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Revue Humanitaire n°13 - décembre 2005 - Médecins du Monde

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4<br />

Myriam Revault<br />

d’Allonnes, Le<br />

dépérissement de<br />

la politique.<br />

Généalogie d’un<br />

lieu commun,<br />

Aubier-Flammarion,<br />

1999.<br />

5<br />

Les Choix difficiles,<br />

op. cit.<br />

jeu est plus important qu’il n’y paraît puisqu’il revient à questionner<br />

l’action d’urgence quant à ses effets collatéraux. Et<br />

ceux-ci peuvent se tra<strong>du</strong>ire par une altération de la dignité. Il<br />

n’est pas rare, par exemple, dans le cadre des dispositifs d’urgence<br />

sociale, de voir un sans-abri s’emporter parce qu’il n’a<br />

pas vu le Samu social la veille, ou en raison de conditions d’hébergement<br />

jugées déplorables… Un psychanalyste comme<br />

Miguel Benasayag va même plus loin en affirmant : « L’urgence<br />

sociale [ré<strong>du</strong>isant] les personnes exclues à leur corps leur<br />

dénigre tout droit à la dignité humaine ». Complexe, ce problème<br />

n’appelle pas de solution simple mais mérite, à mon<br />

sens, de lui accorder un espace de réflexion.<br />

Dans le même registre, la sociologue Myriam Revault d’Allonnes<br />

écrit : « Une humanité qui n’a d’autre appartenance qu’à<br />

la “ nature humaine ” est une humanité déshumanisée 4 . »<br />

L’urgence est ainsi faite que, souvent, elle ne perçoit son<br />

engagement qu’au prisme <strong>du</strong> corps à sauver sans délai,<br />

dans un environnement sociopolitique hostile ou pour le<br />

moins difficile. Pris dans l’élan impérieux d’agir, l’humanitaire<br />

d’urgence a trop tendance à ne voir que la victime,<br />

oubliant parfois l’humain dans sa globalité, ses besoins,<br />

ses capacités, ses aspirations, ses projets ou encore —<br />

pourquoi pas ? — ses rêves. Ou, comme le titre Mary A.<br />

Anderson dans un article 5 : « Aujourd’hui, vous me sauvez la<br />

vie, mais pour quel avenir ? »<br />

L’urgence s’est instituée comme le temps de référence de<br />

nos sociétés, le métronome d’un temps qui s’accélère. Mon<br />

propos sur l’humanitaire d’urgence n’a rien de polémique. Il<br />

vise pour l’essentiel à dire ceci : malgré son prestige et ses<br />

innombrables lettres de noblesses, et en dépit de son absolue<br />

nécessité en situation de crise ou de désastre, l’action<br />

urgence n’a pas et ne saurait avoir le monopole de l’humanitaire<br />

légitime.<br />

> Quel sens à l’action humanitaire ?<br />

6<br />

Encyclopaedia<br />

Universalis, 1993.<br />

Cette question sempiternelle vaut, une fois encore, d’être<br />

posée. Pas seulement parce qu’elle suscite autant de réponses<br />

définitives que ce champ d’action compte d’opérateurs<br />

différents. Mais aussi parce que le débat qui a rebondi lors <strong>du</strong><br />

tsunami, entre urgence et <strong>du</strong>rée, mérite d’être ici clarifié.<br />

À la source de l’humanitaire gît un socle moral, que Rony Brauman<br />

résume d’une phrase tirée de Levinas : « Ne pas laisser<br />

48

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