Intervention d'Anne-Sylvie SOUDOPLATOFF,Magistrate, chargée de mission à l'Observatoire nationalde l’enfance en danger (ONED)Avant d’aborder le thème d’aujourd’hui, je vais rapidement présenter l’Observatoire national del’enfance en danger (ONED) :L'ONED a été créé en 2004 pour pallier les difficultés à disposer en France d’éléments deconnaissance sur <strong>la</strong> protection de l’enfance. Il a été rattaché au Groupement d'intérêt public (GIP)enfance maltraitée, devenu Groupement d'Intérêt public "enfance en danger" (GIPED), qui gère le119. Le conseil d’administration du GIP est représentatif de l’ensemble des institutions concernéespar <strong>la</strong> protection de l’enfance, c'est-à-dire les départements, l’État et le monde associatif.Très rapidement, les missions principales de l’ONED sont les suivantes :- l’ONED vient en appui des partenaires concourant dans le champ de <strong>la</strong> protection de l’enfance,- il tente d’améliorer <strong>la</strong> connaissance de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’enfants en danger par <strong>la</strong> mise encohérence des données chiffrées existantes,- il recense les actions innovantes re<strong>la</strong>tives à <strong>la</strong> protection de l’enfance (et produit des fiches surces dispositifs disponibles sur le site internet),- il développe les études et recherche (notamment par des appels d’offres annuels en matière derecherche, des journées d’étude, etc. …) et enfin,- il a pour mission de diffuser et faire circuler des informations. Ainsi, sur le sitehttp://www.oned.gouv.fr on trouve en bandeau 5 espaces thématiques : dispositifs et pratiques,données chiffrées, documentation, études et recherches, et ressources juridiques. La loi du 5 mars 2007 réformant <strong>la</strong> protection de l’enfanceLa question de l’articu<strong>la</strong>tion entre <strong>la</strong> protection administrative et <strong>la</strong> protection judiciaire trouve sonfondement dans le principe de subsidiarité de l’intervention judiciaire qui constitue un des axes de<strong>la</strong> loi du 5 mars 2007. Cette subsidiarité a pour vocation de renforcer <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce du Président duConseil général dans sa mission de protection de l’enfance en faisant en sorte que les mesures endirection des enfants en danger ou en risque soient préa<strong>la</strong>blement mises en œuvre par leDépartement, renvoyant au judiciaire les situations dans lesquelles l’intervention administrativen’est pas possible ou n’est pas opérante. Elle a donc nécessairement des impacts sur les pratiquesprofessionnelles et les p<strong>la</strong>ces des uns et des autres.Après avoir donné quelques éléments sur le critère d’intervention en protection de l’enfanceadministrative ou judiciaire (à savoir le danger ou risque de danger) qui a été réaffirmé commecommun aux champs administratif et judiciaire, je vais ce matin m’appesantir sur les effets de <strong>la</strong>loi sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce des magistrats dans cette nouvelle configuration. Rappel historiqueL’ordonnance du 23 décembre 1958 disposait de façon générale que le juge des enfants acompétence pour prononcer toute mesure de protection et d’éducation à l’égard des mineurs dont"<strong>la</strong> santé, <strong>la</strong> sécurité, <strong>la</strong> moralité ou l’éducation sont gravement compromises*". Ce textedissociait l’enfance en danger de l’enfance inadaptée et sortait des catégories d’enfants définisdans différents textes légaux (vagabonds, prostitués, enfants faisant l’objet d’une correctionpaternelle ou enfants victimes dont le parent avait fait l’objet d’une déchéance de l’autoritéparentale …) pour approcher l’enfant sous le seul angle du danger. <strong>De</strong> façon complémentaire, ledécret du 7 janvier 1959 créait un dispositif administratif de <strong>la</strong> protection de l’enfance qui intégraitles mesures de prévention dans le Service de l’aide sociale à l’enfance (ASE).* Ces termes étaient employés depuis <strong>la</strong> loi du 24 juillet 1889.2 ème journée départementale de <strong>la</strong> protection de l’enfance – 9 juin 2011 17
Le directeur départemental de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion et de l’aide sociale était chargé d’exercer une actionsociale préventive auprès des familles dont les conditions d’existence risquaient de mettre endanger <strong>la</strong> santé, <strong>la</strong> sécurité ou <strong>la</strong> moralité de leurs enfants. La ligne de partage entre autoritéjudiciaire et autorité administrative se fait alors entre danger et risque de danger, le directeurdépartemental devant susciter de <strong>la</strong> part des parents toutes mesures utiles.La loi n°89-487 du 10 juillet 1989 re<strong>la</strong>tive à <strong>la</strong> prévention des mauvais traitements à l’égard desmineurs et à <strong>la</strong> protection de l’enfance va cependant brouiller les lignes de cette répartition. Eneffet, elle a en fait promu le principe d’une subsidiarité de l’intervention judiciaire (le Président duConseil général avise sans dé<strong>la</strong>i le Procureur de <strong>la</strong> République si <strong>la</strong> situation est impossible àévaluer ou si <strong>la</strong> famille refuse manifestement d’accepter l’intervention des services de l’aidesociale à l’enfance – article 69 du code de l'action sociale et des familles (CASF)). En revanche,elle concerne les mineurs victimes de mauvais traitements ce qui est plus restrictif que <strong>la</strong> notionde danger qui demeure parallèlement le critère d’intervention du juge des enfants au titre del’article 375 du code civil.Mais il est intéressant toutefois de repérer que <strong>la</strong> loi de 2007 s’inscrit (sur <strong>la</strong> question de <strong>la</strong>subsidiarité) dans <strong>la</strong> continuité de <strong>la</strong> loi de 1989.L’articu<strong>la</strong>tion d’une protection administrative, qui plus est décentralisée, et d’une protectionjudiciaire de l’enfance, inscrites l’une et l’autre dans des textes différents, a été repensée par <strong>la</strong> loi2007-293 du 5 mars 2007 : le juge des enfants intervient lorsque l’enfant est en danger etparallèlement l’information préoccupante porte sur un mineur en danger ou en risque. La notiond’intervention en protection de l’enfance est ainsi homogénéisée.La notion de danger fait partie des concepts flous du droit c'est-à-dire que son contenu n’est pasprécis et renvoie à des critères qu’il conviendra d’apprécier au cas par cas (elle renvoie donc àl’évaluation de <strong>la</strong> situation), ces critères étant susceptibles d’évoluer selon les conceptions d’uneépoque. La loi par ailleurs a prolongé l’explicitation de <strong>la</strong> situation de danger : l’article 375 disposedorénavant que si <strong>la</strong> santé, <strong>la</strong> sécurité ou <strong>la</strong> moralité d’un mineur sont en danger ou si lesconditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sontgravement compromises, le juge des enfants peut ordonner des mesures d’assistance éducative.<strong>De</strong>ux éléments sont à noter sur ce point :1) La question du développement fait écho à l’autorité parentale – cf. 371-1 du code civildans son écriture de <strong>la</strong> loi du 4 mars 2002 : "Elle appartient aux père et mère jusqu'à <strong>la</strong> majoritéou l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pourassurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne". Cettenotion de développement s’inscrit dans <strong>la</strong> philosophie de <strong>la</strong> Convention internationale des droitsde l'enfant (CIDE).2) Par ailleurs, les travaux parlementaires renvoient c<strong>la</strong>irement sur ce point à <strong>la</strong> questionde l’évaluation de l’enfant : c’est l’évaluation du développement physique, affectif, intellectuel etsocial qui permettra d’apporter des éléments concrets concernant <strong>la</strong> situation de danger del’enfant.Cette approche permet de prendre en compte non seulement les préoccupations concernant lecontexte de vie de l’enfant mais également les effets éventuels sur son développement.Avec <strong>la</strong> loi du 5 mars 2007, les notions de risque d’un côté et de danger de l’autre n’ont plus lemême impact au sens où elles ne fondent plus <strong>la</strong> compétence administrative ou judiciaire enprotection de l’enfance. La protection administrative a vocation à être mise en œuvre dans le casde risque ou de danger, sous réserve de l’accord des parents. En effet, c’est <strong>la</strong> question de <strong>la</strong>capacité ou non de col<strong>la</strong>borer de <strong>la</strong> famille, ou de son accord ou opposition à toute évaluation ouaction qui détermine le passage d’une situation de danger de <strong>la</strong> sphère administrative à <strong>la</strong> sphèrejudiciaire, le risque restant toujours dans le champ de <strong>la</strong> compétence administrative.2 ème journée départementale de <strong>la</strong> protection de l’enfance – 9 juin 2011 18