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SCRE95 F1 M1 - Revue des sciences sociales

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naires vivant en France où les règlements<br />

militaires sont différents et où leur intégration<br />

au monde provoque <strong>des</strong> situations où le<br />

serment est obligatoire. Ces situations sont<br />

rares aux USA pour les Amishs et le cinéma<br />

y a vu un thème de conflit pittoresque. On<br />

se souvient du film américain (8) dans lequel<br />

le père amish du bébé tué par de jeunes<br />

voyous refuse de porter plainte devant le tribunal<br />

à cause du serment. En apparence<br />

donc, les Amishs conservent intacte leur tradition<br />

héritée du XVI e siècle. Ils ont plus ou<br />

moins gardé le costume de leur arrivée et<br />

une langue germanique, le Pennsylvanian<br />

German. Ils n’acceptent pas de posséder<br />

autre chose que leur buggy attelé de chevaux<br />

pour transporter leurs nombreux enfants. Ils<br />

envoient ceux-ci dans leurs propres écoles<br />

pour une scolarité minimale. Afin de ne pas<br />

dépendre du gouvernement ils refusent<br />

d’être reliés aux réseaux d’électricité ou de<br />

télécommunication. On pourrait encore<br />

ajouter d’autres traits et celui qui assiste à<br />

leur culte qui dure quatre heures prend la<br />

mesure de la force de leurs convictions.<br />

Cependant cette fidélité nous paraît<br />

quelque peu sujette à caution quand on sait<br />

que ces mêmes Amishs, au moins en<br />

Pennsylvanie, s’accommodent fort bien de<br />

certaines circonstances brouillant un peu la<br />

distinction tranchée entre les deux mon<strong>des</strong>.<br />

Ils n’ont pas de téléphone chez eux, mais s’en<br />

servent au bout de leur champ. Ils n’ont pas<br />

de voiture, mais ne refusent pas, en général,<br />

de se laisser conduire. Ils ne dépendent pas<br />

de l’énergie de l’État mais en produisent euxmêmes<br />

grâce à <strong>des</strong> moteurs. Enfin ils se rapprochent<br />

consciemment et volontairement de<br />

la société qu’ils rejettent en organisant de<br />

petites boutiques qui vendent aux touristes<br />

les réalisations de leur artisanat.<br />

Conclusion<br />

Peut-être que ce qui reflète le mieux une<br />

société à savoir: ses cimetières, pourrait nous<br />

<strong>Revue</strong> <strong>des</strong> Sciences Sociales de la France de l’Est, 1995, n° 22<br />

donner la clé <strong>des</strong> fidélités respectives de ces<br />

deux groupes à leur tradition religieuse.<br />

Les cimetières amishs n’ont pas varié.<br />

Étendues d’herbes striées de rangées régulières<br />

de petites stèles blanches toutes<br />

simples, ils sont entretenus par les enfants,<br />

jeunes filles en robes de coton aux chevilles<br />

et petits garçons à bretelles, tels qu’on les voit<br />

sur les photos maintenant commercialisées.<br />

Les cimetières mennonites de l’Est de la<br />

France se sont transformés. En remontant à<br />

la période où ils ont été créés, c’est-à-dire<br />

au XIX e siècle on peut y découvrir une<br />

rapide évolution. Avant cette période les<br />

inhumations se faisaient sur les propriétés<br />

privées, très souvent sans pierres tombales.<br />

Les premiers cimetières ne portaient pas<br />

non plus de marques de l’identité du défunt.<br />

On y a ensuite placé <strong>des</strong> pierres verticales<br />

de plus en plus sophistiquées. Le symbole<br />

de la croix, rare chez les Protestants en<br />

général et inexistant chez les Mennonites est<br />

apparu d’abord gravé dans le marbre. Il est<br />

difficile de fixer la date de ces productions<br />

mais elle est nette après la seconde guerre<br />

mondiale. Puis la croix s’est détachée de la<br />

pierre et s’est découpée sur le ciel, phénomène<br />

nouveau, rapprochant la tombe mennonite<br />

de son homologue catholique. De<br />

nos jours on trouve même <strong>des</strong> tombes mennonites<br />

portant la photo du défunt (9) et de<br />

plus en plus les Mennonites se font enterrer<br />

dans leurs cimetières municipaux.<br />

Même les cimetières nous laissent perplexes<br />

quant au degré de fidélité de deux<br />

groupes religieux ayant les mêmes origines,<br />

les mêmes textes fondamentaux mais qui<br />

les ont interprétés de manières différentes.<br />

Il est impossible de discerner si la fidélité<br />

se situe dans la lettre ou dans l’esprit.<br />

Interrogés, les membres <strong>des</strong> deux groupes<br />

affirmeraient de bonne foi qu’ils sont<br />

fidèles à l’enseignement de leurs ancêtres.<br />

La clé du problème se trouve sans doute<br />

dans une inégale répartition de cette fidélité<br />

entre l’individu et la communauté. En<br />

France, parmi les Mennonites l’individu a<br />

60<br />

pris une plus grande place que dans les communautés<br />

Amishs où il n’en a guère.<br />

Conséquence du mouvement piétiste ou du<br />

tempérament français, le fait est que le<br />

Mennonite en tant qu’individu reste fidèle<br />

à sa foi anabaptiste même si les traditions<br />

du groupe semblent avoir disparu dans<br />

l’assimilation générale de toutes les minorités<br />

au système dominant. Le groupe français<br />

ajouterait sans doute qu’il est fidèle en<br />

s’adaptant, l’Américain de son côté verrait<br />

une preuve de sa propre fidélité dans le<br />

refus de tout compromis.<br />

Note<br />

1. Mathiot, Charles et Boigeol, Roger. Recherches<br />

historiques sur les Anabaptistes de l’ancienne<br />

principauté de Montbéliard, d’Alsace et du<br />

Territoire de Belfort. Flavion: Le Phare. 1969.<br />

P.22, p.24.<br />

2. “Straw dogs”, Peckinpah, 1971.<br />

3. Hostetler, John A. Amish Society. Baltimore,<br />

London. John Hopkins University Press.1980,<br />

3 e édition.<br />

“The Amish are often perceived by other<br />

Americans to be relics of the past who live in<br />

austere, inflexible life, dedicated to inconvenient<br />

and archaic customs. They are seen as<br />

renouncing both modern conveniences and the<br />

American dream of success and progress.”<br />

[1963] 1980. p. 49<br />

4. Oddos, Robert. Des sectes aux ”ISMES”. Christ<br />

Seul N.11. Montbéliard.éd. Mennonites. 1994. p.11.<br />

5. Wolff, Michèle. Situation linguistique en 1992<br />

de l’Assemblée mennonite de Bourg-Bruche.<br />

Arbeitspapier Nr.11 <strong>des</strong> Projektes ”ProPrinS”.<br />

GHS Univeristät Essen. 1992.<br />

Wolff, Michèle. L’Assemblée mennonite du<br />

Geisberg: Situation linguistique. Arbeitspapier<br />

Nr.21 <strong>des</strong> Projektes ”ProPrinS”. GHS<br />

Univeristät Essen. 1993<br />

6. Communication orale de M. Nussbaumer de<br />

Molsheim.<br />

7. Friedmann, Robert. The theology of<br />

Anabaptism. Herald Press, Pennsylvania, Ontario.<br />

p. 38: ”First we recognize in Anabaptist<br />

writings the acceptance of a fundamental New<br />

Testament dualism, that is, an uncompromising<br />

ontological dualism in which Christian values<br />

are held in sharp contrast to the values of the<br />

”world” in its corrupt state” 1972.<br />

8. Titre français: ”Un autre monde”, Larry<br />

Elikann.<br />

9. Cf. Enninger/Wolff, Lieux d’inhumation<br />

Mennonite dans l’est de la France. Vol.1 et 2.<br />

Presses de l’Université de Essen, Allemagne.<br />

1992, 1993. A la Penn et à l’honneur, 1983<br />

©Présence Panchounette<br />

L’Amour,<br />

les jeunes,<br />

la famille,<br />

la cité

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