(t.. I. p. 366, 3 I)e Boor), Cedr<strong>en</strong>us (I, F'-<br />

19 Bonn), et d'autres chroniqueurs<br />

hyzantins ; il se retrouve dans les versions slaves et <strong>en</strong> syriaque chez D<strong>en</strong>ys bar<br />

Salibi (cf. Anal. lin!!., XXI, 1902, p. 132). Les Adus Petri rom .Simone du rns. de<br />

\erceil, ch. 25 (p. 72 Lipsius-Boririet remplac<strong>en</strong>t le Laureau par un <strong>en</strong>fant. Lipsius<br />

fie apncrrjphe.n .'tpo4eleschidii<strong>en</strong>, t. II, 1 (1857;, p. 21G) a cru que cette (orme do<br />

la lég<strong>en</strong>de était primitive, et que le taureau avait été substitué é cette victime<br />

humaine. Un simple exposé ries fait.s suffira è réfuter cette opinion. 011 u mis l'<strong>en</strong>fant.<br />

é la place du taureau pour corser le miracle, qui dans sa naïveté première<br />

pouvait prêter û rire.


20 REVUE DE L'hISTOIRE DES RELIGIONS<br />

ranimer, ce qu'accomplit la prière du saint 1 . Comme nous<br />

avons de sérieuses raisons ile croire cet épisode emprunté<br />

è la Passion de St Geores 2, 1(0115 pouvons négliger cette<br />

narration remaniée.<br />

La lég<strong>en</strong>de de S Sylvesi re, où l'épisode du taiii'cau ('SE.<br />

développé plus que partout ailleurs, mérite (le nous ret<strong>en</strong>ir<br />

davantage 3. A l'instigation de 5t liélène, <strong>en</strong>core juive, douze<br />

ral)bins <strong>en</strong>gag<strong>en</strong>t une lontue controverse avec le pape, qui<br />

réfute victorieusem<strong>en</strong>t, les onze premiers. Le (lt'rnwr noitimé<br />

Zamhri 4 ou Zambrès pret<strong>en</strong>d alors montrer sa supériorité<br />

non par des paroles mais par des actes. Il réclame Ufl taureau<br />

indomptable qu'il se fait fort de tuer <strong>en</strong> prononçanL te nom<br />

de son Dieu s nom que ni l'ouïe (les hommes, ni celle du bétail<br />

ou des oiseaux ne peut supporter et. qu'on ne peut écrire<br />

sur le papier, le parchemin, le lois ou la pierre sans que meure<br />

l'écrivain et que soit. dissipée la niatière dont il s'est servi 5 e.<br />

Ce nom, Zainbri a vu un doigt le tracer au fond d'une coupe<br />

neuve d'arg<strong>en</strong>t, remplie d'eau de source, sur laquelle il avait<br />

prononcé une incantation 6. On amène donc. le taureau fort<strong>en</strong>i<strong>en</strong>t.<br />

lié le thaumaturge lui dit le nom magique è l'oreille<br />

aussitôt la bête redoutable expire <strong>en</strong> mugissant. Mais Zarribri<br />

se déclare incapable de ressusciLer sa victime. Sylvestre ayant<br />

1) Van De Vorst, Analecta Bollandiana, XXIX, 1910, p. 273.<br />

2) Cf. supra, p. 10.<br />

3) Le texte original, c'est-à-dire latin, de ces Actes u éI.é publié par Mombritius,<br />

Sanctuarium sive eilac sanctorum, t. Il de la réimpression bénédictine (1910).<br />

L'interv<strong>en</strong>tion de Zarnbri comm<strong>en</strong>ce p. 525. - La versioil grecque a été éditée<br />

par Combefis, lllustrium martqru,n lecli triurnphi, Paris, 1666, p. 327 es. Des<br />

extraits importants <strong>en</strong> ont tté introduits tiatis la Vila Constanhini publiée par<br />

Opitz, Mélanges Bide:, 1935, t. 11.<br />

4) Le me. suivi par Mombritius d<strong>en</strong>e Zain bri. La traduction grecque orthographie<br />

Zxz. Cf. infra, p. 21. n. 4.<br />

5) 1' .526 Norn<strong>en</strong> quod nulla ratione potest humanus, volucruinque pecuduni<br />

(lue sulierre auditus... non cartita, non membrana, flou ligna, non lapides<br />

hoc nom<strong>en</strong> possunt habere conscriptun. st.a tint <strong>en</strong>im et qui scribit interit et ubi<br />

scriptum fuerit (iissolvitur. - Cf. Coinbefis, p. 327 e.<br />

6) La pra t que magique l ta léca fuma ri e ic ccl bi<strong>en</strong> con nue (cf. Jicul,'ne.<br />

s. y . Lekauomanteia '). ruais on litera quelle étuit cil particulici uive .Jo1ili<br />

l'avait pratiquée (G<strong>en</strong>èse. XLI\, , , t cest. , lui sans iloute lue Zainh,ri<br />

eluhirulite sa coupe iIue g<strong>en</strong>t Sa Ion ion passai t pour avoir <strong>en</strong>seigne I , hygritmancic<br />

cf. Cal. codd. ashr., VIII, 2, p. lii ss.


LA PLUS ANCIENNE LlGENDE flE SAIN'!' GEOPI;ES 2l<br />

invoqué Dieu y réussit et le taureau, apprivoisé par lui,<br />

retourne doucem<strong>en</strong>t è son troupeau'.<br />

Mgr Duchesne, qui a sourriis les Actes de Sy]vestre à une<br />

analyse pénétrante, a démontré qu'ils ont été rédigés à Rome<br />

vers la fin du Ve siècle, mais qu'ils conti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t une forte<br />

proportion d'élém<strong>en</strong>ts syri<strong>en</strong>s. En particulier on peut. considérer<br />

- je cite ses propres paroles 2 - « l'épisode (le Const.aiitin<br />

et d'Tlélène non seulem<strong>en</strong>t comme l'expression d'une lég<strong>en</strong>de<br />

imaginée <strong>en</strong> Ori<strong>en</strong>t, mais <strong>en</strong>core comme le calque fldèle d'un<br />

récit sorti cl 'une plu me ori<strong>en</strong>tale ».<br />

On peut, p<strong>en</strong>sons-nous, préciser davantage poil!' la COflipétition<br />

de Sylvestre et de Zambri. morceau hétérogène, qui<br />

vi<strong>en</strong>t s'ajouter gauch<strong>en</strong>i<strong>en</strong>t à une dispute théologique avec<br />

(les rabbins. Zambri est le nom d'un roi d'Isral. qui eut un<br />

règne éphémère (le sept jours c'est aussi, dans la Bible, celui<br />

d'un impie, qui fut tué :onime adorateur de Beelphégor 3. Il<br />

a donc été emprunté par l'auteur de la lég<strong>en</strong>de à l'1icriture,<br />

mais, s'il a été choisi, c'est, semble-t-il, à caiis. de sa resseinblance<br />

avec celui qui 1)r<strong>en</strong>d ailleurs les formes Jambrés,<br />

Mambrés, Mamré 4. l'auteur supposé du vieux livre cité plus<br />

haut.. (tout ce hors-d'ouvre serait tiré. On pouvaiI lire <strong>en</strong>core<br />

cet. ouvrage datis la Borne du Ve siècle, puisque le (1é4'l'i't<br />

gélasi<strong>en</strong> , qui est tle (:e temps ou de peu postérieur, le m<strong>en</strong>tionne<br />

parmi les apocryphes qu'il condamne5.<br />

Si nous nous <strong>en</strong>quérons de la forme prise dans la liaggada<br />

par la dispute de Moïse et d'AaroIL avec les magici<strong>en</strong>s <strong>en</strong><br />

1) Cumparer supra p. UI, ri. 1, la tin du récit, de Malalas.<br />

2) L. Duchesne, 1.1 ber Ponli/kalis. t. 1, IntroI. p. cxix.<br />

3) III Iteg. li), 9-lU et Nombre XXV, 1-3, 6-8, l-1S. Le ineurtie de Zimri (sic)<br />

par Vhinéas s fourni i la liaggiki laie ample matière miracles, cf. Giniberg.<br />

Leg<strong>en</strong>ds of flic ,Jcu's, III, • 383 .<br />

.1) Nous avons dit que le texte latin b la forme Zanihri, la traduction grecque<br />

Zxzépiç. De même ]e nom du vieux magici<strong>en</strong> varie: les Grecs l'appell<strong>en</strong>t 'Jqp,<br />

les Latins ordinairezii<strong>en</strong>t .%tarnbres. le Talmud 3fanirc (Scli(irer, f. e.). Je ne sais<br />

si ce nom peut être mie <strong>en</strong> rappurt avec les uLo 'lILpC qui habitai<strong>en</strong>t la Transjordanie<br />

selon I Maccliah. t, 3G-37.<br />

5) Seliurer, 1. e. l.itjr qui appellatur Pacnht<strong>en</strong>tia Jamais et Mambre apocrydhus.


22<br />

REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />

prés<strong>en</strong>ce de Pharaon, nous serons frappés de sa ressemblance<br />

avec le roman de Pasicratès. Pharaon y est donné comme « le<br />

maître du monde <strong>en</strong>tier s qui siège dans son palais, « <strong>en</strong>touré<br />

(le nombreux rois' s. Le chiffre n'<strong>en</strong> est pas indiqué, mais<br />

Pharaon a « soixante-dix secrétaires, chargés de la correspondance<br />

du roi <strong>en</strong> soixante-dix langues e, ce qui est cii effet le<br />

nombre des nations de la terre, comme nous l'avons vu2.<br />

De part et d'autre le maître (lu monde est gardé par des<br />

troupes innombrables. Moïse et Aaron parl<strong>en</strong>t au roi d'Égypte<br />

de la puissance de leur Dieu universel presque clans les termes<br />

dont se sert Georges dans une prire, à laquelle Ou a ajouté<br />

une conclusion chréti<strong>en</strong>ne 3 . Aprés cette discussion, Pharaon<br />

convoque ses magici<strong>en</strong>s Jannès et .lambrès comme Dadianos<br />

fait v<strong>en</strong>ir Athanase. Il paraît probable que la tradition<br />

rabbinique et tout le début de notre Passion r<strong>en</strong>iont<strong>en</strong>t à<br />

une source commune, la prodigieuse histoire de Jannès et<br />

Jambrès composée à l'époque hellénistique.<br />

Chose curieuse, ni le compilateur de nos Actes, ni le<br />

rédacteur de la lég<strong>en</strong>de de Sylvestre 4, n'ont su quel était ce<br />

nom formidable dont le simple énoncé semait la mort parmi<br />

tous les êtres animés. Leur source <strong>en</strong> effet ne pouvait pas le<br />

leur indiquer puisqu'il était déf<strong>en</strong>du de l'écrire. Mais ce<br />

om divin que le niagici<strong>en</strong> juif avait proféré était évidemm<strong>en</strong>t<br />

« lahvé s. On sait qu'il était interdit de prononcer ce<br />

vocable sacré, que l'on croyait doué d'un pouvoir magique<br />

extraordinaire 5. Celui qui <strong>en</strong>freignait cette déf<strong>en</strong>se, s'exposait<br />

1) Ginzberg, Leg<strong>en</strong>ds 0/ lite Jews, 11, p. 331 ss. ; cf. J. Bin-Gorion, Die Sa y<strong>en</strong><br />

dec Jud<strong>en</strong>, 11135, p. 439.<br />

2) Cf. supra, p. 13, n. 1.<br />

3) Not.ez <strong>en</strong> particulier Lat. Gal]., eh. 8 (= Copte, p.21l; Grec Lrumb., p. 5,<br />

25 es.) Domine qui confirmasti terruin et camerasLi caclum et nubc adiniplesti et.<br />

plues super iustos et iniustos, Domine, qui con(irrnasti terram et montes et orimia<br />

quaecumque in tua virtute, et colles et caltipos... . et Ginzberg, p. 333. FIe cuvers<br />

the hcav<strong>en</strong>s with clouds, ut bis word tue dew and Lhe rani desc<strong>en</strong>d eai ULward...<br />

lIe created Oie mountains and the valleys, lie stretctied oui the earth hy n word,<br />

lic made Lite mountains witlt lis wisdom.<br />

4) Cf. Mombrtius, p. 528 : Sylvester inclinavit se ad aurem, in qua norn<strong>en</strong><br />

nescio quod dixerat Zambri.<br />

5) Prohibition du nom de lahvé : G. T. Moore, Jadaism in the first c<strong>en</strong>turies of<br />

lite Christiun era, I, 1927, p. 424 es.


LA PLUS ANCIENNE LIGENDE DE SAINT GEORGES 23<br />

selon les rabbins i périr misérablem<strong>en</strong>t 1. Parmi les passages<br />

qui exprim<strong>en</strong>t cette conviction, il <strong>en</strong> est un qui offre une<br />

ressemblance frappante avec les histoires d'Athanase et de<br />

Zambri. Artapanos, qui au e siècle avant notre ère écrivit<br />

une histoire des Juifs outrageusem<strong>en</strong>t romancée, raconte que<br />

Pharaon ayant pressé Moïse de lui dire le nom (le Dieu, le<br />

prophète se p<strong>en</strong>cha vers son oreille et Je lui murmura<br />

l'ayant ouï, le. roi tomba sans voix, mais Moïse le saisit et<br />

lui r<strong>en</strong>dit la vie. il traça <strong>en</strong>suite ce nom sur (les tablettes<br />

qu'il scella, et un (les prêtres, ayant dénigré cet écrit, expira<br />

dans des convulsions2.<br />

Il est donc hors de doute que le motif traditionnel du<br />

taureau qui meurt (l'un moi qu'on lui souille clans le creux<br />

de l'oreille et est <strong>en</strong>suite miraculeusem<strong>en</strong>t ranimé remonte<br />

au judaïsme alexandrin : il doit. montrer que la puissance<br />

redoutable du nom de Iahvé s'ét<strong>en</strong>d non seulem<strong>en</strong>t sur le<br />

g<strong>en</strong>re humain, rriais sur tout le règne animal, comme le dii<br />

expressém<strong>en</strong>l.. la lég<strong>en</strong>de de saint Sylvestre (p. 20).<br />

Mais où 1'hagioi'aphe a-L-il pris l'idée, qui lui apparti<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> propre, d'une division magique du taureau <strong>en</strong> deux moitiés<br />

? Celles-ci, selon certaines rédactions, se serai<strong>en</strong>t. réunies<br />

pour permettre d'atteler au joug l'animal ressuscité 3, ou bi<strong>en</strong><br />

elles aurai<strong>en</strong>t donné naissance i deux taureaux 4 ou <strong>en</strong>core elles<br />

aurai<strong>en</strong>t été pesées et trouvées rigoureusem<strong>en</strong>t ég;ules 5, variations<br />

de la lég<strong>en</strong>de qui momit.r<strong>en</strong>i qu'il s'est produit, ici quelque<br />

1) l)ie Religion des Jud<strong>en</strong>lums im spiifhell<strong>en</strong>is!. Zeilallcr,<br />

19'26, p. 309, n. 2. Sijr le pouvoir magique attribué <strong>en</strong> général aux nomina barbare,<br />

cf. nos Relig. uri<strong>en</strong>lales 4, p. 2 lU, notes 72 es.; Realeoc. s. y . Magia ', p. 334 s.<br />

2) Eusèbe, Pruep. evang.. IX, 2i-2G I'. FI. G. III, p. 223 (Tv ùaj<br />

MoŒm TriS... OCrJS eir' 5vr rJty<br />

oiç c7vcZv, &oiavx S r' a,nX& çxavo, S xprOvr Sè ur') roS<br />

Meoou ,tÀv x. t. ).. Artapar racontait <strong>en</strong>suite le miracle de la verge<br />

changée <strong>en</strong> serp<strong>en</strong>t, ce qui montre que son récit provi<strong>en</strong>t dune amplification lég<strong>en</strong>daire<br />

di l'Exode 7, 9 se. - (in rapprochera dc 'e récit fal,nle,mx ce qui se produisit<br />

quand F'tolémée Pliiladelplme <strong>en</strong>tra ilan le Saint des Saints, c'est-à-dire se trouva<br />

401 prés<strong>en</strong>ce de Iahvé, selumi Macehab. 1H, 2, 21 se.<br />

3) Lat. cli. 6 (GalI. : Paris. {App. fr. 1V et fluber) ; Armn., p. 257.<br />

4) Grec Krumbncher, p. 5, n. 4 )I'épisode apparait dans un fragm<strong>en</strong>t du<br />

palimpseste). Latin : Zarmicke, Beriehte 0es. Wiss. Leipsig, 1875, p. 268, c. 6.<br />

5) Copte, p. 209.


21 REVUE DE L'I-IISTOIRE DES RELIGIONS<br />

confusion. La sagacité de Zwierzina' <strong>en</strong> n aperii la source<br />

elle est due au double s<strong>en</strong>s du mot, uy6ç qui signifie «joug>) et<br />

« balance » et c'est la troisième conclusion donnée à cet épisode,<br />

qui est la vraie. Sans doute le Pseudo-Pasicratès avait-il<br />

connaissance d'une forme de sacrifice très répandue, chez les<br />

Juifs pour les serm<strong>en</strong>ts 2, <strong>en</strong> Grèce et chez d'autres peuples pour<br />

les lustrations 3 et qui consistait à couper <strong>en</strong> deux I;, victime<br />

immolée, n lin dc faire passer <strong>en</strong>tre ses morceaux ceux qu'eut<br />

voulait lier par un <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t ou purifier de leurs souillures4.<br />

Le récit de nos Actes c.appadoci<strong>en</strong>s diffère <strong>en</strong>core des autres<br />

histoires analogues <strong>en</strong> un point ess<strong>en</strong>tiel.<br />

Le mage perse Athanase qui n fait, mourir le taureau,<br />

le fait aussi revivre : l'exploit qu'il accomplit (bit, ainsi<br />

1) Cf. Paris, App. fr. IV, note,<br />

2) L'érudition dc Bochort, liie,owicon (11,33, éd. Ros<strong>en</strong>mûller, 1703, t. I, p .333)<br />

s déjà réuni les principaux témoignages cf. Roberteon SmiLli, Religion of Ike<br />

Semites3, p. 4S1.<br />

3) Frazer, comm. de Pausanias, iII, 20 (t. 111, p. 367) ni. Folklore in lite OId<br />

Tesiam<strong>en</strong>t, 1, 301 n selon sa coutume accumulé une foule d'exemples de cette<br />

coutume pratiquée chez les peuples eiviIiss et non civilisés.<br />

4) Puisque nous sommes à la cour du roi de Perse, peut-être sera-L-il permis<br />

de signaler une curieuse persistance de ce mode de purification jusque sous les<br />

Sassamiides. On connait la lustralion de l'armée macéloni<strong>en</strong>ne, ii laquelle on procédait<br />

chaque année au mois de Xanthikos (liésychius, s. y v0tx) et sans doute<br />

aussi au mom<strong>en</strong>t d'<strong>en</strong>trer <strong>en</strong> campagne : on faisait défiler le roi, sa fnmille et ses<br />

troupes <strong>en</strong>tre les deux moitiés d'un chi<strong>en</strong> placées de chaque cété de la route.<br />

(Quinte Curce, X, 0, 12 (sous Perdiecas) Tilt-Lice Xl., fi et 13 [sous Persée).)<br />

C'était 15 proprem<strong>en</strong>t une opération magique, l'animal iniinolé devant capter<br />

au passage les influ<strong>en</strong>ces malignes qui aurai<strong>en</strong>t pu compromettre le salut du souverain<br />

ou de son armée (Cf. Loisy, Le Sacrifice, 1021), p. 334 «s.). Mais cette lustration<br />

collective, suivant les croyances de la magie, devait avoir <strong>en</strong>core. plus<br />

delficacité, si l'on sacrifiait un être liummiain. L'histoire fabuleuse de l'gypte<br />

racontait que le roi Boechoris avait appris par un songe qu'fl ne pourrait poursuivre<br />

heureusem<strong>en</strong>t son règne, s'il ne f<strong>en</strong>dait <strong>en</strong> deux tous les prêtres pour passer <strong>en</strong>tre<br />

les morceaux de leur corps (Diodume, I, 6). Ilérodote rapporte que Xerxès fit<br />

ainsi couper <strong>en</strong> deux le fils amné du Lydi<strong>en</strong> Pylhius et placer les moitiés du cadavre<br />

à droite et à gaucho du chemin que devai<strong>en</strong>i pr<strong>en</strong>dre ses troupes (Hérod., VII, 39;<br />

cf. S<strong>en</strong>èque, De Iris, III, 16, 4 ; Plutarijue, Malter. eirt., 27, p. 263.) Dii pourrait<br />

croire que le vieil histori<strong>en</strong> n gratuitem<strong>en</strong>t prèté aux Perses la coutume unucédoni<strong>en</strong>mle,<br />

si le même traitem<strong>en</strong>t atroce n'avait été infligé à des victimes de la persécution<br />

de Salwr Il, Tarbé [<strong>en</strong> grec Txp6oi). ou ®rp6o6 et ses compagnes. Les J uifs<br />

ayant accusé ces saintes femmes l'avoir provoque Une nialadie le la reine par leurs<br />

maléfices, Sapor les fit scier <strong>en</strong> deux et les moitiés de leurs corps fui<strong>en</strong>t «upcitdues<br />

à des pieux <strong>en</strong>tre lesquels un fit passer la reine ç op'htceov u ,Su,.Onhi'!me,<br />

11, 12) ; puis l'armée, qui allait se mettre <strong>en</strong> niarelte, la suivit, le roi u 50 tête ((Jskar<br />

Braun _4ugscu'dImllc ,1kl<strong>en</strong> Persisclier Jiùrlqrer ans ri<strong>en</strong>t yr. dherael:t, p. 92 Iielebaye,<br />

Aetcs des nmw'lyrs persans sous .5ajur t I, p• .113;. (in paru il lotie s'être servi<br />

de condamnés è mort pour accomplir un sacrifice humain traditionnel.


LA PLUS ANCIENNE J.IGENDE DE SAINT GEORGES 25<br />

fournir la preuve de son savoir-faire, avant qu'il <strong>en</strong>tre <strong>en</strong><br />

compétition avec Ceorges. On ne peut manquer d'être frappé<br />

de la place qu'occupe dans la lég<strong>en</strong>de du martyr les résurrections<br />

de taureaux. Dans nos vieux Actes, l'épisode de Scholastique<br />

<strong>en</strong> offre un second exemple cette veuve a perdu<br />

un de ses boeufs, tandis que son fils le liait au joug. Georges<br />

lui donne sa baguette magique qu'elle pose sur le cou de la<br />

bête <strong>en</strong> ordonnant à celle-ci de se relever, ce qui se réalise<br />

aussitôt. 1 . Selon d'autres rédactions de la Passion, un prodige<br />

semblable s'accomplit; au profit du laboureur Glycérius2.<br />

Dans la série des Miracles du saint, un des plus anci<strong>en</strong>s - il<br />

se place, nous l'avons vu, <strong>en</strong> Cappadoce sous Théodose - est<br />

ccliii du fermier Théopistos. La résurrection du taureau y<br />

est. accompagnée de celle de tout le reste du bétail3.<br />

On pourrait s'étonner de l'insistance avec laquelle les<br />

hagiographes mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> relief une action qui, pour notre<br />

m<strong>en</strong>talité moderne, paraît. assez vulgaire et frise même le<br />

ridicule. On dira, il est vrai, que la Cappadoce avait une<br />

population ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t rurale et que pour un pauvre<br />

paysan la perte d'un boeuf pouvait être une catastrophe digne<br />

de provoquer l'interv<strong>en</strong>tion des puissances célestes. Mais<br />

si nous nous souv<strong>en</strong>ons que, dans le folklore de la Géorgie,<br />

S Georges, voleur dc boeufs, a hérité des fonctions de Mithra,<br />

le Oç Çoux?6îo 4, nous soupçonnerons que l'importance prise<br />

dans la lég<strong>en</strong>de du saint par le taure;i u provi<strong>en</strong>t de celle<br />

qu'aicordai<strong>en</strong>t. déjà à celui-ci les croyances des mages de<br />

Cappadoc.e . Pour les ivazdé<strong>en</strong>s. le boeuf est l'animal bi<strong>en</strong>faisant<br />

par excell<strong>en</strong>ce, célél)ré et )rOLégé par la reli gion, et un<br />

mythe étrange liii assignait un rôle prinloI'ilkll dans l'histoire dc<br />

l'univers. Prciïiier né dc tous les ètres vivants, le Taureau<br />

1) Grec p. 8, IS: Latin, eh. 12 ; Copte, p. 11S. Tliéodotc Aric., copte, p. 301<br />

Ethiop. p. 219., Cf. App<strong>en</strong>dice extrait VIl et la note.<br />

2) Acta SS., 23 avril, p. xiii, eh. 2e p. xviii, eh, 20, cf. p. xxiii. Kruni.bacher,<br />

9,). ciL., p. 37, p. 48, cf. p. 149.<br />

3) Miracula S. Gcorgii, éd. Aufliauser, p. 44 ss. Cf. supra, p. 16.<br />

4) Cf. sur ce point un article qui duji, paraitre dans le Journal of Roman siudies.<br />

5) LobservaLioji <strong>en</strong> a déjà été faite par von Gutchmid, op. cil., p. 194.


26 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />

Primitif provoquait par sa mort la naissance de toute la<br />

végétation et son âme continuait à veiller sur les espèces<br />

animales à la fin des temps, il devait réapparaître afln que<br />

fût composé pour les hommes un breuvage d'immortalité.<br />

Selon la doctrine (les e magusé<strong>en</strong>s » d'Asie Mineure, Mithra<br />

qui avait aux origines du inonde immolé le Taureau, était<br />

probablem<strong>en</strong>t aussi chargé de le ressusciter à la fin des temps'.<br />

Dans un milieu nourri de telles croyances, même un grand<br />

saint ne paraissait pas déroger <strong>en</strong> accomplissant ce dont un<br />

dieu passait pour avoir donné l'exemple.<br />

Les événem<strong>en</strong>ts destinés à se produire à la fin (lu monde<br />

ont beaucoup préoccupé les mazdé<strong>en</strong>s et t<strong>en</strong>u une grande<br />

place dans leur littérature religieuse. Plusieurs livres prét<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t<br />

décrire les fléaux qui devai<strong>en</strong>t désoler la terre jusqu'à<br />

la v<strong>en</strong>ue du Sauveur qui ressusciterait les hommes, les jugerait<br />

et les ferait passer à travers un fleuve de feu, qui épargnerait<br />

les justes pour ne brâler que les coupables 2. Dans le<br />

monde judo-hellénique, ces écrits irani<strong>en</strong>s ont inspiré des apocalypses<br />

apocryphes, telle que celle d'Hystaspe. que Lactance,<br />

avec une confiance ingénue, a mis largem<strong>en</strong>t à contribution.<br />

Il nous parait certain que le soi-disant Pasicratès, <strong>en</strong><br />

rédigeant son réc{t fabuleux, a eu dans l'esprit et peut-être<br />

sous les yeux un ouvrage de ce g<strong>en</strong>re, Lorsque le roi. 1'ranquillinus,<br />

pour mettre Georges à l'épreuve, lui demande de<br />

ressusciter les morts t itie conti<strong>en</strong>t un sarcophage de plomb3,<br />

on ouvre celui-ci <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce des soixante-douze rois, et l'on<br />

n'y trouve qu'un peu de poussière. Mais sur la prière du<br />

saint4, l'air s'obscurcit, le tonnerre éclate, un éclair desc<strong>en</strong>d<br />

1) Mea. Mysi. de Milhra, t. I, p. 186 se.<br />

'2) Je tac permets de r<strong>en</strong>voyer pour ce point mon article sur Ia fin do nionde<br />

selon les mages occid<strong>en</strong>laux dans Remis de liii»!. des religions, CIII, 1931, p. 20-96.<br />

Cf. CV, 1932, p. 101. II o été complété par B<strong>en</strong>véniste, Une apocalypse pehirie.,<br />

le 2mdsp-Ndrnak (ibid., CVI, 1932. p. 337-380). Cf. Raitev, fluiletin cf lite. scltool<br />

0/ ori<strong>en</strong>tal tudies. V, 1931, p. 5S1 ss. Messina Il .'arsshqa,tl asile lradi:ione iranica,<br />

dans Ori<strong>en</strong>lalia. I, Reine, 1932, p. 119 es.<br />

3) Grec, p. 8, '26 ss. Krumh. l.at. Gail. e. 13 ; cf. Iîuber, e . 4G. - Cf. Copte,<br />

p. 219, Arm., p. 262, Ethiop., p. 80.<br />

4) La version latine (eh. i3, Gail. : Oravit fcre horabus duohus ut nullus audiret<br />

vocem cius; cf. Huber, p. 45) note que c'était une prière muette. Les longues


LA PLUS ANCIENNE LÉGENDE DE SAINT GEORGES 27<br />

sur les pauvres restes des défunts, et de la tombe surgiss<strong>en</strong>t<br />

cinq hommes, neuf femmes et trois <strong>en</strong>fants, décédés depuis<br />

quatre c<strong>en</strong>ts ans. C'est une anticipation <strong>en</strong> petit de ce qui<br />

doit avoir lieu au dernier jour.<br />

La triple résurrection du martyr lui-même est le trait. le<br />

plus caractéristique de la lég<strong>en</strong>de la plus anci<strong>en</strong>ne 1. Elle<br />

découpe ce drame prodigieux <strong>en</strong> trois actes suivis d'un dénoûm<strong>en</strong>t.<br />

Trois fois, le martyr expire dans d'horribles supplices<br />

et trois fois, Dieu ou S Michel desc<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t (lu ciel pour lui<br />

r<strong>en</strong>dre la vie, au milieu d'un grand bouleversem<strong>en</strong>t (le la<br />

nature. Il est vraisemblable qu'<strong>en</strong> imaginant ces miracles, le<br />

rédacteur (le notre Passion s'est <strong>en</strong>core inspiré (les croyances<br />

que les mages avai<strong>en</strong>t répandues <strong>en</strong> Cappadoce. On sait que<br />

selon l'eschatologie rnazdê<strong>en</strong>rie, trois Sauveurs, que trois<br />

vierges concevront de la sem<strong>en</strong>ce de Zoroastre, vi<strong>en</strong>dront<br />

successivem<strong>en</strong>t, quand les temps seront révolus, combattre<br />

l'Esprit du mal et rénover le monde 2. Selon le zoroastrisme<br />

orthodoxe, c'est au dernier seul, à Saoshyant qu'il apparti<strong>en</strong>dra<br />

de ressusciter les morts, mais il <strong>en</strong> était autrem<strong>en</strong>t<br />

chez les Magusé<strong>en</strong>s d'Asie Mineure, car l'Arméni<strong>en</strong> Eznig,<br />

qui combat cette doctrine, la conçoit comme « une triple<br />

résurrection 3 ». C'est une description de ces grands événem<strong>en</strong>t.s<br />

(le l'av<strong>en</strong>ir que Pasicratès se rappelle <strong>en</strong> écrivant.<br />

prières à voix basse étai<strong>en</strong>t dans l'antiquité propies aux mages. Cf. Sudhaus,<br />

Archi,, for Religionsi"iss., t. IX, 1900, p. 155 ss. Nous avons réuni un grand nombre<br />

dc téirjoignages sur ce • susurrem<strong>en</strong>t des mages à propos des fragm<strong>en</strong>ts de<br />

Zoroastre que nous publierons bi<strong>en</strong>tôt avec M. Bidez<br />

I) Les rédactions remaniées ont éliminé la multiplicat.iou incroyable de ces<br />

résurrections. Mais d'autre part les Actes de S' Georges n'ont pas manqué d'être<br />

imités <strong>en</strong> quelque mesure dans d'autres Passions. Celle de S' Macaire d'Antioche<br />

fait rev<strong>en</strong>ir celui-ci deux fois à la vie (<strong>en</strong> copte, Ilyvernat, Actes de martyrs de<br />

l'Égypte, 1, p. 40 se. cf. Amélineau, Actes iles martyrs de l'Église copte, 1890,<br />

p. 294 ss.). Le corps de S' Christophe, jcté comme ccliii dc S' Georges au fond<br />

d'un puits avec nue grosse pierre (e. 9), <strong>en</strong> est tiré miraculeusem<strong>en</strong>t (Analecta<br />

Bollandiana, 1, 1882, p. 1.15).<br />

2) Cf. Darmnesteter, Eludes Irani<strong>en</strong>nes, 11, 18.33, p. 208 et Z<strong>en</strong>d-Avesla, II,<br />

p. 521, n, 112.<br />

3) Eznig, Il, e. 10, trad. Levaillant, p. 95 = Langlois, IlisI. Arm., 11, p. 381<br />

Après avoir rappelé la doctrine ,les trois <strong>en</strong>fants qui doiv<strong>en</strong>t naître de vierges,<br />

pour combattre les troupes d'Ahriman, Eznig ajoute Si les dieux sont mortels,<br />

comm<strong>en</strong>t auront-ils l'espérance d'une résurrection et surtout d'une triple rsurrection,<br />

qu'il ne faut pas réputer résurrection mais non résurrection.


REVUE DE L'IIISTOLItE DES RELIGIONS<br />

Ainsi seulem<strong>en</strong>t peuv<strong>en</strong>t s'expliquer les cataclysmes cosnuques<br />

qui accompagn<strong>en</strong>t chacun des trois miracles (cli. 9,<br />

11, 15) : éclairs et coups de tonnerre, pluies (lihivi<strong>en</strong>nes, agitalion<br />

de la mer, séismes et abaissem<strong>en</strong>t des montagnes',<br />

éclipse de soleil, apparition du Seigneur sur les nuées, toute<br />

cette perturbation de la terre et du ciel paraît démesurée,<br />

s'il ne s'agit que de r<strong>en</strong>dre la vie à un simple officier romain.<br />

Mais les calamités physiques qui précèd<strong>en</strong>t. la v<strong>en</strong>ue du Sauveur,<br />

sont un thème traditionnel que l'apocalyptique mazdé<strong>en</strong>ne<br />

n largem<strong>en</strong>t développé 2, avant que le judaïsme s'<strong>en</strong><br />

emparàt. Certains Jétails que l'écrivain chréti<strong>en</strong> a insérés<br />

dans son récit trahiss<strong>en</strong>t l'interv<strong>en</strong>tion d'un intermédiaire<br />

juif de cette eschatologie la desc<strong>en</strong>te dii Seigneur sur un<br />

char de Chérubins, l'archange Micliel sonnant dc la trorupetLe<br />

3 et rassembkint les ossem<strong>en</strong>ts que Dieu va ranimer (le<br />

son souffle 4. L'indication curieuse du Gallicanus Fuji in 111e<br />

die sabbalum (e. 9) semble prov<strong>en</strong>ir (l'une croyance juive (111e<br />

la résurrection doit avoir lieu le jour du sabbat 5, à moins lUe<br />

ce ne soit simplem<strong>en</strong>t l'explication du festin des rois m<strong>en</strong>tionné<br />

dans la phrase suivante 5. Si Pasicratès avait parlé <strong>en</strong> chréti<strong>en</strong><br />

I) Lat. Gali., ch. 9 Contremnit. terra et montes humi]i facti sunt. • Cf. App<strong>en</strong>dice<br />

extr. V. - Sur ce trait qui est rnaz(lél'n aussi bi<strong>en</strong> que judéo-chréti<strong>en</strong>, cf. Fin<br />

du monde, p, 78, n. 2.<br />

2) Fin du monde, p. 70 ss.<br />

3) Grec 6, 8 Krumb. : ' ln?.Ly MyŒ). 6 &vrp.ryo T<br />

&)yy xt X0v 6 K'JpLo; irL iro Xcpo6ii. Cf. Cati., c. O (qui est altéré)<br />

et App<strong>en</strong>d. extr. V Copte, p. 213. Arm,, p. 259: Ethiop., p. 84.— De ntênle qu'ici<br />

ces traits ont été t.ranpoi'tés è la résurrection le Georges, ils ont passé du Jugem<strong>en</strong>t<br />

dernier au jugem<strong>en</strong>t d'Adam dans le Paradis «après lApocal. Mosis, 22(p. 12, Apoc.<br />

Apocr. Tiscli<strong>en</strong>dorf A'3 'r i(p ro'o p.ev 'roc py-(yé).ou MyaX crx?rLlovvX0v<br />

6 Oe6 eç èv pCLa,V xihç & Xpoue.<br />

- Sur la croyance juive et chréti<strong>en</strong>ne è la sonnerie de trompette de l'archange<br />

qui fait ouvrir les tombeaux, cf. \Villi. Luek<strong>en</strong>, Michaci, Gôttinr<strong>en</strong>, 1898, p. '19 s.,<br />

p. 130.<br />

4) Actes, ibid., cf. Luek<strong>en</strong>, op. cil., p. 127 : c'est S' Mir.hel qui doit revivifier<br />

les morts. - Miche! intervi<strong>en</strong>t aussi dans la deuxième r&mrrectiori suivant Let.<br />

Gail. p. 11. Mais le Copte, p. 217, et l'Arméni<strong>en</strong>, p. 201, le remplac<strong>en</strong>t ici par<br />

Sala Ltiiel.<br />

5( Je ne trouve pas ' le prcuv' il irec te de cette crova nec niais les chiliates<br />

judeo-chrti<strong>en</strong>s rapprochai<strong>en</strong>t le seplinie millénaire, ou le Messie rénlera sur la<br />

terre, avec le sept ami' jour le la cr,', lin ii où Dii'i se reI:oa ( Lac ta ici', l,isl., V ii,<br />

14, 11 : cf. l'in 'in monde, p 710. Oi'rt.ains inaniclié<strong>en</strong>c p<strong>en</strong>sai<strong>en</strong>t que le monde<br />

.serait détruit un dinianclie après un c ycle de 9,1101) ans. (Cf. ibid., p. 71, n. 2.)<br />

6) Cl. infra, p. 36, n. 4.


LA PLUS ANC1ENL LIGENDE DE SAINT GEORGES 29<br />

orthodoxe, c'est certainem<strong>en</strong>t le Christ, qui aurait revivifié<br />

Georges, comme il est l'auteur de la résurrection finale. Mais<br />

le texte dit Dominus, Kto et que, dans le modèle imité ici,<br />

il s'agisse du Dieu de l'Anci<strong>en</strong> Testam<strong>en</strong>t, ressort clairem<strong>en</strong>t<br />

de la phrase (e. 9) « Ecce manus quae plasinavil Adarn, nunc<br />

ipsa le replasmwil. » L'emj.doi d'une source juive ou judaïsante,<br />

(lui elle-même avait subi l'action des croyances mazdé<strong>en</strong>nes,<br />

parait ainsi assez sérieusem<strong>en</strong>t établie.<br />

D'autres traces pourrai<strong>en</strong>t être relevées de l'action des doctruies<br />

mazdé<strong>en</strong>nes. L'invocation v<strong>en</strong>geresse par laquelle le<br />

martyr au mom<strong>en</strong>t de marcher au supplice, prie Dieu de faire<br />

desc<strong>en</strong>dre le feu du ciel sur les soixante-douze rois ses persécuteurs<br />

et sur leurs soldats et qui fait périr, <strong>en</strong> effet, cinq<br />

mille hommes dévorés par les flammes 1, paraît certainem<strong>en</strong>t<br />

choquante chez un chréti<strong>en</strong> et un saint. Mais elle rappelle<br />

la supplication que, dans l'apocalypse d'Hystaspe, les justes<br />

assiégés sur une montagne par le roi pervers et. par son armée<br />

adress<strong>en</strong>t è Jupiter (Alioura-Mazda), qui, exauçant leur voeu,<br />

(létruit tous les irn1.des par le fer et le feu 2. C'est lù, dans une<br />

oeuvre mazdé<strong>en</strong>ne un épisode naturel de la lutte implacable<br />

<strong>en</strong>tre l'Esprit du Bi<strong>en</strong> et l'Esprit du Mal.<br />

Lorsque Georges eut été mis è murt pour la troisième fois,<br />

le roi Dadianos ordonna que son corps fût porté sur le sommet<br />

d'une montagne élevée afin que les oiseaux de proie <strong>en</strong> fiss<strong>en</strong>t<br />

leur pâture et que ses ossem<strong>en</strong>ts dispersés ne puss<strong>en</strong>t être<br />

recueillis et vénérés par les chréti<strong>en</strong>s 3. La coutume des mages<br />

d'abandonner les cadavres aux fauves et aux rapaces est.<br />

Lat. Gail., c. 20 cf. Fluber, p. 55. Copte, p. 234. Anu.. p. 269. Etluop.,<br />

p. 107, Abrégé dans Grec p. 16, '22, et Syriaque, p. I t. - ulparer le \tirac1e de<br />

T]iéopistos que G*'orge m<strong>en</strong>ace de brûler lui et sa maison AufIiauser, op. cil.,<br />

p. 51, 8 Si, 1 rapprocher de p. 112, 21).<br />

2) Cf. l'in du monde, p32 sa. TI est vrai que Pasicratèsa aussi pu se souv<strong>en</strong>ir<br />

du récit du livre des Rois. IV, 1, 12 ss.<br />

3) l.at. Ccli., eh. 15 (moRs excelsus qui licitur Asiriari) Paris. App. extrat X<br />

(Asinarius) Sanguil. (qui dicitur Sei'es. (rec, p. P), 23 abrég. Copte, p. 224 (to u<br />

mouuitain called Siris var. Asr)) et p. 3u7 (Théudote rimoumntain calIed Asûrion<br />

[.= 'Aam.pkev ?J(. Arm., p. 269 (montem editum qui dicitur Edria [var. Didria]). -<br />

Manque dans Ethiop.


30 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />

souv<strong>en</strong>t signalée par les auteurs grecs'. Mais aucun témoignage<br />

antique n'est aussi conforme aux prescriptions du<br />

V<strong>en</strong>didad que le récit de nos Actes cappadoci<strong>en</strong>s. Le code<br />

sacré ordonne de porter « le corps des morts sur les lieux les<br />

plus élevés, là où l'on sait que vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t toujours .. des oiseaux<br />

carnivores o, mais il prescrit de le fixer par les cheveux et<br />

les pieds afin que ces oiseaux ne disséinineiit pas les ossem<strong>en</strong>ts<br />

décharnés, qui devront être plus Lard rassemblés dans un<br />

ossuaire 2. Il est manifeste que l'auteur (le notre Passion a<br />

connu l'usage funéraire des mages, et c'est pourquoi il insiste<br />

sur ce détail que les reliques du martyr devront être semées<br />

au loin par les oiseaux du ciel. Les corps des vicLimes des<br />

persécutions sassanides étai<strong>en</strong>t OIt Perse livrés aux bêtes<br />

sauvages, selon la coutume paï<strong>en</strong>ne, et les gardes pr<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t.<br />

soin d'empêcher que les chréti<strong>en</strong>s ne s'<strong>en</strong> emparass<strong>en</strong>t3.<br />

Peut-être le caractère (lu milieu profondém<strong>en</strong>t « iranisé »<br />

où est née la Passion dc S t_Georges se révèle-t-il <strong>en</strong>core dans<br />

un autre épisode deux fois répété. A deux reprises, Georges,<br />

frappant du pied la terre, fait jaillir une source d'eau vive,<br />

qui lui permet de baptiser les paï<strong>en</strong>s 4. Il est possible qu'il y ait<br />

ici un souv<strong>en</strong>ir de la lég<strong>en</strong>de de Mithra, telle qu'on la racontait<br />

<strong>en</strong> Asic Mineure : Le dieu avait à coups de flèches fait pareillem<strong>en</strong>t<br />

couler dans sa grotte sacrée une source, prototype dc<br />

celles qui dans les temples servai<strong>en</strong>t aux ablutions puriticatoires<br />

des mystes 5. Mais un si grand nombre de saints ont<br />

1) llérodote, 1, 140 ; Strahon, XV, 3, 20, p. 735 C ; AgaUiias, II, 23 ; cf. Diodore,<br />

XVII, 105, 2; Aili<strong>en</strong>, Nul. anim., X, 22; C. Clern<strong>en</strong>, Griech. Nadir. Ober die<br />

Persische Religion, 1920, p. 117 ss.<br />

2) V<strong>en</strong>didad, Farg. 6,84 ss. avec les notes de Darmesteter (Z. A., t. Il, p. O2ss.)<br />

cf. Dtdist,1ii-i-Dinik, eh. 18 (West, l'aid. Te.xls, II, p. 43).<br />

:3) Dclehave, ,4cles de Marhjrs persans, p. 460, ViII, 11 (la Virgo) flyçè<br />

OÇ ripoi5a p'iXr,iŒvca 'rJ )vov , Z\sx &VTpL&afl v.<br />

t& nv o5 oépcw '0<strong>en</strong> xca gce rç xccrçyoav, &ir<br />

o'Sx v Ooç 11peri 0r:v xrtç, ivs pcx6.<br />

Cf. Ibid. X, 59 (p. ,15) ; Uskar flra,in, Ausgcwàhlle Aki<strong>en</strong> persischer Mdrlyrer,<br />

p. 74, n. 1; p. 8G p, 162. Cl. Lobotirt, Le Christianisme dans lEm pire Perse, 1901,<br />

p. 07.<br />

4) Grec, p. 9, 21. 1.nt. Cou., e. 13. Copte. p. 221. Arm., p. 262. Lot. Cou.,<br />

C. 15 matique <strong>en</strong> grec ; Copte, p. 3(17. Ahrrk Arrn. p. 204.<br />

5) Moi,. Mqo1. ,l!it/ira, 1. p. 165. NOUS revi<strong>en</strong>droits sur cet épisode de la lég<strong>en</strong>de<br />

dans la description du initbréun de Doura.


LA PLUS ANCIENNE LÉGENDE DE SAINT GEORGES 31<br />

fait. sourdre des fontaines <strong>en</strong> des lieux si divers 1, que je ne<br />

voudrais pas insister sur un te.! rapprochem<strong>en</strong>t.<br />

Si ces épisodes de la lég<strong>en</strong>de cappadoci<strong>en</strong>ne trahiss<strong>en</strong>t<br />

l'influ<strong>en</strong>ce du mazdéisme anatolique, d'autres révèl<strong>en</strong>t l'interv<strong>en</strong>tion<br />

de conceptions juives, que nous avons déjà notée<br />

à propos des soixante-douze rois et de la première résurrection<br />

de Georges. Les morts que Georgcs n fait surgir de la poussière<br />

de leur sarcophage, interrogés par Dadianos, racont<strong>en</strong>t brièvem<strong>en</strong>t<br />

leurs malheurs dans l'au-delà et ces indications concises<br />

sur le sort réservé aux damnés sont très significatives. Elles<br />

otîr<strong>en</strong>t d'indéniables affinités avec l'Apocalypse de Peut, tin<br />

apocryphe presque contemporain de nos actes, car il a été<br />

composé sous le règne de Théodose (379-385) ou peu après<br />

<strong>en</strong> Palestine 2, cL l'on a prouvé qu'il n fait aux croyances juives<br />

de ce pays de larges emprunts 3. Le texte grec que nous possédons<br />

de cette Apocalypse ayant été écourté et. retouché et.<br />

le texte grec de la Passion de S Georges ayant été égalem<strong>en</strong>t<br />

remanié, il est malaisé de faire des rapprochem<strong>en</strong>ts philologiques<br />

(le passages parallèles. Néanmoins, plusieurs fois, la<br />

ressemblance des conceptions et même des expressions saute<br />

aux yeux.<br />

Le paï<strong>en</strong> qui parle s'est vu précipité dans un lieu obscur<br />

où il était tourm<strong>en</strong>té par un « ver toujours éveillé e et plongé<br />

dans un fleuve de feu. Il semble que ceci soit emprunté au<br />

vocabulaire ordinaire de toute description de l'<strong>en</strong>fer. Le « ver<br />

qui ne meurt. ras et le feu qui ne s'éteint pas » sont. des paroles<br />

1) Ainsi les Actes de S' Théodore racont<strong>en</strong>t qu'à sa prière une source, . qu'on<br />

iriontre <strong>en</strong>core jaillit près d' Euchaïta (Delehaye, Saints ,ntlilaircs. .31).<br />

2) Bard<strong>en</strong>hewer, Gcch. Ailciir. LiL, 12, p. GIS. I.e texte grec n éte publié.<br />

d'une manière peu satisfaisante par Tisch<strong>en</strong>dorf, .1 pore!. 01.()rr!Jph.v, 186G, p. 34-69,<br />

La meilleure des versions 1atine, qui est souv<strong>en</strong>t plus complète que le grec, n été<br />

éditée par James, dans les Te.rLs an'! s!wIies clArrn. flobinson. t. 11, n 3, 1893,<br />

p. 11-42. Gius. flecciotti n publié le texte syriaque, avec une traduction latine<br />

dans Ori<strong>en</strong>lalia, N. S. 11(1933), p. l-I, et altsi une traduction itali<strong>en</strong>ne annotée,<br />

L'Apocalisse di Paolo irioca (Brcscia, I93fl, que je dois è l'obligeance de M. Le-vi<br />

Della Vida d'avoir pu utiliser. On conujait aussi une version armént<strong>en</strong>ne et une<br />

version copte.<br />

3) CII. Israiil Lévy dans l'article cité ci-dessous, p. 33, n. 5.<br />

w


3? REVUE DE L'HISTOIRE DES RELiGIONs<br />

d'Isaïe qu'a reprises 1'Ivangile de Marc'. Mais l'hagiographe<br />

ne parle pas seulem<strong>en</strong>t. de feu, riais â deux reprises d'un<br />

fleuve de feu, conception d'origine rnazdé<strong>en</strong>ne, qui o passé<br />

dans l'apocalyptique judéo-chréti<strong>en</strong>ne 2. Elle est J)art.iculièrem<strong>en</strong>t<br />

développée dans l'apocryphe paulini<strong>en</strong>, où il est question,<br />

comme dans nos actes. d'un lieu obscur où coule un<br />

fleuve bouillonnant 3 et une a titre expression, q1 j suit (tans<br />

l'hagiographe, sur « la m<strong>en</strong>ace terrible de la colère e divine<br />

se retrouve à peu dc chose près dans la même source4.<br />

Mais voici qui est plus particulier : les oeuvres de chacun<br />

(les morts e, nous dit l'hagiographe, (< se t<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t debout<br />

devant ses yeUx° e. On songe immédiatem<strong>en</strong>t à une (les évocations<br />

les plus saisissantes de l'eschatologie avestique : le<br />

troisième jour après la mort, l'ûme voit se dresser devant, elle<br />

ses actions passées ; si c'est celle d'un juste, dans un air<br />

emhaurrié s'avance une jeune fille respl<strong>en</strong>dissante de beauté<br />

si c'est celle (l'un pécheur, s'approche une prostituée hideuse<br />

et fétide 6. L'orthodoxie chréti<strong>en</strong>ne ne connaît pas ces personnificat..ionis<br />

des actes accomplis sur cette terre, qui apparaîtrai<strong>en</strong>t<br />

pour réconfortvr ou terrifier l'âme (les trépassés.<br />

Tout au plus trouve-t-on l'indication très estompée que « leurs<br />

oeuvres les suive ni. dans l'autre monde 7, simple métaphore,<br />

comme celle, empruntée à Isaïe. que « la justice les y précède 8 e.<br />

I) Raie, t6, 24 ''&p •A Œ&rV O' z'xa xc T 7t Œi)V 011<br />

O. Cf. Marc, 1 18.<br />

2) Cf. sur ce point, notre article sur La Fin du inonde selon les Mages, datis<br />

lievue hisi. des religions, CIII. 131, p. 41) ss., p. 88.<br />

3) CullIparel' Grec, p. 9, lU Krumbacher flov uptol. zal x),&ovrEç xxL<br />

&& o&p& Latin GaU. (cf. Parisinus, App<strong>en</strong>dice, extr. VIII e. 13<br />

I"Iumina ignea bullie.rtt.ia et tremor ma gnus. Apoc. Pou!, p. 7. Tiscli. x'x et&cc<br />

o's'i Lt. Gail., c. 30, p. 28, 2. Fluvium igisis ferverit<strong>en</strong>i.<br />

4) Tisch., p. 40 : 'Eouç sc) x'4 po6eo&c )pc; âpç. o<br />

j Grec, 1. r. .' Kx. t pà ptiXs'i -v Latin<br />

GaIl. : Omnia opera arite oculoc pins slaiit. o mais nus d,signe ici Dieu. Le trailuc-<br />

Leur u altéré le s<strong>en</strong>s dc la phrase, lequel est garanti par la comparaison avec la Lisio<br />

Pouli cf. le Pwisinus, App. extr. VIII, p. 1$, n. I<br />

6) .'\clii, Yacht, 22 (t. II, p. U)>l cs, l)arrii. cf. Lc Livre d' tria Viru/, tiad.<br />

Ilart.hél<strong>en</strong>,v, cli. 4 (p. 13 ; cli. 17 (p. 38). etc.<br />

7) .4pc., 14, 13 T& pvx ce'v &xo?o',0 rj.'v.<br />

8) lurjialv, I'p. IV, I 2 : 'Esv yx06, 6L vc')', PO «OT<br />

no'vp6ç, i iîaO tç ov .upoOev Œ'O, Cf. Isale, b, 8; 40, III;


LA PLUS ANCIENNE LÉGENDE DE SAINT GEORGES 33<br />

Mais il <strong>en</strong> est autrem<strong>en</strong>t dans la Vislo Peuh, où l'emprunt à<br />

la doctrine irani<strong>en</strong>ne est ijidéiiiabte. L'apôtre de]nande à<br />

l'ange qui le conduit. le lui montrer (olnm<strong>en</strong>t. les justes et<br />

les pécheurs quitt<strong>en</strong>l la vie. 11 voit d'abord mourir un juste,<br />

et toutes ses oeuvres se t<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> sa prés<strong>en</strong>ce clans l'heure<br />

dc la nécessité' e. avant.. qu'il <strong>en</strong>treprut. le périlleux vo age<br />

vers le ciel. Puis Paul regarda ut. de nouveau vers la terre,<br />

vit l'âme (I ' liii i FlIpie sortir de SOfl corps et de nouveau toutes<br />

ses oeuvres « étai<strong>en</strong>t debout. cleva ni elle > avant, qu'elle montât<br />

vers le tribunal de Dieu 2. La ressemblance avec la Passion<br />

qui flOUS oecuj)e est presque textuelle3.<br />

Plus probante <strong>en</strong>core est une autre similitude. Le mort<br />

qu'a ressuscité Georges appr<strong>en</strong>ti au roi que celui qui professe<br />

la vraie foi, môme s'il tombe dans le J)éché et est. précipité<br />

dans l'<strong>en</strong>fer, obti<strong>en</strong>t, tous les d iini.nclies une susp<strong>en</strong>sion de<br />

sa ieie et peut i'onftmpler le (lirist au itiilicu de ses anges4,<br />

mais les adoraI eurs des iluks seul, privés de ce bénéfice. r<br />

doctrine (l'un répit a(('or'dé. aux réprouvés le jour du Seigneur,<br />

est restée étrangère à l'Eglise p<strong>en</strong>dant les quatre prlIiel's<br />

siècles, et. l'on a pu établi' son origins' avtt , tonte la netteté<br />

désiral)le et. su ivre l'histoire dc sa diliusi(IFL '. Elle est. une<br />

62, 11. Datitres lexies ont ruuis par E. UuIde, flic 1erwandschuf! der<br />

jûit.vch-chris!iicheri und tter pareiee/leîi Esi'ha!oicgic, (i6tting<strong>en</strong>, Eil)2, p. II.) es,<br />

fl Grec, p. 13. Th. : ivr r xv 'rri v r<br />

i'p• 'r; &v'y; Latin, p. 16, 4 : Vidi oluitia opera titis, qUneeu!Iquc icecrai<br />

propter tioriicu dei, et ulunia studin cuis, quorum meuiiuit et quorum iiiiii nii'uiiiiit,<br />

omnia stel.i'riint in couspectum eilis lit hora necessitiitie '.. Sy riaque, i.' il), p. 13<br />

Vidi alitiii tipera ('lUS Omiliil, quac iIIe fect'rat. peopter Diiitii, (ti a ,' sktIiiiI1 aiite<br />

('Uni iii Iioi'a 1't1t,0 Cils ('lus tir' iuuit,lii.<br />

) Ur&,, ji. 41 K IÔOV 7LV' ' r'6 & olaiz'i. rsO±v<br />

,tTOs, ''o5 1,aiut. t. I,, p. 5 . Viii uIaiiiiii t'oiil.eiupttiai puceit.,ii'is et<br />

(0111110 (lUne t' jt ('t i,IiifllO ast,IÂrlilit aute ((liii In Iioia il i'ia' .sitatis. » Syr. e. 13,<br />

p. 17 : Viii tutu Inaliliani illius, qII:e iii&'tdehai mIe imii » pectiiïim cille et imosI<br />

euli.i circti1neir.g<strong>en</strong>. euni t ide o.i1oS eiu'. » - -- r. rie, p. '17 (_lx oi ' x; ri<br />

tt poO you,tv i pct 'o6, xv e cysfii v re<br />

cf. [.atin, p. 20, SVr. p. 23.<br />

3) 11 est probalile mjiie la c.royaIirm' rnazmlCcune est. parvmlilli iusquà l'auteur<br />

mliimO leu mie la V,sim, )'mzii par liiiterniidi;i ire 1e qmii .lijue olit'rIe juif, mie iiii1iic<br />

qui' c ' est u Lr,,vcrs le jusdaï.iii&' quelle sel. t.ransnii .'eal IIa in Ildkl<strong>en</strong>, u fm. ciL,<br />

p. 13), ruais nous (l 'aVOns point ii cm,nmiderer ici cette qiiestioti.<br />

-I) Cli. 13. Cf. App<strong>en</strong>dice exii'ait VIII.<br />

'i) Iei'aid Lévy, Le repus sut baliqus des dînes danlnes dans i1e,vii des 1ades<br />

/uiv, XXV, 1892, 1 . 13 ; XXVI, 1893, p, 131 s. Cet article a (Lô complétt, au<br />

co<br />

c:t,<br />

R'T"<br />

s


34 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />

transposition d'une croyance, (léjà tri<strong>en</strong>l.ioniiée dans le Talmud'<br />

et que le judaïsme a conservée jusqu 'à nos jours, celle<br />

que si les supplices des damnés se r<strong>en</strong>ouvell<strong>en</strong>t chaque jour,<br />

ils sont susp<strong>en</strong>dus p<strong>en</strong>dant le Sabbat du v<strong>en</strong>dredi soir au<br />

samedi soir. Il est d'usage <strong>en</strong>core actuellem<strong>en</strong>t dans les syrlagogues<br />

de prolonger la récitation des dernières prières du<br />

Sabbat, afin que dure davantage la relâche accordée aux<br />

âmes soutïrantes 2. Cette doctrine découle de l'idée très haute<br />

que se faisait Israèl dc la sainteté du Sabbat le monde <strong>en</strong>tier,<br />

visible et invisible. pai'ticipe à son repos et celui-ci s'ét<strong>en</strong>d<br />

jusqu'à la géh<strong>en</strong>ne, où pein<strong>en</strong>t les réprouvés. Parmi les chréti<strong>en</strong>s<br />

l'idée d'une trêve dont jouiss<strong>en</strong>t les damnés le jour<br />

dii Seigneur, apparaît d'abord chez Prud<strong>en</strong>ce 3. Augustin fait<br />

allusion vaguem<strong>en</strong>t dans deux passages à l'idée d'une interruption<br />

des supplices éternels de l'<strong>en</strong>fer, la première fois<br />

pour <strong>en</strong> nier la possibilité, la seconde pour <strong>en</strong> douter 4 , Mais<br />

c'est l'Apocalypse fie Paul, où cette doctrine est clairem<strong>en</strong>t<br />

formulée', qui a surtout contribué à la répandre, et il l'a transmise<br />

au moy<strong>en</strong> àge, qui l'a accueillie avec faveur 6, bi<strong>en</strong> qu'elle<br />

n'ait jamais été admise par l'glise. Il est très remarquable<br />

fille nOUS la trouvions dans nos Actes du y6 siècle, à une<br />

point de vue chréti<strong>en</strong> par Merkle, Di Sabba(s,ruhe in der JIélle, dans la Jl'mische<br />

()uarlulsehri/1 fOr clins!?. ,lllcrlums-kunde, IX, 1895, p. 489-50G. Aucun de ces<br />

deux savards n'a connu h'sActes de GeorgE's.<br />

I) Sanhédrin, 05 b (Wnnsche., Dec Habyl. Talmud, III, p. 13).<br />

2) lai. Lévy, p. 1 cf. Simonville RicIiard Simon], Ciré.manics qui s'obseru<strong>en</strong>l<br />

parmi les .Iuifs, traduites dc Léon de Modène, Paris, 1710, p. 87.<br />

3) Prud<strong>en</strong>ce, (alhcm., V, 125-13G. 11 inc parait difficile quo le poète ait connu<br />

In Viaio Pauli, couune le souti<strong>en</strong>t Merklc, du moins dans la rédaction conservée.<br />

4) Augustin, Enarr. in Psaim., 105, 2 (Migne, 1'. L., XXXVII, 1 .106) et Ench/ridion,<br />

C. 112.. I,'Enrichidion n (tt écrit après 421.<br />

5) Grec, p. 63 Tisch. : Nv è & F6pt). 'riiv cXov xY.toŒévç eou XŒ1<br />

& 1IxXov - yi7t6V W-'-' (, è!L V)XTC1.5 (sic) x -v Lcépv 'ï &yiceç<br />

zopxç, & T é0Ç éz eiç &v uav. Latin p. 36, 14 : l'ropter<br />

Michaclem archaiigeluin testameriti Imi... et t'upt.er Pauluin dilectissirnuiri meum<br />

rUem nolo cont.ristare... in di qua rosurrexi u mortuis dono \'obis innaibus<br />

qui estis iii po<strong>en</strong>is nocteru cl. diein refrigerium in perpehiuni. I.e P-o-'<br />

iriairquc daits le svriauc.<br />

G; On la retrouve <strong>en</strong> jiaiticulici' dans la lég<strong>en</strong>de S' Brai1an (t, 57h). La nii 'éricoi'le<br />

de Dieu sét<strong>en</strong>d juqii5i Jutas, qui ccl consumé u:lans une fournaise, ruais<br />

chaque samedi soir repri'tid sa forme et se rtpost' tu bord iii' la mer J iisq1i'1 la<br />

iruil du dimanche. M. MSlc, !.ur1 i lu /ift du .'iluijcn-.I ge, • -165, a déJi tinté q w_<br />

l'auteur de cette histoire n utilisé la Visio Pauli.


LA PLUS ANCIENNE IIGENDE DE SAINT GEORGES 35<br />

époque où comm<strong>en</strong>çait û peine sa propagation parmi les<br />

fidèles. Elle o probablem<strong>en</strong>t, il est vrai, été une croyance<br />

populaire avant d'ètre consignée dans la littérature.<br />

Les analogies que nous avons signalées r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t certain<br />

qu'<strong>en</strong>tre l'eschatologie du Pseudo-Pasicratès et la Visio<br />

Pauli il a existé quelque relation. L'auteur cappadoci<strong>en</strong> a-t--il<br />

connu l'oeuvre du moine palestini<strong>en</strong> ? La tradition irianus<strong>en</strong>te<br />

est si peu sùre de part et d'autre, (ju'il est prud<strong>en</strong>t de<br />

ne ri<strong>en</strong> aflirmer. La chronologie ne s'oppose pas û une dép<strong>en</strong>-<br />

(lance directe dc nos Actes et certaines ressemblances d'expeession<br />

sembl<strong>en</strong>t la postuler. Mais il paraît probable que si<br />

l'auteur de la Passion avait eu sous les yeux la peinture<br />

effroyable des supplices infernaux imaginés par le visionnaire<br />

de l'Apocalypse, il aurait donné plus dc relief à sa description<br />

des <strong>en</strong>fers. i\ous inclinerions donc plutôt à croire que l'hagiographe<br />

u connu quelques révélat ion j uive ou judaïsante,<br />

qui a aussi été une des sources (le l'oeuvre iiiise sous le nom<br />

dc l'Apôtre des g<strong>en</strong>tils à l'époque de Théodose.<br />

Nous sommes confirmés dans ce s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t par l'épisode<br />

ciiii suit immédiatem<strong>en</strong>t dans la lég<strong>en</strong>de de Georges et où<br />

l'imitation (I 'un modèle juif est manifeste 1 . Le roi fait <strong>en</strong>ferruer<br />

le saint, chez une veuve, la plus pauvre, qu'il puisse trouver,<br />

potin faire honte aux Galilé<strong>en</strong>s. En <strong>en</strong>trant chez elle, le<br />

saiiit, lui demande du pain à manger, mais il n'y <strong>en</strong> a pas dans<br />

la maison. Alors s'<strong>en</strong>gage le dialogue « Quel dieu adores-tu ? »<br />

- « Apollon et. hercule. » - « 11 est juste alors que Iii ri 'oies<br />

pas de pain du us ta demeure. s Et t.and s que la veuve va<br />

<strong>en</strong> chercher chez une voisine, le poteau fourchu qui sout<strong>en</strong>ait<br />

la (:abaIIe pr<strong>en</strong>d racine et se transforme cri un arbre chargé<br />

de fruits; un ange apporte du pain et. qua ml la femme revi<strong>en</strong>t.,<br />

elle I n rive ii ire table couverte do irrots savoureux. En fin à la<br />

prii-e di lii veuve, Georges guérit SOfl IlIs aveugle, et fait tomber<br />

l} Latin Gati., e. il. Pari». CF. App. e.xti-. IX. Grec, r'- '. 2 s». Colite, p. 221<br />

Arm., p. 242; Etitiop., p. il!. Toutes les version», sauf la latine, oui suj:'primé<br />

comme superflue la phrase finale.


3G REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />

par son souIlle les écailles qui couvrai<strong>en</strong>t, les yeux de l'<strong>en</strong>fant1.<br />

Voici qui nous laisserait. perplexes. si le chapitre ne se<br />

terminait, par la m<strong>en</strong>tion, oiseuse dans un texte chréti<strong>en</strong><br />

« Fuji in iii0 die 8(1 1) boluni. » Dès lors, tout s'éclaircit., car ]es<br />

.Juifs avai<strong>en</strong>t, coutume de dresser pour le Sabbat une table,<br />

de la (ouvrir d'une nappe blanche et d' y placer deux pains,<br />

ou!, bénits par le père de famille, étai<strong>en</strong>t distribués aux<br />

convives au début des repas du jour sacré, où toute cuisson<br />

était interdite 2. On se souvi<strong>en</strong>dra des paroles de l'lvangile<br />

« Cuin inirurel in domo principis Pharisueorunz sabbulo fn(I!l-<br />

d;uure panem... 3 e. L'original de cette scène (le flOS Actes est<br />

manifestem<strong>en</strong>t un récit où quelque thaumaturge juif, remi<br />

dans une maison misérable le jour dii sabbat, s'étonnait<br />

(l'abord que son hôtesse n'eût pas (le pain, puis appr<strong>en</strong>anl<br />

qu'elle était paï<strong>en</strong>ne, trouvait naturel alors qu'elle <strong>en</strong> nianquét<br />

et pour lui montrer la puissance de lahvé faisait. pousser<br />

un arbre fruitier et desc<strong>en</strong>dre du ciel des mets choisis. Car<br />

pour les .Juifs, faire un bon repas <strong>en</strong> ce jour de fête était non<br />

seulem<strong>en</strong>t pernitis ruais méritoire, et les pauvres t.ùehaieiit.<br />

d'ajouter quelque plat à leur ordinaire 4. Cette histoire doit,<br />

avoir été empruntée par l'hagiographe à la haggada du récit.<br />

biblique (le la réception d'elie chez la veuve dc Sarepta, dont<br />

le prophète r<strong>en</strong>d le pain et. l'huile inépuisables et <strong>en</strong>suite<br />

ressuscite le fils5.<br />

1) Souv<strong>en</strong>ir des une.». 9, 18 : Ceciderunt ah oculis cius latiquam squamoe<br />

cf. in/ra, p. 19, n. 9.<br />

2j ,Jewish E,ieqnl. s. y . Sablath et « Kiuldii»h «. L. Ki'auss, Talrnudische<br />

Archdologie, t. 1. 1910, p. J 01. Cet usage s'est perIu1LI1é jusqu'ù nos jours, cf. Simonville<br />

[fichai-ci Sinion], op. cii.. p. 82 ss.<br />

3) Luc, 14, I, En grec -66T() yctv &pov.<br />

4) Cf. (J. I'. Moore, .Judais,n in iii» /irsl e<strong>en</strong>?nrieu, II, p. 35 ; Schiirer, Gcsch.<br />

.Jivi. Volices, I P, p. 472,<br />

b) III Ibis, 17, 9 ss. Je dois cet i.e heiiriu .'c suggestion fi M. Levi Della Vida<br />

et elle inc parait Ctre con flrniée nettiineut par un passage le nos Actes. La veuve<br />

dit : Forsitan vicjna flua ; practaliiL milu patii'in unuin... ut punam unte CUIEL<br />

et inariducet et crastinu die moi-jar ' (texte de I tuber, j). 47 et ,Iii Pari». extr. VIII.<br />

p. 49, n. 3 et. non - rra»iiva ,norwi,z,- lu I lice uns, qui est un lion-s<strong>en</strong>s:, j es nuits<br />

rrastino die riivriur, qu'on ii pi_lift' e eowji'eialre dans cette pIirus. sont t'nipriiiik's<br />

au texte bitiique (V. 12(:-' \ j i il. unit lus nous Jutangl'rans ce gJteau et upi'i' uiouis<br />

lliouI'rons, - I .e grec u cuuscu-v: 'VO)V t• xvccs e r. Kruiiib., p. 9, 37. -- I . J. Iii ii-<br />

Gui-ion (Die Sa9e,i dec Jad<strong>en</strong>, 1935, p. 654 reproduit une foi-iii» I&geiidaire de cet


LÀ PLUS ANCIENNE L1GENDE DE SAINT GEOItGES 37<br />

Il nous reste à parler d'un des épisodes les plus bizarres<br />

d'un dranle qui abonde <strong>en</strong> scènes paradoxales 1. Il n'a pas<br />

peu contribué, on peut le croire., à faire condamner nos Actes<br />

p" l'orthodoxie. (3eorges ayant fait sortir Apollon (le sa<br />

statue, l'oblige à confesser qu'il est un ange déchu. Après avoir<br />

planté le jardin d'Êd<strong>en</strong> Dieu, racont,e Apollon, forma dam à<br />

suri image et <strong>en</strong>joignit à ses anges d'adorer son oeuvre. S Michel<br />

obéit, ruais lui, Apollon, refusa de vénérer un è.tre créé<br />

après lui et inférieur à lui, sur quoi, dit-il, il fut précipité dri ciel<br />

avec la rapidité d'un aigle 2 qui fond sur la terre, et se vit<br />

privé le sa gloire pour dev<strong>en</strong>ir un démon. Mais Georges<br />

ol)Ject.e au réprouvé e Tri as été expulsé du ciel à cause de ton<br />

orgueil, pont avoir voulu t'élever un trône qui te r<strong>en</strong>dit, égal<br />

à Dieu 3 » et frappant. lu pied la terre, il précipite Apollon<br />

clans les <strong>en</strong>fers.<br />

La tradition (lue Satan est un ange qui n'a pas cons<strong>en</strong>ti<br />

à adorer Adam se retrouve dans plusieurs apocryphes judéochréti<strong>en</strong>s<br />

4. et. la forme que pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t ces récits est toute proche<br />

épisode, niais elle reste très pioche (lu récit biblique toutefois les mots Gott der<br />

Uerr weiss dass kIt im Ilause kein flrol. hahe », qui iiiariqlieiit. dans l'A. 'r., se<br />

retrouv<strong>en</strong>t (IOns lus Actes (non csl in /uspilio nteopanis).— Si l'on rapproche cettM<br />

scène de celle de la nuit psss dans la chambre de la reine (infra. p. 10), il semblera<br />

bi<strong>en</strong> que la p<strong>en</strong>sée du Pseudo-i'asicratès soit que le roi déshonore Ceorges <strong>en</strong> le<br />

faisantcohabiter avec une veuve misérable, qui passera pour sa concubine (cf. Copte,<br />

p. 221 : wishing (o disgrace the christians s). Une idée analogue se révèle dans une<br />

tradition juive 00 la veuve de Sarepta reproche à Élie d'avoir élu domicile chez<br />

elle, une femme seule et sans protection (Ginzberg, The kq<strong>en</strong>ds of Vie Iras, VI<br />

(1928), p. 318, n. 10).<br />

1) Ce récit, qui s<strong>en</strong>tait le fagot, n été presque <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t supprimé dans le<br />

c;rec (p. 12, 2 .9, Krumb.) et. le Syr. Il a été conserve lIns oit milite complètem<strong>en</strong>t<br />

dans Lat. Gal!., e. 18 (p. 65), cf. Fluber, p. 52 Copte. p. 230 (le plus détaillé)<br />

cf. p. 3 1G ; Armu., p. 207 1tIuop. , p. 3 l. - Dans le Parisr nus on u le cottimeiicimiierit<br />

du récit (cf. App<strong>en</strong>dice, extrait X1I, 1.iisu un feuillet paralt avoir été arraché dans<br />

l'archétype.<br />

2) Le latin n pluuia par une fausse lecture de c pour &e6 (Peeters, Arm.,<br />

I. e., Zwerzina, op. cil., p. 561).<br />

3) Ceci est conservé seulem<strong>en</strong>t dans le Copte, nuis remonte certainem<strong>en</strong>t à<br />

l'archétype, qui l'avait emprunté à sa source juive, cf. infra, p. 38, n. I. (Cf. lit<br />

Passion de S, J.upercius [supra. P , ii. 3], p. 351 A).<br />

4) Les principaux textes ont éL réunis par llonwiitseh, fli' I"rag<strong>en</strong>i ds Barlolomûus<br />

dans Xachr. der Ges. VViss. Gôlling<strong>en</strong>, 1b97, p. '25, 20 et c(>mm. p, 37 es.<br />

Il n'a cep<strong>en</strong>dant pas connu lesAc tes dli, Ceorges. Cette doctrine, offre inc aflinite<br />

indéniable avec celle de certains anci<strong>en</strong>s apologistes, et péciul<strong>en</strong>temmt de Tati<strong>en</strong><br />

l'Assyri<strong>en</strong> . Selon lui, les anges qui ont suivi « le premier né ('v p6yovov)<br />

d'<strong>en</strong>tre eux, lorsque par orgueil il s'est révolté cont.re Dieu, it été chassés du


38 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />

du discours prêté dans nos Actes à Apollon, substitut (le<br />

Satan. Notamm<strong>en</strong>t:. les ressemblances sont presque textuelles<br />

avec la Vie d'Adam et d'Ève, qui remonte à une source<br />

hébraïque 2. Fréquemm<strong>en</strong>t le refus tic Satan se termine par<br />

une citation biblique qui révèle l'origine de cette lég<strong>en</strong>de<br />

juive : elle provi<strong>en</strong>t de la haggada des célèbres versets d'Isaïe<br />

(XIV, 12-15) Quomodo cecidisli de cuelo Lucifer qui niane<br />

oriebaris corruisli in terrain.., qui dicebas in corde fun In<br />

cw'luin eunsc<strong>en</strong> dam, super aslra Dci exulla bo solium meum.<br />

similis cro A Ilissimo.<br />

Mais le rôle assez piteux que la G<strong>en</strong>èse attribue au p4re<br />

du g<strong>en</strong>re humain, ne prédestinait guère celui-ri à une pareille<br />

glorification. Que Dieu ait voulu imposer à ladorat.ion des<br />

anges celui cjui clans la Bible est avant tout un pécheur et q ui<br />

a attiré la malédiction diviiie sur lui et ses desc<strong>en</strong>dants, est<br />

une supposition qui paraIt presque blasphématoire. Une<br />

pareille croyance ne s'explique iue si un élém<strong>en</strong>t étranger<br />

au judaïsme est ici interv<strong>en</strong>u. Bousset n déjà montré que la<br />

théologie perse avait transformé la conception que les J uifs<br />

se faisai<strong>en</strong>t. d'Adam, <strong>en</strong> provoquant son id<strong>en</strong>tification avec<br />

Ciel et sou t tiev utis (IC' iintoii. que lis tioiïirnes ont adores comme des divi_<br />

nits )t'f. Aridres, Die E,ip'lb'hr' ,ier rlpido 'jei<strong>en</strong> :dans 1"orscliunq<strong>en</strong> de Elirard-<br />

Kirsch XII) Paderborn. 1914, p. .13 SS. Doctrine analogue dans Jiislin (Ibid., p. 22)<br />

ni, Atiitutigiire (lb., p. 77).<br />

I) Meyer, Vilo ildae et Evae (dans AbhandI. Ilay. Akad. XIV) Munich, 1878,<br />

p. lS ss. Nois transcrivons le passage le plus caractéristique (p. 225, 12) Et<br />

egressus Michaul vocavit omries angeles dic<strong>en</strong>s: Adiirate iluagin<strong>en</strong>i (mmmi I )ei,<br />

sicut praecepit Durninus Deus. t Et ipso Miciiati primus adornvit et vocavit me<br />

et dixit Adora imagine! ciel leliovali et respondi ego t Non haheo ndorare<br />

Atiain. Et cuin compelteret me tl iehatl adorare, dixi ad ohm Quid mc Coihipellis<br />

huit adoraho deteriorem et po-teriurein ineum, in creatiira illius prius SUffi. aritequa<br />

in ille lieret, mm factus train, lite me deluot atiorare. Il oc audieiite ceteri t i t i j<br />

sub rue eraut angeli nolnerunt adorare eum et ait Mitthael : Adora imaginem<br />

Dei. si autein non adoraveris, irasc.etur tibi Doniirius, lieus. Et ego dixi Si<br />

irascetur ponam sedem meam super sidera cadi et ero similis Alt isuimo. Et<br />

iratus est mihi Dorninus et inisit nie cuni angelis mea foras dc gloria nost.rn et<br />

pci- tuarn causa lu iii hune mOi tin ni ex 1ulsi sulilus de haijit,atinnibus nostris et<br />

proiecti SUEILUS in ttrram. - En grec celte kgcnde s'est transmise le plus complblem<strong>en</strong>t<br />

dans 1c Questions le Barl!iol,,uié, IV, :14 55., d. l3onWetsch.<br />

'2) Kaiitsch, .tpocr. ami psewlcj,iqr. des' _lll<strong>en</strong> Testam<strong>en</strong>ts. 11, 191)0, P510<br />

ur. (Jinzberg, The leq<strong>en</strong>ds af lite .J,'ns. t. 1909, p. 62 ss., V, p. 32 et p. 114, li. 116.<br />

:orm mu emprurit au julaisme le refus dibuis de se prosterner devant Ilioinme<br />

formé de limon (Sur. 15, 28 55.); cf. Sidersky, I.es origines des lég<strong>en</strong>des ,nusulnianes,<br />

Paris, 1933, p. 10 ss.


LA PLUS ANCIENNE L1GENDE DE SAINT GEORGES 39<br />

l'I-Iomme Primil if du mazdéisme 1 . Gavômûri., cet homme<br />

Primitif, a dans la religion irani<strong>en</strong>ne une importance que<br />

des recherches réc<strong>en</strong>tes ont. achevé de mettre <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce2.<br />

Alirirnan est son adversaire ini1dacable. comme Satan l'est<br />

d'Adam, et il parvi<strong>en</strong>t ii le faire périr, mais après sa mort,<br />

ce prelnier né d'Ahoura-Mazda et. aneêtre de la race humaine,<br />

« atteigliit la seigneurie spirituelle des Archanges 8 s, c'estfi-dire<br />

se joignit aux Amshaspan[ls qui <strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t le Dieu<br />

suprême et. un passage du Vispered 4 montre qu'on l'invoquait<br />

cii sacrifiant.. Les spéculations des sectes gnostiques et du<br />

manichéisme liii réserv<strong>en</strong>t une place d'une importance primordiale.<br />

C'est. lui, non le véritable Adam, qui figure dans<br />

la lég<strong>en</strong>de de l'adoration (les anges que le Pseudo-Pasicratès<br />

n adoptée. La gloire » dont Dieu dépouille Apollon, selon<br />

nos Actes 5, est. le llvarc.nô perse, l'auréole lumineuse qui<br />

appart<strong>en</strong>ait é Lucifer, avant, qu'il fût précipité du ciel6.<br />

llusset, lion ptpro blerne de.r Gnosis, 1907, p. 174, 198 sa.<br />

2.) l3oussst, op. cil., p. 202 sa. ; fleitz<strong>en</strong>stein, Das iran. Lrlhsu,rqsnujsteririm,<br />

1921, p. 242 sa et puas. Wes<strong>en</strong>donck, Lir,n<strong>en</strong>sch und Secte in dcc iran, L.cbcrliefe_<br />

rung., Jiarsovre, 1924, p. 173 sa. ; Schiider, Warburg Voririige, 1924-1925 (Leip.sig,<br />

1927), p. 111, 138 as.<br />

3) 1)irtknrt, VII, 1, 7 (t. V, p 5, \Vest, Pair!. Tests).<br />

4) Vispered, 18, 1 (Darxnest,eter, Z<strong>en</strong>d lr.'esta, 1, p. 483). - Dans sa polémique<br />

contre les Chaldé<strong>en</strong>s ', c'est-à-dire contre les Magusée.ns (Mon .Myst. Mithra,<br />

I. p. '160), l'apologiste Aristide leur reproche de déi Ocr l'homme (ci vosov're v<br />

&vOpcuov etvt Ocv ?.vov), c'est-à-dire sans doute l'Homme primitif; cf. Cettok<strong>en</strong>,<br />

Zrvej qriechisclre .'lpoioqet<strong>en</strong>, 1907, p. 10 et p. 57.<br />

5) Let. Gail., p. 65 Huber. p. 52 Et abstulit u me glorium meam , Grec,<br />

p. 12, 30, Kr<strong>en</strong>rb. E5poé ';c sou; Arm., p. 267 : Expulit me a<br />

gloria mea. Copte, p. 230 lIe east me forth from the. glory witlr winch I was<br />

aurrorirsded. Et.hinp., p. 101 He drove me fortIn from rny st,ate 0f giory . On voit<br />

S'estomper peu in pou la netteté de l'idée prinritive. - Cf. Vita Adw, p. 225<br />

Ali<strong>en</strong>atus suffi dc gloria mea quam Imbul in cadis n i3czold, Schalzhô hie, trad.<br />

p. 4. Il fut dépouillé du vêtem<strong>en</strong>t de sa gloire. - Les traditions rabbiniques<br />

voulai<strong>en</strong>t qu'Àdanrn lui-rnènw e6t été <strong>en</strong>touré de cette gloire céleste avant son<br />

péché; cf. Iiousset, ap. cil., p. 198.— Un autre indice de l'origine irani<strong>en</strong>ne de cette<br />

lég<strong>en</strong>de apparalt ers grec dans les Questions le ïrarlholomdc (1V, 54) et dans in<br />

Caverne ries trésors syriaque (Bezold, Die .Sc/nat:héhle, 1883, trad. P. 13) Satan<br />

refuse d'adorer Adain parce que celui-ci est formé de la terre, et que lui-mème<br />

est né du feu, cet éléni<strong>en</strong>t étant le plus sacré aux yeux des rnazdé<strong>en</strong>s.<br />

6) Si la religion nnazdé<strong>en</strong>nse u agi sur' le judaïsme. <strong>en</strong> transformant sa conception<br />

d'Adam, l'autre part le judaïsme liait avoir fait adopter par les mages oceicl<strong>en</strong>taux<br />

sa doctrine de la chute des anges, qui est étraiigén'r au zoroastrisme orthodoxe.<br />

Du moies il semble que les Arnsliaspands llaurrvatM et Ameretat, persormificati<strong>en</strong>s<br />

avestiques de la Prospérité et de l'lrrrrniortulité, soicint. dev<strong>en</strong>us, comme l'a<br />

suggeré Lagarde, les anges llhrût et Mârût qui, selon la tradition musulmane,<br />

pour avoir cédé à l'a concupisc<strong>en</strong>ce, fur<strong>en</strong>t condamnés par Allais à rester sur la


40 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />

Nous n'avons pas la prét<strong>en</strong>tioii dc t<strong>en</strong>ir la clef de toutes<br />

les énigmes qu'ofïre la composition dc nos Actes cappadoci<strong>en</strong>s.<br />

Bi<strong>en</strong> des épisodes <strong>en</strong> rest<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core inexpliqués. Ainsi, d'où<br />

provi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t ces trônes royaux d'un bois aride que la parole<br />

(lu saint fait reverdir et fructifier 1 ? A qui est empruntée cette<br />

scabreuse histoire de Georges couchant, de par la volonté<br />

du roi, dans la chairibre de la reine, ruais passant avec elle<br />

la nuit <strong>en</strong> <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s spirituels 2 ? Sans iloute à (UelqUe<br />

lég<strong>en</strong>de où était IIIiSO à l'épreuve la contin<strong>en</strong>ce du héros,<br />

comme (lans Je récit biblique de Joseph avec la femme (le<br />

Put.iphar. Nous (levons laisser la solution de ces problèmes<br />

et de Plusieurs autres aux érudits connaissant mieux qut nous<br />

les contes innombrables (le la haggada juive ou les i'oinans<br />

historiques de la littérature pehivie. Mais les observations<br />

que nous avons prés<strong>en</strong>tées suffiront. à révéler quel est le<br />

g<strong>en</strong>re de sources auxquelles b Pseudo-Pasicratès a puisé : il<br />

lisait des écrits où les traditions d'Israél se mêlai<strong>en</strong>t aux<br />

croyances de l'iran. Nous trouvons ainsi dans l'élucubration<br />

de cet hagiographe u ne preuve nouvelle de l'influ<strong>en</strong>ce qu'ont<br />

exercée ces oeuvres judéo-mazdé<strong>en</strong>nes qui naquir<strong>en</strong>t dans les<br />

terre, oit ils <strong>en</strong>seign<strong>en</strong>t aux Iiontme la magie. Cette lég<strong>en</strong>de est certaiiwni<strong>en</strong>t<br />

antérieure à l'islam, qui l'a emnprutttt au judaïnte. et elle parait avoir appart<strong>en</strong>u<br />

au ntazd&Osme Arméni<strong>en</strong> ; et. Boussel-Gressinutw, Religion de-s Judcnlums 3 , 1921;,<br />

p. 492, Durnézil. l.es heurs Ilarot .liurot et les anges Jlauruatdt et Arnerehit dans<br />

Revue des Études .4rméni<strong>en</strong>ncs, VI, 19Z6, p. 43-69. l-lastings, Encycl. 0/ ileIig.<br />

s. y . Arm<strong>en</strong>ia , t. I, p. 796 Sidersky, op. cil., p. 22.<br />

I) Cli. 1I,c.f. App. extrait VI - crec, Krumb., p. 7; Copte, p. 216; Arm., p. 260.<br />

- Un indice de lorigine juive de cette hit.oire, se révèle dans la prière du saint<br />

c'est au mom<strong>en</strong>t oit il pronortce am<strong>en</strong>, que le prodige s'accomplit, Sur la puissance<br />

que la haggada attribuait à ce mat, cf. Uirizberg dans la Jeu'ish Enegelop. s. V.,<br />

p. 492. Ainsi, si les damnés répond<strong>en</strong>t tmcn aux prières, Minitel et Gahriel les<br />

délivr<strong>en</strong>t. - De nième dans l'épisode le hi veuve, lequel est sûrem<strong>en</strong>t d'origine<br />

juive (supra, p. 31;), selon la version grecque Krurnb,, p. II), lb), c'est au mom<strong>en</strong>t<br />

oû Georges dit am<strong>en</strong> que retifant est guéri de sa c'cité. De même <strong>en</strong>core dans<br />

la scène de la résurrection des morts <strong>en</strong>fernus dans le sareophage, celle-ci se produit<br />

au mom<strong>en</strong>t oû le saint pronotti am<strong>en</strong> ( kruuib., p. 8, 37 ; Copte, p. 219).<br />

Les croyances populaires des J uifs il triloiai<strong>en</strong>tnu mot am<strong>en</strong> une puissance apotropaïque<br />

\Ver am<strong>en</strong> mit, aller kraft sagt, von dam wird das Bôse abgew<strong>en</strong>siet .<br />

(Encqc/opàdia Judaïca, il, p. 577, cf. RIait, i)a Àll/rîdisclte Zauberu'es<strong>en</strong>, 1S98,<br />

e SI.) Oit le trouve employè avec cette valeur dans les papyrus magiques (VesseIy,<br />

I)<strong>en</strong>hschr. .tlad. Bi<strong>en</strong>, XLII. 1893, p. 29, 1. 279 ; p. 66, I. 30 rà &sv<br />

x.L 'rà &.i17.r',t).<br />

2) Cii. 1(1 ss. ; cf. App. extraiL Xi.


LA PLUS ANCIENNE LÉGENDE DE SAINT GEORGES 41<br />

pays, comme la Mésopotamie cL l'Asie Mineure où les rabbins<br />

et les mages se coudoyai<strong>en</strong>t. Dans lesy ne.iétisme de l'époque<br />

hellénistique, une certaine combinaison de leurs doctrines<br />

était aussi inévitable que le fut à Alexandrie l'action de la<br />

p<strong>en</strong>sée grecque sur un j ridaïsme dev<strong>en</strong>u philosophique. Parmi<br />

les apocryphes chréti<strong>en</strong>s qui recueillir<strong>en</strong>t ce niélange d'idées<br />

perses et juives', la lég<strong>en</strong>de de Georges, cjui jouit (l'une popularité<br />

imm<strong>en</strong>se, occupe de ce fait une place considérable. La<br />

fantasmagorie qui la caractérise est le fruit de sa double<br />

origine ori<strong>en</strong>tale. Une telle débauche d'imagination, une telle<br />

outrance clans le merveilleux, une telle méconnaissance de la<br />

réalité historique répugnèr<strong>en</strong>t toujours à la sobriété de l'esprit<br />

gréco-romain. Aussi voit-on la froide raison occid<strong>en</strong>tale,<br />

même sur un domaine où se joue la crédulité, réagir contre<br />

une absurdité trop flagrante et s'attacher A ram<strong>en</strong>er par<br />

degrés à plils de vraisemblance une fable extravagante.<br />

Fr. UUiiIONT.<br />

I) Le roman Pseuclo-Cléin<strong>en</strong>tin, oû l'auteur a introduit Zoroastre assiinilt fi<br />

Nemrod, olive un autre exemple Lrés frappant, 41e ceLte influ<strong>en</strong>ce juiléo-irunieiine<br />

sur un apocryphe clirLi<strong>en</strong>. Nous <strong>en</strong> parlerons plus longueinerit dans notre recueil<br />

tics fragm<strong>en</strong>t_s des neiges, que nous publierons bi<strong>en</strong>tôt M. l3idcz et moi.


APPENDICE<br />

Pii'tiii les versïiis latines litées jusqu'iui (le lii hL'e.flde (le<br />

S' Geortrcs ('f. supin. p. 6, n. 1), une seule ti<strong>en</strong>ne un texte non al'éé,<br />

c'est relie q u'a publiée Arndt d'apris un iris, du IXè siècle, le Gti!licanu,.<br />

Mais 'e texte i'ornplct sauf une lacune - se retrouve dans<br />

le Parisinus lat. i26 du xi e siècle. o1i,,z co<strong>en</strong>obii .Sanchie 1'a1hw'qis<br />

in .Sancla .Silva {lieiligsforst ou Sar'bourg, près de \Vissemboririz], cf.<br />

Cal, codd, hayiogr. let. Paris, I, p. 404), et bi<strong>en</strong> que ce Paris'inu. soit<br />

relativem<strong>en</strong>t rèceiti, Konrad Zwierzina (Feslschrifl fur Kelle = Pruqe'<br />

I'ul.seèeSludicn, VIII, 1908, p . 'i-61) a montré qu'il remonte<br />

u un arrhetvpe dont la valeur dépassait ('elle du Gallicazws. Parfois<br />

le latin du vieil hagiographe y a été fclieusemerit « atiiétioré , mais<br />

le ras. de Paris supplée in certaines omissions de la Passion Il l'a t'ait<br />

connaître Ariidt, et suri témoignage est précieux pour ht rei'unsti-<br />

I,ution de l'antique version latine. N eus avons cru devoir cii exi,i'aii'e<br />

les principaux passages comm<strong>en</strong>tés dans notre article.<br />

1. - I,ssio GEonc.Ir ÏiIAHiYLIIS<br />

F. I 26v. In illo t<strong>en</strong>ipore arripuit tiiabol ils' regeru Dacianum,<br />

dut'em Persai'um, qui regnavit super 1utiite €'edros s'i'iptoi'uni<br />

sae'uli. qui plier firerut super ornuies reges tei'rae. Misit ede.'tum super<br />

omnem terram, et ut otaries reges convertir<strong>en</strong>t in uuium. Et ('uni,<br />

congregali fuiss<strong>en</strong>t septuaginta et duo reges 3, sed<strong>en</strong>te ce pro tribuit:iIi,<br />

et, i'egibus et seriatoi'ibus et nnlitibus, quorum non erat nurnei'us,<br />

pet' cii'cuit.um st'l<strong>en</strong>uihius, iussit Datianus iinperator atTerre omnia<br />

ti,i'riierita qu;e pi'opiravei'at Clu'istianis.<br />

11. -- Cit. 2<br />

F. l'27 r. Et duni congi'egata fuisset inae.stitnaljilis multitudo, ecce<br />

sanctus Dci faniulus Georgius, stella praeclara rnedium cadi et terrae<br />

ifl,abolus COd. - Nous n'avons pas noté la substitution constante de e ne,<br />

ni celle tIC niiehi niihi.<br />

2 Sc,' jp!orum rici te j ne la n (a li, Zwjerzij,a (p. i'(59 la rorrigé <strong>en</strong> sceptroruni<br />

il'apt'is le Paliuips. 3é30)OtV 'é'; ' < > Œ'/.7Çt. lia reconnu aUssi que eedrûs<br />

était, unie Iraduction le .p't: érrit pour x'rrpr Mais il a méconnu le s<strong>en</strong>s (le<br />

l'expression les ' xtp oiit pt1r' Its cosiitugrajihes les quatre points cardinaux.<br />

L'archétype avait vraiciiill.ililemeiit c)OtV i)vn) & ''i xvpcov<br />

'ro x6rniu, la I OVOII te sur les quatre parties du uiundo répotilant aux siuts car-<br />

(Ititaux. Cf. supin. p. Il, n. 4.<br />

3) Polir ce chiffre cf. supra, p. il, n. :.


LA PLUS ANCIENNE LÉGENDE DE SAINT GEORGES 43<br />

reluc<strong>en</strong>s, g<strong>en</strong>ere Capodorum' et cornes super î. 127v) rnulI,os milites,<br />

accipieiis mulluni aurum peiv<strong>en</strong>it ad Dacianum imperatorem, ut<br />

consul 2 procederet, et. vidit. multos reges congregatos apud Dacianum<br />

imperatorem eum exercitibus suis, Christum blasphernantes.<br />

III. - CII. 3<br />

F. 127 v . Audi<strong>en</strong>s <strong>en</strong>ini vocem eius imperator sil<strong>en</strong>tium3 fieri<br />

praecepit et respici<strong>en</strong>s in euni dixit : « Tir homo non solum itobis<br />

iniuria(ui) fecisti sed cl deos meos minirnos tecisti. Dii sunt qui dant<br />

gratiam omnibus. N une ingreclere et sacrilica ruagno ( 128 r) deci<br />

Apolliai qui conlinet 4 orun<strong>en</strong>i terram et gubernal omnne saeculurn.<br />

Tam<strong>en</strong> die niihi tu homo de qua civitate es tu ? nuL quod ilicitur<br />

noiri<strong>en</strong> tuum ? aut pro qua causa hurusque ml nos perveiristi ? »<br />

Dixit ml eum beatus Georgius : » Norn<strong>en</strong> autem quod ah hominibus<br />

habeo Georgius voeu! et iii Cliristo cliristianus sum. G<strong>en</strong>erc vero<br />

Cappudoius 3, fui super munera mutta 6 et b<strong>en</strong>e egi in Christ.i nomine<br />

militiain 7 mearn. Tu autein imperulor quibus ibis me iubes sacritirare?<br />

Apolliui 5, quein taclum cainciare clicis, nuL cette Nept.uno, quem<br />

tu dine t cria in funilasse 9 ? lIos quos tu iIiias dros, imperator, non pertiniesco.<br />

Non propter te, drmo inveterale, nec propter eos quos<br />

congregasti reges sed<strong>en</strong>tes tecuin, sed propter pupuluni qui expecta-<br />

Lurus est et. eus qui credituri surit in Chiisto. plurimos dirnitto, liautos<br />

dico t° ut <strong>en</strong>arro opeta deorum tuorum. (Quos niilti similes facis, irnperator<br />

? Petruin, qui est. columna'' ecclesiae prior apostolorum, an<br />

Apollinein'' I. 12 v), qui est perditio saeculi? Heliam Theshiteii'3,<br />

terrcnuiii huininein et caulestein arigelurn t4, qui in terra aiilu1abLI<br />

et in ratio commanet, aut Scarnandrum' 6 rnagunr, qui ignerri I)eI<br />

mugicas suas fecit, ainicum Mediae, qune g<strong>en</strong>uit Iharsar et Sarcafas,<br />

qui per sua operu merci surit in rnediu mari.<br />

1) Lire Cappadocum --rrcc rv Kc6xrov.<br />

2) Cern «cl, Gail., ce qui caL iiicortiprélierisible ut ca,r.ul prucc 'I' rel eL conflrrné<br />

lar Iluljcr, p. 40. Grec: Ov pyov,<br />

3) .SjIe,rci,xm coi.<br />

4) Traduit vé mointi<strong>en</strong>L unie ». Cf. I G, XIV, 11)18 : "ArcL.. a'i/orm<br />

..,1j etc. et nos fleligion ori<strong>en</strong>lalec', p. 227, ri. 7.<br />

) Capadochus ciel.<br />

li Lire nurnerunr mulitun avec Gutil, (numerus au s<strong>en</strong>s militaire).<br />

7) Mnliciwn cod.<br />

8) Appollini cod.<br />

9) Nepturie r<strong>en</strong>d stable la terre. Cf. supra, 9, n. 3.<br />

10) Lire pionner dinnilb,, pauca dieu.<br />

il) Culum pou eud.<br />

J 2) .lppotiincrn cod.<br />

13) Fhlqwn lhespit<strong>en</strong> cou.<br />

14) Lire avec le grec : lcrr<strong>en</strong>um anjclum ci c.uckslem l,uniinern.<br />

J ) Am bela! cod<br />

16) Are/uunul,rtnr Ijilié avant .lrcliamundrnm cud. Lire .Sea,nandrum, cf. joint,, V,<br />

n. 3. Sur cette lég<strong>en</strong>de, c. supra, p. 10, ii. 1. Le Gallicanus u ici une lacune<br />

considérable.


'II REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />

IV. - Cii. 43<br />

F. 130 v. Et scripsit Daeianus) epistolam hah<strong>en</strong>tem hanc formam<br />

Dacianus iniperator omni orbi Lcrr:e salutem. Si quis magus potuerit<br />

sovei'e magicas Chi'istianorum, v<strong>en</strong>iat ad me et dahu ci auri pondera<br />

tiiginta et arg<strong>en</strong>ti pondera quadragirita et pussessiones multas et<br />

sei'undus ciit in regiio meo e. Epistola verci lecta est. per omn<strong>en</strong>i Leiram.<br />

Auili<strong>en</strong>s vero AL-hanasius rnagus v<strong>en</strong>it ad imperatorem Datianuru<br />

et dicit ad cum Athanasius niagus. e V<strong>en</strong>iat <strong>en</strong>im quem di(.'is<br />

Chrislianiis', SI non 1)OSSUO1 solvere inrigicas cius, reus surn in coflsJ)ectu<br />

Liiø. i:t cum lace audisset iroperator, repletus est gaudio inagno<br />

(f. 130v) et dixit ad eum : « Quid es 2 ei fcturus ut solvas rnagkas<br />

dus? ï, Et dixit Athanasius magus : « lube v<strong>en</strong>ire duos tauios 3. »<br />

Et ïium veiiiss<strong>en</strong>t 4 tauri, dixit in aurerri tauri et partitus est tauius»<br />

in cluas partes. Tuac laetatus est imperator » et dixit : cc Vere Lu potes<br />

solveie niagicas cliristianorum. e Et dixit Athanasius inagus : Sustirie<br />

inoilieum et viclebis maiora niiiahilia. e Et iussit affeire iugutii et<br />

taurum, qui divisus est, iunxit euiu et arnljulabat. Et miratus est Jcupulus<br />

in hoc facto.<br />

Cii. 7. Tune iussit imperator addw'i sanctum Georgiuin et lixiL 1' ci:<br />

e Georgi, propter te hune magurn aciduxi ; aut certe tu suives niagicas<br />

eius, aut certe iste solvet magicas tuas ; nuL iste perdet te, nul tu<br />

perdes cura, e Sanctus ero Georgius respicieus in iuvcnem dixit ci<br />

e Festina et fac quod volueris viileo cuira te i'ito conpreh<strong>en</strong>dere<br />

gratiam Dei e. Et accipi<strong>en</strong>s Atiinnasius calicem, invocavit flonhiila<br />

daemoniorurn et dedit sancto Gcorgio bibere et outil ci nocuit. 'rune<br />

(f. 131 f) Atlianasius magus dixit iinperatori : e Uzium est Laiiturn<br />

qnod ci faciam et si non potuero iiocere ci, convertar' et ego ad crucifixum.<br />

Tunc accepit uulie<strong>en</strong>i invocavitque nomina dnemonioruni<br />

fortiora priorum'° et dedit ci bibere et nihil ci pinevaluit. Tune Allianasius<br />

niagus excianiavit voce magna et. (lixit : e Georgi, lucerna<br />

1) Christianum cod.<br />

2) Es corrigé cr, est, 2 main.<br />

3) l'hauros rad. Le-s haire-aux sont deux comme dans le Gali, et Huber, p. 42<br />

(noie dans le Sang'all. de Zareicke., ni ilajis le pieiipseste, ni dans le copie), mais<br />

dans la Suite il it'est plus question que d'un seul. L'introduction d'une paire est<br />

due à ce que l'auteur n cru qu'il fallait la soumettre au joug, par une fausse interprétation<br />

du mot uy6ç ; cf. n 6.<br />

4) V<strong>en</strong>ip<strong>en</strong>i cod. ; v<strong>en</strong>iss<strong>en</strong>t GaIl<br />

5) 'laurus ajouiii 2' main.<br />

fi) I<strong>en</strong>perator. l'or. corr. 2' maul.<br />

7) Le traducteur u r<strong>en</strong>du uy6 par joug mais son vrai s<strong>en</strong>s était balance<br />

(Zwierzina, p. 59) cL supra, p. 21.<br />

8) Dicil cod.<br />

9) Cwwertor cod. cf. GalI. I liber.<br />

10) Priurum, Le gïniiiI gree'aprs le comparatif est friuiueTit elua" ce Lexie.<br />

J'urticjra ii lU 'I U C GalI . Cf 1111 12cr nWJJ joli bru' 'triai 'la 'lii OflIOFii!Ii prJUrZl!ïc


LA PLUS ANCIENNE LÉGENDE DE SAINT GEORGES 45<br />

veritatÀs, adjure te per crucifixum lesum Christum, fflium Dci vivi,<br />

qui desc<strong>en</strong>dit de cadis in terram liberure orniies qui a diabolo' ohnoxii<br />

<strong>en</strong>ebantur, libera animam ineani, et du mihi Christi signaculurn. »<br />

V. - Cu. 9<br />

F. l3. Et rum cornplesset orationem in torm<strong>en</strong>to rotue, ernisit<br />

spiritum et dixit irnperator Dacianus ministris « Videtis (f. l32r)<br />

quod non est alius dominus nisi Apollo et I-[erme.s 2 et Diana et Scaniandrus<br />

3 et 1-Iercules 4 et Neptunus, qui tres palmites 6 cadi contin<strong>en</strong>t,<br />

per quos imperatores imperarit ct putestates re.gnabunt...<br />

Eutites quacrite desertuin puteum sine. aqua et ibidem l)roicitc<br />

corpus eius, ne v<strong>en</strong>iant eliristiani et to1lanI. eum et suscit<strong>en</strong>t murtyrium<br />

7 eius et confidant in eum et veiiiat sanguis eius super capita<br />

nostra. Cum misisserit » eum in putcurn altissimum et post pusilluin<br />

quasi sputium horarum duarum, eum esset umperator in palatio suo<br />

cum regibus - erat <strong>en</strong>im hora quarta diei sahbati et v<strong>en</strong>eruni » ut<br />

ucceder<strong>en</strong>t ad prandium, subito cireumtexit nubes'° puteum et factus<br />

est sonus magnus, itu ut cataractae" caeli apertue fuiss<strong>en</strong>t, et terra<br />

cuirtremuit et montes humiliati suntu (f. 133r) et tuba cecinit et<br />

Micliael' 3 archangelus desc<strong>en</strong>dit cum tuba et v<strong>en</strong>it Dominus super<br />

Cherubim' 4 et steUt super os putei et collegit ossa sancti Georgii in<br />

unum, sieut dixerat sanctus Georgius adhue viv<strong>en</strong>s : « Putas possum<br />

liherari' 5 de hac <strong>en</strong>angana, ut. credant et cognoscant, quia habeo<br />

Dominum lesum Christum. s Et vocavit eum Dominus dic<strong>en</strong>s<br />

(;eorgi, ecce manus quae plasmavit primum horninem Adani et<br />

nunc ipsa te ressuscitai. » Et ïnsulllavit in eum Doininus et irnplevit<br />

euro spiritti vitae et revixit et confortatus est et salutans eurn Doniinus<br />

asc<strong>en</strong>dit in cadis. Et sanctus Georgius coepit'° deambulare et vidit<br />

1) Dqaholo cod.<br />

2) Erne cod.<br />

3) Gamandrus cod. Grec xvpo. Kruznb., p. 6, 4. Cf. supra, III, n. 16.<br />

4) Ercules md.<br />

5) Grec xar (p. 6,6), Le traducteur u lu sarm<strong>en</strong>ts (Zwierzina,<br />

p. 560).<br />

6) ToIl<strong>en</strong>t md.<br />

7) Suscitant martirium md. = &a-a1, Krumb., 6, 10 : « btiss<strong>en</strong>L un martyrion<br />

s, cf. X, n. 3.<br />

8) MLsisset cod.<br />

) Lire v<strong>en</strong>iss<strong>en</strong>i. Avant et v<strong>en</strong>erunt, euro bitTé.<br />

10) Nubis corr. <strong>en</strong> nubes, 2 » main.<br />

11) Garacle md.<br />

12) Sur ce détail, emprunté aux descriptions de ht fin dii inonde, cf. supra.<br />

p. 28, n. I.<br />

13) Michaliet cod.<br />

14) Cherubin cod.<br />

15) Liberare corr. <strong>en</strong> liberari.<br />

16) Cepit md.


46 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />

imperatorem iudicantcm populum et curr<strong>en</strong>s ingressus est ad euiii<br />

dic<strong>en</strong>s « Quid dicis, imperator ? » AL ille respici<strong>en</strong>s in eurn dixit<br />

u Ecce idolum' Georgii. » Alu dicebant : « Similis est ci. s Famulus<br />

autem Domini clamabat dic<strong>en</strong>s : s Ego sum Georgius, qui a te occisus<br />

sum.<br />

VI. - (. 11<br />

F. 13.1v. Lucesc.eiitc autem (lie iussit Dacianus iraperator adduci<br />

sanctum Georgiurn. Vid<strong>en</strong>s autem Magn<strong>en</strong>tius 2 rex quod factum<br />

îuerat, dixit ad eum : « Georgi, unam pet itionem peto n te si mdii<br />

praestiteris eam, credo in 1)eum soluni 1 , et septuaginta VIII deos<br />

et Ijiaijam' Matrem de.orum , quae est salus rnundi, relinquani. » Et<br />

dixit sanctus Ge.oriius:» Pete quod vis. » Dixit ad eum Magn<strong>en</strong>l.ius7<br />

Sunt apud nos sedes quatuordeciin » et per' singulas sede.s suaI. tnl)u10e8<br />

ex lignis friictiferis et nune, si per orationem tuam radicaverint. (f. 135t)<br />

ipsae Inhume et quae sunt fructiferae'° afferant friicturn ad siniilitudinem<br />

suarn et arbores fiant, creclemus 11 in deuni tuurn. » Sanctus Georgius<br />

dixit ci : « Non propter te ho» facio sed propter adstantium' 2 multitudiiiem.<br />

qui iii Christo ciedituri sunt. » Flect<strong>en</strong>s <strong>en</strong>irn g<strong>en</strong>ua sua<br />

sanctus Georgius per sputiuni 1» home unius oravit, Et factus est dies<br />

oi)sclirus. et complota orationo dixit « m<strong>en</strong> 14 ». Et factus est sonus<br />

magnus, qualis in die resurrect.ionis futitrus est, et v<strong>en</strong>it Spiritus<br />

Sanctus et solutac. sunt. quat.uordtciu sedes et radicaverunt Iahulae<br />

quac tuerant amidae et attnleruiit frut,um secundum similitudinern<br />

suam. Videiis antem Magn<strong>en</strong> tins' » mcx dixit, ad eum « Magnus est. deus<br />

Apollo et lIeri'iiles et otnnes dii, quoniam in lignis aridis virtusle<br />

cornai pruevaluit<br />

1) Idolus georqius cml. - Noter l'emploi de ef8&ov pour fanbnne .<br />

2) Magn<strong>en</strong>cius cod.<br />

3) Lire Solern. L'erreur a fait modilier la phrase.<br />

4) Sur ces 78 -- . le rnênie chiffre miro extrait XI, n. 7 -, plus probablem<strong>en</strong>t<br />

72 dieux ; cl. supra, p. 9, n. 6.<br />

5) Dqanarn cod.<br />

() L'arum cml.<br />

7) Muqo<strong>en</strong>cius cod.<br />

8) Quatorze trônes comme le Grec (Kruiiih., 7, 15) et J'Arm. 22 »l;iii» le<br />

LaI. GalI 70 dans le Copte. Le vrai chiffre est peut-ôtre 72, un pour rhaque roi.<br />

l Lire pro? Le rédacteur sernite avoir cru que le» labulac taieot des table».<br />

placôc» devant les trônes, au lieu dcs planches qui composai<strong>en</strong>t ceux-ci [Zwicr-<br />

«ma).<br />

lu) Fractifera cod.<br />

Il) (:redimus cod.<br />

12) Astwicium cod.<br />

Li) Spacium md.<br />

14) Sur la valeur religieuse (le cet am<strong>en</strong>, cf. Supra, p• 40, n. 1.<br />

15) .1îaqn<strong>en</strong>eiu» cod.<br />

16) Virlus au s<strong>en</strong>s de Puissance miraculeuse, cf. lieU9, ori<strong>en</strong>tales 4, p. 270, n. 113.


LA PLUS ANCIENNE LÉGENDE DE SAINT GEORGES 47<br />

VII. - CIL 12<br />

F. 136 v. Et dum ingressus fuisset (Ge.orgius) in auditorium, dixit<br />

O iinperator, tu cum Apolline' et ego cum Domino meo lesu Chi'isto. »<br />

Statim ibi in palatio mulier quaedam v<strong>en</strong>it et cecidit ad pedes eius<br />

orans et dic<strong>en</strong>s « Domine Georgi, famule Christi, ec.ce filius meus<br />

iunxit boves et perrexit ut araret 2 et cecidit bos et mortuus est.<br />

Sed rogo ut. subv<strong>en</strong>ias incredulitati' <strong>en</strong>eac, quoniain nulla est milii<br />

substantia' in hospitio meo. » Et dixit ad coin sanctus Georgius<br />

« Accipe haculum meum' et. vade et porie eum super bovern mort.uum<br />

et. die ad eum « Haec dicit sanctus Georgius famulus Chi'isti : In<br />

nomine Domini nostri lesu Christ.i surge et sta super 1wdes tuos. »<br />

Audi<strong>en</strong>s haec mulici' fecit sicut. pra3cepit ci sanctus Georgius et<br />

statirfl stetit bus et. roulier magniilcabat Domiriurri dic<strong>en</strong>s : « Magnus<br />

propheta surrexit in nobis et Dominus cadi visitavit populum SUUm.»<br />

\'TII. - Cii. 13<br />

L'empereur interroge un des morts dont les restes étai<strong>en</strong>t cont<strong>en</strong>us<br />

dans un sarcophage et que Georges a ressuc.ités (supra, p. 26).<br />

F. l3Sr, Quem deum colehatis, dum in isto saeculo fuistis ?<br />

Dh'il ci ille homo : u Non mihi persuades, imperator ; dii'cre <strong>en</strong>ini<br />

til)i erubesco et noniinare nom<strong>en</strong> eius. Ego credehani fuisse deum<br />

Apollinem, qIli est perdit.io 7 animaiurn, surdus et caecus et sine anima;<br />

opera manuum hominurri farti sunt A , Ideo dotus est. no1ii Iocus angustus<br />

et obseurus. Super f05 luchant flumina i gnea et est. in eod<strong>en</strong>i ioco<br />

verrnis inmortalis et carbones inextinguibiles i. Aut non audistis<br />

quod seript.um est : « Notum fac mihi ilium diem terribilem. u Ihi<br />

<strong>en</strong>irn surit flumina ignea bulli<strong>en</strong>tia'° et tremor magnus ante (f. 138v)<br />

I) .4powni cod.<br />

2) Corrompu <strong>en</strong> aram dans Gal]., qui par suite a modifli la phrase cf. Huher,<br />

p. 45 Krumbacher, p. 8, 20.<br />

3) Ine,edulitaii subv<strong>en</strong>ias d'après Marc, 9. 23. &i L parait avilir été substituts<br />

i &Op [Zwierzina]: Colite : Help my poverty u. Grec ' evc5» Krirnb,, ,<br />

21). Ma iique (ta ris Arm.<br />

4) Miclu subsianria cod.<br />

5) .Signaculrtm meuin GalI,, traduction de nybx mais partout ailleurs<br />

c'est un béton ftxzl (Krumb.. 8, 22. Georges est anti, le la baguette magique<br />

des tlmaumimalurges )cf. Roselter, f.exikon, s, y . Zauberstab et C. IL ,4cd. Inscr.,<br />

1934, p. liii:. La xrpi.i d'13isée doit. de mêmcètrc plaréesurle frumitd'un <strong>en</strong>fant<br />

pour le ressuciter, IV, Rois, 4, 29 «s. (et. Ginzberg, Leg<strong>en</strong>d.» of lhe.Jew», IV, p. 243)<br />

et Moise è l'aide de sa baguette apprivoise des lions (cf. Ginzherg, lit, p. 332).<br />

G) D'après Lue, 7, 16 ?<br />

7) Perdicio cod.<br />

8) Lire fartas, cf. GalI,, Itubner, p. 46 et infra, p. 48, n. 8.<br />

9) Cl. hale, 66, 24 ; Marc, 9, 48 et supra, p. 32, n, 1.<br />

10) Bulileacta cod.


L<br />

48 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />

conspectum terribiiem et iuclieium magnum cl omnia opera ant.c<br />

oculos eorum astaiit'. Et exelamavit Michael 2 arcuiangelus dic<strong>en</strong>s<br />

« Att<strong>en</strong>dite opera vestra et. aceipite retrihutionem. » Audi vero, unperator,<br />

exponam tibi quoniarn omnis homo qui natus fuerit super<br />

terram et confessus fuerit Dorninum lesum Christum, salvatorem<br />

inundi, si qua habuerit peccata et recessei'it de hoc sueculo, erit in<br />

loco amo<strong>en</strong>issimo 3 et die dominico accipiet indnlg<strong>en</strong>tiam 4, ut rcspi_<br />

ciat [)ominuin lesuni Christuni, quem confessus est, ut videat euni<br />

dearnhulantem cum sarictis angelis suis. Ego autem nec die riominico<br />

iiabui induig<strong>en</strong>tiam 5, quia Christum non cognovi. Quis <strong>en</strong>im hahui°<br />

intert('(lCre pro me, qui idolis 7 servivi surdis et caeuis et sine anima,<br />

opera manuum factis 8 ? Dicit ci imperator : u lJe1iras homo quasi1°<br />

qinidringeritoruni ;irinoruin. » I'unc respici<strong>en</strong>s sanctum Georgiuin<br />

Is' 1 qui ressuritatus fuerat a mortui dixit « Georgi, famuile C!uiisti,<br />

luceiuia veritatis, steila praetiara f. I 39 e), rogo te miserere animauum<br />

nostrarum, quas de inferno revoasti et dones nobis signaruiumh2<br />

Christi et ne nos patiaris' ingredi in loc.um ilium torineuikiuum et<br />

L<strong>en</strong>el)i:Irurn. Vid<strong>en</strong>s ergo sanctus Georgius Ililem homiriis illius percussit<br />

pede' 4 dextro t.erram et exivit aqua viva et liaptizavit eos<br />

omnes in nomine Patris et. Fuji et Spiritus Sancti et dixit eis u Ite<br />

in pare et requiescite. » Et nusquani coniparueruuit.<br />

IX. - Cii. 14<br />

Tune obstupuit itoperalor in spallo horarum duarum et dixit<br />

ad reges. Non dixi vohis quia hic homo malelicus est et magus,<br />

quoniarn daemouuia rioi.Cis manifestavit et dixit se mortuos suscitasse ?<br />

Ego luodie confundam g<strong>en</strong>us Galilacorum u. Et dixit ministris suis<br />

« Quaerite mulierem viduaun paupeuem, quae substantiam' 5 dieï unit<br />

habeat. in hospitio situ, et inuludite coin ibidem, ut confundatur. »<br />

Et qunesierunt mulierem pauperemn, ut nulla ea'° pauperior esset in<br />

1) Omne operanirs occulos eorurn aslat cod. Pour la correction, cf. supra,<br />

p. 32, n. 5.<br />

2) Micha/uel, cod.<br />

3 Am<strong>en</strong>issirno c.od. Lire amarissi,nrC .çed, cf. Iluber, p. 4G, n. 33.<br />

4 et. 5) Indulg<strong>en</strong>ciarn cod. -- Pour la doctrine du répit accordé aux damnés,<br />

cf. supra, p. 33 «s.<br />

G) Ilcibuit cod.<br />

7) )do1is cod.<br />

8) Fada cod.<br />

9) Delibias cod. Cf. Gali., Fluber.<br />

lii) Quando cod.<br />

11) fs] isle corr. 2°<br />

12) Grec appyZ8 c'est-é-dire le baptême cf. supra, xtr. V fin, infra<br />

extr. X lin.<br />

13) Paciapis COd.<br />

14) Pedem avec m bitTé. - - Pour la source qui jaillit, cf. supra, p. 30.<br />

15) Substancia,n cod.<br />

1G) Nullus ci cod.


LA PLUS ANCIENNE L1GENDE DE SAINT GEORGES 49<br />

illo tempore, et incluserunt eum in hospitio' eius (f. 139 v). Et euro<br />

ingressus fuisset hospitiulu huius viduac sanctus Georgius. clicit<br />

mulieri « Mulier, da mihi modicuin panem, ut manducem. » Dicit<br />

ai mulier e « Non est in hospitio rneo punis. » Dicit ci sanctus Georgius<br />

« Quem deum colis ? » Dicit ei mulier « Deum magnum Apollinem<br />

cl 1-Iercul<strong>en</strong>j. n Dicit ad eam sanctus Georgius e « Merito non est punis<br />

im domo tua, n Respici<strong>en</strong>s ad sanctum Georgium roulier intra semetipsam<br />

dixit e Video vultum hominis liuius tanquam vultum angeli<br />

Dci. Et modo 'ado ad vicinam nicam, forsitan in adv<strong>en</strong>turii hominis<br />

huius praestahit mihi palterri ununi et inv<strong>en</strong>io grauam ante faciem<br />

eius, et ponam ante euro ut 2 inanducet, et crastino die ego moriar 3. »<br />

Et curn haec exisset quaerere paneru, sanctus Georgius sedebat iuxta<br />

furcani ligne.arn quae suhportabat hospitiuni eius. Et continuo furca<br />

radicabat et rajiios misit et superfudit hospitiuni cius et crevil in<br />

altuni cubitis quindecim (f. 140r) et fructuin atiulit. Et ecce angelus<br />

Domini adv<strong>en</strong>i<strong>en</strong>s attulit ei panes et comedit sanctus Georgius et<br />

confortatus 4 est. Et reversa est routier in hospitium suuni. Vid<strong>en</strong>s<br />

inirabilia facta, îurcam aridani forera et super tectuni lrospitii sui<br />

ernin<strong>en</strong>tem et merisam pl<strong>en</strong>am l)aF)utIUS, Ilect<strong>en</strong>s geriva sua adoravit<br />

sanctuni Geurgiuiu et dixit ad euro e « Doiriinum lesum Chi'isturn<br />

b<strong>en</strong>edico, qui se in hominern transtiguravit et desc<strong>en</strong>dit de eaelo in<br />

terram et. ingressus est in domum viduae, ut odiuvet nos. n Et t<strong>en</strong>uit<br />

sanctus Georgius mai)uni inulieris et. aflevavit euro (le terra dic<strong>en</strong>s<br />

« Non suni ego Deus Christianorum sed servus cils sum. n Et dixit<br />

mulier ad sancturu Georgium e « flogo te, doniine, quia inv<strong>en</strong>i gratiain<br />

corani oeulis 5 luis, (licat ancilla tua verbum in auribus tuis. » I)iclt<br />

ai san('tus Georgius e « Dic rnulier quod vis. » Et dicit ci e n Ecce natu<br />

est miiii lilius et m<strong>en</strong>ses Ires surit ci. Est <strong>en</strong>im caccus et surdus et<br />

paralylicus 6 et (f. 140 v) confundor ut. vicirii mci videant euro ; sed<br />

crc(lo per orationes tuas ut salvetur ihius meus, quin credo in L)eum<br />

tuum. » Sanctus autem Georgius, ut vidit lidem mulieris, dixit ail<br />

euro : « Affer illurit huc ail me. » Et attulit euro et posuit euro ante<br />

geuua dus 7. Et inipon<strong>en</strong>s ci manum oravit. ail Dominrini et coripleta<br />

oratione insufflavit in oculos 5 eius et, cecideriint de ocuhis » infari Lis sicut<br />

squamae pisciur:n et statini aperti sunt oculi eius et visum recepit.<br />

I) Hospiciu cod. Le mot )iespitium (presque partout écrit avec un e (1311» la<br />

suite) est pris au s<strong>en</strong>s bas-laLin de maison n.<br />

2) E! cod.<br />

3) D'après, 111, Rois, 17, 12; cf. supra, p. 36, n. 5.<br />

4) Conmcditforlatus (medit biffé) cod.<br />

5) Occulis cod.<br />

6) Paraliticus cod.<br />

7) Lire suier q<strong>en</strong>ua sua av'c Gali, et IIuber, p. 45. Le grec elç & y6vr<br />

(krunlb.. p. 10, 11) pour to est amphibologique.<br />

s) Oeculos, occuli», oeculi partout avec deux e.<br />

9) D'après Actes, Ap., 9, 15? Le grec (Kruinb., 10, 16) n reraplacé ?ie par<br />

xpu. Mais cf. Copte, p. '223 C Lue .scalcs fi'tl Irom his eyes.


REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS<br />

X. - Cii. Ui<br />

F. 111 e. Tune exelamavit (Georgius) ad Dominum voce magna et<br />

iisit spiritum. Et turic iussit imperator portare corpus eius in vertira<br />

excelsitudinis graridissimi unius inontium et ibi eum proici,<br />

<strong>en</strong>s : « Ibidem desc<strong>en</strong>dunt vohicres cadi et (1'. 141 v) bestiue terrac et<br />

riiedeiit carnes eius et dis)erg<strong>en</strong>t ossu eius, ut non pareant super<br />

terrarii, ne qui' Christianorum viii uni. niulieres toilant (le ossibus<br />

cius et lig<strong>en</strong>t in linteo2 et port<strong>en</strong>t p10 me(lidiria sibi et. siiscitetit ilini'iyrium<br />

3 eius 'l'une portatus est in vei'tic.em riiontis excelsi, qui ti icitue<br />

Asiiiarius Et ieversi suai ininisti'i et ii,ilites (lui Corpus s'.&ncti<br />

Georgii jurtaverant'. Desceïideiiiibus autein ris quasi stailia trigint.a<br />

subito facius est tonitrus inugnus et omnia fundametitu montiuni<br />

conturbata suai, Et v<strong>en</strong>it Dornirius in riubibus et clamabat<br />

ad sanctum Georgium dic<strong>en</strong>s : « Puer meus, surge ab iriferis. » Et<br />

cariera haro surrexit, et posi rniniiros claiiiabut die<strong>en</strong>s : Exspectate<br />

niorlieuni et v<strong>en</strong>iam vobiscuni, n ;mversi aiit.em rninisii'i viderunt<br />

s:inctum Georgium prope post se veiii<strong>en</strong>tç'iïi cursu. Et. clarniibat<br />

liceris Audite vocem meam. n Et euro eum vidiss<strong>en</strong>t, cecideruril ad<br />

pedes cius liect<strong>en</strong>tes g<strong>en</strong>ua (f. 112) et. ilic<strong>en</strong>tes « Serve Dci excelsi,<br />

da iiobis sïgnaeulum Christi, quia il iloetus es a Deo<br />

XI. - Cii. 16<br />

F. 142. Sanctum vero Georgiuni vocavit. Dacianus imperator et<br />

dixit ad eum « Georgi er deum Solem 6 et septuaginta ado deos7<br />

et Matrem rleorurn 5 Dianam, lilium metim proprium te respicio'.<br />

V<strong>en</strong>i, liii. audi consiliuni meurri (f. 112 v) et. acced<strong>en</strong>s sacrilicu Apoluni»0<br />

qui 1iberai' orbem teir:... »<br />

Nune autem suade.s me ut sacriilcem Apollini. Repletus gauJio<br />

iinperator eoepit' 2 osculari caput' 3 cius. Et reppulit eum sanctus<br />

Georgius ci ilir'hat Noli imperator, non est ('onsuetudo Galileis<br />

flS prius saei'ilieavei'u dus, non mihi osculaberis caput' 4. » Dicit<br />

I) quis cod.<br />

2) linlhea md.<br />

3) Lui construis<strong>en</strong>t un martyrion , cf. supra, V, n. 7. Grec, p. 10, 31,<br />

Ki'umbacher.<br />

4) Sur le diverses formes du nom cL supra, p. 29, n. 3.<br />

) Porlaverunt cod.<br />

6) Satura cOd.<br />

7) Sur ces 78 dieux, cf. supra, extrait VI, n. 4.<br />

S) Eo,'um cod.<br />

9) Re.spitio cod.<br />

10) Apollinis cod.<br />

11) T<strong>en</strong>d Gal! conliriei (au'7e) Iluber, p. 48 : SLŒ(ov grec, Krunih.,<br />

P, 11, 10.<br />

12) (Jepit cud.<br />

13) Capud col.<br />

14) Michi osculaheris capuil md., cf. supra, p. 14.


LA PLUS ANCIENNE LÉGENDE DE SAINT GEORGES 51<br />

autem sanctus Georgius. « flics iarn diem concludit ad oecasum sous<br />

et non possum soeri [icare iliis invictis. Sed iuhc me artius custodiri<br />

in custodia usquc mane ut sacrilicem (lus invicl.is. Dicit autem ad<br />

eum imperator : Non mihi hoc contirigat, Georgi, ut ulterius te ad<br />

torm<strong>en</strong>ta tradam, sed f. 143r) magis t'a (Jmnia quae in te exerdui,<br />

rnihi quasi patri igiiosce et tin ruihi v<strong>en</strong>iam .N une aut<strong>en</strong>i ingredere<br />

in palatiurn t inferius ad leginani Alexuiridriiiarii et requiesce coin <strong>en</strong>.<br />

XII. - Cu. 18<br />

F. 143 v. Et locuta est statua Apo1linis) Georgio . « Quando susp<strong>en</strong>dit<br />

Doniinus caelum et fundavit terrain et plantavit paradisum2<br />

in cadem hora contra ori<strong>en</strong>teiui, rogitavit Deus et, dixit « Faciarnus<br />

(r, 146r) horninem al I nlaginem 3 et similitudinem nostram. » Et desc<strong>en</strong>dit<br />

Dorninus Deus in paradisuni 4 et. plasmavit Jioniiiiem de terra<br />

et dixit 5 ati nos angeles. « V<strong>en</strong>ite. adorate opera inanuuni niearum. u<br />

Mox autem accipielis Micliael 6 suuni con'titutum 7, adoravit opera<br />

rnanuum cius. Ego autem rc]uctavi 8 et. dixi Ç)uid est quod ego qui<br />

priwus faet.us sum et tegol' sub nus seiiis Clierubirii 9 et Seraphim'°<br />

et totius virtutis cuelui'uiii ? Et tu iubes nie aclorare hune minimissimum"<br />

nieum oc 5112 urhange1nin et pot.estatem bali<strong>en</strong>tem ? Non<br />

faciam. » Iratus est auteiii ruihi L)omiiius et deposuit me vivuni.<br />

Tu autem...<br />

11 y o <strong>en</strong>suite une granille lacune, puis le text.e repr<strong>en</strong>d saris intervalle<br />

au milieu du eh. 19, UIL feuillet de l'archétype ayant pi'obublemeiit<br />

1é ari'aché par' un lecteur qu'avait choqué le récit t1'Apollon-Satan.<br />

I.e fin des Actes n été abrégée dans ce l'urtsjnus.<br />

J) Palaciu.rn in fihium (in/ilirin» hifîé) cod.<br />

2) Paradysum cuti.<br />

J) Yrnagiricîn cod.<br />

4) Paradysum cuti.<br />

5) DieU cod.<br />

U) Michahel cuti.<br />

7) p6artv ?<br />

8) flesullar.'i cod.<br />

9) Cheruhin od.<br />

10) Seraphin cuti.<br />

11) Minis»i,nun cuti.<br />

12) Lire quasi?

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