nib<strong>le</strong> pour tout autre amour. Ce qu'il est important de saisir ici, c'est la placedé la Mère"Eau. El<strong>le</strong> forme vraim<strong>en</strong>t <strong>le</strong> nœud du drame. Narcisse s'~ppàrait àtravers el<strong>le</strong>; plus exactem<strong>en</strong>t, ce qui lui apparaît, c'est la Mère dev<strong>en</strong>ue sonvisage: souriante effloresc<strong>en</strong>ce au plus profond de la mémoire (1). Il Y a, id<strong>en</strong>tificationpsychique de Narcisse à la Mère et fixation de l'Eros (2) à l'image de, la Mère. Enfin, l'amour sans issue se manifeste comme lié à la mort,; <strong>en</strong>g<strong>en</strong>drantla mort par impuissance, <strong>en</strong>gourdissem<strong>en</strong>t, sommeil intra"utérin, extinc~ion que symbolise la noyade.Il est caractéristique que tant de poèmes ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>ts évoqu<strong>en</strong>t', plus oumoins explicitem<strong>en</strong>t la mort par noyade. Et cette mort apparaît 'comme larançon d'un impossib<strong>le</strong> amour :« C'est pour toi que j'ai cherchéL'eau verte de l'étangOù je me suis noyé.Mais, maint<strong>en</strong>ant, là-hautJe peux te regarder. » (p. 89)« L'<strong>en</strong>fant des ruesL'<strong>en</strong>fant de personneIl est parti se noyerdans l'étang!» (p. 160)« Je suis restéDans <strong>le</strong>s flotsComme un <strong>en</strong>fant dans son berceàu-: .. » (p. 206)L'exist<strong>en</strong>ce juvéni<strong>le</strong> nous apparaît bi<strong>en</strong> comme une exist<strong>en</strong>ce tragique:épouser la Mère, c'est <strong>le</strong> péché, <strong>le</strong> refus de se pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> charge et la mort :r<strong>en</strong>oncer à la Mère, c'est se trouver jeté là brusquem<strong>en</strong>t dans un' mondeinhospitalier où tout doit être construit par soi-même; c'est s'arracher à ladouceur sans mémoire, à la bi<strong>en</strong>faisance d'un temps sans passé, sans, Histoire :, c'est accepter l'irréversib<strong>le</strong>, s'assumer, vivre - mais quel<strong>le</strong> nuit pire que lamort 1(1) Cf. FREUD: «Un souv<strong>en</strong>ir d'<strong>en</strong>fance de Léonard de Vinci l) (N.R.F.: Freudanalyse, <strong>en</strong>tre autres, <strong>le</strong> thème du sourire dans l'œuvre de Léonard. Parlant du Saint Jeanei: du Bacchus. il note: «Ce sont de beaux jeunes g<strong>en</strong>s d'une délicatesse féminine, auxformes efféminées ; ils ne baiss<strong>en</strong>t pas <strong>le</strong>s yeux mais nous regard<strong>en</strong>t d'un regard mystérieusem<strong>en</strong>tvainqueur, comme s'ils connaissai<strong>en</strong>t un grand triomphe de bonheur que l'ondoit taire; <strong>le</strong> sourire <strong>en</strong>sorce<strong>le</strong>ur que nous connaissons laisse deviner qu'il s'agit d'unsecret d'amour. ,Peut-être Léonard a-t-il désavoué et surmonté, par la force de l'art, <strong>le</strong>malheur de sa vie d'amour <strong>en</strong> ces figures qu'il créa, ,et où une tel<strong>le</strong> fusion bi<strong>en</strong>he~eusede l'être mâl~ avec l'être féminin figure la réalisation des désirs de l'<strong>en</strong>fant autrefois- fasciné par la mère.» (C'est nous qui soulignons.)(2) Le terme Eros déborde largem<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s impliéations plus strictem<strong>en</strong>t sexuel<strong>le</strong>s duterme Libido.38
· Tel<strong>le</strong> est l'alternative de l'ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>ce. Et l~n compr<strong>en</strong>d (3) qu'el<strong>le</strong> incite à,la gravité, à l'iso<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t et au si<strong>le</strong>nce. L'ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>t est <strong>en</strong> proie à l'ombre, etJJ,Oll , seu<strong>le</strong>:r;ne~t parce que, l'ombre abolit <strong>le</strong>s contours et dilate l'espace, maisplirce qu'el<strong>le</strong> nous ramène à nous-mêmes et nous r<strong>en</strong>d plus s<strong>en</strong>sib<strong>le</strong>s à ·,notrepropre mystère. L'ombre, c'est l'espace de la participation diffuse, Pespace dusein maternel. Et tantôt brûlante. Et tantôt glacia<strong>le</strong>." . Lê dev<strong>en</strong>ir de l'ado<strong>le</strong>scénce consiste à cheminer à travers cette ~mbr~, à s'yégarer peut-être une bonne fois, condition pour que notre émerg<strong>en</strong>ce puisseêtre dite auth<strong>en</strong>tique (4). De l'autre côté de .l'ombre, mais à travers el<strong>le</strong>, nous'