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archivage et conservation des films - Kodak

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DOSSIER SPÉCIAL | ARCHIVAGE ET CONSERVATION DES FILMS<br />

A. : Si nous en venons maintenant à votre politique actuelle, quelles gran<strong>des</strong><br />

lignes dégagez-vous ?<br />

N.S. : Il n’y a pas besoin d’être un génie scientifique pour savoir que tout<br />

transfert d’un support à l’autre, quel qu’il soit, entraîne toujours une<br />

perte de qualité, même si c<strong>et</strong>te déperdition est, dans le meilleur <strong>des</strong> cas,<br />

minime. Ma première réflexion a donc été de dire : « essayons de sauver les<br />

originaux <strong>et</strong> une fois ceux-ci sauvés, essayons de ne plus y toucher en faisant<br />

procéder à la fabrication systématique d’un internégatif ! ». Ensuite : « c’est<br />

seulement lorsque c<strong>et</strong> internégatif sera « fatigué » que nous en tirerons un<br />

autre ». Pour celles <strong>et</strong> ceux qui ont eu la chance de regarder dans <strong>des</strong><br />

temps déjà anciens les ciné-clubs <strong>et</strong> autres « cinéma de minuit » à la<br />

télévision, on se souvient, sans forcément avoir les <strong>films</strong> en tête, de la<br />

qualité « physique » <strong>des</strong> <strong>films</strong> car la télévision française exigeait <strong>des</strong> copies<br />

d’excellente qualité. C’était formidable… si ce n’est que pour alimenter<br />

les chaînes, les producteurs faisaient tirer une copie neuve à partir du<br />

négatif original. C’est ainsi que procédait la production dans le monde<br />

entier. Un producteur comme Alain Poiré par exemple, très soucieux <strong>des</strong><br />

<strong>films</strong> qu’il produisait, ne se préoccupait pas de savoir d’où venaient les<br />

tirages <strong>des</strong> copies proposées aux télévisions. Au-delà de la détérioration<br />

du négatif imputable à <strong>des</strong> tirages excessifs de copies, la pellicule couleur<br />

s’affadit dans le temps. La maison <strong>Kodak</strong> connaît ce phénomène mieux<br />

que personne. Les premiers <strong>films</strong> couleurs comme Autant en emporte le<br />

vent sont tournés sur <strong>des</strong> supports qui tiennent bien dans le temps, alors<br />

que la période <strong>des</strong> années 1950 à 1970 est marquée par l’absence de<br />

tenue <strong>des</strong> couleurs dans le temps. Sans toucher au négatif ni effectuer<br />

de tirage de copies, le négatif s’affadit de lui-même. Les technologies<br />

numériques, nonobstant les eff<strong>et</strong>s dévastateurs du téléchargement<br />

illicite, perm<strong>et</strong>tent une restauration de qualité. La première restauration<br />

majeure a été, je crois, celle d’Alice au pays <strong>des</strong> merveilles chez Disney<br />

dont le coût avait avoisiné à l’époque les 40 millions de dollars. Quand<br />

j’avais demandé aux responsables s’ils avaient conservé les masters<br />

numériques, ils m’avaient répondu que le coût en était trop élevé…<br />

Nous étions pourtant chez Disney ! Aujourd’hui le coût de restauration a<br />

diminué, la qualité est meilleure <strong>et</strong> j’espère que les intéressés gardent les<br />

masters. Ainsi les spectateurs de Cannes, plus tard les téléspectateurs,<br />

vont voir un film qu’ils croient avoir vu <strong>et</strong> qu’ils n’ont jamais vu, Voyage<br />

dans la lune de Méliès dans sa version «couleurs au pochoir » restaurée<br />

à partir d’un « bloc » r<strong>et</strong>rouvé en Espagne qui menaçait à la fois d’être<br />

détruit par l’eff<strong>et</strong> vinaigre <strong>et</strong> de prendre feu.<br />

25<br />

A. : Dans le domaine de la sauvegarde <strong>des</strong> <strong>films</strong>, Gaumont apparaît donc<br />

comme une société assez exemplaire…<br />

N.S. : Le tapage fait autour <strong>des</strong> propos de Martin Scorsese, il y a quelques<br />

années, m’avait un peu énervé quand il déclarait haut <strong>et</strong> fort qu’il fallait<br />

commencer à s’occuper de la restauration <strong>des</strong> <strong>films</strong>. Ce n’est pas parce<br />

que nous ne m<strong>et</strong>tons pas de placards dans les journaux pour l’annoncer<br />

que Gaumont ne le fait pas depuis plusieurs décennies. La difficulté tient<br />

au fait que beaucoup de producteurs de cinéma ont peu de droits sur<br />

leurs <strong>films</strong>. Heureusement, nous sommes de moins en moins isolés dans<br />

notre démarche. Pathé fait par exemple construire pour sa fondation un<br />

musée dans le treizième arrondissement de Paris.<br />

A. : Quelle particularité m<strong>et</strong>triez-vous en avant dans le cadre de la politique<br />

que vous menez en faveur du patrimoine au sein de Gaumont ?<br />

N.S. : Un certain nombre de mes collègues se sont intéressés à leurs<br />

<strong>films</strong> quand ils se sont aperçus que les télévisions étaient susceptibles<br />

de les programmer ou que, grâce au DVD, ils pouvaient toucher un<br />

autre public. Je vais être très cru : je ne m’intéresse pas uniquement au<br />

patrimoine pour ce qu’il peut rapporter. J’adhère au propos de Henri<br />

Langlois : « il faut tout sauver, l’Histoire décidera ce qui devait l’être ! » Le<br />

cinéma est d’abord un art populaire <strong>et</strong> je ne crois pas aux chefs-d’œuvre<br />

méconnus, éventuellement aux chefs-d’œuvre « engloutis ». Dans un<br />

pays aussi ouvert à l’art que la France, quand il y a à la fois un refus <strong>des</strong><br />

critiques, de ceux qui pensent être à l’avant-garde, <strong>et</strong> le sont parfois, <strong>et</strong><br />

du grand public, je crains que le film ne soit également oublié par nos<br />

<strong>des</strong>cendants. Pour autant, sauvons tous les <strong>films</strong>. Le cinéma, dans sa<br />

volonté de conserver son patrimoine, est incontestablement meilleur<br />

aujourd’hui qu’il ne l’était hier, meilleur ne voulant pas dire parfait.<br />

J’attire l’attention sur le fait qu’un film tourné <strong>et</strong> diffusé en numérique<br />

en 2011 ne disposera plus d’aucun équipement pour le lire dans vingt<br />

ans. Je parle en connaissance de cause. Quand nous avons décidé de<br />

rééditer Don Giovanni de Joseph Losey, un <strong>des</strong> premiers <strong>films</strong> dont le<br />

son ait été enregistré sur support numérique, nous avons découvert que<br />

les appareils qui avaient servi à transférer le son en 1978 n’existaient<br />

plus. Il a fallu quasiment faire refaire un appareil pour pouvoir relire le<br />

son de l’époque. Il existe aujourd’hui un risque majeur, celui de ne pas<br />

conserver le film sur le seul support que l’on sache bien conserver (sous<br />

réserve que les conditions hydrométriques <strong>et</strong> de température soient<br />

"Le Blé en herbe" de Claude Autant-Lara (tournage)<br />

| ACTIONS le mag’ #34-35<br />

© Cinémathèque de Lausanne (archives Claude Autant-Lara)

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