SCRE95 F1 M1 - Revue des sciences sociales
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BRIGITTE FICHET<br />
La table de la «Stub» (2.5) est ronde et placée au centre de la pièce; celle de la<br />
«Kleinstub» (2.2) est disposée traditionnellement de coin, encadrée par un banc et<br />
trois chaises. Il n’y a pas de table à la cuisine (2.3).<br />
autour de lui en respectant la séparation <strong>des</strong><br />
sexes et la hiérarchie <strong>des</strong> générations.<br />
Conclusion<br />
A travers l’évolution de la forme <strong>des</strong><br />
tables à manger, de la position <strong>des</strong> places<br />
lors <strong>des</strong> repas, du rituel qui les accompagne,<br />
nous avons pu saisir, entre fidélité, tradition<br />
et innovation, l’évolution <strong>des</strong> relations<br />
<strong>sociales</strong> dans le groupe domestique.<br />
Dès le XIX e siècle apparaissent les<br />
signes d’une remise en cause de l’autorité<br />
du chef de famille et de la hiérarchie très<br />
stricte qui séparait les sexes et plaçait les<br />
aînés devant les cadets, les travailleurs productifs<br />
avant les bouches inutiles.<br />
L’abondance <strong>des</strong> biens, la multiplicité<br />
<strong>des</strong> ressources et <strong>des</strong> emplois hors de l’agriculture,<br />
l’urbanisation <strong>des</strong> campagnes et les<br />
influences extérieures ont rendu moins prégnantes<br />
les règles qui géraient, selon une<br />
stricte discipline, les relations familiales.<br />
D’une interprétation moins rigoureuse, laissées<br />
à l’initiative de chaque groupe domestique,<br />
elles ont pourtant survécu dans les<br />
manières de table qui restent en partie fidèles<br />
à une tradition plusieurs fois séculaire.<br />
Bibliographie<br />
– BLOCH-RAYMOND A., DENIS M.-<br />
N., ERCKER A., «Réinventer les meubles<br />
régionaux: le cas de l’Alsace», dans Chez<br />
soi. Objets et décors: <strong>des</strong> créations familiales?,<br />
<strong>Revue</strong> Autrement, série<br />
«Mutations», n° 137, mai 1993.<br />
– BOUTY-FABRE V., «L’habitat rural<br />
à Ernolsheim-lès-Saverne», mémoire de<br />
maîtrise d’ethnologie, Strasbourg, octobre<br />
1994.<br />
– CHIVA I., «La maison: le noyau du<br />
fruit, l’arbre, l’avenir», dans «Habiter la<br />
maison», Terrain, n° 9, octobre 1987.<br />
– DENIS M.-N., «Décor de vie et<br />
mémoire familiale», Pays d’Alsace, n° II,<br />
1990.<br />
– DENIS M.N. et GROSHENS M.C.,<br />
«Architecture rurale française», vol.<br />
Alsace, Strasbourg-Paris, Berger-Levrault,<br />
1978.<br />
– DENIS M.N., «Les intérieurs ruraux<br />
de Schillersdorf», Pays d’Alsace, Cahiers<br />
135-136, n° II-III, 1986.<br />
– Encyclopédie de l’Alsace, article<br />
«Mobilier», Strasbourg, Publitotal, 1983-<br />
86, vol. 9.<br />
– Images du Musée Alsacien, <strong>Revue</strong><br />
Alsacienne Illustrée, 1904-1913.<br />
– KLEIN G., «Arts et traditions populaires<br />
d’Alsace», Colmar, Alsatia, 1976.<br />
– RAPOPORT, A., «Pour une anthropologie<br />
de la maison», Paris, Dunod, 1972.<br />
Notes<br />
1. M. de Montaigne, «Journal de voyage en Italie,<br />
par la Suisse et l’Allemagne. 1580-1581», Paris,<br />
Les Textes Français, éd. les Belles lettres, 1946.<br />
2. Abbé H. Cetty, «La famille d’autrefois en<br />
Alsace», Rixheim, P. Sutter, 1889.<br />
3. H. de l’Hermine, «Mémoires de deux voyages<br />
et séjours en Alsace, 1674-76 et 1681»,<br />
Mulhouse, Impr. Barder, 1886.<br />
4. J.B. Migneret, «Description du département du<br />
Bas-Rhin», Strasbourg, 1858-71, 4 vol.<br />
5. Montaigne parle de «... tables équipées de<br />
bancs». L’Abbé Cetty décrit ainsi une «Stub»<br />
campagnarde: «... sur les côtés <strong>des</strong> bancs, au<br />
milieu de la chambre, une table... <strong>des</strong> chaises en<br />
bois ciré contre les murs...».<br />
6. J.M. Boehler, «Fortunes paysannes au XVIII e<br />
siècle: le témoignage <strong>des</strong> inventaires après<br />
décès de Schillersdorf, 1701-1789», Pays<br />
d’Alsace, Cahiers 135-136, n° II-III, 1986.<br />
7. Il s’agit évidemment de la maison de la plaine<br />
construite entièrement en pan de bois sur un soubassement<br />
en pierre. Cette remarque n’est pas<br />
valable pour les maisons vosgiennes, entièrement<br />
en pierre et parfois contestable pour les<br />
maisons du vignoble.<br />
8. Le fils héritier reçoit à son mariage «par préciput<br />
et hors part» la maison d’habitation de fond<br />
en comble avec cour, grange, écuries, hangars,<br />
jardins, verger et potager, et tous les autres<br />
droits, appartenances et dépendances [...] plus<br />
tous les outils et ustensiles de labour et servant<br />
à l’exploitation [...]. En contrepartie «les jeunes<br />
époux sont tenus de nourrir à leur table les donateurs<br />
ou le survivant d’entre eux», Actes notariés<br />
de Bouxwiller, 1817 à 1850.<br />
9. Sauf évidemment pour les tables ron<strong>des</strong> dont la<br />
forme même s’oppose à tout classement.<br />
Familles portugaises<br />
continuités ou ruptures<br />
entre les générations<br />
Sommes-nous près ou loin<br />
de notre conscience<br />
Où sont nos bornes<br />
nos racines notre but<br />
Paul Eluard, Le Dur Désir<br />
de Durer.<br />
Brigitte Fichet<br />
Faculté <strong>des</strong> Sciences <strong>sociales</strong><br />
Laboratoire de Sociologie de la Culture<br />
Européenne.<br />
Centre d’Etu<strong>des</strong> <strong>des</strong> Migrations et<br />
<strong>des</strong> Relations Inter-Culturelles (CEMRIC).<br />
La population portugaise est une <strong>des</strong><br />
populations étrangères les plus<br />
nombreuses en Alsace. En termes de<br />
nationalité, au recensement de 1990, elle<br />
compte près de quatorze mille personnes dans<br />
la région. Elle y manifeste une présence<br />
dynamique, caractérisée par une forte activité<br />
économique et une vie sociale intense. Dite<br />
invisible, la communauté portugaise laisse<br />
percer quelques interrogations sur son<br />
identité, sur la situation et les perspectives<br />
d’avenir <strong>des</strong> jeunes portugais. En cours<br />
d’insertion sociale et professionnelle, les<br />
jeunes se trouvent confrontés à de multiples<br />
choix. Certains ont déjà opté pour la<br />
nationalité française, voient plus<br />
d’opportunités de vivre en France et leurs<br />
parents les encouragent... ou s’inquiètent<br />
devant les changements <strong>des</strong> mo<strong>des</strong> de vie ou<br />
l’effritement <strong>des</strong> liens communautaires.<br />
D’autres jeunes, plus rares, envisagent un<br />
retour incertain au Portugal. Évitant ce<br />
dilemme, bien <strong>des</strong> familles sont reparties au<br />
Portugal avant que les enfants ne soient trop<br />
grands...<br />
L’interrogation voire l’inquiétude qui<br />
peuvent poindre chez les parents ou les<br />
adultes portugais à l’égard <strong>des</strong> jeunes ne<br />
pouvaient trouver de réponses dans la seule<br />
auscultation - peut-être «scientifique» mais<br />
sans doute stigmatisante - de la jeune génération.<br />
Cela aurait conduit à une enquête<br />
supplémentaire auprès d’un échantillon de<br />
jeunes portugais ou d’origine portugaise en<br />
Alsace, enquête qui aurait pu contribuer à<br />
particulariser ou à réactualiser <strong>des</strong> observations<br />
générales sur les jeunes dits de la<br />
deuxième génération. Cette forme fréquente<br />
de travail présente l’inconvénient de<br />
centrer l’attention trop exclusivement sur<br />
les jeunes étrangers ou d’origine étrangère<br />
sans les comparer à d’autres groupes pertinents.<br />
Des travaux tels que ceux de François<br />
Dubet, ou aussi ceux de Michel Oriol sur les<br />
enfants d’émigrés portugais (1) , ont montré<br />
la valeur heuristique de la comparaison ou<br />
de la restitution <strong>des</strong> relations entre les<br />
groupes.<br />
Il a paru indispensable de tenter d’observer<br />
l’origine de cette interrogation sur les<br />
jeunes à sa source, c’est-à-dire auprès de la<br />
génération <strong>des</strong> parents et dans les relations<br />
entre les générations. Dans cette conception,<br />
l’enquête auprès <strong>des</strong> jeunes ne se<br />
double pas d’une enquête parallèle auprès<br />
de la génération <strong>des</strong> parents, mais se transforme<br />
en une investigation sur les<br />
familles (2) .<br />
Cette perspective de travail présente<br />
deux intérêts principaux<br />
En premier lieu, elle permet de comparer<br />
les <strong>des</strong>criptions et positions <strong>des</strong> jeunes<br />
à celles que proposeront leurs parents et<br />
par là de disposer de points de référence<br />
pour évaluer leurs dires. Ce jeu de références<br />
intervient en réciprocité de perspectives.<br />
En second lieu, chaque famille peut<br />
<strong>Revue</strong> <strong>des</strong> Sciences Sociales de la France de l’Est, 1995, n° 22<br />
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