archivage et conservation des films - Kodak
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DOSSIER SPÉCIAL | ARCHIVAGE ET CONSERVATION DES FILMS<br />
Actions : Quelle est la mission <strong>des</strong> Archives du film ?<br />
Béatrice de Pastre : Nos actions s’articulent autour de quatre grands<br />
axes : collecter, conserver, restaurer <strong>et</strong> valoriser le patrimoine cinématographique.<br />
La collecte se fait principalement à partir de dépôts<br />
volontaires d’ayants droit ou de laboratoires. Nous assurons également<br />
le dépôt légal qui concerne tous les <strong>films</strong> sortis en salles disposant d’un<br />
numéro de visa, qu’ils soient français ou étrangers à c<strong>et</strong>te réserve près<br />
que les <strong>films</strong> étrangers doivent avoir été exploités avec un minimum de<br />
six copies salles. Un distributeur qui souhaiterait déposer un film étranger<br />
sorti sur un nombre inférieur de copies peut évidemment le faire, mais ce<br />
n’est pas une obligation. En ce qui concerne toujours les <strong>films</strong> étrangers,<br />
ce sont les distributeurs qui effectuent le dépôt alors que pour les <strong>films</strong><br />
français, il s’agit <strong>des</strong> producteurs. Pour le long-métrage, la collecte se<br />
situe autour de 90% mais pour le court-métrage qui a une économie<br />
plus fragile, on oscille entre 35 <strong>et</strong> 40%. Quand nous pourrons faire la<br />
collecte numérique, ce sera évidemment plus facile mais l’une de nos<br />
interrogations, c’est la manière dont nous allons pouvoir aujourd’hui<br />
collecter <strong>et</strong> conserver les <strong>films</strong> numériques tant que <strong>des</strong> fichiers pérennes<br />
ne seront pas capables de leur garantir une <strong>conservation</strong> ad vitam,<br />
espérons-le. Nous avons commandité à ce suj<strong>et</strong> une étude pour nous<br />
aider à définir les choix techniques indispensables à la pérennité <strong>des</strong><br />
œuvres. Les trois options sont pour le moment la sauvegarde argentique,<br />
la copie sur LTO <strong>et</strong> l’utilisation <strong>des</strong> serveurs numériques.<br />
A. : Avant les résultats de c<strong>et</strong>te étude, on sait déjà que la copie sur LTO <strong>et</strong><br />
les serveurs ne garantissent pas la pérennité <strong>des</strong> œuvres…<br />
B. de P. : C’est bien pour cela que nous pensons nous orienter vers le<br />
r<strong>et</strong>our sur pellicule, ce qui pourrait être une solution à moyen terme si<br />
l’on trouvait un jour un support qui autorise au numérique <strong>des</strong> garanties<br />
similaires. Cela fait déjà trois ou quatre ans que nous tenons ce discours,<br />
mais dans la mesure où la profession en est maintenant elle aussi<br />
convaincue, notre position devient un peu plus « confortable ». Disons<br />
que nous ne sommes plus les seuls, avec quelques autres « électrons »,<br />
à prêcher dans le désert.<br />
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A. : Existe-t-il un dépôt légal numérique ?<br />
B. B. de P. : Très peu d’œuvres en format<br />
numérique « natif » ont été jusqu’à présent<br />
déposées dans la mesure où le texte de loi qui<br />
encadre le dépôt légal cinématographique<br />
n’a pas encore intégré la dimension numérique<br />
(les textes sont pour l’instant en cours<br />
de réécriture). Il n’empêche que certains<br />
distributeurs déposent déjà leurs <strong>films</strong>. Au<br />
titre du dépôt légal, nous venons tout juste<br />
de collecter ainsi notre premier film en 3D :<br />
« Jackass ».<br />
A. : J’ai été surpris d’apprendre que près de<br />
40% <strong>des</strong> bobines déposées aux Archives du<br />
film… n’avaient à ce jour jamais été ouvertes…<br />
///PARCOURS<br />
Béatrice de Pastre<br />
B. de P. : Au fur <strong>et</strong> à mesure <strong>des</strong> dépôts, nous<br />
avons fait un tri pour séparer les <strong>films</strong> nitrate<br />
<strong>et</strong> les <strong>films</strong> « saf<strong>et</strong>y », regardé quel était<br />
l’état de <strong>conservation</strong> de tous les <strong>films</strong> <strong>et</strong><br />
enregistré le titre figurant sur les boîtes, mais<br />
il n’y a pas encore eu d’inventaire pointu,<br />
c’est vrai. Ce premier tri était essentiel dans<br />
la mesure où les mo<strong>des</strong> de <strong>conservation</strong> ne<br />
sont pas les mêmes pour tous les <strong>films</strong>. Il demeure effectivement à ce<br />
jour <strong>des</strong> boîtes non encore enregistrées dont on ne sait pas très bien s’il<br />
s’agit de négatifs ou de positifs. Peut-être la boîte « ment-elle » aussi si<br />
l’élément qui se trouve à l’intérieur n’est pas celui qui est identifié sur<br />
l’étiqu<strong>et</strong>te ! Heureusement, le fait qu’un film soit inventorié ou pas n’obère<br />
en rien son monde de <strong>conservation</strong>. Toutes les boîtes sont stockées dans<br />
les mêmes conditions.<br />
A. : Quelle est la « politique de surveillance » <strong>des</strong> <strong>films</strong> stockés à Bois d’Arcy ?<br />
B. de P. : Nous faisons <strong>des</strong> tests réguliers sur la totalité de la collection.<br />
Il s’agit de tests chimiques pour savoir si, par exemple, les <strong>films</strong> sont<br />
atteints par le syndrome du vinaigre. Nous testons de c<strong>et</strong>te manière<br />
environ 200 boîtes par mois grâce à un système d’algorithmes qui, par<br />
Spécialiste du patrimoine cinématographique <strong>et</strong> photographique, Béatrice de Pastre, titulaire d’un Diplôme<br />
d’Étu<strong>des</strong> Approfondies en philosophie (Paris IV La Sorbonne, 1986), est depuis mars 2007 Directrice <strong>des</strong><br />
collections <strong>des</strong> Archives françaises du film du Centre national du cinéma <strong>et</strong> de l’image animée.<br />
Auprès du Directeur du patrimoine cinématographique du CNC, elle a en charge l’ensemble de l’activité liée<br />
aux collections <strong>des</strong> Archives françaises du film du CNC (collecte, <strong>conservation</strong>, catalogage, restauration,<br />
enrichissement, accès aux collections <strong>et</strong> valorisation), soit cent mille <strong>films</strong> collectés <strong>et</strong> conservés dans le<br />
cadre de dépôts volontaires <strong>et</strong> du dépôt légal, à Bois d’Arcy <strong>et</strong> Saint-Cyr (Yvelines).<br />
De 1991 à 2006, Responsable de la Cinémathèque Robert Lynen de la Ville de Paris, elle a réalisé l’inventaire,<br />
le catalogage <strong>et</strong> la <strong>des</strong>cription <strong>des</strong> fonds (10 000 œuvres photographiques <strong>et</strong> 4 000 titres filmiques<br />
rassemblés depuis 1925) <strong>et</strong> entrepris la numérisation <strong>des</strong> collections photographiques de l’institution.<br />
Enseignante, programmatrice, elle est aussi auteur d’ouvrages consacrés au patrimoine cinématographique <strong>et</strong><br />
photographique, notamment avec Monique Dubost, Françoise Massit-Folléa <strong>et</strong> Michelle Aubert, de Cinéma<br />
pédagogique <strong>et</strong> scientifique. À la redécouverte <strong>des</strong> archives (ENS éditions, 2004).<br />
Présidente de la Fédération <strong>des</strong> cinémathèques <strong>et</strong> archives de <strong>films</strong> de France de mars 1998 à avril 2002,<br />
Béatrice de Pastre est depuis septembre 2005, membre du comité de rédaction de la Revue Documentaires.»<br />
| ACTIONS le mag’ #34-35