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Revue Humanitaire n°13 - décembre 2005 - Médecins du Monde

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Dossier<br />

autrui seul, fût-ce en face de l’inexorable 6 ». Et de poursuivre<br />

par une définition évocatrice : « L’action humanitaire vise à préserver<br />

la vie dans le respect de la dignité, à restaurer l’homme<br />

dans ses capacités de choix. Elle est mise en œuvre pacifiquement<br />

et sans discrimination par des organismes indépendants,<br />

impartiaux (j’ajouterais ici « neutres »), dans le contexte<br />

d’une crise, c’est-à-dire de la rupture d’un équilibre antérieur<br />

7 ».<br />

La mission de protection est en effet essentielle. Celle de<br />

« restauration », de « réparation » aussi. Mais peut-on concevoir<br />

cette dernière dans la seule urgence, qui constitue à bien<br />

des égards un véritable « carcan de l’instant court » ? Cette<br />

notion n’appelle-t-elle pas celle, voisine, de reconstruction ? Il<br />

faut aider à reconstruire les personnes, et donc leur rendre la<br />

vie « possible » parce que digne. Telle est ma conviction. Telle est<br />

la signification de ce que j’appelle l’action humanitaire <strong>du</strong>rable.<br />

L’expression peut surprendre, mais je n’en ai pas trouvé d’autres.<br />

D’emblée, c’est naturellement le concept omniprésent de<br />

« développement <strong>du</strong>rable » 8 qui m’est apparu pour qualifier à la<br />

fois le temps nécessaire et la finalité des programmes en cours<br />

de lancement dans les pays sinistrés. Trop globale, s’adressant<br />

aux États et aux populations, combinant développement économique<br />

et préoccupations écologiques, l’idée de développement<br />

<strong>du</strong>rable ne révélait pas dans toute sa force combien,<br />

pour les acteurs de la solidarité, l’humain se pose comme<br />

une fin en soi.<br />

Ce concept répond surtout à la volonté de ne pas — de ne plus<br />

— ré<strong>du</strong>ire l’humanitaire à la seule mission d’urgence. Lorsqu’on<br />

sauve quelqu’un de la noyade, ce n’est pas pour l’abandonner<br />

sur la berge. On cherche à le relever, à l’écouter, à lui<br />

remettre le pied à l’étrier… L’action humanitaire ne prend sa<br />

réelle dimension que dans une perspective plus large qui<br />

consiste à donner à chaque vie menacée toutes les chances<br />

de se perpétuer dans la <strong>du</strong>rée. Toute personne aidée ne doit<br />

pas l’être uniquement au motif d’un besoin spécifique immédiat<br />

(blessure, maladie, indigence…), mais au regard de déterminants<br />

qui la rendent universelles : la vie, la souffrance, la<br />

joie, l’amour, l’aspiration au bonheur.<br />

En cela, l’action humanitaire n’est véritablement elle-même<br />

que lorsqu’elle consiste à créer les conditions d’un équilibre<br />

personnel retrouvé. Elle ne remplit pleinement son office que<br />

lorsqu’elle permet à chaque bénéficiaire de se relancer, d’être<br />

en mesure de « vivre sa vie ». Elle ne se réalise vraiment que<br />

lorsqu’elle permet à chaque personne d’avoir au moins un toit,<br />

7<br />

Ibid.<br />

8<br />

Tra<strong>du</strong>it de<br />

l’anglais<br />

« sustainable »,<br />

qui revêt la<br />

double<br />

signification de<br />

« inscrit dans la<br />

<strong>du</strong>rée » et<br />

« viable » en<br />

termes de<br />

respect des<br />

grands<br />

équilibres<br />

environnementaux.<br />

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