Fascicule_E52MCC.pdf - Atelier des Sciences du Langage
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marche sous l'œil <strong>des</strong> caméras, il garde une main dans la poche de son pantalon,<br />
pour la décontraction de l'allure. Il a été si longtemps catalogué parmi les<br />
"agités", si souvent critiqué pour son abord brutal -"c'est une école, je le sais, de<br />
parler comme on tape à la machine", jugeait avec ironie François Mitterrand -<br />
qu'il faut souligner l'ampleur de l'effort fourni pour paraître apaisé. Mais ce<br />
travail sur son apparence était une question de survie politique. Il lui a permis de<br />
quitter l'enveloppe inquiétante <strong>du</strong> Chirac "excité", "inconséquent", "survolté"<br />
dont il a longtemps été affublé, pour celle de responsable rassurant et proche<br />
<strong>des</strong> gens, qui a fini par faire sa fortune électorale.<br />
Claude Chirac n'est évidemment pas pour rien dans cette reconstruction de<br />
l'image de son père. C'est elle qui a convaincu Chirac de s'atteler à cette tâche.<br />
C'est elle qui a établi les qualités à exploiter et les défauts à gommer. Les rivaux<br />
de Jacques Chirac ont pu moquer cette obsession de la communication. Ils ont<br />
bien dû reconnaître son efficacité.<br />
Le physique de Chirac a cependant été la première pierre sur laquelle édifier une<br />
image. L'homme est grand, il porte beau. Pendant <strong>des</strong> années, sa résistance et<br />
son énergie ont été son plus formidable outil de campagne. Restait à transformer<br />
cet atout en "force tranquille", cette belle qualité présidentielle que Claude Chirac<br />
a toujours rêvé d'emprunter à François Mitterrand. Les détails vestimentaires ont<br />
donc été soignés. Fin <strong>des</strong> lunettes à grosses montures noires et <strong>des</strong> trois pièces<br />
à fines rayures version grand patron, "trop typique de la vieille droite", a tranché<br />
Claude. Arrivée <strong>des</strong> costumes souples taillés à l'américaine. On aurait tort de<br />
renvoyer cela au rayon <strong>des</strong> accessoires. Aux pires moments qui suivirent la<br />
dissolution, en 1997, le physique de Jacques Chirac est resté son seul allié. Dans<br />
les enquêtes qualitatives réalisées par l'Elysée, le panel <strong>des</strong> Français interrogés<br />
avaient beau dire : "Il a trahi ses électeurs", "Il a fait perdre son camp", "Mais<br />
pourquoi a-t-il voulu dissoudre ?", un élément positif est toujours ressorti : "Il<br />
présente bien, tout de même" et, même lorsqu'il paraissait devenu politiquement<br />
impuissant : "Il est grand."<br />
Jamais, d'ailleurs, les conseillers <strong>du</strong> président n'ont négligé cet aspect-là. Très<br />
vite, ils ont compris que l'âge de Jacques Chirac - 69 ans en 2002 - pourrait être<br />
un handicap, quand, un peu partout en Europe, les dirigeants ont moins de 50<br />
ans. Chirac s'est donc appliqué à lutter contre les effets <strong>du</strong> vieillissement.<br />
Teinture subtile <strong>des</strong> cheveux, UV pour paraître constamment hâlé, parka et<br />
écharpe pour rajeunir l'allure. Chirac n'a eu qu'à s'en féliciter. Lorsque, le 10<br />
mars 2002, la presse a rapporté que Lionel Jospin jugeait le chef de l'Etat<br />
"vieilli", "usé", "fatigué", les conseillers de l'Elysée ont aussitôt constaté, dans les<br />
sondages et parmi les supporteurs <strong>du</strong> président, que ce n'était pas tout à fait<br />
conforme à la perception <strong>des</strong> Français.<br />
Mais ce travail sur son physique est presque la seule "actualisation" d'une<br />
entreprise de communication amorcée quinze années auparavant. Car c'est au<br />
lendemain de sa défaite de 1988 que Jacques Chirac a intégré qu'il lui faudrait se<br />
construire très professionnellement une image de président s'il voulait avoir une<br />
chance de le devenir vraiment. François Mitterrand, qui paraît alors en maîtriser<br />
tous les secrets, l'a sévèrement battu. Il dispose <strong>des</strong> moyens financiers de<br />
l'Elysée et d'une formidable équipe de communicants où dominent les figures<br />
étonnantes de Gérard Colé et Jacques Pilhan. A la télévision, il paraît crever<br />
l'écran. A plus de 70 ans, il semble plus "moderne" que son rival RPR. Face à lui,<br />
Chirac a parfois l'air d'un enfant.<br />
Sa fille Claude, alors âgée de 25 ans, vient d'entrer discrètement dans son<br />
cabinet, à l'Hôtel de Ville de Paris. Elle s'est longtemps cherchée mais, après<br />
quelques mois de stages auprès <strong>du</strong> publicitaire Jean-Michel Goudard (l'un <strong>des</strong>