Si même quelques-uns d'<strong>en</strong>tre nous rest<strong>en</strong>t attachés par s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>talismeà l'une de ces techniques condamnées par la pratique, nous ne nouS faisonspas d'illusion : la masse des éducateurs .- car si nos techniques ont vraim<strong>en</strong>t<strong>le</strong>s ' vertus que nous <strong>le</strong>ur croyons el<strong>le</strong>s seront employées un jour prochaindans toutes <strong>le</strong>s éco<strong>le</strong>s - la masse des éducateurs n'emploiera nos techniquBSjque si, tout compte fait, el<strong>le</strong>s s'avèr<strong>en</strong>t supérieures aux méthodes de naguère.Nous sQ~mes bi<strong>en</strong> à la recherche des meil<strong>le</strong>urs outils, des meil<strong>le</strong>ures techniquesde travail, que ce soi<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s nôtres ou d'autres. Nous n'avons <strong>en</strong> l'occur-.r<strong>en</strong>ce aucun amour propre d'a""teur.Nous n'avons jamais prét<strong>en</strong>du que nos techniques soi<strong>en</strong>t parfaites et suffisantes<strong>en</strong> toutes circonstances, ni qu'il ne puisse ri<strong>en</strong> y a<strong>voir</strong> de bon dans<strong>le</strong>s méthodes du passé. Nous disons seu<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t, à l'expéri<strong>en</strong>ce - et une expé-lri<strong>en</strong>ce qui s'ét<strong>en</strong>d à des dizaines de milliers d'éducateurs - qu'el<strong>le</strong>s notlSparaiss<strong>en</strong>t supérieures aux méthodes traditionnel<strong>le</strong>s. Et cette supériorité estune raison suffisante pour la généralisation de <strong>le</strong>ur emploi.Il ne saurait y a<strong>voir</strong> d'Eco<strong>le</strong> Moderne sans une recherche et une adaptationperman<strong>en</strong>tes des méthodes et des techniques aux nécessités d'une vie plusmouvante que jamais.C'est cette recherche et cette adaptation que nous voudrions promou<strong>voir</strong>avec l'appui de tous <strong>le</strong>s éducateurs qui ont consci<strong>en</strong>ce des impératifsrad~de notre époque. -C. F.10
ALAINet· <strong>le</strong>s techniques modernespar C. COMBETJe vi<strong>en</strong>s de lire dans l'Education Nationa<strong>le</strong> (numéro du 8 octobre 1959),l'artic<strong>le</strong> où M. Bloch oppose votre ori<strong>en</strong>tation pédagogique à cel<strong>le</strong> d'Alain.Pour ce qui est de cette opposition proprem<strong>en</strong>t dite, .ri<strong>en</strong>, à ajouter. M. Blocha parfaitem<strong>en</strong>t caractérisé et l'esprit d'Alain et <strong>le</strong> vôtre. Alain demeure deformation cartési<strong>en</strong>ne. C'est un classique. Il a foi dans la fécondité des grandesœuvres (littéraires, philosophiques) ; il p<strong>en</strong>se que <strong>le</strong>ur méditation, formant et<strong>en</strong>richissant l'intellig<strong>en</strong>ce, suffira pour nourrir et ori<strong>en</strong>ter l'action de l'homme.L'art pédagogique consiste à hisser l'<strong>en</strong>fant (contre v<strong>en</strong>ts et marées) au niveaudes grandes œuvres, à l'am<strong>en</strong>er à <strong>en</strong> assimi<strong>le</strong>r la substance. L'<strong>en</strong>fance n'aaucune va<strong>le</strong>ur particulière; el<strong>le</strong> vaut dans la mesure où, d'avance, el<strong>le</strong> témoignede l'âge adulte.M. Bloch a raison d'affirmer que votre pédagogie est radica<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t inconciliab<strong>le</strong>avec cel<strong>le</strong> d'Alain. Chez Alain, l'éducation se réalise nécessairem<strong>en</strong>t dansla contrainte, car il · faut faire vio<strong>le</strong>nce à l'<strong>en</strong>fant pour l'am<strong>en</strong>er aussi tôt quepqssib<strong>le</strong> à la maturité adulte. Chez vous, au contraire, l'éducation n'est possib<strong>le</strong>que dans un climat de liberté qui peimette à la vie de s'épanouir dans saprofusion et son originalité. Le dialogue <strong>en</strong>tre <strong>le</strong>s discip<strong>le</strong>s d'Alain et <strong>le</strong>s militantsde l'Eco<strong>le</strong> Moderne n'est pas pour demain. Un abîme <strong>le</strong>s sépare: unevision tota<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>te du monde <strong>en</strong>fantin, du s<strong>en</strong>s de l'<strong>en</strong>fance, et dela fonction du « maître ». Pour Alain, l'autorité du maître n'est que <strong>le</strong> ref<strong>le</strong>tde l'autorité des Maîtres de l'Art et de la P<strong>en</strong>sée. Pour vous, il ne peut y a<strong>voir</strong>d'autorité que dans la mesure où la Prés<strong>en</strong>ce du maître est reconnue parl'<strong>en</strong>fant dans sa dim<strong>en</strong>sion d'accueil, de compréh<strong>en</strong>sion. Le maître n'ordOnIie'pas, mais il suscite l'effort et l'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>t. Pour vous <strong>en</strong>core (comme pourRousseau), chaque période de l'<strong>en</strong>fance possède sa perfection propre. Sansdoute l'<strong>en</strong>fance reste-t-el<strong>le</strong> ouverte sur l'âge adulte. Mais <strong>le</strong> passage s'effectuede crise <strong>en</strong> crise, de mutation <strong>en</strong> mutation. Pour atteindre à la perfection del'âge adulte, il faut s'être <strong>en</strong>foncé au cœur de l'<strong>en</strong>fance et au cœur de l'ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>ce.A brû<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s étapes, on n'aboutit qu'à une intel<strong>le</strong>ctualisation forc<strong>en</strong>ée.Pas de maturité affective pour celui qui n'a pas vécu int<strong>en</strong>sém<strong>en</strong>t l'innoc<strong>en</strong>ceet la naïveté de l'<strong>en</strong>fance; l'<strong>en</strong>thousiasme et la pudeur de l'ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>ce. Innoc<strong>en</strong>ce,naïveté, <strong>en</strong>thousiasme, pudeur - ces dim<strong>en</strong>sions de l'affectivitécherch<strong>en</strong>t à s'exprimer. Mais qui <strong>le</strong>ur <strong>en</strong> donne l'occasion? Le rationalismed'Alain et de ses discip<strong>le</strong>s ne voit là qu'infantilisme à combattre et éliminer.(Langage de grandes personnes qui ont, à jamais, coupé <strong>le</strong>s ponts avec <strong>le</strong>ur<strong>en</strong>fance et ne la reconnaiss<strong>en</strong>t plus.)L'<strong>en</strong>fant connaîtra la p<strong>en</strong>sée adulte, il <strong>en</strong> reti<strong>en</strong>dra quelque chose. Mais, àtravers · toute son <strong>en</strong>fance et toute son ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>ce, jamais il n'aura l'occasionde s'éprouver comme une force créatrice; jamais il ne fera l'expéri<strong>en</strong>ce delui-même comme d'un être original, riche de possibilités esthétiques et pra ti-11