Revue Humanitaire n°13 - décembre 2005 - Médecins du Monde
Revue Humanitaire n°13 - décembre 2005 - Médecins du Monde
Revue Humanitaire n°13 - décembre 2005 - Médecins du Monde
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
Dossier<br />
et depuis que MSF existe, on s’interroge sur ce qu’on peut faire dans<br />
les situations de catastrophes naturelles. Je rappelle que le tremblement<br />
de terre <strong>du</strong> Nicaragua de 1972 a été la première intervention de<br />
Médecins sans Frontières — et c’est donc un peu un anniversaire pour<br />
nous tous puisque MDM et MSF ont un passé très lié évidemment…<br />
Cette intervention au Nicaragua en 1972 s’est révélé un vrai désastre,<br />
une pantalonnade. C’était ridicule, même si sur le moment, on ne pouvait<br />
pas savoir. Et en 1974, au Hon<strong>du</strong>ras, on a envoyé à l’autre bout<br />
<strong>du</strong> monde des gens qui ont simplement trimballé des seaux pleins<br />
de boue ! Ce qui fait quand même cher la main-d’œuvre !<br />
Au fil des années, on a fini par s’orienter sur quelques actions relativement<br />
cernées, limitées, d’ordre logistique. Mais la question médicale était vraiment<br />
très peu au cœur des interventions dans les tremblements de terre<br />
ou les inondations : il y avait peu de blessés, jamais d’épidémies, pas<br />
tellement de malades, si bien que l’on se limitait — et c’était déjà très<br />
bien — à des constructions d’abris, des distributions de couvertures, de<br />
moyens de communication, de moyens de déblaiement… L’aide doit<br />
s’adapter aux circonstances et ce ne sont pas les circonstances qui<br />
doivent se plier aux formes d’actions des institutions évidemment.<br />
Le tsunami, justement, a montré qu’on demandait aux circonstances<br />
de se plier aux formes d’actions des institutions humanitaires. Or, de<br />
tous temps, les catastrophes naturelles ont été un théâtre très difficile<br />
car les secours d’urgence sont pris en charge, pour l’essentiel,<br />
par les sociétés locales ce que les médias, s’agissant <strong>du</strong> tsunami,<br />
ont totalement escamoté et c’est l’un des principaux reproches que<br />
je leur ferais. J’ouvre d’ailleurs une parenthèse pour dire que,<br />
contrairement à Bruno David, ce n’est pas <strong>du</strong> tout le fait qu’il y ait eu<br />
plus de 30 000 articles sur le tsunami et une couverture médiatique<br />
impressionnante, qui m’ait choqué car je ne vois pas comment il pouvait<br />
en être autrement : un événement aussi spectaculaire qui élimine<br />
de la surface de la terre 250 000 personnes en deux minutes,<br />
dont 8 000 Européens c’est-à-dire l’équivalent <strong>du</strong> dernier grand bombardement<br />
de la Seconde Guerre mondiale, pouvait difficilement<br />
passer comme un fait divers ordinaire !<br />
Par contre, et pour en revenir au compte-ren<strong>du</strong> des secours, il s’est<br />
conformé à une sorte de schéma cognitif plaqué sur une situation<br />
très différente de celle dont il prétendait rendre compte : dans les<br />
heures qui ont suivi la catastrophe, les abris, la nourriture et les soins<br />
avaient été donnés au Sri Lanka par des Sri Lankais et en Indonésie<br />
par des Indonésiens eux-mêmes ! Il y avait — mais qui pouvait le<br />
savoir en lisant la presse ? — 1 000 médecins et infirmières sur la<br />
côte est <strong>du</strong> Sri Lanka dans les heures qui ont suivi le tsunami. Mais<br />
cela n’a pas empêché des ministres de la Santé, des ONG médicales<br />
et même des ONG non médicales qui voulaient se médicaliser<br />
pour l’occasion d’envoyer des troupes de médecins qui se battaient<br />
entre eux pour chercher le malade. Chacun a vu, parmi les gens qui<br />
19