Revue Humanitaire n°13 - décembre 2005 - Médecins du Monde
Revue Humanitaire n°13 - décembre 2005 - Médecins du Monde
Revue Humanitaire n°13 - décembre 2005 - Médecins du Monde
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
2<br />
Ainsi, il n’est pas<br />
sans intérêt de lire<br />
les guidelines de<br />
l’OMS en matière<br />
de tsunami : « ne<br />
pas envoyer<br />
d’équipe ou de<br />
personnel médical<br />
qui de toute façon<br />
arriveraient trop<br />
tard », « ne pas<br />
envoyer d’hôpitaux<br />
ou d’unités locales<br />
mobiles », « ne<br />
pas envoyer des<br />
tentes ou d’autres<br />
types d’abris temporaires<br />
»… Donc<br />
soit l’OMS édite<br />
de mauvais<br />
guidelines, soit les<br />
humanitaires ont<br />
commis toutes les<br />
erreurs qu’il ne<br />
fallait pas faire !<br />
3<br />
Ce tremblement<br />
de terre qui fit<br />
60 000 morts<br />
inspira en effet un<br />
chapitre de<br />
Candide à Voltaire<br />
dans lequel il<br />
s’interrogeait sur la<br />
bonté <strong>du</strong> dieu<br />
créateur et<br />
l’existence <strong>du</strong> Mal.<br />
Il fit ainsi de cette<br />
catastrophe<br />
naturelle un<br />
véritable<br />
événement<br />
intellectuel.<br />
Sources d’un débat salutaire, ces échanges ont ouvert la<br />
voie d’une mise en discussion et en perspective de la pertinence,<br />
<strong>du</strong> rôle et des effets atten<strong>du</strong>s de l’action des<br />
ONG humanitaires dans le cas de catastrophes naturelles.<br />
Quelle réflexion plus globale et féconde peuvent susciter<br />
tous ces débats ? On peut poser la question de départ de<br />
manière iconoclaste : les ONG humanitaires sont-elles<br />
réellement compétentes (au double sens de « mandat » et<br />
de « facultés » 2 ) pour intervenir dans les contextes de<br />
catastrophes naturelles ? La réponse dépend sans doute<br />
de la manière dont on considère et définit aujourd’hui une<br />
« catastrophe naturelle ».<br />
On peut la considérer comme un événement imprévisible,<br />
une fatalité qui relèverait dans ses conséquences de l’Etat,<br />
avatar de Dieu que Voltaire incriminait dans le tremblement<br />
de terre de Lisbonne en 1755 3 . Dans cette perspective, il n’y<br />
a pas grand-chose à faire, sinon à prier et solliciter les organisations<br />
caritatives (au sens plein <strong>du</strong> terme). Quant à l’opérationnel,<br />
il s’agit alors de ne faire intervenir que des « corps<br />
constitués » (sécurité civile, pompiers, militaires), spécialistes<br />
des catastrophes naturelles dans lesquelles les ONG humanitaires<br />
n’auraient aucun rôle à jouer. Reste que les catastrophes<br />
naturelles étant souvent l’occasion pour les Etats ou des<br />
entrepreneurs privés de faire passer quelques « changements<br />
en douce » (déloger les anciens locataires de zones à fort<br />
potentiel touristique pour reconstruire de riches habitations…),<br />
les ONG ne perdent-elles pas ici leur possibilité de<br />
jouer un rôle de veille ?<br />
Mais — seconde conception — si l’on voit les « catastrophes<br />
naturelles » d’aujourd’hui comme les stigmates de plus en<br />
plus flagrants de la fragilité de nos écosystèmes, comme des<br />
événements dont les conséquences humaines et environnementales<br />
sont en grande partie imputables à l’incurie<br />
des Etats, au mal développement et aux conséquences<br />
d’une globalisation économique incontrôlée, alors dans ce<br />
cas, les ONG humanitaires sont — peut-être — dans leur<br />
champ de compétences. L’action des ONG humanitaires<br />
(et plus largement de la galaxie humanitaire) devient l’aide<br />
à la prise en charge de phénomènes en interaction directe<br />
(dans leurs causes ou leurs effets) avec l’activité humaine<br />
(dans ses dimensions politiques, sociales, etc.) 4 . Mais la<br />
6