Revue Humanitaire n°13 - décembre 2005 - Médecins du Monde
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Dossier<br />
ne se discute même pas un seul instant. Néanmoins, et c’est l’idée que je voudrais<br />
développer, l’action humanitaire ne peut pas à mon sens se résumer à la<br />
seule urgence et j’ai plusieurs arguments à évoquer pour étayer cela.<br />
D’abord, dans le passé, on a vu des ONG se lancer dans la reconstruction,<br />
dans la réhabilitation pour pouvoir utiliser des crédits de fins de programmes.<br />
C’est certes secondaire, mais cela a été fait. Ensuite et le tsunami a<br />
été extrêmement révélateur à ce sujet je crois que quand on a sauvé quelqu’un,<br />
on n’a pas le droit de l’abandonner. C’est vrai qu’en Indonésie, nous<br />
sommes intervenus après que les problèmes de survie aient été réglés.<br />
On n’a pas sauvé grand monde là-bas, et je crois même qu’on n’a sauvé<br />
personne. Mais est-ce que pour autant on a le droit d’abandonner quelqu’un<br />
? Si on veut aider une personne à se reconstruire, il faut lui donner<br />
les moyens de se réinsérer dans une vie humaine et donc lui fournir un<br />
toit, une école pour ses enfants, un dispensaire pour se soigner voire participer<br />
à des projets de relance de la pêche, de la pisciculture ou de l’artisanat<br />
local comme nous le faisons en Indonésie ou au Sri Lanka… Tout<br />
cela me paraît aller de soi et c’est pour cela que je défends l’idée d’actions<br />
humanitaires <strong>du</strong>rables, en apportant deux précisions tout de suite.<br />
D’abord, il ne s’agit évidemment pas de se substituer aux États en faisant<br />
des routes, des ponts, des ports ou des aéroports, mais d’accompagner<br />
les gens et de faire en sorte que notre action ait des effets <strong>du</strong>rables. Cela<br />
ne revient pas à les installer dans l’assistance mais à leur donner tous les<br />
éléments nécessaires pour pouvoir devenir autonomes le plus rapidement<br />
possible. Ensuite, cette démarche repose sur une problématique un peu<br />
plus générale que nous proposons dans nos sociétés, à savoir le rapprochement<br />
<strong>du</strong> médical et <strong>du</strong> social. J’ai été frappé, <strong>du</strong> fait de mes expériences<br />
antérieures, par le côté insupportable <strong>du</strong> sanitaire décroché <strong>du</strong><br />
social. On ne peut pas se contenter de l’urgence immédiate : il faut<br />
accompagner les gens qui en ont besoin dans toute la mesure <strong>du</strong> possible.<br />
Regardons d’ailleurs ce que nous faisons en France dans nos quartiers<br />
et ce que la mission France de Médecins de <strong>Monde</strong> a fait depuis<br />
1986 : cette petite structure avait été créée pour six mois… et elle existe<br />
toujours et s’est même développée. Quand nous luttons contre l’illettrisme,<br />
contre l’exclusion, pour former des gens et les faire entrer dans une filière<br />
de qualification, il me semble que nous faisons de l’action humanitaire<br />
<strong>du</strong>rable parce que nous donnons aux gens les atouts nécessaires pour<br />
s’assumer.<br />
Enfin, je voudrais que l’on se souvienne qu’il y a un peu plus d’un siècle,<br />
la définition première de l’humanitaire, c’était de rechercher le mieux-être<br />
de l’humanité et que la notion a évolué pour se confondre, au cours des<br />
trente dernières années, avec l’urgence. Mais les ONG ou les associations<br />
comme la Croix-Rouge ne sont plus les seules détentrices de l’action<br />
humanitaire : les États, les institutions internationales s’y sont mis<br />
également. Ensuite, nous fonctionnons tous plus ou moins avec des<br />
fonds d’États ou des fonds institutionnels. Et enfin, il a déjà été question<br />
de prévention pour limiter les effets des catastrophes or la préparation et<br />
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