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Coverstory<br />
Vers une refonte du management<br />
dans le secteur public<br />
Même si les administrations au Luxembourg échappent aux coupes budgétaires drastiques<br />
contrairement à leurs homologues européens, il n’en demeure pas moins qu’elles doivent<br />
faire évoluer leur modèle de leadership. C’est l’avis de Pierre Mangers, responsable du<br />
secteur public auprès d’EY Luxembourg. Interview.<br />
La modernisation du secteur public à une<br />
époque de rationalisation des dépenses<br />
publiques est un enjeu de taille pour bon<br />
nombre de pays du monde. Quels sont<br />
les défis que rencontre le secteur public<br />
luxembourgeois dans ce cadre, et en quoi<br />
diffèrent-ils (ou pas) de ceux de nos partenaires<br />
européens?<br />
Certains pays européens ont dû faire face à des<br />
coupes budgétaires significatives. Toutefois, le<br />
Luxembourg est parvenu à maintenir un<br />
niveau suffisant de moyens financiers pour<br />
financer à la fois le fonctionnement et la<br />
modernisation de son dispositif administratif.<br />
En ce qui concerne les défis au niveau du secteur<br />
public luxembourgeois, ils sont de plusieurs<br />
ordres. Le Luxembourg doit avant<br />
toute chose être considéré, tant par ses concitoyens<br />
que par les entrepreneurs actifs sur<br />
son sol, comme un acteur fiable, ce qui suppose<br />
un service public efficace et efficient.<br />
Pour ce faire, il doit se montrer proactif et<br />
savoir anticiper les changements de demain,<br />
ce qui passe notamment par une transposition<br />
plus rapide de la législation européenne<br />
au Luxembourg que dans d’autres pays<br />
membres de l’Union européenne.<br />
Un deuxième défi du secteur public réside<br />
dans le maintien et le renforcement des compétences<br />
techniques et comportementales de<br />
son personnel dirigeant, à savoir ses hauts<br />
fonctionnaires. Ici, force est de constater que<br />
gérer un personnel n’est pas tâche facile dans<br />
la mesure où la nouvelle génération des jeunes<br />
dite «C» (Communication, Collaboration,<br />
Connexion et Créativité) arrivant sur le marché<br />
du travail ne présente parfois pas le<br />
même degré de connaissances et de compétences<br />
que celle de ses aînés. De surcroît,<br />
cette nouvelle génération requiert plus d’interactivité<br />
et de transparence ainsi qu’un<br />
feedback continu sur la qualité de sa contribution<br />
personnelle. Cette exigence plus marquée<br />
des jeunes envers leurs chefs «chevronnés»<br />
crée une attente à laquelle le style de<br />
management «traditionnel» du secteur public<br />
n’offre pas toujours les bonnes réponses.<br />
Le troisième et dernier défi du secteur public<br />
luxembourgeois réside dans sa capacité à<br />
conduire des réformes, à se moderniser grâce<br />
àl’implication de son personnel motivé pouvant<br />
s’identifier aux objectifs stratégiques de<br />
leurs chefs politiques. Ces défis sont certes<br />
ambitieux mais les moyens budgétaires mis à<br />
disposition par notre pays sont à la mesure des<br />
efforts requis. Dans d’autres pays de l’OCDE,<br />
le financement de la modernisation du secteur<br />
public représente par contre le plus grand défi.<br />
Dans ce contexte, il est souvent question<br />
d’introduire une démarche de<br />
«gestion par objectifs». Quelles sont<br />
les étapes de cette démarche et ses facteurs<br />
clés de succès?<br />
Dans une démarche de «gestion par objectifs»,<br />
tout ministre, chef ou directeur d’administration<br />
doit formuler des objectifs stratégiques<br />
à atteindre à moyen terme, qu’il doit<br />
êtrecapable de décliner en objectifs organisationnels<br />
par service, voire individuellement.<br />
Pour cela, le personnel encadrant doit pouvoir<br />
mobiliser son personnel et s’assurer de la compréhension<br />
par ces derniers de la démarche et<br />
des objectifs opérationnels à atteindre.<br />
S’ensuit le déploiement d’un plan, revu à miparcours,<br />
si nécessaire, puis un point sur les<br />
objectifs réalisés en fin de période, qui courtle<br />
plus souvent sur une année calendaire.<br />
Les administrations qui revêtent un caractère<br />
plus sophistiqué définissent par ailleurs un<br />
inventaire de compétences composé de ce que<br />
l’on dénomme «savoir-faire», soit les compétences<br />
techniques, et «savoir-être», c’est-àdire<br />
le comportement sur le lieu de travail, une<br />
composante qui gagne en importance dans un<br />
contexte toujours plus marqué par les échanges<br />
interministériels et le besoin d’interactivité<br />
requis par la jeune génération C.<br />
In fine, la «gestion par objectifs» doit permettre<br />
de traduire des objectifs organisationnels<br />
en objectifs personnels et de pouvoir piloter<br />
leur état d'avancement à travers l’évolution<br />
des compétences managériales. Afin de<br />
mesurer cette évolution, il faut créer une<br />
documentation professionnelle alimentant la<br />
gestion prévisionnelle des compétences.<br />
En vue de couronner cette démarche du succès<br />
qu’elle mérite, il faut combiner trois facteurs<br />
clefs de succès: premièrement, la capacité<br />
des ministres et hauts fonctionnaires à<br />
définir des objectifs SMART (Spécifiques,<br />
Mesurables, Acceptés, Réalisables et<br />
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<strong>LG</strong> - Mars 2015