Intervention de Martine PINVILLE,Députée de <strong>la</strong> CharenteLe sujet que nous abordons aujourd’hui, l’articu<strong>la</strong>tion entre <strong>la</strong> protection administrative et <strong>la</strong>protection judiciaire, est un sujet éminemment important et, il faut bien le dire, sensible.Par ailleurs, <strong>la</strong> barrière entre protection de l’enfance et libertés individuelles est un thème quimérite que l’on puisse définir une ligne de partage juridique au delà de <strong>la</strong>quelle on ne doit pass’aventurer.Sur ces sujets, je ferai un premier constat.L’action publique, dans le domaine de <strong>la</strong> protection de l’enfance, quelle soit administrative oujudiciaire, est souvent source d’incompréhension pour les familles et parfois les enfants.Permettez-moi, à cet instant, d’ouvrir une parenthèse.Trop souvent, l’action publique, de part ses décisions, est vécue de manière coercitive en termesde liberté publique. La difficulté pour trouver une frontière acceptable entre prévention etrépression nous montre que l’action publique peut rapidement être incomprise alors que le butrecherché fait consensus.Or, nous le savons, quel que soit le domaine, une décision doit être comprise, ou, tout du moins,admise par les personnes auxquelles elle s’applique. Il me semble que les situations nées desdifférents stades de perte de l’autorité parentale peuvent illustrer mon propos. Que ce soit dans lecas d’assistance éducative, de délégation de l’autorité parentale, ou de retrait de l’autoritéparentale, le ressenti des parents est souvent douloureux.On peut se féliciter, à ce titre, que les différentes réformes de procédure, qui ont permis auxparents d’avoir accès aux dossiers, permettent de meilleurs sentiments de compréhension.Et il faut aussi le dire, les juges déploient beaucoup de pédagogie à destination des familles. C’estcet effort, j’oserai dire "pédagogique" qu’il faut peut-être plus favoriser, généraliser.Pour aller plus loin, il me semble que nous devrions privilégier une approche personnalisée de <strong>la</strong>re<strong>la</strong>tion entre les professionnels intervenant dans le domaine de <strong>la</strong> protection de l’enfance et lesfamilles. Je ne suis pas là en train de vous dire que ce<strong>la</strong> n’est pas le cas aujourd’hui. Non, j’ai eu,lors de <strong>la</strong> discussion sur <strong>la</strong> proposition de loi sur le suivi des enfants en danger par <strong>la</strong> transmissiondes informations à l’Assemblée nationale, à m’exprimer sur ce sujet.Comme vous le savez, <strong>la</strong> protection de l’enfance est de <strong>la</strong> compétence du Président du Conseilgénéral et <strong>la</strong> loi du 5 mars 2007 a renforcé son rôle central dans le recueil des informationspréoccupantes, <strong>la</strong> prise en charge des enfants en danger et les re<strong>la</strong>tions avec le parquet.Cependant, les services sociaux constatent régulièrement que des familles faisant l’objet demesures éducatives ou d’enquêtes sociales consécutives à un signalement d’enfant en danger,déménagent sans <strong>la</strong>isser d’adresse. Cette faille de notre système de protection de l’enfance estbien connue de certaines familles maltraitantes qui, pour certaines, trouvent dans l’itinérance unmoyen d’échapper aux services sociaux départementaux dès lors qu’elles se savent signalées ouqu’elles refusent les mesures de suivi. Bien entendu, cette attitude qui peut s’apparenter à unefuite, n’est pas généralisée mais il était de notre devoir, en tant que légis<strong>la</strong>teur d’y répondre.Dépôt d’une proposition de loi, étude en commission, puis passage en séance, tel est, dans cescas là, notre démarche parlementaire. Je me dois également ici de préciser qu’une fois une loiadoptée, son application tient en réalité à <strong>la</strong> publication des décrets correspondants. Au mois dejanvier, quand nous avons examiné cette proposition de loi, certains décrets d’application de <strong>la</strong> loide 2007 n’avaient toujours pas été publiés. Pour être tout à fait complète, il est important de voussignaler que nous devons trop souvent légiférer dans l’urgence. Cette proposition de loi nous futprésentée, en commission, le 21 décembre 2010 et nous en avons débattu, en séance, le 13janvier 2011. Pour ma part, je considère qu’il aurait été préférable de pouvoir engager unevéritable concertation avec les acteurs que vous représentez.Cette proposition de loi visait à conférer au Président du Conseil général <strong>la</strong> responsabilité d’obtenir<strong>la</strong> nouvelle adresse d’une famille qui a changé de département et dont l’enfant a fait l’objet d’unsignalement et de <strong>la</strong> transmettre à son homologue du département d’accueil.2 ème journée départementale de <strong>la</strong> protection de l’enfance – 9 juin 2011 39
Lors de débats, j’ai défendu l’idée qu’il fal<strong>la</strong>it établir une distinction entre une situationd’accompagnement acceptée par <strong>la</strong> famille, ce qui est le cas pour un certain nombre d’entre elles,et celui où <strong>la</strong> famille ne participe pas.Face à cette seconde hypothèse, soit le danger est avéré, et le cas relève d’une protectionjudiciaire, soit il ne l’est pas, et il faut alors évaluer chaque situation de manière particulière.C’est ce type de distinction que j’évoquais au début de mon propos lorsque je par<strong>la</strong>is d’approchepersonnalisée.Lors de nos travaux légis<strong>la</strong>tifs, nous avions à respecter un droit fondamental que nous ne devionspas mettre en péril. Celui de <strong>la</strong> "liberté d’aller et venir" qui est, par définition, une libertéindividuelle. Mais nous avions également à prendre en compte le devoir d’établir un suivi d’unenfant qui avait fait l’objet d’un signalement au nom de <strong>la</strong> protection de l’enfance.Enfin, par cette proposition de loi, pour ma part, j’aurais été favorable à <strong>la</strong> définition deréférentiels nationaux qui auraient constitués des outils nouveaux pour les départements. Peutêtreaurait-il été opportun, par exemple, d’établir une grille déterminant les informations àcommuniquer en fonction du signalement, car il n’est pas forcément nécessaire de transmettrel’ensemble des informations dans toutes les situations.Mon sentiment, pour aboutir à ce point d’équilibre, est, et je connais l’ampleur de <strong>la</strong> tâche, depouvoir établir des distinctions, face à chaque situation, de manière à respecter les libertésindividuelles, comme celle que j’évoquais précédemment, tant que l’enfant ne se retrouve pas endanger.2 ème journée départementale de <strong>la</strong> protection de l’enfance – 9 juin 2011 40