archivage et conservation des films - Kodak
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DOSSIER SPÉCIAL | ARCHIVAGE ET CONSERVATION DES FILMS<br />
A : Est-il possible de conserver sur un autre support les paramètres liés à<br />
l’étalonnage ?<br />
C.L. : Dans une certaine logique, il faudrait conserver les données sur<br />
la colorimétrie <strong>et</strong> la chromaticité, mais comment les exploiter dans dix,<br />
quinze ou vingt ans ? Ce que l’on peut faire de mieux, c’est enregistrer<br />
les données sensitométriques avec leurs valeurs, les relire dans vingt<br />
ans <strong>et</strong> les comparer à la valeur d’origine pour coller « au plus près » de<br />
l’original.<br />
A : Cela veut-il dire qu’en numérique, il va vite devenir problématique de<br />
conserver, comme on le fait en film, les chutes <strong>et</strong> les doubles ?<br />
C.L. : Absolument ! C’est vrai qu’en film, on conserve plus facilement<br />
les chutes <strong>et</strong> les doubles mais on les limite aussi à partir du moment où<br />
l’on dispose d’un négatif monté, sauf qu’aujourd’hui on monte de moins<br />
en moins le négatif. C’est un problème annexe (mais très important) du<br />
passage au numérique, c’est-à-dire que l’on a tendance à de plus en plus<br />
numériser le négatif sans l’avoir coupé. On travaille à partir de montages<br />
« gran<strong>des</strong> longueurs » ou de « sélections pour scan ». Mais un film non<br />
monté passe facilement de cinq ou six bobines de 600 mètres à… 25 ou<br />
30 boîtes qui contiennent non seulement les plans utilisés, mais aussi<br />
beaucoup d’autres. Sur certains <strong>films</strong>, cela peut même aller jusqu’à 150<br />
boîtes. Conserver le film dans de bonnes conditions voudrait donc dire<br />
conserver aussi ces 150 boîtes à une température de 4°C, ce qui est<br />
considérable , sans compter le risque de ne pas savoir r<strong>et</strong>rouver ses p<strong>et</strong>its,<br />
passé un certain nombre d’années. Dans ces conditions, il est évident<br />
que le coût de <strong>conservation</strong> devient très vite prohibitif. C’est la raison<br />
pour laquelle je suis personnellement favorable au montage du négatif<br />
même s’il y aura toujours <strong>des</strong> eff<strong>et</strong>s spéciaux traités en numérique qui<br />
n’y figureront pas. Il faut alors remplacer ces « bouts de film » par <strong>des</strong><br />
longueurs d’amorce <strong>et</strong> surtout, garder les plans qui ont servi à réaliser<br />
les trucages. Tout cela est un peu compliqué, mais c’est le seul moyen<br />
de limiter le nombre de boîtes à conserver.<br />
A : Demeure quand même le problème d’un remontage éventuel du réalisateur<br />
<strong>des</strong> années plus tard !<br />
C.L. : A ce moment-là, il faut que ce soit le réalisateur qui le décide si,<br />
au moment de la sortie de son film, il a été frustré pour une question<br />
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de durée ou de censure ou de je ne sais quoi d’autre. Dès le départ par<br />
exemple, Coppola savait qu’il remonterait un jour, quinze ou vingt ans<br />
plus tard, Apocalypse now. C’était clair. En revanche, à partir du moment<br />
où le réalisateur est décédé, remonter un film devient une trahison.<br />
Quelque part, les chutes <strong>et</strong> les doubles ne devraient pas être conservés<br />
au-delà de la durée de vie du réalisateur.<br />
A : Cela revient à dire que face à toutes ces problématiques, le laboratoire<br />
a, bien plus qu’auparavant, un rôle majeur de conseiller à jouer auprès de<br />
ses clients…<br />
C.L. : C’est ce que « Eclair Laboratoires » essaie de développer à travers<br />
le pôle « patrimoine » que je co-dirige avec Jean-Pierre Neyrac. Qu’un<br />
film soit tourné en numérique ou en 35mm, le laboratoire doit pouvoir<br />
proposer en amont de la mise en œuvre du proj<strong>et</strong> une activité de conseil<br />
<strong>et</strong> de stratégie de <strong>conservation</strong>, laquelle doit idéalement être budgétée<br />
avant le tournage. Il faut éviter que ces questions-là ne figurent sur la<br />
dernière ligne du devis, celle qui est toujours la première à « sauter »<br />
quand il s’agit de boucler un film.<br />
A : La dernière grande restauration orchestrée par « Eclair Laboratoires »<br />
a été « Les Enfants du paradis » présenté c<strong>et</strong>te année à Cannes. Quelle est<br />
aujourd’hui sa garantie de pérennité?<br />
C.L. : Sur certains <strong>films</strong>, il nous est arrivé de shooter deux internégatifs<br />
2K, l’un pour les copies de série <strong>et</strong> l’autre pour la <strong>conservation</strong>, mais<br />
sur Les Enfants du paradis, c’est un vrai shoot de <strong>conservation</strong> 4K qui a<br />
sera fait à partir d’une restauration 4K. C’est une grande première, mais<br />
pour moi, le film de Carné va bien au-delà du cinéma classique, c’est un<br />
poème, une œuvre majeure. Notre engagement a été très important sur<br />
ce film, c’est une restauration qui a duré près de quatre mois <strong>et</strong> mobilisé<br />
de quinze à vingt personnes. Mais finir par un shoot de <strong>conservation</strong>,<br />
c’est un must !<br />
A : Quelles sont aujourd’hui les différents « chantiers » engagés ?<br />
C.L. : Nous travaillons en ce moment sur Quai <strong>des</strong> brumes pour le Studio<br />
Canal <strong>et</strong> sur Antoine <strong>et</strong> Antoin<strong>et</strong>te de Jacques Becker pour Gaumont.<br />
Antoine <strong>et</strong> Antoin<strong>et</strong>te de Jacques Becker.<br />
Directeur de la photographie : Pierre Montazel © DR<br />
| ACTIONS le mag’ #34-35