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SCRE95 F1 M1 - Revue des sciences sociales

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ique de 120 ans, <strong>des</strong> sous-ensembles<br />

cohérents et appropriés.<br />

L’autre intérêt de ce livre est de recourir<br />

à l’événement historique, dans la plupart<br />

<strong>des</strong> cas aux événements très récents, entendus<br />

non pas comme de simples successions<br />

temporelles, mais comme <strong>des</strong> projets de<br />

localisation <strong>des</strong> acteurs et <strong>des</strong> enjeux du<br />

passé. Ainsi, retourner jusqu’à la période<br />

allemande en ces temps de frilosité francophone<br />

et de culte local <strong>des</strong> racines parfois<br />

excessif, n’était pas sans risque de heurter<br />

et de choquer. Mais pour les auteurs il était<br />

absolument nécessaire de remonter, dans les<br />

schèmes explicatifs, à cette époque pour<br />

mieux souligner - sans arrière-pensée idéologique<br />

- que l’alternance gauche-droite de<br />

ces dernières années prend, sur le plan<br />

municipal, ses racines justement dans cette<br />

époque, dominée alors par un libéralisme<br />

parfois de gauche et souvent social, pour<br />

virer à gauche par la suite pendant la période<br />

de socialisme municipal de l’entre-deuxguerres,<br />

avec la décennie <strong>des</strong> années vingt<br />

quand Jacques Peirotes est Maire de<br />

Strasbourg (1919-1929), pour redevenir<br />

démocrate avec Charles Frey (1935-1955),<br />

après un intermède de l’alliance communiste<br />

(PCF) - cléricale (UPR) pendant le<br />

mandat de Charles Hueber (1929-1935).<br />

Les auteurs ont bien mis en lumière l’un<br />

<strong>des</strong> aspects importants de la singularité du<br />

paysage politique municipal, à savoir le fait<br />

historique que le Maire de Strasbourg est,<br />

grâce au droit local, le premier urbaniste de<br />

la ville. Cela explique notamment le rôle<br />

éminent que joue le projet urbain municipal<br />

dans le pouvoir local et dans l’enjeu<br />

électoral. Au cours du siècle passé, les questions<br />

urbaine et du logement, la politique<br />

d’économie sociale, la municipalisation du<br />

sol urbain ont fait émerger de grands maires<br />

bâtisseurs tels que les libéraux Otto Back et<br />

Rodolphe Schwander et le socialiste<br />

Jacques Peirotes, qui étaient à la fois fondateurs<br />

et continuateurs dans ces domaines.<br />

Ici aussi, l’histoire urbaine et sociale montre<br />

que l’alternance gauche-droite a été un élément<br />

dynamique favorable au développement<br />

urbain et à la démocratie locale. Les<br />

passages sur la naissance de la Communauté<br />

Urbaine de Strasbourg (CUS), peuvent<br />

intéresser beaucoup de nos lecteurs,<br />

puisque la question urbaine locale <strong>des</strong><br />

années soixante-dix a été le théâtre d’une<br />

lutte politique à l’intérieur de la droite,<br />

quand le leader gaulliste, André Bord,<br />

ministre influent, a imposé par le biais du<br />

gouvernement la création de la CUS en<br />

1966. Le maire centriste, Pierre Pflimlin a<br />

mis six ans de lutte acharnée pour devenir<br />

Président de la CUS - c’est-à-dire en fait<br />

garder la mairie - en s’appuyant de facto sur<br />

la tradition du droit local. Les séquelles de<br />

ces luttes expliquent dans une certaine<br />

mesure la perte par la droite de la municipalité<br />

en 1989.<br />

Les auteurs s’attardent plus sur la période<br />

de la Ve République, ce qui est à la fois<br />

logique et nécessaire, pour répondre à une<br />

question de fond formulée ainsi dans leur<br />

conclusion: «Au terme de cette géopolitique<br />

de Strasbourg sous la Ve République, se <strong>des</strong>sinent<br />

les grands traits <strong>des</strong> diverses transformations<br />

de la ville. Sur le plan politique, les<br />

élections municipales de 1989 ont marqué<br />

une rupture majeure dans l’évolution de<br />

l’après-guerre. Elles se sont placées à la rencontre<br />

d’évolutions régionales et de tendances<br />

nationales. Elles ont consacré le<br />

retour d’une alternative et une nouvelle<br />

diversité de la vie politique régionale» (p.<br />

255). Derrière la précaution du style et du<br />

langage on devine la question <strong>des</strong> questions<br />

par rapport aux élections municipales de juin<br />

1995: notre Première Citoyenne actuelle,<br />

Catherine Trautmann, dont la politique<br />

municipale ressemble à celle <strong>des</strong> grands<br />

maîtres bâtisseurs du siècle passé, arriverat-elle<br />

ou non à donner à cette alternance<br />

droite-gauche une plus grande consistance<br />

et durée que son prédécesseur socialiste<br />

Jacques Peirotes? La tradition locale de singularité<br />

jouera-t-elle en sa faveur, malgré les<br />

pesanteurs régionales et nationales<br />

actuelles? L’avenir proche le dira.<br />

Ce livre utile et bien écrit, que les détracteurs<br />

de l’alternance démocratique jugeront<br />

sans doute trop engagé, prouve, me semblet-il,<br />

que les chercheurs universitaires se<br />

tournent de plus en plus et avec force et<br />

conviction vers les gran<strong>des</strong> questions de la<br />

démocratie locale et s’ouvrent vers la cité et<br />

la société civile, tout en gardant leur identité<br />

de savants et préservant ainsi leur mission<br />

scientifique. Je suis d’avis de l’opinion de la<br />

philosophe Elisabeth G. Sledziewski 4 , qui a<br />

écrit dans son introduction: «Le lecteur trouvera<br />

ici la confirmation d’une exigence<br />

scientifique toujours conjuguée au désir<br />

d’éclairer le citoyen» (p. 8). Et je verrais<br />

bien ce livre d’une grande actualité sur de<br />

nombreux rayons de bibliothèque de nos<br />

étudiants en <strong>sciences</strong> <strong>sociales</strong>; non pas<br />

caché derrière <strong>des</strong> traités de sociologie, mais<br />

bien en leur compagnie.<br />

Notes<br />

Stéphane Jonas<br />

1. Introduction ; I. Histoire politique de Strasbourg<br />

de 1871 à nos jours ; II. La géographie <strong>des</strong> votes<br />

sous la Ve République ; III. La machine municipale<br />

; IV. Les politiques urbaines municipales;<br />

Conclusion ; Orientation bibliographique.<br />

2. R. Kleinschmager (1987), Géopolitique de<br />

l’Alsace, BF Editions, Strasbourg ; J.-C. Richez,<br />

L. Strauss, F. Igersheim, S. Jonas (1989),<br />

Jacques Peirotes et le socialisme en Alsace<br />

1869-1935, BF Editions, Strasbourg.<br />

3. D. Badariotti, Ville et vote. Urbanisme et géographie<br />

électorale à Strasbourg, sous la Ve<br />

République, ULP, Strasbourg, 1994.<br />

4. Le livre doit en effet beaucoup au Centre<br />

d’Étu<strong>des</strong> Régionales qu’elle dirige à l’IEP, et<br />

aussi à l’équipe associée au CNRS «Image et<br />

Ville», URA n° 902 de l’ULP et aux soins logistiques<br />

de Christiane Weber.<br />

Déchiffrer les inégalités<br />

Alain BIHR<br />

Roland PFEFFERKORN<br />

Paris, Syros, 1995,<br />

Coll. Alternatives Économiques,<br />

576 p.<br />

Après les années 1980 marquées par la<br />

victoire, apparemment sans partage, du<br />

marché comme instrument ultime de<br />

régulation sociale et par l’abandon,<br />

programmé par certains, de la lutte contre les<br />

inégalités, voici un livre nécessaire et<br />

revigorant.<br />

Dans un style accessible à tous et néanmoins<br />

sans concessions, Alain Bihr et<br />

Roland Pfefferkorn nous rappellent pages<br />

après pages que les vieux problèmes, les<br />

vieilles questions sont encore d’une actualité<br />

brûlante. Passant en revue la plupart <strong>des</strong><br />

manifestations <strong>des</strong> inégalités, les auteurs<br />

soulignent et illustrent leur persistance et<br />

même leur accroissement dans la société<br />

française <strong>des</strong> dernière années. Ce faisant, ils<br />

s’insèrent dans le débat sur la disparition <strong>des</strong><br />

classes populaires, en soulignant que, le plus<br />

souvent, l’impression de disparition tient à<br />

la pauvreté <strong>des</strong> instruments mis en oeuvre<br />

pour les caractériser.<br />

Le souci, réussi, <strong>des</strong> auteurs a été de réaliser<br />

un ouvrage utile et démonstratif, qui<br />

constitue une sorte de bible pratique sur la<br />

question. La tentation d’être exhaustif<br />

conduit d’ailleurs à un volume dense de près<br />

de 600 pages. On y trouve notamment les<br />

inégalités face à l’emploi, de revenus, de<br />

consommation, de logement, face à l’école,<br />

de santé... Celles liées au sexe doivent faire<br />

l’objet d’un ouvrage ultérieur. On trouve<br />

aussi pour chaque thème, les chiffres essentiels,<br />

les références <strong>des</strong> principales étu<strong>des</strong><br />

récentes, <strong>des</strong> encadrés méthodologiques<br />

ainsi qu’une mise en perspective <strong>des</strong> chiffres<br />

utilisés. On doit louer la précision du commentaire<br />

et le souci du détail qui apparaissent<br />

tout au long du texte. Les éléments épars<br />

provenant d’origines diverses sont notamment<br />

rassemblés, puis mis en cohérence sur<br />

les dix dernières années et même parfois<br />

plus. Les auteurs ont eu la bonne idée d’intégrer<br />

à leur démarche <strong>des</strong> domaines tels, les<br />

inégalités face à l’espace public ou face aux<br />

usages sociaux du temps, qui figurent rarement<br />

dans ce type d’ouvrage.<br />

Le découpage du livre et son caractère<br />

d’outil de travail, autorisent une lecture<br />

transversale en fonction <strong>des</strong> thèmes que l’on<br />

souhaite examiner. Chaque chapitre devient<br />

alors une entrée possible. Il serait cependant<br />

dommage qu’une telle lecture, par trop<br />

consumériste, amène à négliger et l’introduction<br />

et l’avant dernier chapitre (le système<br />

<strong>des</strong> inégalités), qui donnent corps et<br />

cohérence à l’ensemble. Ces chapitres sont<br />

parmi les plus revigorants, même si l’on<br />

n’est pas obligé de suivre les auteurs dans<br />

une démarche qui laisse peu de marge de<br />

souplesse au système social et utilise parfois<br />

trop systématiquement les PCS (Professions<br />

et Catégories Sociales). Les auteurs s’expliquent<br />

d’ailleurs sur ce dernier point.<br />

Bref un ouvrage qui, en ces temps de<br />

campagne électorale, peut être conseillé à<br />

deux catégories de citoyens: à ceux qui briguent<br />

une fonction élective et à ceux qui<br />

s’apprêtent à user de leurs droits civiques.<br />

Damien Broussolle<br />

<strong>Revue</strong> <strong>des</strong> Sciences Sociales de la France de l’Est, 1995, n° 22<br />

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<strong>Revue</strong> <strong>des</strong> Sciences Sociales de la France de l’Est, 1995, n° 22<br />

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