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Revue Humanitaire n°13 - décembre 2005 - Médecins du Monde

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Dossier<br />

conjointe <strong>du</strong> religieux et de la science a privé de tout fondement<br />

le concept même de limite morale, et donc de transgression.<br />

Mais c’est précisément cela le problème. Car il n’y<br />

a pas de société humaine libre et autonome qui ne repose<br />

sur un principe d’autolimitation. Rousseau puis Kant ont<br />

défini la liberté ou l’autonomie comme l’obéissance à la loi<br />

que l’on se donne à soi-même. Pour leur donner une force<br />

suffisante, Rousseau voulait que les lois de la Cité aient la<br />

même extériorité par rapport aux hommes que les lois de la<br />

nature, alors même que ce sont les hommes qui font les<br />

premières et qu’ils le savent. Mais dans une société qui rêve<br />

de façonner et de fabriquer la nature selon ses désirs et ses<br />

besoins, c’est l’idée même d’une extériorité ou d’une altérité<br />

qui perd tout sens. La substitution <strong>du</strong> faire au donné<br />

participe de ce même processus. Traditionnellement, la<br />

nature était définie comme ce qui restait extérieur au<br />

monde humain, avec ses désirs, ses conflits, ses turpitudes<br />

diverses. Mais si la nature devient dans nos rêves intégralement<br />

ce que nous faisons d’elle, il est clair qu’il n’y a plus<br />

d’extérieur et que tout dans le monde reflétera tôt ou tard ce<br />

que des hommes ont fait ou n’ont pas fait, ont voulu ou bien<br />

négligé.<br />

> L’humilité face à la nature ou la leçon<br />

de Voltaire<br />

Si quelqu’un comprit après le tremblement de terre de Lisbonne<br />

que l’homme n’est pas en mesure de percer les mystères de la<br />

nature et que seule l’humilité est de mise face à ses déchaînements,<br />

ce fut Voltaire, dont je n’ai pas encore parlé. On répète<br />

trop souvent que le Poème sur le Désastre de Lisbonne est une<br />

réfutation de la « doctrine optimiste » formulée par Leibniz<br />

et mise en poème par Alexander Pope dans son Essay on<br />

Man, publié à Londres en 1734. Le sous-titre <strong>du</strong> poème de<br />

Voltaire : « Examen de cet axiome, Tout est bien », se réfère<br />

en effet à la conclusion de celui de Pope : « whatever is,<br />

is right ». Or, dans sa préface, Voltaire soutient au contraire<br />

qu’il « ne combat point l’illustre Pope, qu’il a toujours admiré<br />

et aimé : il pense comme lui sur presque tous les<br />

points. » Ce que Voltaire retient de Pope, c’est la critique<br />

que celui-ci fait de tous ces arrogants qui prétendent déchiffrer<br />

l’ordre <strong>du</strong> cosmos. Le Poème le dit admirablement :<br />

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